« Nouvelle coalition », « union nationale », « accord de gouvernement » et autres formules de compromission qui mènent à l’impasse et au chaos (pour Atlantico)

Dans un entretien au Figaro, Édouard Philippe a lancé un appel à une nouvelle “coalition” pour “stabiliser le jeu politique”, d’une gauche sociale-démocrate à une droite gaulliste. Emmanuel Macron a indiqué dans son interview de ce mercredi qu’il souhaitait effectivement que la Première ministre puisse bâtir un “élargissement de la majorité dans les semaines à venir”, “avec les femmes et les hommes de bonne volonté qui de droite et de gauche sont prêts sur les priorités que j’ai fixées à avancer avec elle”. Comment considérer ce projet de vraie fausse union nationale ? 

Les termes d’union nationale ne sont pas adaptés à ce projet. Car dans l’esprit d’Edouard Philippe, cette coalition n’a pas vocation à intégrer les deux oppositions Nupes et RN qui représentent la moitié de l’électorat. La proposition de l’ancien Premier ministre recouvre l’idée d’un « accord de gouvernement » entre les macronistes et LR. Dans son esprit, l’objectif est d’achever le processus à l’œuvre depuis 2017 de ralliement de la droite modérée au macronisme, qu’il a lui-même initié avec Bruno Le Maire, Gérald Darmanin, avant d’être rejoint par Eric Woerth. De nombreuses personnalités de droite importantes ont appelé à un accord de gouvernement, en particulier M. Sarkozy, M. Copé, M. Raffarin et Mme Dati. En outre, les prises de position passionnées de plusieurs membres importants de LR, tels M. Ciotti ou M. Retailleau, en faveur du report de l’âge de la retraite à 64 ans, une mesure emblématique de la campagne de 2022 du président Macron, vont dans le même sens bien que les intéressés s’en défendent. Les propos de M. Philippe accompagnent ainsi une tendance très lourde de la vie politique française.

– Ce projet ne risque-t-il pas d’aboutir à affaiblir encore un peu plus les institutions et à une forme de dépolitisation ? 

Faute d’une véritable union nationale, ce projet aboutirait à constituer une « troisième force » sur le modèle du début de la IVe République, de 1947 à 1951, quand les partis de gouvernements, la SFIO (socialiste) et le MRP (démocrate-chrétien) formaient une coalition centrale d’où étaient issus les différents gouvernements,  harcelée à gauche par le parti communiste et à droite par le RPF du général de Gaulle. M. Philippe et les grands leaders de la droite LR veulent constituer cette « troisième force » en pensant qu’elle permettra à la droite de revenir au pouvoir. Dès lors que M. Macron ne peut pas se représenter en 2027, ils font le pari que le futur président de la République qui émergera de cette « troisième force », opposé au second tour à Mme le Pen ou M. Mélenchon, sera un homme de la droite LR, ouvrant la voie à un retour de la droite au pouvoir. Mais cette vision ne tient pas compte de la faillite du macronisme dans tous les domaines (financiers, économiques, sociaux, sanitaires, éducatifs, sécuritaires, migratoires) et sa vertigineuse impopularité qui ne peut que s’aggraver dans les 4 ans qui viennent. Cette « troisième force », enchaînant la droite LR à l’impopularité du macronisme, serait probablement vouée à l’abîme dans les années qui viennent, ouvrant la voie à un tête à tête entre le RN et la Nupes. D’ailleurs, il est possible que la Nupes (ou équivalent) en sorte victorieuse.

– Pourquoi le chef de l’Etat ne perçoit pas que stabiliser le jeu politique ne se fera jamais en ayant recours au saint-simonisme, à « l’expertise » ou à une vague « bonne » volonté mais bien à travers la nécessité de reconstruire des offres politiques cohérentes ?

Il me semble que le chef de l’Etat avait annoncé la couleur et exprimé sa conception du pouvoir en 2017 quand il se présentait en président « Jupiter ». Jupiter est le roi des dieux celui qui brandit la foudre. Sa conception du pouvoir est verticale et personnalisée à l’extrême. Il ne semble pas attacher une grande importance aux partis politiques ni aux syndicats ou autres structures intermédiaires comme les collectivités locales. La différence avec le général de Gaulle, c’est que pour ce dernier, le pouvoir émanait d’une osmose entre le « chef » et le peuple, par-delà les corps intermédiaires. Chez le président Macron, la volonté ou les inquiétudes populaires n’ont en revanche guère d’importance. Dans sa vision, lui-même et son entourage immédiat forment une élite éclairée, détentrice de la vérité et chargée de faire le bien du peuple malgré lui comme nous le voyons sur les retraites. Dans ce schéma, les corps intermédiaires n’existent qu’au service de sa volonté et les états d’âme du peuple sont nuls et non avenus. Le chef de l’Etat, concevant sa mission comme celle d’un guide éclairé d’une intelligence supérieure, l’idée de reconstruire des offres politiques cohérentes ne lui vient même pas à l’esprit.

– Quel est le danger politique pour Emmanuel Macron derrière ce projet de coalition ?

Le risque de ce projet de coalition pour le chef de l’Etat dans les quatre années qui viennent serait d’être marginalisé et de devenir un président de cohabitation. Cela pourrait arriver s’il nommait un Premier ministre issu de LR, ayant un fort caractère et une vision politique de l’avenir, déterminé à réaliser un projet politique de réconciliation des Français et qui deviendrait populaire. Ce risque est toutefois réduit. D’abord, un tel profil semble aujourd’hui inexistant parmi les leaders de la droite LR. Ensuite, le parti de droite est fortement minoritaire à l’Assemblée aux côtés de Renaissance et serait donc en position de faiblesse dans une coalition. En réalité, le risque n’est pas pour le président Macron, il est pour la France. La perspective de voir arriver au pouvoir la Nupes ou une gauche extrémisée, en réaction contre le mépris de classe incarné par le macronisme et à la faveur d’un duel contre le lepénisme, est l’hypothèse la plus vraisemblable en cas d’absorption de la droite modérée par le macronisme. Aujourd’hui, le seul espoir d’éviter cette catastrophe est de refonder une opposition de droite modérée crédible.

MT  

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L’explosion du 23 mars

450 policiers et gendarmes blessés, des centaines d’arrestations, les événements d’hier soir sont d’une extrême gravité que la tonalité générale médiatique a tendance à sous-estimer. Paris est couvert de montagnes d’immondices. Les émeutiers ont incendié les gigantesques tas d’ordures accumulés dans les rues de la capitales, les flammes et des colonnes de fumées s’élevaient à l’horizon. Dans toute la France, les manifestation rassemblant des centaines de milliers de salariés, de lycéens et étudiants ont dégénéré en émeutes, provoquant des incendies et des destructions. Les transports et les raffineries sont bloqués et l’essence risque de manquer. Sous peu, l’économie sera paralysée. Le pays se désintègre sous nos yeux. Nous allons vers un nouveau mai 68 (comme cela a été dit à maintes reprises dans ces pages) mais sans Pompidou pour en sortir. L’image que donne la France à l’étranger est celle d’un pays en train de brûler. L’effondrement a pour origine un projet de réforme dont nous savons, sans le moindre doute possible, par-delà les vagues de mensonges, qu’il est parfaitement inconsistant, inutile et injuste. Cette situation n’est rien d’autre que le fruit d’une dérive mégalomaniaque et du jeu des courtisans et des lâches qui l’ont encouragée ou laissé faire quand ils pouvaient s’y opposer. C’est tout un système fondé sur la sublimation de l’hubris et l’anéantissement de la force de caractère et d’intelligence qui empoisonne aujourd’hui la France.

MT

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Le fond du problème, c’est de cesser de se moquer du monde

« Réforme des retraites : Edouard Philippe met en garde contre « l’immobilisme » et prône une coalition élargie ». L’homme qui parle ainsi est l’ancien Premier ministre dont l’une des premières décisions après son arrivée à Matignon en 2017 fut de céder aux zadistes en Loire-Atlantique et de renoncer à la construction d’un aéroport devant la violence. Puis il a mis le feu au pays pendant plus d’un an, déclenchant le mouvement des Gilets Jaunes avec sa taxe carbone, avant de la retirer platement. Mais trop tard… C’est le même qui a imposé l’Absurdistan liberticide et bureaucratique au pays avec ses confinements, couvre-feu, interdictions de forêts et de plages, au prétexte du covid19. Et comment ne pas être écœuré en ce moment par la vague de mensonges que vient de subir le pays au sujet de la réforme des retraites. Le mot d’ordre politicien: cette réforme est « vitale » pour la France pue le mensonge. Il suffit d’ouvrir les yeux dix secondes: derrière le chiffon rouge des « 64 ans » cette réforme est absolument inexistante, creuse, insignifiante, en dehors de quelques brimades envers les travailleurs manuels ou peu diplômés qui ont commencé avant l’âge de 21 ans. Le sens unique de cette réforme est celui d’un conflit entre la caste politicienne et le pays profond, méprisé, déboussolé, humilié. Rien n’est plus lamentable que de déchirer une fois de plus le pays pour une réforme aussi illusoire. Les politiques de tout rang se cherchent: réformes ou immobilisme? Quel avenir pour les partis? quelle formule de gouvernement: En réalité, ce n’est pas si compliqué: commencez par arrêter de mentir au pays et de le mépriser. Arrêtez de vous moquer de nous.

MT

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La déconstruction de la démocratie française est à la source du chaos social

La démocratie consiste à traiter les conflits d’une société dans le cadre du débat démocratique et du principe majoritaire: le parlement vote et la minorité accepte la règle de la majorité. Ce principe n’est certes pas le garant de la paix civile mais il y contribue. En refusant le vote à l’Assemblée sur la réforme des retraites à l’Assemblée (après avoir beaucoup promis qu’il s’y tiendrait), l’exécutif lui a tourné le dos. Les arguments utilisés marquent une fuite en avant dans la contre-vérité. L’idée selon laquelle cette réforme absolument insignifiante serait inévitable pour sauver les retraites et les équilibres financiers du pays ne résiste pas une seconde à l’analyse [cf nombreux billets précédents]. Elle se présente comme l’un des pires mensonges envers le pays – depuis les mesures liberticides de l’Absurdistan sanitaire tel le passe vaccinal. Les 64 ans ne sont rien d’autre que le paravent d’un vide sidéral et le chiffon rouge du matador. En refusant le vote démocratique, par l’usage de l’article 49-3, le pouvoir politique se protège, comme enfermé dans sa tour d’ivoire. Il esquive le risque d’une défaite qui ne mettrait pas en cause son maintien mais viendrait écorner encore un peu plus son image: insupportable à ses yeux dans un monde où l’autosatisfaction, la vanité et l’arrogance écrasent toute autre considération. Mais en revanche, il favorise, alimente et propage une violence anarchique qui gangrène le pays et empoisonne sa vie quotidienne. La tranquillité d’en haut, dans les palais de ce qu’il est convenu, à tort, d’appeler une République, se paye par l’humiliation, le chaos et la souffrance d’en bas, des habitants de ce pays. Quant à la motion de censure, sauf surprise, elle a tout l’allure d’une affaire pliée d’avance grâce aux manœuvres de coulisse. Rarement l’impression d’une petite caste qui arrange ses intérêts sur le dos de la Nation n’aura été aussi profonde. Rarement le monde politicien n’aura livré une telle impression de déni démocratique, de lâcheté, de mépris et de félonie. En sont-ils conscients? Faut-il voir dans tout cela de la bêtise ou du cynisme, ou un mélange des deux?

MT

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Sur l’avenir de la droite LR après la crise des retraites (pour Atlantico avec M. Bruno Jeanbart)

Quel est l’état des lieux sur les divisions, aussi bien humaines que stratégiques ou encore idéologiques ?

La droite dite classique ne se remet pas de ses derniers échecs, notamment les 4,8% de Mme Pécresse, alors qu’au premier tour de 2007, Nicolas Sarkozy atteignait 34%… La pente est raide. Dès lors, trois stratégies de survie sont aux prises. La première, celle de l’ancienne école formée des leaders des années 2002-2012 Sarkozy, Copé, Raffarin, etc. consiste à s’allier au macronisme en souhaitant un « accord de gouvernement ». La seconde, la génération intermédiaire, montée en puissance depuis 2012, avec M. Ciotti, M. Retailleau ou M. Marleix, se réclame de « l’opposition constructive », appelée à soutenir la majorité présidentielle au cas par cas. En s’engageant, sur un mode volontariste, en faveur de la réforme des retraites, considérée par les macronistes comme « la mère des réformes », elle se rapproche (même si elle s’en défend) d’une solution de convergence. La troisième est celle de la génération montante ou des frondeurs qui sont une vingtaine à l’Assemblée nationale et s’en tiennent à une opposition ferme et déterminée.

La demande de réforme est pourtant présente dans l’électorat. Pourquoi Les Républicains se sont-ils déchirés sur la question ?

Les clivages ne sont plus du même ordre que ceux qui ont longtemps rongé la droite LR. La confrontation idéologique entre pro et anti-maastrichtiens (Alain Juppé contre Philippe Séguin) s’est effacée avec la disparition des débats d’idées. De même la bataille d’egos (comme celle qui opposa les deux François, Copé et Fillon en 2012) a perdu de sa vivacité : un parti en danger de mort ne peut plus se permettre d’afficher des haines intestines. Désormais, dans une logique de survie, la divergence porte sur la stratégie à adopter dans la perspective des prochaines échéances électorales, notamment en 2027. Les partisans d’une convergence avec le macronisme (formelle ou masquée), espèrent reconstituer à leur profit une puissante formation centrale issue de Renaissance et de LR, qui s’imposerait naturellement, d’après leurs calculs, contre la gauche Nupes et la droite RN. En revanche, les partisans d’une opposition ferme, y compris sur les « 64 ans » entendent rebâtir la droite classique en s’appuyant sur l’impopularité du président de la République tout en combattant la Nupes et le RN sur le terrain des idées.

Peut-on s’attendre à une nouvelle fuite d’élus LR vers la macronie ?

Non, les ralliements individuels sont peu probables désormais dès lors que la question qui est posée est celle d’un rapprochement global entre la droite classique et la majorité présidentielle. Sur le plan politicien, le président Macron est parvenu à ses fins. Il a fortement affaibli le parti socialiste d’où il vient, le poussant à la radicalisation dans la Nupes. Il est aussi parvenu à déstabiliser la droite classique. La manœuvre de la réforme des retraites relève du grand art. Alors qu’en 2019-2020, il s’opposait fermement au report de l’âge du départ à la retraite à 64 ans (qualifié « d’hypocrite »), il en fit l’étendard de sa campagne de 2022 pour couper l’herbe sous le pied de la candidate LR. Aujourd’hui, le projet de loi sur les 64 ans se traduit par un déchirement fatal de la droite LR dont les macronistes comptent évidemment tirer profit.

La droite a-t-elle intérêt à s’arc-bouter sur le principe de responsabilité (nous défendions la retraite à 65 ans, nous devons donc voter cette réforme) ou à s’arracher à la caricature d’un parti gestionnaire sans souffle et sans idées ?

Dans cette affaire, les leaders de la droite LR manifestent un étrange déficit d’imagination. Ils prétendent donner la priorité à « l’intérêt national » sur les clivages politiques. Or à l’évidence, le totem des « 64 ans », rendu largement inutile par la règle des 43 annuités, sert de paravent à l’insignifiance de cette réforme qui ne règle aucun problème et semble même en rajouter en termes d’équité pour certaines carrières longues (ce point reste étrangement obscur). Le discours de la dramatisation sur les conséquences d’un rejet de cette réforme, qui menacerait l’avenir du régime des retraite, porte l’art du mensonge à un niveau rarement atteint. De même, ils revendiquent un devoir de cohérence par rapport au programme de 2017 et 2022. Mais en quoi serait-il interdit à un parti politique de remettre en question un programme qui à quatre reprises, en comptant les présidentielles et les législatives, a contribué à sa défaite ? Ils prétendent enfin, à travers ce soutien, manifester leur sérieux et sens des responsabilité. De fait, ils soutiennent avec un zèle qui fait froid dans le dos une réforme immensément impopulaire, rejetée par 90% des actifs et qui déchire le pays en l’entraînant dans la violence. A travers ce soutien,  ils montrent leur perméabilité à la mode idéologique sublimant l’arrogance et le mépris envers le peuple.

 Comment imaginer la suite pour LR, même si la loi sur la réforme des retraites passe ?

En se rapprochant du macronisme, les leaders de la droite LR collent à une frange de leur électorat classique, la bourgeoisie fortunée et retraitée, sensible à la figure jupitérienne ou protectrice du président Macron et sa façade autoritaire. Mais en revanche, ils se coupent de l’électorat populaire, le monde du travail, les familles, qu’ils abandonnent à la Nupes, au RN et surtout, à l’abstentionnisme. Ils sous-estiment le rejet populaire du macronisme avec son désastreux bilan (effondrement scolaire, financier, économique, sécuritaire, migratoire, social, sanitaire, énergétique, etc.) La propension des leaders LR à se laisser enchaîner à ce bilan et au naufrage inévitable de la macronie est incompréhensible. C’est bien ce danger que la vingtaine de « frondeurs » à l’Assemblée nationale semble avoir perçu. Par le plus tragique des paradoxes, les idées d’une droite populaire, libérale et patriote, sont probablement majoritaires en France. Le parti LR (avec ses visages familiers) est désormais trop compromis pour espérer les incarner un jour. Et il n’existe sans doute pas d’autres voie possible que l’émergence d’une nouvelle formation avec de nouveaux visages, aussi rassembleuse que possible, destinée à réconcilier la France avec le débat d’idées, la politique et la démocratie.

MT

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Entre le 49-3 à l’Assemblée et le retour du chaos (pour Atlantico, avec M. Christophe Boutin)

La réforme des retraites a donc été adoptée par 49-3 à l’Assemblée nationale. Des motions de censure ont été annoncées dans la foulée. Est-ce une énième crise politique, comme la France en a l’habitude ou une rupture plus profonde ?

Nous sommes sans doute devant bien autre chose qu’une simple une crise sociale. Dans les profondeurs du pays, l’exaspération est extrême. Elle a des causes économiques et sociales bien sûr, l’aggravation de la pauvreté, le chômage, l’inflation qui ronge le pouvoir d’achat et frappe de plein fouet la classe populaire et la classe moyenne. Mais surtout, cette exaspération à des causes mentales. Elle est une réponse au sentiment d’un déni démocratique. En 2017 comme en 2022, la présidentielle n’a pas donné lieu à un débat de société et à des choix politiques, le président étant élu largement par défaut. Le taux d’abstention gigantesque des législatives (46%) a souligné à quel point la population ne se sentait plus écoutée ni représentée.  La réforme des retraites avec sa mesure emblématique des 64 ans, fait l’objet d’un rejet extrêmement profond de la population. L’entêtement ou l’aveuglement des dirigeants politiques à ce sujet engendre un malaise profond dans le pays. Cette impression que le pouvoir politique méprise le peuple est à la source d’un climat explosif. L’usage du 49-3 (après le 47-1 pour bloquer les débats) pourrait être l’étincelle de trop.

Derrière le match Emmanuel Macron et son gouvernement contre l’opposition politique et sociale, dans quelle mesure se joue-t-il le match des Français contre la technocratie ?

Le conflit se situe entre une vaste majorité des Français et une classe dirigeante qui s’incarne dans quelques figures médiatisées au style technocrate poussé à la caricature : arrogance, langue de bois, mépris, indifférence morgueuse…  Pour autant, l’Etat profond (l’administration) n’y est cette fois-ci pour rien. Ce n’est pas lui qui a poussé le pouvoir politique dans cette voie. L’origine est purement politique : les « 65 ans » en guise de programme du président-candidat Macron et  l’acharnement de ce dernier à les mettre en œuvre, déclinés en « 64 ans », dans un objectif de posture autoritaire. Rarement un tel consensus contre le pouvoir politique ne s’est trouvé réuni dans une logique qui surmonte les clivages sociaux et idéologiques – à l’exception de la bourgeoisie fortunée et retraitée.  

Alors que le gouvernement est forcé de recourir au 49-3. A quel point faut-il voir, dans la séquence actuelle, un énième clou dans le cercueil du cercle de la raison ? Une remise en cause du modèle ?

Le pays sombre une nouvelle fois dans l’absurdité.  Cette réforme, en particulier les 64 ans de la discorde, est largement inutile et relève de la provocation. Compte tenu des 43 annuités pour atteindre une retraite à taux plein, les 64 ans pénalisent (injustement) une minorité de personnes qui, ayant fait peu d’études (travailleurs manuels), ont exercé un premier emploi avant l’âge de 21 ans. Or, dans un climat d’extrême confusion, il semble que « les carrières longues » sont partiellement exonérées de la règle des 64 ans (même si des poches d’injustice subsistent). Affirmer dans ces conditions que les 64 ans sont en soi indispensables pour sauver les retraites relève du mensonge grossier. La France se déchire sur une querelle qui relève à bien des égards du chiffon rouge. Bien entendu le modèle politique français, le système présidentiel, est au cœur de la tragédie dès lors qu’il favorise les dérives autocratiques et vaniteuses, la courtisanerie (que l’on voit à l’œuvre notamment dans l’ancienne opposition de droite) et la déconnexion.

Quelles peuvent être les conséquences de la séquence politique actuelle, à la lumière de ces enjeux ?

Il est toujours difficile de prévoir la suite des événements. A court terme, les conditions d’un embrasement paraissent réunies : l’extrême impopularité et discrédit de l’équipe au pouvoir avec une colère qui risque de se focaliser sur l’image du président, le mécontentement social, le quasi consensus populaire dans le rejet, la crise démocratique. Le déclenchement d’événements d’une gravité équivalente à mai 1968 (bien que d’une nature différente) est un scénario plausible même si rien n’est évidemment certain. A long terme, en revanche les choses sont plus claires. Nous allons de toute façon vers une aggravation de l’écœurement, du dégoût de la politique et de la défiance. L’abstention va encore augmenter, dans des proportions vertigineuses ainsi que le vote de colère, aussi bien vers la Nupes que vers le RN. L’effondrement du macronisme est inéluctable. La droite LR, dans sa forme actuelle, est probablement aussi condamnée. En soutenant – avec un zèle qui fait froid dans le dos – la réforme du président Macron elle a largement lié son destin à celui du macronisme. Bien entendu, sur les ruines de la politique française, de nouvelles personnalités, n’ayant pas trempé dans la compromission, peuvent émerger. Mais nous n’en sommes pas là.

MT

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Lecture: le général Delestraint (la Résistance, de l’Armée secrète à Dachau), Jean Bourcart, Perrin 2023

Cette superbe et passionnante biographie du général Delestraint, grand résistant, chef de l’Armée Secrète, met en lumière le parcours d’un héros français méconnu. Cet homme de petite taille, la silhouette mince, le regard clair, est né en 1879 près d’Arras, dans une famille catholique pratiquante.

Ancien élève de Saint Cyr, il y était surnommé « le chien » par ses camarades en raison de sa manière de parler d’une voix forte et autoritaire, recelant une profonde bienveillance. De constitution fragile, il est handicapé pendant sa scolarité par de nombreuses blessures, compensant cette faiblesse par ses performances intellectuelles, en mathématiques comme dans les matières littéraires.

Prisonnier lors de la Grande Guerre, il passera quatre années en captivité. Dans l’Entre-Deux-Guerres, il s’impose comme un spécialiste de l’usage des chars d’assaut et plaide, comme le colonel de Gaulle, pour leur utilisation groupée sous la forme de divisions cuirassées, sans être suffisamment écouté par l’Etat-major.

Personnage plutôt discret, discipliné, toujours très bien noté par ses supérieurs mais pour autant visionnaire et ferme dans ses convictions, indifférent à la politique, il est nommé à la fin des années 1930, général de brigade à Metz à la tête d’un régiment de chars, avec le bouillant colonel de Gaulle sous ses ordres… Les deux hommes sympathisent, échangent et s’entendent, en plein accord sur la nécessité de promouvoir une force blindée indépendante de l’infanterie.

Commandant un bataillon de chars, il est emporté avec toute l’armée française dans la débâcle de juin 1940, sans avoir démérité, contribuant à la réduction de la poche d’Abbeville. Démobilisé, il s’installe à Bourg-en-Bresse, en zone non occupée avec sa famille, où il fréquente des clubs de réflexion sur l’usage des chars d’assaut, réunissant d’anciens militaires français, mais qui servent de prétexte pour parler de l’avenir de la France. C’est à cette occasion qu’il fait la connaissance du capitaine Gastaldo, engagé en Résistance dans le réseau Combat fondé par le capitaine Henri Frenay.

Au début de l’année 1942, il est choisi par Jean Moulin et le général de Gaulle, chef de la France Libre à Londres, pour diriger l’Armée Secrète, destinée à fédérer les moyens de la résistance armée. Delestraint, ou Vidal, son pseudo, a fort à faire: sa mission et de constituer une force militaire clandestine indépendante des grands réseaux Combat, Franc-tireur, Libération dès lors que pour de Gaulle et Moulin, l’Armée Secrète doit être autonome à l’égard de ces mouvements.

Tout en constituant cette Armée Secrète qui comptera environ 50 000 hommes fin 1942, il se heurte donc à des oppositions, notamment celle d’Henri Frenay. Il a pour mission principale de préparer le soulèvement intérieur au jour de la Libération tout en évitant les actes isolés qui entraînent des représailles épouvantables sur les otages et la population. Une partie de la Résistance, notamment communiste est fermement opposée à cette doctrine, prônant au contraire l’action immédiate quel qu’en soit le prix à payer pour les civils. Enfin, il prend part activement aux actions visant à préparer les maquis du Vercors à un soulèvement lors des futurs débarquements alliés.

Cependant en raison des divisions de la Résistance, des imprudences et des négligences, des trahisons, Delestraint est arrêté par la Gestapo au métro la Muette en juin 1943, dix jours avant l’arrestation de Jean Moulin à Caluire. En vérité, le général était recherché depuis longtemps par les Allemands qui connaissaient dans les moindres détails l’organigramme de l’Armée Secrète. Plus que toute autre organisme de la Résistance, l’Armée Secrète inquiétait le commandement allemand du fait de sa connotation militaire.

Interrogé (mais pas torturé, contrairement à Jean Moulin, dès lors que la Gestapo savait à peu près tout sur l’AS), il est enfermé à la prison de Fresne pendant plusieurs mois. C’est dans la foi chrétienne et patriotique qu’il trouve la force de tenir, écrivant à son épouse: Je n’ai agi que par devoir envers Dieu et mon pays, confions nous entièrement à la providence. Déporté à Dachau, au titre du mot d’ordre nazi « Nacht und Nebel » (nuit et brouillard – ou voué à la disparition), il est assassiné par des SS en avril 1945, quelques jours avant la libération du camp par les Alliés.

Voici un beau livre, clair, bien écrit, documenté, vivant, rendant hommage à un héros français, dont je me permets de recommander fortement la lecture.

MT

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Est-il vraiment « irresponsable » de ne pas voter pour l’actuelle réforme des retraites? (pour Atlantico)

Concernant la réforme des retraites, Emmanuel Macron en appelle à la « responsabilité des oppositions », un mot d’ordre devenu un élément de langage pour défendre cette réforme. A quel point la prétention au monopole de la responsabilité est-elle démocratiquement toxique ?

Nous avons aussi l’exemple d’une députée de la majorité présidentielle ayant affirmé dans un tweet que les parlementaires de « l’arc républicain » ne pouvaient pas ne pas voter en faveur de cette réforme. Cette attitude s’explique par le contexte. En l’absence d’une argumentation valable pour faire adopter cette réforme, le pouvoir politique a recours à l’anathème. Si vous refusez de suivre le droit chemin, vous franchissez une ligne rouge pour entrer dans le champ du mal, populiste, complotiste, irresponsable, anti-républicain, aux côtés des maudits que sont le RN et la Nupes. On est dans une logique d’excommunication qui exclut le débat d’idées, la confrontation des arguments. Tout ceci est d’autant plus grave que, selon de multiples enquêtes d’opinion convergentes, 75% des Français et 90% des actifs sont hostiles à cette réforme.  En refusant d’écouter et de prendre en compte cette opposition populaire, les dirigeants politiques donnent un signal de mépris qui n’a guère de précédent à un tel niveau. Tout ceci est évidemment dramatique pour la confiance des Français en la politique et pour l’avenir de la démocratie.

Au vu de ce qu’est actuellement la proposition de réforme des retraites, serait-il véritablement irresponsable de ne pas la voter ?

Pour poser la question autrement : l’existence d’une opposition est-elle encore légitime ? De fait, cette réforme est profondément contestable. Elle repose entièrement sur une mesure totémique : le report de l’âge de la retraite à 64 ans. Or, ce report, sur lequel repose la communication gouvernementale, ne sert quasiment à rien compte tenu de la règle des 43 annuités obligatoires dès lors que l’âge du premier emploi est bien après les 21 ans dans l’immense majorité des cas. L’unique effet des 64 ans sera d’obliger à travailler au-delà de 43 annuités quelques catégories de travailleurs ayant commencé avant 21 ans donc ayant peu fait d’études, souvent des travailleurs manuels (et échappant aux dérogations prévues pour les carrières longues). Inutile, injuste et ne réglant en aucune façon le problème du déficit des régimes spéciaux dont celui de la fonction publique : et il serait irresponsable ou anti-républicain de critiquer cette réforme ? Mais où allons-nous ?

Lorsque l’on regarde le track record de ceux qui se prévalent de la responsabilité, sous ce quinquennat comme les précédents, les “raisonnables” (et notamment le cercle de la raison) l’ont-ils vraiment été ?

Un jour, il faudra avoir le courage de faire le bilan de dix années de politique prétendument responsable et raisonnable : dette publique à 3000 milliards d’euros (+560 milliards en deux ans) ; désindustrialisation massive se traduisant par un déficit extérieur de 160 milliards en 2022 ; poussée de la violence (+8% des coups et blessures volontaires en 2022) ; aggravation de la pauvreté (9 à 10 millions de pauvres selon l’INSEE), 2,4 millions de personnes secourues par l’aide alimentaire et 2 millions de bénéficiaires du RSA ; crise hospitalière (impossibilité de mobiliser plus de 5000 places de réanimation pendant l’épidémie) ; affaiblissement des moyens militaires (200 chars lourds opérationnels) ; perte de la maîtrise des migrations (320 000 premiers titres de séjour et 150 000 demandeurs d’asile en 2022) ; déclin énergétique du à la fermeture de Fessenheim et l’affaiblissement volontaire de la filière nucléaire ; reprise de l’inflation (+6% en un an) ; effondrement scolaire (France avant dernière au classement TImss en mathématique et 24ème au PISA sur la compréhension de textes et les sciences) ; 3 à 5 millions de chômeurs ; crise démocratique avec 46% de participation aux dernières élections législatives ; affaiblissement international de la France, par exemple en Afrique… Responsables et raisonnables, disiez-vous ?

A l’heure actuelle, que ce soit dans la majorité ou dans l’opposition, l’heure n’est-elle pas au contraire à une forme d’irresponsabilité et d’immaturité ?

Bien sûr l’équipe actuelle n’est pas seule responsable de cette incroyable faillite qui a des racines plus profondes et d’autres pays connaissent de graves difficultés notamment les grandes nations européennes, chacune à sa manière, en particulier le Royaume-Uni et l’Allemagne. Mais la stratégie adoptée par le pouvoir politique en France est la fuite dans l’esbroufe, les provocations, le chaos, le culte de la personnalité, la grandiloquence pour fuir cette sinistre réalité. Plutôt que d’exprimer la vérité et de se mettre au travail, le monde politique globalement donne le sentiment de s’éloigner de plus en plus de la réalité vécue par les Français et de s’enfermer dans ses calculs égocentrés et déconnectés. Et aucun n’échappe à cette logique des postures. Les leaders de LR jouent en ce moment la carte de la respectabilité et de la compatibilité avec le macronisme. Les Nupes vocifèrent et gesticulent. Le RN, étrangement discret, est plongé dans une course sans issue à la dédiabolisation. Le monde politique tourné vers l’horizon de 2027, donne l’image d’une cour de récréation indisciplinée. Pendant ce temps, le pays souffre et s’inquiète pour l’avenir de ses enfants et ne voit pour l’instant aucune perspective de redressement du pays.

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Nucléaire: sanctionner les responsables avant d’envisager une relance

Une projet de loi va être présenté au Parlement pour une relance du nucléaire. Trop facile: après avoir saccagé, pourri, détruit, déconstruit comme on dit, une nouvelle loi servirait à faire table rase du passé. En vérité, cette loi n’a de sens qu’une fois les responsabilité établies et les sanctions prises à la hauteur du mal qui a été commis. Sinon, cela reviendrait à poser un pansement sur une blessure infectée.

Article de presse l’Opinion: « Une commission d’enquête parlementaire visant à « établir les raisons de la perte de souveraineté et d’indépendance énergétique de la France » essaie depuis l’automne de comprendre où est passé notre système si résistant. Il garantissait à la France une électricité fiable, abondante et peu chère. Il semble s’être désagrégé. Travaux remarquables de cette commission présidée par le député LR de la circonscription de Fessenheim, Raphaël Schellenberger. La commission pose des questions simples à ceux qui ont tenu les destinées énergétiques de la France depuis 25 ans. L’effarant cocktail d’ignorance, de je-m’en-foutisme, de cynisme, de lâcheté, de paresse, de militantisme, de manichéisme, de naïveté, de démagogie qui a décidé de notre politique énergétique. Oui, cela fait beaucoup, mais hélas, on en est là, avec des ingrédients dosés différemment selon les acteurs politiques de l’affaire. Ségolène Royal ne se souvient pas avoir soutenu l’idée qu’il était possible de fermer tous les réacteurs en 40 ans. Nicolas Hulot ne se souvient pas avoir lu un rapport secret défense qui urgeait de construire six réacteurs avant la catastrophe. Dominique Voynet ne se souvient pas comment fonctionnait Superphénix qu’elle a fait fermer. Gros trous de mémoire. reposait sur rien, aucune raison, si ce n’est un accord électoral conclu par François Hollande avec les Verts en 2012. On fermera 24 réacteurs sur 58. Ça aurait pu être 20 comme 40. Il faut écouter Arnaud Montebourg, qui fut ministre du redressement productif raconter cet accord « de coin de table ». Rien, absolument rien, n’avait été prévu, étudié. Fantasque. Manuel Valls avoue : « Ce n’était le résultat d’aucune étude d’impact ». 50%, ça faisait joli. Faut pas chercher le moindre argument technique. Nos politiques ont joué au bonneteau un des éléments les plus cruciaux de l’équilibre de notre pays. Il faut écouter les ministres de la transition écologique de la période 2019-2022, Elisabeth Borne puis Barbara Pompili, parler du scénario RTE promouvant un mix 100% renouvelable. Elles savaient que c’était du pipeau, mais il fallait rabattre leur caquet aux partisans du nucléaire. L’intérêt national sacrifié pour un « nananère » de cour de récré. La fermeture de Fessenheim ? Pareil. Après nous avoir bien répété que c’était une question de sécurité, Elisabeth Borne avoue aujourd’hui qu’en fait, EDF n’a pas proposé d’autre centrale à fermer. Je traduis : ça aurait pu être n’importe laquelle, il fallait faire un exemple. Après moi le déluge.

Et le projet de M. Macron (que l’article, curieusement, oubli de mentionner) en 2017: confirmation fermeture de Fessenheim et de plusieurs réacteurs. Et le viril coup de menton de M. Philippe Premier ministre à l’Assemblée: « Oui Fessenheim sera fermé« ! Tout ceci relève du sabotage, de la trahison pure et simple. Il est inconcevable de poser les fondements d’une relance du nucléaire tant que les responsabilités d’un tel fiasco ne sont pas établie et des sanctions, à la hauteur du désastre, ne sont pas décidées.

MT

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Réforme des retraites, et si la classe politique avait tout faux (pour Figaro Vox)

Texte ci-dessous: ma position n’est pas de principe contre une réforme. Elle consiste à dire que cette réforme là relève de l’imposture: son intérêt effectif est, non pas réduit, mais nul, inexistant. Or ce constat est tabou. J’attends toujours qu’une autorité morale ou intellectuelle ou politique ait le courage de le dire. Ils sont en train de déclencher un nouvelle déchirure sociale – alors que la France a tant besoin de stabilité et de concorde – pour du néant. Ensuite, je suis convaincu que dans une vieille nation comme la France, il est monstrueux de réformer contre le pays profond 75% de ses habitants, 90% de ses travailleurs. La France n’appartient pas une caste déconnectée qui se prétend éclairée et entend faire le bien des gens contre eux-mêmes; elle appartient à ses habitants. Pour réformer, il faut d’abord écouter, expliquer, convaincre. Sinon, c’est la loi du mépris qui s’impose. Tel est le fond de ma pensée sur tout cela ou plutôt, de ma sensibilité: je ne supporte pas qu’on se moque du monde. Et de tout coeur, je remercie le Figaro Vox de me permettre d’exprimer cette sensibilité.

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« Le résultat des élections de 2022 doit impérativement prévaloir sur les sondages et sur « la rue » : cette affirmation domine le discours officiel, politique et médiatique, pour justifier la volonté du pouvoir actuel et de ses alliés de mener à son terme, quoi qu’il arrive, l’emblématique réforme des retraites. Ainsi, le report à 64 ans du départ de l’âge à la retraite, dérivé de la promesse de campagne de M. Macron de porter cet âge à 65 ans, serait comme gravé dans le marbre. Un tel raisonnement se heurte à l’esprit initial de la Ve République. Dans l’esprit de son fondateur, Charles de Gaulle, l’élection ne valait pas une sorte de chèque en blanc pour les dirigeants politiques, dont la légitimité pour réformer le pays reposait, au-delà du scrutin initial, sur la confiance populaire préservée. D’où les referendums successifs où le Général engageait sa confiance et la poursuite de son mandat. Présider ou gouverner la France contre son gré, sans la confiance et le soutien populaire, était inconcevable à ses yeux.

Les faits lui donnent raison. C’est une erreur profonde de prétendre qu’en élisant le président Macron en 2022, une majorité des Français (globalement) lui a accordé un feu vert pour mettre en œuvre les 65 ou 64 ans. La présidentielle de 2022 s’est déroulée sans véritable campagne, sans le moindre débat de fond, entre les terreurs covidesques et le déclenchement de la guerre d’Ukraine. Le choix de nombreux électeurs de l’actuel président était dominé par la crainte de voir M. Mélenchon ou Mme le Pen parvenir à l’Elysée. Certes à un moment de la campagne, pour couper l’herbe sous le pied de la candidate de droite, le candidat-président a annoncé un report de l’âge de la retraite à 65 ans (tandis que quelques mois auparavant, il fustigeait cette mesure comme hypocrite). Mais il est abusif d’affirmer que les électeurs (dans leur ensemble) avaient cette mesure à l’esprit quand ils ont voté dans un contexte global extrêmement anxiogène. Quant au message principal des législatives qui ont suivi, avec 46% de participation, le refus d’accorder une majorité absolue au chef de l’Etat manifestait bien au contraire une volonté populaire de ne pas accorder au président un blanc-seing, y compris sur les 65 ans.

La séquence politique actuelle est dramatique pour la démocratie française. La mesure phare des 64 ans est immensément impopulaire et rejetée par les trois quarts des Français et les neuf dixièmes des actifs comme le prouvent toutes les enquêtes d’opinion, confirmant une réalité que chacun peut percevoir dans sa vie quotidienne. Or, sous de mauvais prétextes, la classe dirigeante donne le sentiment de n’en tenir aucun compte. Elle s’enfonce dans une attitude qui manifeste une sorte de fuite dans le mépris et la déconnexion. Pire : dans ce bras de fer entre les élites dirigeantes et le peuple, c’est le peuple qui a raison sur le fond. Les 64 ans ne servent strictement à rien compte tenu de la règle des 43 annuités. Leur unique effet sera d’obliger à travailler plus de 43 ans quelques catégories de travailleurs ayant commencé avant 21 ans donc ayant peu fait d’études (et échappant aux dérogations prévues pour les carrières longues). Le reproche d’inutilité et d’injustice envers cette mesure totémique est avéré. L’image d’une classe politique obtuse, refusant d’écouter le pays, à l’abris de ses palais et engoncée dans l’indifférence pendant que la France populaire s’enfonce dans une nouvelle galère – le blocage de l’économie et des transports – est dévastatrice.

Selon le discours dominant le président « ne pourrait plus gouverner s’il renonçait à cette mesure ». Pourtant, qu’il cède ou non, la confiance, déjà fragile, sera définitivement rompue avec le pays, obérant gravement la suite de son mandat. Et quasiment toute la classe politique sortira perdante de cette épreuve de force entre elle-même et la Nation. Les leaders officiels de la droite LR se sont gravement compromis avec la majorité présidentielle dans une logique d’arrogance au prétexte de coller à un programme qui, à quatre reprises (présidentielles et législatives), a contribué à leur défaite. La Nupes a fait naufrage dans l’outrance. Cette crise sociale a aussi montré les limites de la « dédiabolisation » du RN, avec lequel les syndicats rejettent tout contact, un parti qui ne parviendra jamais à incarner l’apaisement et une réconciliation dont la France a tellement besoin. Dans cette débâcle qui signe peut-être le paroxysme de la décomposition politique et semble ouvrir sur un abîme, seuls les « frondeurs » de la droite LR pourraient éventuellement tirer leur épingle du jeu. Ils sont une vingtaine de la jeune génération LR. Ils ont compris (contrairement aux leaders du parti) qu’au-delà de l’emblématique report à 64 ans (encore une fois inutile et injuste) se jouait un bras de de fer entre les « élites dirigeantes » incarnée par la présidence Macron et la France populaire, le monde du travail. A condition cependant de ne pas faire naufrage à leur tour dans la mégalomanie, la prétention solitaire et le culte de la personnalité. 

MT

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Lecture: Le général Gouraud (un destin hors du commun, de l’Afrique au Levant) Julie d’Andurain, Perrin 2023

Raconté par l’historienne Julie d’Andurain, le parcours du général Henri Gouraud nous entraîne dans les profondeurs de l’Afrique subsaharienne entre le XIXe et le XXe siècle, la tragédie de la grande Guerre et les origines de la formation du Liban.  

Né à Paris, dans une famille de médecins, Henri Gouraud (1867-1946) comme nombre de jeunes gens de l’époque frappés par le désastre militaire de 1870 choisit une carrière militaire et entre à Saint-Cyr en 1888.

L’homme est mince, élégant avec ses yeux bleus, porte une épaisse barbe brune. Catholique pratiquant, il ne paraît pas s’intéresser à la politique, bien que d’une sensibilité qu’on devine républicaine et conservatrice. Extrêmement attaché à sa famille, il ne semble pas avoir de vie sentimentale connue et restera toujours célibataire. L’auteur nous le présente comme un homme discret, réservé, cultivé, ne cherchant à aucun prix la reconnaissance médiatique. Gouraud est aussi un bon vivant, qui aime les banquets avec ses hommes et la musique militaire…

Son premier choix de carrière peut paraître surprenant : il prend fait et cause pour la colonisation de l’Afrique subsaharienne, voulue par Jules Ferry et les républicains opportunistes (centre gauche). C’est sans doute le goût de l’aventure et de l’exotisme qui le pousse à s’engager dans la conquête coloniale du Soudan français (la boucle du Niger). Les troupes sont peu nombreuses, quelques centaines d’hommes, disposent de peu de moyens, isolées de la métropole et interviennent dans des conditions terribles où beaucoup d’hommes y laissent la vie (maladies, combats).

Lui excelle dans un rôle qui combine les opérations militaires contre des chefs rebelles et le métier d’administrateur où il contribue à développer les transports fluviaux dans des contrées alors totalement vierges. Il s’illustre par la capture sans effusion de sang de Samory, l’un des chefs rebelles à la colonisation française.

Dès lors, ayant gagné une réputation de jeune officier discipliné et volontaire, respectueux des populations locales, il est nommé sur des postes à responsabilité en Afrique (Niger et Tchad), Oubangui-Chari de 1904 à 1906, puis commissaire du gouvernement en Mauritanie (1907-1909). En 1911, le colonel Gouraud rejoint le général Lyautey au Maroc et s’impose comme son bras droit. La répression du soulèvement de Fez en 1912 fait de lui le plus jeune général de brigade de sa génération (juin 1912).

Durant la Grande Guerre, le général Gouraud est grièvement  blessé en Argonne, traversé de part en part par une balle au niveau des omoplates mais il reprend son commandement au bout de quelques jours. S’exposant sans compter au milieu de ses hommes, comme attiré par le danger, il est grièvement blessé de nouveau par un éclat d’obus lors de l’intervention franco-anglaise dans les Dardanelles (Turquie). Atteint de gangrène, il perd son bras droit  en juin 1915, opéré sur le navire Tchad qui le rapatrie.  Nommé à la tête de la IVe armée de Champagne le 15 juillet 1918 face aux troupes de Ludendorff il joue un rôle clé dans l’offensive finale des alliés, ce qui lui vaudra de figurer parmi les premiers généraux français à entrer dans Strasbourg libérée au milieu de la liesse populaire.

Reconnu comme l’un des chefs miliaires les plus brillants de sa génération, spécialiste de la colonisation, proche de Lyautey, « glorieux blessé des Dardanelles » et vainqueur de Ludendorff, Raymond Poincaré (président de la République) et Georges Clemenceau (président du Conseil), le récompensent par une nomination en Orient avec le titre de Commandant en chef des armées du Levant et Haut-Commissaire de la République française en Syrie (octobre 1919) sous protectorat français.

L’ouvrage de Mme Julie d’Andurain est riche de révélations sur les tribulations du général Gouraud face aux chefs arabes qui revendiquent l’indépendance (Fayçal), et la rivalité franco-britannique dans la région et les hésitations des gouvernements français qui ne cessent de sabrer dans ses crédits. En tout cas, cette biographie montre le rôle décisif (et mal connu) du général Gouraud dans la naissance du Liban.  

De retour en France en 1923, il est nommé sur l’un des postes les plus prestigieux de l’armée française, gouverneur militaire de Paris, qui lui vaut un rayonnement intense sur les cérémonies de l’après-guerre réunissant les représentants des anciens combattants et une notoriété considérable à l’époque qu’il n’a jamais voulue ni recherchée. Dans les années 1930, il écrit une brève biographie de Lyautey pour les éditions Hachette, un succès de librairie (livre vendu à plus de 20 000 exemplaires), et vieillissant, multiplie les mises en garde d’abord contre l’esprit de revanche allemand puis la barbarie hitlérienne dont il observe la montée – sans être vraiment écouté. Il décède à Paris en 1946. Une biographie extrêmement riche et documentée qui nous permet de revenir sur le parcours d’un homme aujourd’hui méconnu après avoir été une figure importante de l’Entre-deux-Guerres.

MT

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Analyse des conséquences politiques de la réforme des retraites et du mouvement social (pour Atlantico)

Texte complet de l’entretien avec M. Jean Petaux ci-joint.

Alors que la droite sénatoriale s’assure de la bonne marche de la réforme des retraites à la Chambre haute, votant mardi soir avec le gouvernement l’article sept, les partis de gauche et les syndicats sont descendus dans la rue et ont engagé une grève reconductible, qui ne semble pas être en mesure de faire reculer le gouvernement. Qui des parties en présence s’en sort le moins mal pour l’instant dans cette bataille rangée ?

Il faut dire que cette séquence est un fiasco pour l’ensemble de la classe politique française. Elle donne une image épouvantable de la vie publique nationale. La mesure phare des 64 ans est immensément impopulaire : selon de nombreux sondages concordants, elle est rejetée par les trois quarts des Français et les quatre cinquièmes des travailleurs. Mais la classe politique dans son ensemble donne le sentiment de n’en tenir aucun compte. Elle s’enfonce dans une attitude qui manifeste une sorte de mépris du peuple et de déconnexion. Pire : sur le fond, c’est le peuple qui a raison. Les 64 ans ne servent strictement à rien compte tenu de la règle des 43 annuités. Leur unique effet sera d’obliger à travailler plus de 43 ans quelques catégories de travailleurs ayant fait peu d’études (et non concernés par les dérogations prévues pour les carrières longues). Le reproche d’inutilité et d’injustice est avéré. Mais la majorité et ses alliés s’acharnent à tenir bon dans leur bras de fer contre le peuple. Qui s’en sort le moins mal ? Sans doute les opposants à cette mesure mais sans pour autant qu’ils échappent entièrement à la profonde aversion envers la classe politique qui risque de résulter de cette catastrophe.

Faute d’une majorité de français en accord sur autre chose que le refus de cette réforme des retraites ou d’un projet alternatif établi, plus largement d’une structuration politique, est-ce le technocratisme macroniste qui finira par surnager ? Avec quelles conséquences ? 

Il me semble qu’on pouvait le penser avant cette séquence. On pouvait croire que le macronisme, allié à une partie de LR l’emporterait en 2027 avec un autre candidat que M. Macron qui ne peut se représenter, comme une troisième force contre les dits « extrêmes » Nupes et RN. Maintenant, ce scénario me semble de moins en moins probable. Le macronisme après cette réforme, tout comme la majorité des leaders de LR, va plus que jamais incarner une classe dirigeante obtuse, déconnectée, en conflit avec la France populaire. Au vu de ses signes de faiblesses à l’Assemblée (larmes de Mme Berger, bras d’honneur de M. Dupont-Moretti) on sent bien qu’il est au bord du naufrage. Bien sûr après cette séquence, M. Macron va prendre des initiatives emblématiques et surenchérir dans la communication pour donner l’impression d’un coup de barre à gauche. Mais qui pourra y croire ?  Il faut admettre que nous entrons dans une période de chaos politique total, le paroxysme de la décomposition dont on parle depuis longtemps. Personne ne peut prédire ce qu’il en sortira. Pour ma part, je place une vague espérance dans les quelques frondeurs de la droite LR autour desquels pourrait se reconstruire quelque chose. Mais ce n’est pas gagné…

MT

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Réforme des retraites, la question de la légitimité distincte de celle de la légalité

La légitimité est une notion distincte de celle de légalité. Légalité veut dire conforme au droit en vigueur, à la loi. La légitimité est un concept différent. Elle exprime le fait qu’une autorité est reconnue comme fondée. En démocratie, elle signifie que tel dirigeant ou telle assemblée est généralement (par le plus grand nombre) considérée comme effectivement représentatif de la communauté politique ou nationale, et à ce titre, dispose de l’autorité morale ou de la confiance, nécessaire pour exercer sa mission. A propos des manifestation d’hier contre les retraites, le discours politico-médiatique répète sur un ton consensuel que la légitimité démocratique, du chef de l’Etat, du gouvernement et du parlement, prévaut sur les sondages et la « rue ». Qu’en est-il vraiment?

Certes mettre en cause la légalité de l’élection de dirigeants politique se présente comme une accusation extrêmement grave portant un doute sur la régularité des opérations électorales. Ici, il n’en est évidemment pas question. En revanche, rien n’interdit de contester leur légitimité – c’est-à-dire leur représentativité démocratique réelle telle qu’elle est ressentie dans le pays – au regard notamment de la manière dont ils ont été élus et dont ils se comportent.

Nous savons dans quelles conditions l’occupant actuel de l’Elysée a été élu. Cette élection s’est déroulée sans campagne, sans le moindre débat de fond, entre les terreurs covidesques et le déclenchement de la guerre d’Ukraine. L’élection présidentielle s’est faite par défaut, essentiellement motivée par les peurs et la crainte de voir M. Mélenchon ou Mme LP parvenir à l’Elysée, et en aucun cas par adhésion à un projet qui n’existait pas. Il est vraisemblable que l’élection de M. Macron au 1er comme au 2d tour, s’est jouée sur un choix fermé de personnes ou pour tout dire, que la plupart des électeurs ont vécu comme n’ayant pas vraiment de choix.  

Certes à un moment de la campagne, pour couper l’herbe sous le pied de la candidate de droite, le candidat-président a annoncé un report de l’âge de la retraite à 65 ans (tandis que quelques mois auparavant, il fustigeait cette mesure comme hypocrite). Mais il est totalement abusif et mensonger d’affirmer que les électeurs (globalement) avaient cette mesure à l’esprit quand ils ont voté, en fonction d’un contexte global extrêmement anxiogène. Qui l’a oublié?

Quant aux législatives qui ont suivi, elles soulèvent aussi la question de leur légitimité. Quelle est la légitimité réelle (la représentativité) d’une Chambre élue avec seulement 46% de participation? Peut-on parler de démocratie – le pouvoir du peuple – quand nettement plus de la moitié de ce peuple, une majorité absolue, décide de de ne pas cautionner par son vote le pouvoir de cette assemblée? Mais il y a mieux: quel unique message est ressorti du déroulement et des résultats du scrutin législatif ? Que les votants (ou non abstentionnistes…) ont voulu dire clairement, sans la moindre ambiguïté, qu’ils refusaient au président une majorité absolue pour imposer verticalement des réformes – notamment les fameux 65 ans.

Ainsi, le système politique tel qu’il fonctionne aujourd’hui (personnalisation outrancière au détriment des idées, abstentionnisme gigantesque) soulève un authentique problème de légitimité démocratique. Si les sondages qui montrent que les ¾ des Français et les 4/5e des actifs sont hostiles à cette réforme, si les manifestations prennent une telle importance dans le débat, c’est parce que la nature a horreur du vide. C’est parce que la démocratie française telle qu’elle s’exprime dans les urnes, à la présidentielle et aux législatives, est en crise profonde que d’autres formes d’expression de la volonté populaire (sondages et manifestations) prennent une place laissée vacante. C’est pourquoi aujourd’hui, il est parfaitement vain d’opposer les institutions « à la rue » et aux sondages. C’est parce que la légitimité formelle est à l’agonie que d’autres sources de légitimité s’affirment et rien n’est plus inévitable.

MT

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Réforme des retraites, la duperie et le chaos

Manifestations, grèves, une nouvelle période noire s’ouvre aujourd’hui pour le pays. Pourtant, rien ne ressemble plus à une gigantesque duperie que cette réforme des retraites. Les 64 ans, qui mettent l’opinion et les syndicats en colère, constituent un leurre lamentable, rigoureusement inutile dès lors que la règle des 43 annuités reporte l’âge du départ formel à la retraite bien au-delà de 64 ans et dès lors que des dérogations ont été adoptées pour que les personnes ayant travaillé avant l’âge de 21 ans ne soient pas contraintes de travailler au delà de ces 43 annuités, sauf plusieurs exceptions – victimes émissaires – destinées à faire croire que cette réforme sert à quelque chose. La France a beaucoup souffert ces dernières années: attentats terroristes, crise des Gilets Jaunes, mouvement social, deux années d’Absurdistan sanitaire, vertigineuse poussée inflationniste. Et voici que le pouvoir politique rajoute – sans la moindre raison utile ou valable – une nouvelle épreuve au pays. Pour rien, ou quasiment rien, il replonge la France dans le chaos. L’idée est de mettre en œuvre une promesse de la campagne présidentielle, les 65 ans, lâchée spontanément à des fins politiciennes, dans un contexte électoral où les Français ont de toute évidence voté, non en faveur de cette proposition, mais par défaut, pour éviter M. Mélenchon ou le Mme Pen. La France entre dans une nouvelle période de turbulence qu’elle doit à l’horreur narcissique et à la lâcheté opportuniste d’une partie de sa classe politique. Cette réforme est immensément impopulaire. Une caste hors-sol, dominée par l’entre-soi, prétend faire le bonheur du peuple contre lui-même. Cela s’appelle le mépris.

NB: mon tweet du 3 mars dernier: Ce que les responsables politiques (sauf exception inconnue de moi) ne sentent pas, c’est que le pays est une poudrière, ses dirigeants discrédités et que nous allons tout droit vers une explosion sociale d’un niveau comparable à mai 1968.

MT

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L’éducation à la sexualité est-elle une priorité de l’école?

Le ministre de l’Education nationale déclare: « L’éducation à la sexualité est une de mes priorités depuis mon arrivée au ministère. Pour le bien-être, la santé, la vie affective des élèves, la lutte contre les violences sexistes et sexuelles et l’égalité filles-garçons.« 

« L’éducation à la sexualité » n’est pourtant pas une mission prioritaire de l’école, du collège et du lycée ni des professeurs. Elle incombe prioritairement à la famille comme tous les aspect de l’éducation ou d’autres institutions comme les travailleurs sociaux en cas de défaillance de la famille.

L’école, le collège, le lycée ont une autre vocation principale: celle de développer l’intelligence et le savoir des filles et des garçons. Bien sûr, l’influence des (bons) professeurs contribue à former la personnalité. Mais à travers l’enseignement et non la morale individuelle, le développement de l’intelligence et de la connaissance. C’est à eux qu’il incombe de former la curiosité intellectuelle, fondement de l’intelligence scolaire.

Selon les travaux du ministère de l’Education nationale, le niveau d’orthographe de cesse de s’effondrer : 10,6 fautes pour une dictée en 1987 mais 17, 9 fautes en 2015 à la même dictée. D’après le classement Timss de 2019, les élèves Français se classent derniers de l’Union européenne en mathématique et avant dernier dans l’OCDE (devant le Chili). Selon le classement PISA, les jeunes Français ne sont que 23ème en lecture et compréhension de texte. Enfin, en histoire-géographie, le naufrage est avéré. D’après l’Education nationale elle-même, le pourcentage des élèves de faible niveau est passé de 15 à 21% entre 2006 et 2012, et celui des élèves de niveau élevé de 10 à 6%.

Par ailleurs, l’école est aujourd’hui frappée par la montée de l’insécurité. Selon les statistiques officielles de l’Education nationale, les faits de violence sont certes peu nombreux dans les lycées généraux et technologiques (5,5 incidents pour 1 000 élèves). En revanche, ils sont beaucoup plus fréquents dans les collèges (15 incidents) et surtout les lycées professionnels (19,6 incidents). Les incidents graves sont fortement concentrés au sein de certains établissements : 41 % des collèges et lycées ne signalent aucun incident au cours d’un trimestre donné, tandis que 25% des établissements en déclarent 73%.

La violence en milieu scolaire se caractérise essentiellement par des atteintes aux personnes (81 % des faits recensés). Les atteintes aux biens représentent 10 % des déclarations et les atteintes à la sécurité 9 %.Les garçons sont plus souvent que les filles auteurs et victimes de faits de violence. Les filles sont surtout concernées par les violences verbales et les violences sexuelles.

Un ministre de l’Education nationale, plutôt que de vouloir se substituer aux familles, devrait avoir deux priorités fondamentales: d’une part lutter contre l’effondrement du niveau scolaire, par une oeuvre évidemment de longue haleine tendant à réhabiliter les enseignements fondamentaux. Et d’autre part combattre la violence dans les établissements, qui est le pire fléau pour les collégiens et les lycéens qui ont envie de travailler et de s’en sortir.

MT

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Lecture: La main cachée (une autre histoire de la Révolution française), Edmond Dziembowski, Perrin 2023

Edmond Dziembowski, professeur à l’université de Bourgogne-Franche-Comté, propose une lecture novatrice de la Révolution française, dénonçant les approches simplificatrices de ses origines. Sa vision procède de l’analyse de multiples ouvrages à succès, parus au XIXe siècle, cherchant à pointer du doigt les responsables et coupables de cette révolution et surtout de la Terreur.

E. Dziembowski se montre critique envers l’œuvre d’Augustin Barruel, prêtre jésuite âgé de 56 ans au début de la Révolution, auteur de Mémoires pour servir à l’Histoire du jacobinisme, paru en 1798 ayant servi de référence à de nombreuse réflexions sur la Révolution. Ce livre de 1600 pages attribue le jacobinisme à la franc-maçonnerie et notamment au Grand-Orient de France.

Dziembowski montre, à l’encontre de cet ouvrage célèbre, comment les Loges qui comptaient environ 50 000 adeptes en 1789 en France étaient implantées dans les villes de province mais peu présentes dans la capitale où rien ne permet de démontrer leur influence décisive sur le processus révolutionnaire et son engrenage sanglant conduisant à la Terreur et la Grande Terreur.

Ainsi, Edmond Dziembowski pourfend un cliché largement partagé expliquant les évènements de 1789 à 1794 par une sorte de complot ourdi par les philosophes des Lumières (eux-mêmes porte-parole de la franc-maçonnerie selon les thèses de Barruel) qui auraient préparé sciemment la Révolution à travers leurs écrits. « Dans ce processus, les Lumières du siècle ne jouèrent qu’un rôle indirect. Elles furent aussitôt trahies par ceux-là mêmes qui se réclamaient d’elles. » Voltaire, Montesquieu et Diderot, souligne-t-il avec beaucoup de justesse, eussent été absolument révulsés par les dérives sanguinaires de la Terreur. Ils n’ont jamais envisagé ni prôné, aucun d’entre eux, la politique de la « table rase« .

Que Robespierre se soit réclamé abondamment de Jean-Jacques Rousseau est une chose. Seulement, il ne fait guère de doute selon l’auteur, que Jean-Jacques, chantre de la solitude et de l’amour de la liberté, pourfendeur de tout despotisme, eût été horrifié par le tribunal révolutionnaire, les crimes de la guillotine, de la Vendée et de Lyon. Robespierre lui a rendu un bien mauvais service par cette récupération abusive, en l’associant, malgré lui, à sa dérive sanguinaire au nom d’un Contrat social dont Jean-Jacques n’a jamais conçu qu’il pût servir à légitimer des atrocités. [Un point de vue entièrement partagé, même si, selon moi, certaines formules du Contrat social se prêtaient à cette récupération telle que : »Nous les forcerons d’être libres »].

Un par un, Edmond Dziembowski démonte certains clichés habituels sur les causes de la Révolution l’influence de la franc-maçonnerie, mais aussi du protestantisme ou de l’Angleterre. Il pourfend l’idée de complots factieux fomentés contre la monarchie française par Turgot, Necker ou le Premier ministre britannique Pitt.

En revanche, il souligne l’influence fondamentale de tout un courant pseudo philosophique ou pseudo-littéraire qui s’est affirmé à la veille des événements en se réclamant faussement de la tradition des philosophes des Lumières.

« Loin d’avoir été l’héritière des plus belles pages de la pensée du siècle, 1789 aurait été l’enfant d’une « tourbe de grimauds sans pain, sans renommée et sans talent », venus de leur lointaine province avec le naïf espoir de devenir les nouveaux Voltaire, les nouveaux d’Alembert. Voyant le succès leur tourner le dos, ces raisonneurs médiocres et pédants se mirent à déchanter et à s’aigrir. Et, de cette plèbe littéraire surgirent alors « les tigres et les panthères contre la race humaine » qu’on vit à l’œuvre pendant la Révolution […] la carrière de l’aventurier des lettres Charles Théveneau de Morande est très éloquente en la matière […] Cette suite informe de prétendues révélations sur les turpitudes sexuelles du roi, des ministres et de la cour nous dépeint un monde corrompu jusqu’à la moelle. » Ces écrits d’une rare violence, mauvaise foi et vulgarité (« rousseauisme vulgaire« ) furent un immense succès de librairie et contribuèrent, bien plus que les philosophes des Lumières, à préparer la déferlante de haine exterminatrice et les fleuves de sang qui en ont résulté.

Une synthèse magistrale, sans précédent…

MT

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Profond malaise politique – nous, les sans parti

Le fond de l’abîme politique n’est pas loin pour les personnes de ma catégorie, de sensibilité libérale (au sens d’ami de la liberté), gaullienne et modérée. Il faut le dire clairement : nous n’avons plus de parti politique, nous sommes des sans parti. Nous accordions, parfois du bout des lèvres, nos faveurs et nos votes à ladite droite LR. Celle-ci a sombré dans le désastre en 2017 avec le Fillongate, prise au piège d’un lynchage médiatico-judiciaire. Après 2017, elle aurait pu se rétablir grâce à son excellente implantation locale et une tradition historique ancienne qui fait d’elle l’héritière présumée de Clemenceau, Poincaré, Tardieu, de Gaulle et Pompidou.

Or, elle a sombré dans l’opportunisme. La première vague de ralliements au macronisme de 2017 l’a fortement ébranlée. Les transfuges se sont justifiés en prétendant que la nouvelle équipe au pouvoir reprenait les fondements de la politique préconisée par la « droite ». C’est un mensonge. Bien au contraire, elle n’a fait qu’amplifier les travers du socialisme à la française : invraisemblable gabegie financière et explosion de la dette publique, nivellement scolaire se traduisant par l’effondrement du niveau (mathématiques), poursuite de la désindustrialisation se traduisant par une augmentation vertigineuse du déficit extérieur, affaiblissement de la filière nucléaire, perte de la maîtrise des flux migratoires et aggravation de l’insécurité et de la violence.

Certes, le macronisme s’est efforcé de brouiller les cartes en superposant aux défauts classiques du socialisme à la française un affichage de culte outrancier de la personnalité, d’autoritarisme de façade (confinements, couvre-feu, désormais SNU obligatoire), une belle dose de mépris et de quête du bouc émissaire (le passe vaccinal destiné à « emmerder » les non-vaccinés). Politique de droite ? Sur un seul point peut-être – la fiscalité – mais largement illusoire car les impôts qui ne sont pas payés aujourd’hui le seront par les contribuables de demain auxquels incombera le remboursement d’une dette publique astronomique.

Dans ce contexte intervient la réforme de la retraite. Je l’ai dit et répété mille fois. La mesure emblématique de cette réforme, les 64 ans, est rigoureusement inutile compte tenu d’un nombre d’annuités de 43 et du dispositif destiné à éviter de pénaliser des personnes ayant cotisé avant l’âge de 21 ans (sauf quelques poches d’injustice non réglées). Aucun des plus fervents partisans de cette réforme et spécialistes du droit social n’a pu me démontrer factuellement le contraire. « Tout le monde sait qu’il faut travailler plus longtemps ! » est l’argument qu’ils répètent comme des perroquets, mais qui relève davantage de la langue de bois que de l’analyse concrète. Cette réforme est essentiellement politique et emblématique. Elle vise à satisfaire l’image de réformateur de l’occupant de l’Elysée.

En la soutenant, en apportant leur concours à une opération politique au service du chef de l’Etat, les chefs actuels de la droite LR poursuivent le mouvement amorcé depuis 2017 de glissement progressif vers le macronisme. Ils invoquent une logique d’image : « avoir l’air » (sic) fidèles aux programmes de droite prônant les 65 ans. Mais qu’est-ce qui les empêche de réfléchir et de porter un regard critique sur un programme qui a contribué à dix années de défaites nationales ? Et toujours la langue de bois pour ne pas avoir à répondre sur le fond de l’intérêt concret des 64 ans : « tout le monde sait bien qu’il faut travailler davantage ! »

A travers leur ralliement de fait à la majorité présidentielle sur ce dossier emblématique, ils poursuivent et achèvent une logique politicienne et opportuniste à l’œuvre chez LR depuis au moins 10 ans. En choisissant le camp présidentiel contre les quatre-cinquièmes de la Nation hostiles à cette (mauvaise) réforme, il est évident qu’il se condamnent à sombrer dans l’impopularité avec la majorité présidentielle. Ils se réclament de « l’intérêt national ». Mais leur connivence avec un pouvoir qui n’hésite pas à jeter encore, une fois de plus, le pays dans la déchirure, la violence, la paralysie, ne leur sera jamais pardonnée.  

Mais, il y a bien plus grave (à mes yeux). Ils se sont imprégnés en profondeur de l’esprit du macronisme, fondé sur la conviction qu’une élite éclairée, jupitérienne, a vocation à faire le bien des gens contre leur gré, même envers l’évidence et le bon sens le plus élémentaire – tout en s’enfonçant dans la mauvaise foi quand on leur demande de s’expliquer sur l’intérêt réél des 64 ans. Voilà pourquoi, hostile à la gauche Nupes comme à la droite lepéniste ou autres droites nationalistes, et désormais profondément dégoûté par la droite LR qui a trahi ma confiance avec le mauvais goût de se moquer du monde, je me considère désormais (et tant d’autres) comme un sans parti, orphelin de tout espérance dans les mouvements politique existants.

MT

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Comment l’obsession des élections présidentielles de 2027 parasite déjà la vie politique française (pour Figaro Vox)

« La droite devrait voter le maximum des réformes que nous (LR) préconisons […] Ne pas voter la réforme des retraites, c’est totalement incompréhensible […] On oublie un petit détail, c’est qu’Emmanuel Macron ne peut pas être candidat à sa succession (…) Les jeux redeviennent ouverts. Si la droite veut reconquérir une crédibilité vis-à-vis des Français, ce n’est pas en étant populiste ou en épousant les idées de Le Pen ou Mélenchon, parce que pour le coup les extrémistes feront toujours mieux que nous« . Ces propos de M. Jean-François Copé, invité de RTL le 22 février, illustrent les états d’âme de la classe politique française. Le maire de Meaux a exprimé tout haut ce que ne nombreux responsables politiques nationaux, de tout parti, pensent tout bas. L’obsession de la présidentielle de 2027, dans plus de quatre ans, prévaut d’ores et déjà dans la classe politique sur toute autre considération – notamment d’intérêt général.

A travers son appel à soutenir le gouvernement sur le dossier des retraites, l’inventeur de « la droite décomplexée » ne se penche pas sur l’intérêt en soi de cette réforme. Et pour cause : tout le monde sait que sa mesure emblématique, le report de l’âge du départ à la retraite à 64 ans n’a qu’une portée réduite (sinon nulle) compte tenu du nombre d’annuités fixé à 43 ans et d’un âge moyen d’entrée sur le marché du travail nettement au-dessus de 21 ans ; son seul effet réel se limitant à pénaliser les personnes ayant travaillé avant cet âge, c’est-à-dire les travailleurs manuels, la France populaire ou périphérique. Non. Il met en avant des considérations politiques (au sens de politiciennes) dirigées vers l’échéance suprême de 2027.

Et il est loin d’être le seul. Les grands leaders historiques de droite, à l’image de M. Copé qui lui a le mérite de la franchise, font le même calcul.  2027 verra selon eux, pour la troisième fois consécutive, s’affronter au deuxième tour un candidat (prétendument) respectable, fréquentable, « républicain », à un épouvantail populiste ou extrémiste, qu’il soit issu de la Nupes ou du RN, probablement Mme le Pen en personne (pour sa quatrième tentative). Dès lors que M. Macron ne peut pas se représenter, l’intérêt de la droite LR est aujourd’hui, d’après cette logique, de se rapprocher de la majorité présidentielle pour espérer qu’un candidat issu des rangs de LR émergera d’une grande force centrale et respectable ou « responsable » pour succéder à M. Macron face à l’un des deux maudits de la politique française. La réforme des retraites est dès lors une occasion d’afficher, non pas une alliance en bonne et due forme, qui prêterait le flanc au reproche de compromission, mais une culture politique commune – de sérieux – avec Renaissance.

Mais la droite LR n’est pas la seule dans le calcul. Le RN a lui aussi les yeux tournés vers 2027. Son attitude se polarise sur la quête de la respectabilité comme en témoignent sa modération à l’Assemblée nationale et son refus de prendre part aux manifestations sur les retraites. L’idée est bel et bien d’occuper l’espace au centre-droit que LR est en train de libérer en caressant le macronisme. Quant à la Nupes, elle reprend le flambeau de la contestation violente et antisystème à l’image de son comportement chaotique à l’Assemblé dans l’espoir de placer l’un des siens à l’horizon de 2027 pour incarner la révolte populaire – au risque de se brouiller avec les syndicats qui refusent toute récupération politique de leur mouvement.

Une inconnue relativise les calculs du monde politique : quelle sera l’attitude du président Macron ? Choisira-t-il de se placer au-dessus de la mêlée comme semble le suggérer M. Copé ? Voudra-t-il adouber un successeur – sans doute un proche issu de sa mouvance personnelle ? Tentera-t-il par tout moyen légal (une révision ?) de se maintenir au pouvoir ? Nul ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs selon l’article 6 issu de la réforme constitutionnelle de 2008 voulue par Nicolas Sarkozy. Pour la première fois depuis 1851 s’achève un mandat présidentiel non renouvelable. Le 2 décembre 1851, le président Louis Napoléon Bonaparte s’était affranchi de cette limite à sa manière… Notre époque ne se prête évidemment plus à des coups d’Etat mais cette règle, interdisant plus de deux mandats consécutifs, constitue une variable décisive des quatre années à venir sur le plan politique.

En attendant, toutes ces spéculations tournées vers 2027 sont le signe de la déconnexion croissante du monde politique avec la société française. La France est un pays qui souffre dans sa chair en ce moment : vertigineux effondrement scolaire, spectaculaire poussée de la violence et de l’insécurité, crise du système de santé, perte de la maîtrise des flux migratoires, montée de la pauvreté (touchant près de 10 millions de personnes), chômage massif de 3 à 5 millions de personnes, inflation qui frappe de plein fouet les familles, vives inquiétudes autour de l’explosion de la dette publique qui obère l’avenir des générations futures et face au risque d’être entraîné dans la guerre entre la Russie et l’Ukraine. Et les Français, dans leur immense majorité, se moquent éperdument des petits calculs de la classe politique à l’horizon de 2027, d’ailleurs parfaitement vains dans un contexte aussi instable, explosif et imprévisible.

MT

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Sur l’aggravation de la misère et de la faim dans notre pays (information oubliée)

Riches, pourquoi tant de haine? déplorent certains éditorialistes. Ainsi, on s’inquiète pour les riches. Mais il y a pire que la haine du riche, et beaucoup plus grave: le mépris du pauvre, le déni de pauvreté. Plus le drame de la pauvreté augmente, et moins on en parle. « Cachez ce pauvre que je ne saurais voir. » Car l’aggravation de la misère est une réalité et l’un des signes patents d’un désastre politique. Voici des extraits d’un rapport de 2023, du Réseau des banques alimentaires, dont les grands médias nationaux radio-télévision, largement à la botte du pouvoir, se sont bien gardés de parler.

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« Les Banques Alimentaires, premier réseau d’aide alimentaire en France, accompagnent 2,4 millions de personnes en situation de précarité alimentaire. A la fin de l’année 2022, le réseau constatait une hausse de 9% de la demande d’aide alimentaire. En moins de deux ans, 400 000 nouvelles personnes se sont présentées dans les associations partenaires du réseau. En 2011, les Banques Alimentaires accueillaient 820 000 personnes. Le recours à l’aide alimentaire touche désormais de nouveaux profils : 17% des personnes accueillies sont à la retraite et 17% d’entre elles ont un emploi (dont  60% à temps partiel). Alors que l’alimentation devient le deuxième poste de dépense pour les ménages (derrière le logement et devant l’énergie), une nouvelle catégorie de personnes en état de précarité alimentaire émerge : les « travailleurs pauvres ». Au total, 94% des personnes interrogées vivent en dessous du seuil de pauvreté. Pour deux tiers d’entre elles, l’aide alimentaire est jugée « essentielle, dont on ne peut pas se passer ». Ce critère accuse une progression de + 15 points par rapport à 2020. Désormais, près de 6 personnes sur dix se présentent à une association d’aide alimentaire deux fois par semaine (+6 % vs 2020). Les personnes souhaitent en priorité avoir accès aux produits qui pèsent sur leur budget : produits protéinés (viande, poisson, œufs) et les fruits et légumes. Un enjeu d’équilibre nutritionnel majeur puisque 71% des personnes déclarent au moins un problème de santé : problèmes de vue, problèmes dentaires, obésité ou encore diabète (…). 2 personnes sur 3 expriment le besoin d’être accompagnées et apprécient le soutien moral et social, qui, couplé à l’aide alimentaire, permet de faire face au quotidien de la précarité. Pour 70% des répondants, leur motivation principale est la rencontre avec d’autres personnes, cela représente une progression de 15 points (vs 2020). Les personnes seules représentent plus de 40% des personnes accueillies (+4 points vs 2020). »

MT

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Sur la droite LR, la réforme des retraites et la course à la succession du président Macron (pour Atlantico)

« Présidentielle 2027: l’hypothèse Castex agite les macronistes » peut-on lire dans les colonnes du Figaro. Après les noms de Le Maire et Philippe, c’est celui de l’ancien Premier ministre qui est évoqué. A quel point la concurrence est-elle féroce entre les ministres ou anciens PM de droite pour succéder au président de la République ?

Tout part de l’article 6 de la Constitution, issu de la réforme constitutionnelle de 2008 voulue par Nicolas Sarkozy : « Nul ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs » à la présidence de la République. Les successeurs potentiels de l’actuel président se bousculent déjà au portillon. Et comme la vie politique française semble pencher plutôt à droite en raison de l’importance des questions de sécurité et d’immigration, l’aile droite du macronisme, venue de LR, pense être assez bien placée pour lui fournir un successeur : Le Maire, Philippe, Darmanin, et désormais, il est même question de Castex… L’affrontement des ambitions paraît inévitable, même s’il est aujourd’hui masqué par leur commune allégeance au chef de l’Etat, à des degrés divers. (Ces calculs sont d’ailleurs hypothétiques dès lors que le président Macron pourrait aussi adouber en 2027 un successeur venu de son entourage proche.)

Dans quelle mesure, les appétits sont-ils, aussi, aiguisés du côté des actuels Les Républicains tentés par le macronisme à l’occasion de la réforme des retraites ?

Les leaders actuels de la droite LR anticipent sur un second tour des présidentielles de 2027 qui opposerait, pour la troisième fois, une candidat prétendument respectable, fréquentable, autrement dit « républicain », à un « épouvantail » populiste ou extrémiste, qu’il soit issu de la Nupes ou du RN. L’intérêt de la droite LR serait dès lors, selon eux, de se rapprocher de la majorité présidentielle pour espérer qu’un candidat issu des rangs de LR émergera d’une grande force centrale « de gouvernement » ou « responsable » pour succéder à M. Macron. L’emblématique réforme des retraites, présentée par les macronistes comme la mère des réformes, est un prétexte pour afficher, non pas une alliance qui prêterait le flanc au reproche de compromission, mais une connivence, ou une image politique commune fondée sur le sérieux et la responsabilité (la capacité à gouverner) avec Renaissance et la majorité présidentielle. Ils ont à l’esprit de se placer dans le sillage idéologique de la « macronie » contre les « extrêmes ». Les leaders actuels de la droite LR espèrent ainsi couper l’herbe sous le pied des premiers ralliés, ex-LR, de 2017.

A qui bénéficierait la concurrence des anciens (et nouveaux) transfuges de la droite vers le macronisme ?

Les leaders de LR offrent un cadeau en or à Mme le Pen et au RN. Cette réforme des retraites est extrêmement impopulaire. Au moins 70% des Français ne veulent pas de cette réforme et pire, 90% des actifs, selon de multiples enquêtes d’opinion. Ce rejet populaire est réel (pas seulement une illusion sondagière comme ils le prétendent) et largement fondé. Compte tenu du nombre d’annuités fixé à 43 ans et d’un âge moyen d’entrée sur le marché du travail nettement au-dessus de 21 ans, sa mesure emblématique, le report de l’âge du départ à la retraite à 64 ans, se limitera à pénaliser les personnes ayant travaillé avant cet âge, c’est-à-dire les travailleurs manuels, la France populaire ou périphérique. Certes, le parti LR déploie des efforts pour neutraliser cet effet d’injustice. Mais s’il ne devait rester des 64 ans, à la fin, qu’une coquille vide, pourquoi jeter le pays dans une crise sociale et la paralysie ?  De fait, sur un sujet aussi emblématique, LR donne le sentiment de choisir son camp : la majorité présidentielle contre le peuple. Ce parti ouvre un boulevard au RN dans sa course à la respectabilité, au profit duquel il libère l’espace d’une opposition de centre-droit.

D’aucuns semblent se dire que cela permettrait le retour des idées de droite au pouvoir pour succéder à Macron. Est-ce une fausse solution ? Cela risque-t-il plus de condamner la droite que de la sauver ?

Par le plus grand des paradoxes, la droite LR est en train de lier son destin à celui du macronisme voué à faire naufrage dans l’impopularité. L’omniprésence médiatique du chef de l’Etat sert à couvrir une réalité dramatique. La France est un pays qui souffre dans sa chair : vertigineux effondrement scolaire, spectaculaire poussée de la violence et de l’insécurité, crise du système de santé, perte de la maîtrise des flux migratoires, montée de la pauvreté (touchant près de 10 millions de personnes), chômage massif de 3 à 5 millions de personnes, inflation qui frappe de plein fouet les familles, vives inquiétudes autour de l’explosion de la dette publique qui obère l’avenir des générations futures et face au risque d’être entraîné dans la guerre entre la Russie et l’Ukraine. Après dix ans au pouvoir, les Français ne manqueront pas d’en tenir l’équipe actuelle pour responsable et plus généralement, des politiques d’inspiration socialiste menées depuis quinze ans. Il est invraisemblable que LR, élu comme parti d’opposition, ait fait le choix de s’associer à cette débâcle.

Quelles conséquences politiques et idéologiques cela peut-il avoir ? 

Elles sont nombreuses. LR, en brouillant son image, risque de renforcer le RN. Mais aussi il laisse le monopole de l’opposition non-RN à la gauche. Voyez comme le parti socialiste, et non la droite, a mis le gouvernement face à ses contradictions sur le nombre de bénéficiaires de la retraite minimale de 1200 €. Le RN et la gauche ne peuvent que sortir requinqués de cet épisode. Les leaders LR donnent une image d’obséquiosité envers le pouvoir dont ils auront du mal à se remettre. Mais surtout, pour une réforme à la fois inconsistante, confuse et injuste, il se coupent d’une partie de leur électorat qui les a élus en tant que parti d’opposition. Ils reconstituent de fait une majorité absolue que la Nation a refusé au chef de l’Etat aux législatives de juin dernier, tournant le dos à la France populaire. L’argument de la cohérence à leur programme de 2017 et 2022 prônant un report de l’âge de départ à la retraite à 65 ans est incompréhensible : en quoi un programme, ayant contribué à deux reprises à la défaite, serait-il gravé dans le marbre, comme s’il était interdit de réfléchir et de se remettre en question ? La principale conséquence sera d’aggraver l’écœurement des Français envers la politique, le désengagement et l’abstentionnisme.

MT

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Lecture: la Wehrmacht, la fin d’un mythe, sous la direction de Jean Lopez, Perrin 2023

Voici un livre passionnant pour les amateurs d’histoire militaire et d’histoire tout court. Dans cet ouvrage, Jean Lopez et plusieurs historiens de la Deuxième Guerre Mondiale pourfendent le mythe de l’invincibilité de la Wehrmacht et mettent l’accent sur la part de ses succès qui reviennent aux fautes commises par l’armée polonaise, dispersée sur un front immense ou les forces françaises qui se précipitent dans le piège tendu par l’ennemi en venant à sa rencontre en Belgique alors que l’attaque principale se déroule dans les Ardennes.

L’ouvrage s’attarde aussi sur les hésitations invraisemblables du Führer qui empêche l’assaut des PanzerDivision sur Dunkerque où l’armée anglaise est piégée, se fondant sur les promesses de Goering de réduire cette poche de résistance franco-britannique par la seule aviation. L’occasion qui est laissée à l’armée britannique de s’évader par la Manche sera décisive pour la suite de la guerre…

Au moment de l’offensive Barbarossa, un tournant de la Deuxième Guerre Mondiale, l’attaque de l’URSS le 21 juin 1941, la Wehrmacht est loin d’être la puissance invincible forgée par le mythe. Les moyens engagés sont à peine plus importants que ceux qui lui ont permis d’écraser la France en trois semaines, pour une ligne de front 4 fois plus étendue: 150 divisions contre 140 et seulement 1200 chars supplémentaires.

Mais surtout, la faute d’Hitler et de ses généraux est de mésestimer fortement la puissance de l’URSS: « L’Armée rouge est gigantesque, bien plus que les Allemands ne le supposent. Elle dispose d’un matériel de combat abondant et de qualité, de munitions, de carburant à suffisance. L’artillerie tractée est supérieure à celle de l’Allemagne. De nouveaux matériels, en cours d’introduction n’ont aucun équivalent au monde: le char T 34, le système de roquettes Katioucha, le bombardier tactique Sturmovik ».

Les auteurs relativisent la grande guerre patriotique et soulignent qu’une partie des 80 millions d’habitants de l’URSS, Ukrainiens et Russes sous occupation allemande, se sont tout d’abord solidarisés de l’envahisseur par haine du régime soviétique (un à deux millions de collaborateurs actifs). C’est alors que les nazis ont commis une de leurs plus grandes erreurs: « la guerre d’anéantissement – par manque d’intelligence. » Les massacres, les fusillades de masse, les pratiques d’extermination les rendent encore plus monstrueux et haïssables que les communistes et privent les Allemands d’un potentiel de soutien non négligeable.

Autre faute gigantesque commise par les Allemands: ils considèrent le Russe comme un « être inférieur, primitif, près de la nature« , incapable de résistance face à l’invasion. Ils n’imaginent pas un instant que cet être inférieur, selon la logique raciste hitlérienne, soit capable de défier l’armée aryenne. Ils s’attendent dès lors avec certitude à un effondrement militaire suivi de la dislocation du régime. « Les chefs militaires et Hitler ne doutent pas de la rapidité de cet effondrement. » L’échec de la Wehrmacht devant Moscou en décembre 1941, surprise par la boue, le froid et surtout la résistance acharnée des Russes (incompréhensible au regard des thèses racistes hitlériennes), représente le véritable tournant de la guerre rendant quasiment inéluctable l’échec final de Barbarossa.

Entre les récits des grandes batailles de la Deuxième Guerre Mondiale et l’analyse des stratégies, des tactiques et des rapports de forces, cet ouvrage fourmille d’histoires et d’anecdotes qui en font aussi la richesse. Il comporte plusieurs interview ou compte-rendu d’entretien avec des témoins, par exemple le major allemand Kurt Klusmeier, dernier défenseur de Breslau qui raconte sa campagne de Russie: « De quoi aviez vous le plus peur? Des orgues de Staline. C’était le plus dangereux et surtout, le plus insupportable. Le hurlement qui accompagne le lancement des 36 fusées, je l’entends encore dans mes tripes ».

Au passage, Jean-Claude Delhez, spécialiste des questions militaires, relativise l’efficacité du char dans les combats de la guerre moderne – notamment au regard du rôle beaucoup plus essentiel joué par l’aviation – y voyant une part de mythe (encouragé par les industriels de l’armement) dès lors que des armes antichars permettent de plus en plus aisément de les neutraliser.

MT

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Révision constitutionnelle? Ou la fuite par le haut

Une révision constitutionnelle serait dans les tuyaux (voir une du Figaro de ce matin). Elle porterait sur le renforcement du Conseil constitutionnel promu en « Cour suprême », la limitation du nombre de mandats parlementaires consécutifs, un redécoupage des régions, la constitutionalisation de l’ivg, etc. En effet, il est plus facile d’ouvrir un chantier de révision constitutionnelle que de regarder en face les drames de la France: une gigantesque dette publique (3000 mds); catastrophe du commerce extérieur (160 mds de déficit annuel, le record d’Europe); désastre de l’Education nationale (avant dernier au classement Timss en mathématiques); aggravation de la violence (+8% de coups et blessures); 10 millions de pauvres et paupérisation croissante due à la poussée inflationniste; perte de la maîtrise des flux migratoires (+320 000 premiers titres de séjour et 150 000 demandeurs d’asile); effondrement de l’indépendance énergétique de la France à cause d’une politique d’affaiblissement du nucléaire civil, drame de l’hôpital et de la médecine libérale, etc. Alors, il existe mille manières de fuir cette situation dramatique qui dispensent de la regarder en face: l’exubérance médiatique, le déclenchement du chaos social, la désignation de boucs émissaires, l’exacerbation des peurs et des angoisses. Et puis il en est une autre: la grandiloquence qui consiste à lancer des grands chantiers ambitieux tournés vers les nuées – et inutiles – plutôt que de travailler c’est-à-dire se mobiliser sur les tragédies du quotidien avec le souci de la vérité et sans esbroufe… Mais n’est-ce pas trop en demander? Et puis forcément, s’intéresser au monde des réalités risque d’orienter l’attention collective sur la question des responsabilités. MT

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Diabolisation de la pensée

L’une des caractéristique de l’époque est la difficulté à penser et réfléchir. Il existe toujours un courant d’opinion dominant dans les médias et sur les réseaux sociaux soumis à l’émotionnel, qui prétend imposer son opinion et ne supporte pas la moindre esquisse de dissidence. Nous le voyons sur la guerre entre la Russie et l’Ukraine. Le seul fait de vouloir réfléchir à ce conflit est quasi impossible. Un simple constat – en l’absence de solution militaire, dès lors que l’occident ne veut pas faire la guerre directement, il faudra bien, un jour ou l’autre, songer à une issue négociée sauf à consentir à la destruction progressive de l’Ukraine – relève de l’intolérable et vaudra à son auteur, non une réponse argumentée, mais une volée de fureur haineuse: poutiniste, pétainiste, munichois, défaitiste, etc. Autre signe inquiétant de cet abrutissement de masse : sur l’affaire Palmade. Avez vous, vous-même envie de subir un micro-lynchage? Ecrivez des mots de simple bon sens: la justice se fait dans les tribunaux, pas sur les plateaux de télévision ou sur les réseaux sociaux. Vous allez déchaîner un indescriptible vent de rage (je m’y suis risqué!). Ou encore sur la réforme des retraites. L’idéologie dominante se focalise sur des avis généraux de type, il faut travailler jusqu’à 64 ans. Vous pouvez déployer tous les arguments factuels – les 64 ans n’auront d’impact que sur les milieux populaires (travailleurs manuels) ayant travaillé avant l’âge de 21 ans compte tenu de la règle des 43 annuités – jamais l’idéologie dominante ne vous répondra sur le plan des faits mais toujours sur celui du slogan: les Français doivent travailler plus! Et peu importe le fond: cette réforme est nécessaire parce qu’elle est nécessaire. Franchement, notre temps est dur pour la pensée.

MT

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Le paradoxe boursier- réflexion matinale

7317: c’était le niveau du CAC 40 ce matin, en hausse. Le 11 mars 2003, il était à 2406. Et depuis, par-delà les soubresauts, il ne cesse de monter avec un quasi triplement. Nous sommes dans un étrange paradoxe. Il est à peu près indéniable que la France réelle connaît un effondrement dans tous les domaines: explosion du déficit extérieur (record absolu avec 160 mds en 2022), signe de la désindustrialisation; hausse de la dette publique (de 2000 à 3000 mds en dix ans); désastre des services publics, notamment sanitaire; chute vertigineuse du niveau scolaire (France avant dernière en mathématiques); chômage considérable (3 à 5 millions de personnes privées d’emplois) nonobstant les mensonges officiels; montée de la pauvreté (10 millions sous le seuil de pauvreté selon l’INSEE et deux millions de RSA); écrasement fiscal (là aussi malgré les mensonges) à en juger par les records de prélèvements obligatoires (45% du PIB avant dernier derrière le Danemark); montée de l’insécurité, avec des hausses continues chaque année des violences aux personnes; incapacité à maîtriser les flux migratoires (320 000 premiers titres de séjour en 2022 et 150 000 demandeurs d’asile, record absolu), misère des Armées (impossibilité de disposer de plus de 200 chars). A cela s’ajoute la banalisation de la corruption en politique (non démission des mis en examen), et la crise de confiance démocratique qui atteint des sommets. Il faut beaucoup d’aveuglement pour nier cette réalité. Et pourtant, par delà ce naufrage avéré, global, la bourse pulvérise tous les records. Ces propos ne relèvent pas de l’idéologie anticapitaliste! Mais juste du constat, d’un questionnement, une interrogation sur des faits. A la vue de ce paradoxe, il pourrait sembler que la finance prospère sur le malheur collectif et la désintégration de la nation et de la démocratie. La bourse est comme déconnectée de la réalité, elle monte quand le pays s’effondre. Ni les virus, ni les troubles sociaux, ni les menaces de guerre et d’anéantissement ne paraissent la perturber le moins du monde. Elle donne le sentiment de se gaver sur le malheur, le chaos, l’appauvrissement, la détresse et les peurs et même de profiter du déclin. A vrai dire, je n’ai pas d’explication claire et encore moins de solution. Mais une ultime question: jusqu’où cela peut-il durer?

MT

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L’atomisation de la politique française et le risque d’une déflagration (pour Atlantico- extraits)

Le score élevé de la Nupes dans un contexte d’abstentionnisme titanesque a été l’une des surprises des dernières élections législatives. Il a fortement contribué à satisfaire la volonté populaire de priver le chef de l’Etat d’une majorité présidentielle absolue. Aujourd’hui les excès des Insoumis semblent susciter une prise de distance de ses partenaires communistes, écologistes et socialistes.  Cette alliance électorale soudée par le charisme de M. Mélenchon et son bon score aux dernières présidentielles a toutes les chances de voler en éclats dans les années à venir. Même la CGT prend ses distances. Mais ce phénomène concerne l’ensemble de la politique française. Le naufrage dans l’impopularité du président Macron et l’impossibilité pour lui de se représenter en 2027 annonce la disparition quasi inévitable de Renaissance. LR est en train d’exploser entre les partisans d’un ralliement à la majorité présidentielle sur la réforme des retraites et une forte minorité de ses adhérents et sympathisants ou électeurs qui déplorent ce rapprochement. Nous marchons vers une désintégration complète de la politique française sans le moindre signe d’une recomposition possible à ce stade.

  • La stratégie de la conflictualité, proprement Révolutionnaire, déployée par Jean-Luc Mélenchon risque-t-elle de porter ses fruits pour la grande journée de mobilisation et de grève générale prévue pour le 7 mars ? Le gouvernement sera-t-il obligé de reculer et de retirer son projet de réforme des retraites face à la rue, à la mobilisation et en cas de débordements le 7 mars ?   

La vérité, absolument taboue – personne ne le dit –  est qu’il a déjà beaucoup reculé. L’âge du départ à la retraite à 64 ans, compte tenu des 43 annuités obligatoires visait à faire travailler plus de 43 ans les personnes ayant commencé à travailler avant 21 ans, c’est-à-dire n’ayant pas fait de longues études. Cette mesure s’inscrivait dans la logique habituelle du mépris : faire payer la France populaire, ou périphérique. En principe l’exécutif a peu ou prou accepté, grâce à la pression de quelques réfractaires de LR, que nul ne soit obligé de travailler au-delà de 43 annuités (même s’il reste plusieurs poches d’iniquité dans la dernière mouture du projet). De fait, cela veut dire que le report de l’âge du départ à 64 ans est en passe d’être abrogé. Mais silence: il ne faut surtout pas le dire pour préserver l’illusion de la mise en œuvre d’une promesse présidentielle. Maintenant, le pouvoir macronien et le mouvement social s’affrontent autour d’une coquille en grande partie vidée de toute substance. Dans ce genre de situation, tout peut arriver. La prise de conscience que cette réforme est proche du néant peut certes aboutir à apaiser les esprits. Mais parfois, les grandes révoltes ou révolutions éclatent pour des symboles. Songeons à mai 1968 déclenché pour des broutilles. Dans le contexte d’impopularité et d’extrême tension sociale, une véritable explosion est évidemment possible. Dans ce cas, l’annonce du retrait symbolique des 64 ans interviendrait sans doute trop tard pour arrêter le mouvement.

MT

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Sur l’éviction d’Aurélien Pradié de la vice-présidence de LR (pour la Revue politique et parlementaire)

L’éviction d’Aurélien Pradié de son poste de vice-président de LR (les Républicains) pourrait s’interpréter comme une simple anecdote dans la vie politique française.

Cependant, elle est bien davantage, car révélatrice du mal profond qui ronge cette formation, probablement à l’image de la classe politique dans son ensemble. Ce mal a un nom : la déconnexion. Tout se passe dans ce dossier comme si les leaders de la droite LR avait perdu le sens des réalités, le contact avec la vie réelle et la population du pays.

Miné par la vague des ralliements au macronisme de 2017 et 2022, l’effondrement électoral de la dernière présidentielle et des législatives où il a perdu la moitié de ses députés, LR avait au départ choisi de camper fermement dans une posture d’opposition fustigeant les trahisons des transfuges.

Pourtant, son état-major a décidé de soutenir la réforme des retraites du président Macron et sa majorité, qualifiée de mère des réformes du quinquennat, c’est-à-dire une réforme emblématique de la transformation de la France selon le credo « macroniste ». Ce faisant, en soutenant une réforme aussi politique et aussi symbolique, LR a donné au pays le sentiment de se rallier à son tour de la majorité macroniste.

L’argument invoqué par LR était double : donner une impression de sérieux et de respectabilité par opposition aux courants « extrémistes » de la Nupes et du RN, et surtout offrir des gages de cohérence avec lui-même. Dès lors que le report de l’âge de la retraite à 65 ans figurait dans les programmes de M. Fillon en 2017 comme de Mme Pécresse en 2022, LR s’estimait lié par l’obligation de soutenir le projet de loi macroniste axé sur un report de l’âge de la retraite à 64 ans. Ce raisonnement exhalait un étrange parfum d’entêtement : au prétexte de ne pas se déjuger, LR collait à un programme qui à quatre reprises (deux présidentielles et législatives) a contribué à son échec.

Mais surtout, LR passait à côté de l’essentiel. De fait, la portée réelle du report à 64 ans qui cristallise la contestation sociale, est limitée compte tenu des 43 annuités obligatoires et d’un âge moyen du premier emploi en France situé bien au-delà des 21 ans. La règle des 64 ans visait au départ les travailleurs ayant fait peu d’études, entrés sur le marché du travail avant 21 ans, c’est-à-dire les travailleurs manuels, la France populaire.

Cette réforme des retraites, en soi d’un intérêt réduit (pour ne pas dire inexistant), a ainsi donné lieu à un vent de colère du pays dans son immense majorité contre sa classe dirigeante en raison de son caractère injuste. Elle a pris une dimension emblématique de la fracture démocratique entre les milieux dirigeants (ou les «élites ») et le peuple ou la France périphérique. Selon de multiples sondages concordant, 72% des Français y était opposés et 90% des actifs. Par le plus invraisemblable des paradoxes, dans ce bras de fer, les leaders d’un parti LR prétendument d’opposition et populaire, ont choisi le camp d’une macronie en plein doute, incarnation de la France des « élites », contre le peuple ou contre la Nation.

Aurélien Pradié et quelques députés de la jeune génération LR ont compris la nature de ce conflit bien avant l’état-major de LR, empêtré dans le dogme des 65 ans comme les généraux de 1939 campaient dans des stratégies obsolètes. Et c’est principalement l’activisme à l’Assemblée nationale des quelques rebelles de LR qui a poussé le gouvernement et la majorité présidentielle à annihiler presque entièrement la règle des 64 ans en imposant la généralisation des 43 annuités aux carrières longues – une évolution dont l’état-major LR se félicite désormais tout en accablant ceux qui en sont à l’origine ( évidemment sans pour autant admettre que de fait, les 64 ans ont été quasiment retirés…) 

Dans cette affaire, ce sont évidemment les députés réfractaires auxquels les faits donnent raison (par-delà la satisfaction ostentatoire des partisans de la fermeté à leur encontre). Et les gardiens du temple ou du programme de 2017 et 2022 sentent bien au fond qu’ils se sont fourvoyés. D’où la raideur de leur réaction. L’autoritarisme conduisant à l’éviction de M. Pradié de la présidence de LR signe le désarroi de ceux qui ont conscience de s’être trompés. Sanctionner un député pour ses choix lors des débats parlementaires n’est pas conforme à la tradition d’un courant politique qui se réclame de la liberté et de la démocratie.

D’autant plus que les faits (la neutralisation par le gouvernement des 64 ans) donnent raison à ce député et ses alliés chez LR. En politique, l’autoritarisme est généralement un aveu de faiblesse. L’éviction de M. Pradié résonne avec des accents d’autorité « jupitérienne » ou « verticale » à l’image de la mésaventure du général de Villiers poussé à la démission en 2017 – pour avoir dit la vérité sur l’état des forces armées (évidemment avec des conséquences sans commune mesure). Elle sera ressentie, par l’état d’esprit qu’elle exprime, comme une trace supplémentaire de l’influence croissante du macronisme sur le leadership de LR. Quant à M. Pradié, il ne peut que se féliciter de cette séquence qui le victimise, lui permet (à tort ou à raison) de se présenter en défenseur du peuple en colère contre les dirigeants du pays et en homme de conviction, dans la posture avantageuse du rebelle solitaire, peu sensible à la perte d’un prébende. 

MT

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Message de la France écœurée

Voici un message reçu ce matin par un prénommé Philippe. En voici un qu’on n’entendra pas sur les plateaux de télévision ou à la radio et qu’on ne lira pas dans les journaux. On présume, au ton de son message, qu’il n’est membre d’aucun parti politique, ni adhérent, ni sympathisant. Il intervient comme une sorte de porte-parole des 54% d’abstentionnistes aux dernières législatives ou des 80% de Français qui n’ont pas confiance en la politique (CEVIPOF). Il me semble important de relayer ici ce qu’il a à dire.

Bonjour Maxime bonjour à tous,

On atteint ces jours-ci le summum de la bêtise. Le pire est que tout cela est contagieux, on trouve les mêmes guignols dans les conseils départementaux et régionaux. Le pays est à l’image de ceux qui le dirigent. Beaucoup de maires sont désabusés, écoeurés. Menaces de morts, insultes, agressions. Force de police, pompiers, professeurs, instituteurs, etc, les institutions de la république ne sont plus respectées. L’Etat n’a plus aucune légitimité. Vous dîtes Maxime: « Comme la IIIe comme la IVe, la Ve R s’effondre dans le ridicule. » C’est un fait, mais je crois qu’avec M. Macron on atteint un sommet que jamais la France n’a connu depuis la naissance de la République.
M. Macron avait avertit, il l’a dit :  « Il faut déconstruire l’histoire » Il ne se contentera pas de déconstruire l’histoire, il va détruire toutes nos valeurs, tout ce qui faisait la France. Jamais chef d’état ne fut aussi mauvais.
Aujourd’hui force est de constater que tous Ministres, sénateurs, députés et autres sont d’une médiocrité et d’une bêtise intersidérale.
En fait tous ces guignols se fichent éperdument de l’avenir de la France et des Français.
On parle de la France, mais le malaise est plus profond, il est européen, Europe désormais aussi vassal des Etats-Unis. Je voyage en Europe et la malaise est partout. Je reviens de Suède et là-bas, la situation se dégrade, insécurité, pauvreté avancent à grands pas.
C’est un effondrement de la civilisation occidentale qui aujourd’hui est en marche.
De plus partout, il y a des va t’en guerre rêve d’un conflit généralisé, sous pression de la secte politico-militaro-industrielle américaine qui d’ailleurs fait un excellent travail en Pologne et en Europe.
Des gens on un intérêt à diriger le peuple par l’ignorance, la peur et la terreur.

Philippe

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Au paroxysme de la honte et du ridicule

Quel spectacle autour de la réforme des retraites. Beaucoup de bruit pour rien comme dirait Shakespeare. Pour la seule glorification de la statue du commandeur, le pouvoir s’acharne à imposer au pays une réforme totalement creuse, vide et inutile – tout le monde le sait – au prix d’un nouveau chaos politique et social. Une partie de l’opposition se contorsionne avec des ronds de jambes pour paraître respectable et responsable – fayote – , s’associant sans vergogne à une nouvelle entreprise de mépris du peuple (ou de la Nation). L’autre hurle, vocifère, gesticule, insulte, crache, vomit, éructe. Il n’y aura sans doute pas de dissolution. Pas assez courageux ni audacieux pour cela. Et s’il y en avait une, vous vous imaginez le taux d’abstention? C’est insulter le pays que de considérer ces nullités comme ses représentants véritables. Il faut dire qu’elles ont été élues avec une participation de 46% des voix, nettement moins de la majorité. Quelle est la légitimité d’une élection où vote moins de la moitié des électeurs? Comme la IIIe comme la IVe, la Ve R s’effondre dans le ridicule. Mais en 1945 comme en 1958, il s’est trouvé des personnalités assez intelligentes et de caractère pour faire le constat: le système est mort, il faut en changer. Evidemment qu’ils n’en sont même pas capables aujourd’hui.

MT

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Sur l’avenir de la droite modérée au regard de ses divisions concernant la réforme des retraites (Pour Atlantico – extraits)

La fracture fondamentale [interne à ce parti] porte sur la stratégie de reconquête du pouvoir. Un parti qui a fait 4,8% des voix aux présidentielles et perdu la moitié de ses députés s’interroge que la manière de revenir au premier plan. Il se déchire sur trois scénarios possibles, à l’horizon de quatre ans, reposant sur le constat que le président Macron ne peut pas se représenter en 2027 à l’issue d’un second mandat.

Un premier scénario préconise une alliance en bonne et due forme ou accord de gouvernement avec les macronistes (approche de M. Sarkozy et M. Copé). D’une force centrale, formée de Renaissance et des LR, opposée aux deux extrêmes, Nupes et RN, un leader venu de LR, selon ce schéma peut émerger et  remporter la bataille des présidentielles puis des législatives. Le second scénario est celui de l’opposition constructive, ou celui de la respectabilité. LR reste en principe dans l’opposition mais démontre, en collaborant ponctuellement avec le pouvoir macroniste, son aptitude à revenir au gouvernement à l’inverse de la Nupes et du RN. C’est la ligne que l’état-major de LR (Ciotti, Retailleau, Marleix) tente d’imposer sur la réforme des retraites. Le troisième scénario est celui de l’opposition frontale, misant sur l’impopularité croissante du macronisme dans les années à venir : LR ne doit pas laisser le monopole de l’opposition à la Nupes et au RN mais tout au contraire, les prendre de vitesse pour s’imposer comme la seule opposition à la fois résolue et crédible (Pradié).

[…] Sur la réforme des retraites, LR (l’état-major) a commis une erreur titanesque. L’argument de la cohérence avec les 65 ans figurant dans les programmes de François Fillon et de Valérie Pécresse est absurde. En quoi un parti politique, après deux défaites consécutives, est-il tenu de s’obstiner à revendiquer un programme qui justement l’a conduit à la défaite ? Qu’est-ce qui lui interdit de réfléchir, d’ouvrir les yeux, et de se demander s’il est de bonne politique de se focaliser sur le totem de l’âge du départ, quand tout démontre que le nombre d’annuités est plus juste et plus souple ? Le drame de LR tient à la contradiction fondamentale de la position adoptée : se prétendre parti d’opposition populaire et faire le choix, sur un sujet aussi emblématique que les retraites, du soutien au pouvoir macroniste contre le peuple (dans son immense majorité). Et prétendre, dans la même logique, faire le bien des gens contre eux-mêmes.

Les idées et la culture de droite modérée, (l’héritage de Gambetta, Clemenceau, Poincaré, de Gaulle et Pompidou), sont probablement majoritaires dans le pays. Cependant, cet héritage est en ce moment noyé dans la médiocrité par ceux qui s’en réclament. J’ignore si l’éclatement est inévitable, en revanche, la descente aux enfers de ce parti semble bel et bien s’accélérer.[…] L’effondrement du macronisme est inéluctable du fait de son immense impopularité, incarnation du mépris des gens et en tout état de cause, l’impossibilité pour le président Macron de se représenter. La Nupes fait naufrage dans la violence et le chaos. Le RN reste le RN, empêtré dans l’image clivante de Mme le Pen, insupportable pour une grande partie de l’opinion, une course éperdue à la dédiabolisation et inaudible sur le dossier des retraites. Alors, dans un contexte de chaos politique, de décomposition générale, la droite modérée pourrait avoir une carte à jouer. Pour l’instant, elle est en train de la gâcher.

MT

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Jusqu’où peut-on se moquer du monde?

Ci joint ma dernière tribune pour Figaro Vox que je remercie. Motus, il ne faut surtout pas le dire. Reprenons dès le début. Selon l’INSEE, l’âge moyen du premier emploi en France est à 22,5 ans. Le nombre d’annuités nécessaire pour toucher une retraite à taux plein est de 43 (ce point est peu contesté). Dès lors, la moyenne théorique pour accéder à une retraite à temps plein est à 65, 5 ans pour la majorité des salariés. Cet âge est rarement atteint tout en étant actif compte tenu du faible taux d’emploi des plus de soixante ans : moins de 30%. Ainsi, mécaniquement, le report de l’âge du départ à la retraite s’applique aux personnes qui ont commencé à travaillé avant l’âge de 21 ans (puisque 21+43=64). Mais sous la pression d’une infime poignée de députés LR fustigeant cette injustice, le gouvernement a décidé hier que pour les carrières longues (entrée sur le marché du travail avant 21 ans), seules compteraient les 43 années de cotisation sans prendre en compte les 64 ans. Cela signifie que de fait, globalement, le report à 64 ans, au cœur de la réforme des retraites, est abrogé (sauf cas particuliers éventuels). Il en reste l’emblème, le trophée, l’enfumage. Evidemment, cela gène tout le monde. Les macronistes qui ont présenté la réforme des retraites (les 64 ans) comme la reine des réformes et le symbole de la « transformation » de la France. Mais aussi l’état-major LR qui s’est rallié à la majorité macroniste au nom des 64 ans reprenant (soi-disant) le programme Pécresse. Or, des 64 ans, il ne reste rien, ils sont comme abrogés, annulés, soufflés. On les garde pour la frime, pour la parure, pour la manipulation. C’est pour une coquille vide qu’on jette la France dans une nouvelle crise sociale et le risque de paralysie. Quand je le dis à mes relations LR, elles se contentent de balayer ma question d’un revers de main. J’attends que sur 65 millions d’habitants, il se trouve un responsable politique ou un intellectuel connu, bref quelqu’un d’important (autre qu’un modeste auteur de billet) pour dire la vérité. Jusqu’où peut-on se moquer du monde?

MT

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L’indignation, deux poids deux mesures

Aujourd’hui, les médias sont en ébullition parce qu’un ministre a été traité « d’assassin » à l’Assemblée nationale, parce qu’un député a twitté une liste (publique) de députés ayant voté contre une mesure (prétendument) sociale ou parce qu’un autre a joué avec un ballon à l’effigie de la tête d’un autre ministre. L’idée n’est en aucun cas de défendre de tels comportements. Certes, ils sont scandaleux, abjects, monstrueux, et tout ce que vous voudrez. Voilà, je l’ai dit, et qu’on ne me fasse pas dire le contraire! Mais la proportion que prennent ces incidents est terrifiante. Dans le passé les grands débats houleux à l’Assemblée ont toujours donné lieu à insulte et débordements (même parfois à des bagarres et des blessés). Témoignage: je me souviens d’un débat sur l’immigration en 2006 à l’Assemblée où les ministres étaient traités: de tortionnaires des étrangers, de salaud, de voyous de la République, de criminel, de raciste, de pétainiste, d’hitlérien, de maurrassien, de fasciste, de néo nazi, d’assassins, de chantre des camps de concentration et encore d’assassins et de salauds (combien de fois! Combien de fois)! Et par les mêmes ou venus des mêmes horizons idéologiques que ceux qui aujourd’hui jouent les vierges offensées… Et les statues de paille brûlées en effigies! A l’époque, tout le monde s’en foutait. Nul ne s’indignait dans les médias. Car aujourd’hui, on sent bien le petit jeu du monde politico-médiatique: ils veulent s’en sortir en victimisant à outrance les oppresseurs. C’est-à-dire qu’au fond, les insulteurs font le jeu des oppresseurs en leur permettant de retourner l’accusation. Jetons un coup d’œil sur des faits qualifiés de faits divers: on ne peut plus compter les adolescents poignardés, les jeunes filles violées, leur compagnon tabassé à mort pour les avoir défendues, les personnes âgées ou handicapées passées à tabac et laissées pour mortes, les crachats, les mères frappées et insultées devant leurs enfants. Mais plus personne ne s’intéresse aux tragédies qui ensanglantent la France quotidienne. En revanche, un ministre traité « d’assassin », et le monde médiatique entre en ébullition. Pensez-vous, on s’est permis de tâcher son superbe plumage de paon. Bien sûr c’est scandaleux de traiter un ministre d’assassin – je le dis et le répète – mais jadis a l’Assemblée cette insulte était courante, quotidienne, et les ministres s’en foutaient éperdument quand ils pensaient à l’intérêt du pays plutôt qu’à leur plumage de paon vaniteux.

MT

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La position de la droite LR sur la réforme des retraites est incompréhensible

Les dirigeants de LR ne cessent de répéter qu’ils doivent être cohérents avec eux-mêmes. Lors des dernières présidentielles de 2017 et 2022, le retour aux 65 ans figurait parmi les priorités de leur candidat. Dès lors, le parti, en tant que « parti de gouvernement » serait dans l’obligation de soutenir le projet de loi sur le report à 64 ans de l’âge du départ à la retraite. Cependant, il n’a échappé à personne que LR avait échoué en 2017 comme en 2022 où sa candidate a subi une humiliation. Alors certes, la question des retraites n’est sûrement pas seule en cause. Mais qu’est-ce qui interdirait à la droite LR de remettre en question un projet qui a contribué à la conduire à deux défaites aux présidentielles comme aux législatives – à l’abîme?

Ils disent aussi: nous défendons les intérêts nationaux. Mais ils sont incapables, comme d’ailleurs l’ensemble des défenseurs de cette réforme, de démontrer l’intérêt objectif du passage aux 64 ans. Le nombre d’annuités pour toucher une pension à taux plein est fixé à 43 ans (point qui est peu contesté par les syndicats et les salariés). L’âge moyen du premier travail est selon l’INSEE à 22,5 ans. En théorie, l’âge de la retraite est plutôt à 65,5 ans pour la plupart des salariés, c’est-à-dire un an et demi au dessus des 64 ans. Mais, de fait, le taux d’emploi des plus de 60 ans est extrêmement faible, de moins de 30%. L’un des effets du passage à 64 ans consistera ainsi à transformer des retraités en chômeurs.

Mais surtout, le seul impact véritable des 64 ans concernera les personnes qui ont travaillé avant l’âge de 21 ans (et qui devront travailler plus de 43 années pour atteindre les 64 ans) : dès lors la mesure est non seulement inefficace, mais injuste car ciblant les travailleurs ayant fait peu d’études, notamment les professions manuelles. Et si les travaux parlementaires, dans un objectif d’équité, aboutissent à neutraliser totalement l’impact de la réforme pour les travailleurs ayant commencé avant 21 ans, les 64 ans deviennent une coquille vide. Une coquille vide mérite-t-elle de plonger le pays dans la tourmente sinon la paralysie?

Ainsi, l’intérêt de cette réforme des retraites – que personne n’est capable de chiffrer en l’état – serait au mieux infime sur le plan de ses avantages financiers au regard du poids de la dette publique de 3000 milliards € qui s’est accrue de 560 milliards en deux ans sous l’effet du « quoi qu’il en coûte » gouvernemental. Alors ses défenseurs de droite LR répondent: toute économie d’argent public, issu de prélèvements obligatoires (ou de l’endettement), est bonne à prendre, même minime. Mais pourquoi un tel arbitrage qui consiste à faire payer les seules catégories populaires (ayant travaillé avant l’âge de 21 ans), d’ailleurs sans la moindre garantie que ces économies ne seront pas dilapidées par la poursuite du quoi qu’il en coûte?

Alors la droite LR nous dit aussi: c’est le symbole qui compte. Cette réforme permet de revenir sur l’image du passage de 65 à 60 ans décidé par François Mitterrand en 1981. Mais encore faudrait-il pour être honnête, prendre en compte les nombreuses réformes intervenues depuis lors qui prolongent le nombre d’annuités nécessaire pour toucher une retraite à taux plein. D’ailleurs, les comparaisons européennes sur l’âge du départ à la retraite, brandies comme des talismans par les chantres de cette réforme, négligent de tenir compte de la variable du nombre d’annuités qui conditionne l’âge du départ à la retraite. De même, sur le plan des comparaisons internationales, il serait correct de souligner que l’âge du départ à la retraite en France, pour les personnes qui ont eu des carrières hachées ou tardives, en particulier les mères de famille ou certaines professions intellectuelles et ne pouvant réunir les 43 annuités en temps voulu, est à 67 ans et non 62 ans.

Les symboles, parlons-en. Le conflit autour des 64 ans oppose aujourd’hui le pouvoir politique et ses alliés à l’immense majorité du monde du travail. Selon plusieurs sondages, 90% des salariés la rejettent et un fort pourcentage des Français soutient le nouveau mouvement social. Cette réforme des retraites a pris en effet une dimension symbolique: celle de la fracture démocratique entre les (prétendues) élites dirigeantes ou influentes qui s’incarnent dans le macronisme et l’opinion publique, farouchement opposée. Que la droite LR, dans cette affaire, se rallie à ce dernier contre un quasi consensus populaire est incompréhensible. Et remettre en cause la crédibilité des multiples sondages qui convergent dans le même sens et confirment un phénomène tellement perceptible sur le terrain ne saurait convaincre personne.

La France est un pays qui souffre depuis au moins une douzaine d’années, victime du terrorisme, frappé par le séisme des Gilets jaunes et deux mois de paralysie due au mouvement social de 2019-2020, puis la crise sanitaire et en ce moment la guerre en Ukraine et l’inflation. Les deux séismes – Gilets Jaunes et crise sociale – étaient de la responsabilité directe d’un pouvoir politique auquel les leçons visiblement ne profitent pas. La France est confrontée à de graves difficultés: la désindustrialisation qui s’exprime dans le vertigineux déficit du commerce extérieur, l’insécurité, l’immigration mal maîtrisée, le chômage, l’exclusion, la pauvreté, la crise de l’hôpital, l’effondrement de son niveau scolaire, etc. Elle souffre aussi du mépris de sa classe dirigeante ou influente, obnubilée par l’image (fausse) d’une France « fainéante » et persuadée (à tort) que les Français doivent être « remis au travail » de gré ou de force.

Le déclenchement d’un nouveau séisme social – pour une réforme de portée plus que douteuse – avec les risques de violences et de blocage, est incompréhensible. Et le soutien au gouvernement de la droite LR, pourtant élue en tant que parti d’opposition, l’est encore davantage.

La vérité, tout le monde la connaît ou la perçoit. Le sens de cette réforme est politique bien plus qu’économique. Le projet est emblématique du macronisme qui y voit le trophée du double quinquennat. En s’y ralliant, la droite LR, même si elle le nie farouchement, donne au pays le sentiment de rejoindre la majorité présidentielle. Ce choix de l’état-major de LR ne fait que poursuivre et achever les vagues de ralliement de la droite au macronisme de 2017 et 2022. La droite LR fait le choix de la majorité présidentielle contre la Nation alors que cette majorité présidentielle s’effondre dans l’impopularité. Elle reconstitue à l’Assemblée, par des manœuvres de couloir, la majorité absolue que le pays a clairement refusé au chef de l’Etat lors des législatives de 2022. Elle laisse ainsi le monopole de l’opposition aux extrémismes Nupes et RN et prive les Français d’une perspective d’alternance raisonnable en 2027 (ou avant).

MT

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Assemblée nationale, pourquoi le chaos? (pour Atlantico)

Le député Nupes Thomas Portes a été exclu 15 jours de l’Assemblée Nationale après avoir posé avec un ballon à l’image d’Olivier Dussopt sous le pied. A quel point est-ce symptomatique de l’ambiance globale à l’Assemblée nationale ?

En effet, l’Assemblée nationale est en ébullition et les députés Nupes se manifestent par des comportements d’une rare agressivité qui se multiplient : ballon à l’effigie de M. Dussopt, mais aussi diffusion sur twitter d’une liste de députés à raison de leur vote, déclarations intempestive de Mme Rousseau sur la retraite de MBappé, claquements de pupitre, chahut pour empêcher un orateur de s’exprimer, grossièretés (ta gueule, casse-toi)… On peut voir ces choses à deux niveaux : tout d’abord, une ambiance de cour de récréation, qui mine l’image de l’Assemblée nationale et risque de pousser les électeurs à toujours plus d’abstentionnisme. Mais aussi, au second niveau, on peut voir cela comme le reflet du chaos dans le pays, la banalisation de la violence et de l’irrespect, la montée de l’anomie (affaiblissement des valeurs de la vie en société). Les deux sont vrais. Personnellement, à choisir entre deux maux, je préfère une Assemblée nationale où il se passe quelque chose, même chaotique ou violent, qu’une Assemblée nationale éteinte et aseptisée, simple chambre d’enregistrement comme celle du premier quinquennat Macron.

Comment en sommes-nous arrivés à ce chaos de l’Assemblée nationale, notamment incarnée à la Nupes ?

Le chahut et le chaos viennent en apparence de la Nupes mais il faut voir que ce déchaînement trouve ses sources ailleurs. C’est devenu une habitude au plus haut niveau de la politique française de pratiquer la grossièreté mépris et l’injure au nom de la transgression. Ce ne sont pas des parlementaires qui ont traité les personnes défavorisées de sans-dents ou certains Français de fainéants, ceux qui ne sont rien et ne peuvent même pas se payer un costume, Gaulois réfractaires. Ce ne sont pas des parlementaires qui ont eu « très envie d’emmerder les non vaccinés » c’est-à-dire une catégorie de compatriotes. Ce ne sont pas des parlementaires qui ont utilisé en premier des mots grossiers comme « bordel, bordeliser, bordelisation »… Le chaos à l’Assemblée nationale est une conséquence directe du mépris de la classe dirigeante qui s’exprime depuis fort longtemps. Bien sûr les chahuteurs ne respectent pas les normes de la correction parlementaire. Mais ce n’est que la conséquence d’une banalisation du mépris de la classe dirigeante envers la Nation. Et ne parlons même pas des problèmes de corruption, des mises en examen non suivies d’une démission, dont l’effet est encore pire pour l’image de la politique que les bagarres de cour des récréation dans l’hémicycle.

 Qui sont les responsables de la situation ? 

Les responsables directs, visibles, désignés par les médias sont certes les députés Nupes. Mais ils ne sont pas les seuls loin de là. Quand les députés de la majorité quittent massivement l’hémicycle furibonds d’être mis en  minorité sur un texte, ils ne se comportent pas mieux… Même si les médias mettent moins l’accent sur leur attitude qui est tout aussi invraisemblable. Quand certains responsables LR se mettent à vilipender voire insulter des députés LR en raison de leur position divergente de celle du parti sur la réforme des retraites, ils ne se comportent pas mieux non plus… Et quand l’exécutif annonce son intention d’abréger les débats sur la réforme des retraites en recourant aux artifices de la Constitution (article 47-1), après avoir utilisé à plus de dix reprises l’article 49-3, un record absolu en si peu de temps, il contribue évidemment à attiser les tensions. Le chaos et la violence parlementaires sont aussi une réponse à des attitudes de l’exécutif ressenties comme des provocations.

Comment sortir de cette situation de blocage politique aux conséquences si délétères ?

Le problème, c’est que la France a perdu sa culture démocratique. Elle élit un chef de l’Etat par défaut sur la base de promesses sorties de son chapeau lors d’une campagne électorale, sans discussion, sans réflexion collective. Ce scrutin présidentiel, largement manipulé par le pouvoir médiatique (qui met en valeur tel ou tel candidat) est censé désigner un demi-dieu tout puissant. Ensuite, les élections législatives se déroulent dans l’indifférence du pays, avec un taux d’abstention gigantesque de plus de 54% en 2022.  Il résulte de ce désintéressement une Assemblée déchirée, chaotique, dominée par des passions violentes. Une Assemblée élue avec moins de 50% des électeurs n’a pas la même légitimité pour incarner la Nation qu’une Assemblée élue comme jadis avec 70 ou 80% des électeurs. D’où sa fuite en avant dans le grand-Guignol pour attirer l’attention des médias et du public. Il faut tout repenser dans la démocratie française, par exemple découpler les présidentielles et les législatives, faire un usage fréquent du référendum comme mode d’exercice de la souveraineté, par exemple sur un sujet aussi sensible que celui des retraites en cessant de croire que la nation est moins intelligente ou moins responsable que ses prétendues élites dirigeantes.

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Les conséquences politiques du débat sur les retraites (pour Figaro Vox)

Ce que je crois profondément: nous vivons une nouvelle étape de la descente aux enfers de la politique française. Les passions se cristallisent sur les 64 ans qui n’ont strictement aucun intérêt en soi compte tenu des règles du nombre d’annuités (43 ans pour un âge effectif du premier travail à 22,5 ans), de la panoplie de dérogations décidées pour ne pénaliser personne (ou le moins possible) et de la faiblesse du taux d’activité des plus de 60 ans (moins de 30%). La droite LR s’est une fois de plus laissée piégée, réduite à l’état de supplétive de la majorité macroniste par des manœuvres de couloir et contre la volonté populaire de ne pas accorder au chef de l’Etat une majorité absolue. Elle choisit le camp d’un pouvoir qui sombre dans l’impopularité, contre la Nation à 70% et 80% des actifs. Légiférer contre quatre cinquièmes de la force de travail de ce pays – ceux qui payent des impôts – il faut le faire… Et plutôt que de réfléchir et de se remettre en cause, la droite LR s’enfonce dans le déni en vilipendant tout ce qui essaye de la raisonner. Son unique argument désormais consiste à dire: nous sommes « de droite » et devons être cohérents avec le programme de toujours, y compris de Valérie Pécresse qui préconisait les 65 ans. Etre cohérent avec un programme qui a conduit à trois défaites aux présidentielles et législatives et 4,8% aux dernières présidentielles, est-ce vraiment intelligent?

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Le débat autour du report de l’âge de la retraite – une réforme extrêmement impopulaire – qui se déroule en ce moment à l’Assemblée nationale fera beaucoup de dégâts dans la classe politique française où les perdants seront plus nombreux que les gagnants.

L’autorité présidentielle n’en sortira pas grandie. Certes, la réforme trouve son origine dans le programme du président Macron. Mais nul n’a oublié que la promesse des 65 ans fut lancée pour déstabiliser la candidature de Valérie Pécresse alors que, quelques mois auparavant, le président proclamait : « Tant qu’on n’a pas réglé le problème du chômage dans notre pays, franchement, ce serait assez hypocrite de décaler l’âge légal du départ à la retraite. Quand aujourd’hui on est peu qualifié, qu’on vit dans une région qui est en difficulté industrielle, quand on est soi-même en difficulté avec une carrière fracturée, bon courage déjà pour aller jusqu’à 62 ans […] alors on va dire, maintenant, il faut aller jusqu’à 64 ans, vous ne savez pas comment faire pour aller jusqu’à 55 ans […] c’est hypocrite. » Cette spectaculaire volte-face n’est pas de nature à améliorer la confiance des Français en la parole politique.

L’image du gouvernement risque aussi d’en pâtir. Ces 64 ans qui soulèvent la colère d’une vaste majorité de Français apparaissent de plus en plus comme une mesure totémique. Compte tenu des multiples aménagements apportés, la mesure n’aura qu’un impact minime sur l’équilibre des finances publiques. Dès lors que le nombre des annuités exigible est de 43 ans, les 64 ans avaient pour objectif d’obliger à travailler plus de 43 ans les personnes entrées sur le marché du travail avant l’âge de 21 ans  (travailleurs manuels). C’est en cela qu’elle est ressentie comme injuste. Cependant, l’ensemble des dérogations à la règle des 64 ans finissent par la neutraliser. Qui pardonnera à un gouvernement d’avoir déchiré (sinon paralysé) le pays pour imposer une règle des 64 ans devenue largement emblématique ? La fermeté dont l’exécutif se prévaut risque de passer pour un accès de mépris.

A l’Assemblée nationale, les cartes aussi seront rebattues. Renaissance avec ses alliés – en dehors de quelques exceptions – mérite plus que jamais le qualificatif de parti godillot, fidèle serviteur du rayonnement élyséen dans une certaine tradition de la Ve République.

A droite de la droite, le RN – qui a longtemps préconisé, à l’inverse de la réforme actuelle, le retour de l’âge de la retraite à 60 ans – se montre plutôt discret, refusant par exemple de soutenir les manifestations. Dans sa quête de la respectabilité, il a laissé à la Nupes le monopole du spectacle dans la contestation de la réforme. Il est possible que cette discrétion soit le prélude à un affaiblissement de ce parti qui risque d’y laisser sa réputation (auto-proclamée) de défenseur du peuple. D’ailleurs son concurrent à l’extérieur du Parlement, Reconquête, pourrait lui aussi pâtir de cette réforme compte tenu du soutien qu’il a apporté au report à 64 ans.

Plus encore, la droite LR est en mauvaise posture. Son adhésion à cette réforme emblématique du double quinquennat, conçue comme un trophée ou un emblème de la « transformation » de la France, la voue au rôle de supplétif. Elle s’en défend en répétant que les 64 ans (plutôt 65) figuraient dans son projet, au risque de fermer les yeux sur tout le reste, l’insignifiance et le caractère injuste de la réforme et le bilan global des six dernières années. La droite LR donne ainsi le sentiment de s’allier à la majorité contre le peuple et de reconstituer artificiellement, par une combinaison de couloir, une majorité absolue que la nation avait refusée au chef de l’Etat en juin dernier.

Alors la Nupes, ou gauche radicalisée, sera-t-elle le vainqueur de l’épreuve de force actuelle ? Le procès d’obstruction qui lui est fait à l’Assemblée nationale semble infondé. Les milliers d’amendements, le chahut et les battements de pupitres font partie de la tradition parlementaire à chaque fois qu’un sujet sensible est en discussion. Cette véhémence est une réponse aux armes du parlementarisme rationalisé (47-1, 49-3) qui visent à écourter les débats, inadaptées à une discussion sur un sujet aussi sensible dans le pays. Dans cette épreuve de force, la Nupes colle à la révolte populaire même si cela ne préjuge évidemment pas de sa capacité à inspirer la confiance comme force d’alternance.

En revanche, le chaos politique semble ouvrir la voie à l’émergence de nouveaux visages. Quelques députés de la droite LR ont manifesté leur caractère et leur vision en se désolidarisant de la ligne de leur parti. Grosso-modo, ce sont les mêmes qui s’étaient opposés à l’alignement de LR sur le gouvernement lors de la crise sanitaire et les mesures de l’Absurdistan dont le passe vaccinal, destiné à « emmerder les non vaccinés ». A travers leur opposition,  ils ont perçu ce qui se joue au-delà de la question des 64 ans : une épreuve de force entre la classe dirigeante et la France populaire ou périphérique. Ils sont vilipendés par les notables de leur parti qui les accusent de faire cavalier seul. Pour autant, l’esprit frondeur fait lui aussi partie de la vraie tradition gaullienne. A terme, il est possible que l’avenir leur donne raison.

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Lecture: Journal (1912-1939), Maurice Garçon, Perrin-Tempus 2017 (présentation de H.)

« Nous sommes conduits par des fous et des gens malhonnêtes… Nous avons confiés notre sort à des hommes indignes ou à des fous utopiques. » Ainsi Maurice Garçon commente-t-il le 8 mars 1936 la réaction du président du conseil Albert Sarraut à l’annonce de la réoccupation de la Rhénanie et la dénonciation des traités et pactes signés après la Grande guerre par l’Allemagne hitlérienne. Ces propos résonnent curieusement à nos oreilles dans notre France de 2023 et, pour ceux qui se plongeront comme moi avec délice, du moins je l’espère, dans la lecture de son journal couvrant la période allant de 1912 à 1939 (et de celui qui couvre l’Occupation, publié en 2015), ils trouveront très facilement d’étranges similarités entre cet entre-deux guerres que nous connaissons si mal et la période contemporaine.

Le grand avocat qu’était Maurice Garçon accède au Barreau à l’âge de 22 ans (il est né en 1889). Depuis cette date et jusqu’à son décès en 1967, il tiendra un journal dans lequel il consigne, autant que faire se peut jour après jour, ses réflexions sur sa vie d’avocat pénaliste et sa vie au quotidien, vie qu’il partage entre Poitiers, où il possédait une propriété (exactement à Ligugé à quelques kms), et la capitale. Pascal Fouché et Pascale Froment, à qui l’on doit la publication en 2015 d’un premier tome couvrant la période 1939-1945 chez un autre éditeur (Maurice Garçon, Journal 1939-1945 Belles Lettres ), ont continué leur travail et présidé à l’édition d’un nouveau volume où l’on voit un jeune avocat talentueux prendre son envol et s’installer au cœur de la vie judiciaire française.  C’est brillant et remarquablement bien écrit. D’ailleurs, à ce sujet, les deux responsables précisent : « Maurice Garçon tenait son journal presque quotidiennement, souvent tard le soir. Pratiquement sans ratures, l’ensemble, assez lisible, comporte des erreurs de transcription et des fautes d’inattention souvent liées à la vitesse d’écriture. Nous avons corrigé les plus manifestes ».

Dans cet ouvrage, le lecteur découvrira une peinture souvent sévère de la vie politique et judiciaire de cette époque un peu lointaine et prendra pleinement conscience, si besoin en était, du changement profond de société intervenu entre la fin de la Belle époque et la période du Front populaire. Par un hasard, qui peut être qualifié d’heureux d’une certaine manière, Maurice Garçon a échappé à la grande boucherie qui va de 1914 à 1918. Non pas qu’il ait été lâche mais on a estimé que son état de santé était incompatible avec la vie du soldat en campagne (suspicion de tuberculose). A une époque où l’immense majorité de sa génération a été envoyée au front, et quel front, il a commencé à exercer son talent au palais de Justice de Paris. Bien que jeune, son statut privilégié l’a amené à observer avec acuité la vie de l’arrière, que ce soit au cœur de la capitale où il était particulièrement bien placé ou chez lui, en province (le lecteur découvrira où la rumeur voulait que Guillaume II se soit caché en septembre 1914 !!!). Il dépeint très bien un microcosme, Paris, où la guerre n’empêche nullement les querelles intestines, les luttes de pouvoir et plus grave, la corruption, la prévarication et l’incompétence de s’épanouir. Très tôt, après la guerre, il prend conscience des erreurs du Traité de Versailles et pressent qu’il y aura un nouveau conflit dans les vingt ans à venir, rejoignant ainsi Jacques Bainville et ses « Conséquences politiques de la paix » prophétiques. Il ne précise pas pour autant qu’il est un lecteur de l’Action française, mais curieux comme il l’était, on peut penser qu’il la lisait régulièrement comme beaucoup d’autres journaux. Il cite cependant souvent Léon Daudet qu’il dépeint le 15 novembre 1937 : «  … de plus en plus gras et sémite, les traits boursouflés, les yeux disparaissant derrière ou sous des paupières trop gonflées. Tout est trop gros en lui, le ventre, le cou, les yeux, le nez et les lèvres. On pourrait le dessiner rien qu’avec des arcs de cercle !!! ».

Sa curiosité naturelle l’emmène parfois bien loin du monde du droit, de la politique et de la vie mondaine parisienne. Il développe un temps un intérêt marqué pour le monde de l’occulte et du paranormal. C’est un trait saillant de cette époque du, très probablement, aux traumatismes générés par la guerre. Louis Pauwells donne un bon aperçu de cette mode qui s’est terminée dans les années 50 dans son livre « Monsieur Gurdjieff » (https://www.decitre.fr/livres/monsieur-gurdjieff-9782226081964.html). Fort de son intérêt pour ces sujets et preuve de son éclectisme, Maurice Garçon, quant à lui, se laissera aller à quelques ouvrages aux thèmes surprenants comme « Le Symbolisme du Sabbat » au Mercure de France en 1923 ou « Le Diable, étude historique, critique et médicale » en collaboration avec Jean Vinchon en 1926. Dans son journal, il rapporte quelques faits ou évènements situés très loin des prétoires mais, s’il reste fidèle dans son descriptif, il ne se départ jamais d’un certain scepticisme face à ce qu’il appelle « l’incroyable sottise des hommes ».

A Paris, il fréquente beaucoup la haute magistrature. Il est très dur avec elle car il  l’estime bien trop sensible aux influences politiques au point de s’interroger, à travers quelques exemples cités, sur la nature du droit il y a cent ans. Il est vrai que ses fonctions et son talent l’amènent à travailler sur des dossiers à l’environnement hautement sensible. La peinture qu’il fait de certaines habitudes judiciaires à propos d’affaires qui défraient la chronique comme l’affaire Stavisky et l’affaire Prince (il est en charge des intérêts de ce dernier après son « décès ») ne manqueront pas d’interpeller le lecteur. A titre d’exemple, il fait un portrait féroce et sans concession de deux magistrats en charge de l’affaire du Bonnet rouge (une affaire de pot-de-vin payé par l’Allemagne) en mai 1918. Du procureur Mornet, celui-là même qui requerra contre Laval et Pétain en 1945, il dit : « Protestant d’origine, il paraît rigide de conscience comme un Poligny. Saura-t-on jamais s’il est un opportuniste désireux de manger l’avenir ou un magistrat convaincu et parfois aveugle dans ses convictions même ? »). De son collègue, Bouchardon, juge d’instruction, il écrit : « Il était avant le guerre un petit juge d’instruction sans grande considération professionnelle… La guerre en a fait un capitaine et son grade lui a permis de déployer toutes ses facultés de tortionnaire et de nécrophile jusque-là demeurées ignorées… ». Plus surprenants mais très emblématiques de l’état de l’opinion publique entre les deux guerres sont les préjugés antisémites dont il fait régulièrement état dans ses considérations. Par exemple, le 4 mars 1934, il écrit : « Maurois est un juif à la figure plus juive que toute la youtretrie réunie !!! ». Notons que d’un voyage à Berlin en 1938, il reviendra profondément convaincu du caractère ignoble de la politique raciale du IIIème Reich et que, sous l’Occupation, il ne supportera ni l’exclusion, ni les persécutions, ni les déportations dont seront victimes les membres de la communauté juive.

Plus on avance dans le temps, plus la peinture qu’il fait des mœurs politiques témoigne de son amertume. Très rares sont les personnalités politiques qui trouvent grâce à ses yeux. Si nous nous plaignons, à juste titre, de l’état déplorable du discours politique dans ce pays et des personnalités qui y concourent, Maurice Garçon nous rappelle que cet état de fait n’est en rien l’apanage de notre époque et que la IIIème République finissante s’érige dans ce domaine en modèle même pendant la Grande guerre. Ne rapporte-t-il pas le 20 octobre 1917: « Tous nos politiciens sont plus ou moins mêlés à des trafics louches. Depuis trois ans, les députés et les sénateurs ont joué de leur influence au sujet des marchés de fourniture, et l’un deux disait récemment dans l’intimité : Une place de député rapporte au bas mot 50 000 francs par an à un imbécile, et je vous prie de croire que je ne suis pas un imbécile ! ». ‘Même André Tardieu, si cher à notre hôte (et j’ai énormément apprécié son livre), n’échappe pas à sa vindicte. Lors du procès intenté en octobre-novembre 1937 au colonel de La Rocque où il est reproché à ce dernier d’avoir perçu des fonds secrets, il décrit André Tardieu ainsi lors de la déposition de ce dernier : «… Tardieu est une canaille mais La Rocque en est une autre… Tardieu était féroce… Il a répété de mille manières l’infamie de La Rocque touchant des fonds… Il faisait son travail de destruction avec une méchanceté haineuse et souriante. Rarement, j’ai imaginé qu’on pût être aussi insolent ».  Il est vrai qu’un des talents épistolaires de Maurice Garçon est le portrait et il se sait sévère dans cet art : « Je suis souvent trop sévère pour les autres. Le dénigrement est toujours facile et trop souvent injuste et, en avançant en âge, on comprend mieux que la sévérité ironique est un procédé seulement à la portée des envieux et des jaloux » (1927).

Cet ouvrage portant sur la période 1939-1945 est tout aussi passionnant à lire et toujours disponible. Je ne peux qu’en recommander la lecture à tous ceux qui s’intéressent à ces deux époques tant elles me paraissent encore largement impacter notre quotidien. Maurice Garçon, à travers ses réflexions et sa vision nous donne quelques clés pour nous permettre de mieux appréhender ce dernier.

Bonne lecture

PS : je m’aperçois que je rédige ce texte 89 ans jour pour jour après les émeutes du 6 février 1934. Curieusement, Maurice Garçon en parle très peu dans son journal.                                    

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« Ce qui me dérange dans tout cela, c’est le mépris et la moquerie envers le peuple »

La question n’est pas du tout que j’aime ou n’aime pas M. Je me fiche de M. que je ne connais pas personnellement. Je m’en fiche comme de ma première chemise, sincèrement, il ne m’intéresse pas. Rien n’est plus idiot que l’affect, j’aime ou je n’aime pas, autour d’un dirigeant politique.

Ce qui m’insupporte, cher Madame, cher Monsieur, c’est le mépris des gens, la manipulation des esprits, se moquer du peuple jugé inférieur, moins intelligent. Cette idée lamentable qu’une petite clique connaît ce qui est bien ou mal pour le peuple et va faire son bien malgré lui. La moquerie et le mépris, le « foutage-de-gueule » comme on dit vulgairement, me procurent une horreur indicible.

Sur la réforme des retraites, les zélotes et les courtisans récitent sans rien démontrer: il faut faire la retraite à 64 ans, c’est nécessaire, voire indispensable.

Or, c’est bien le totem des 64 ans que la macronie espère brandir comme un trophée, comme la crinière du lion, la queue du tigre, la corne du chamois ou la trompe de l’éléphant dans 4 ans pour pouvoir dire mensongèrement: nous avons transformé la France, il faut nous reconduire.

Voici ce que j’ai compris. Il est d’ores et déjà acquis, et cela le pays profond ne le discute pas ou peu, que le nombre d’annuités pour toucher une retraite à temps plein est de 43 ans. Le pays profond l’a accepté, démentant les crétins qui martèlent que les Français ne veulent plus travailler ou moins que les autres.

Selon l’INSEE, l’âge du premier travail est en moyenne à l’âge de 22, 5 ans. On le voit bien, pas besoin d’avoir fait polytechnique : 43+22, 5 ans = 65,5 ans. Dans l’ensemble, on n’a absolument pas besoin des 64 ans qui sont largement dépassés. D’autant plus que le taux d’emploi réel au delà de 60 ans est infime (autour de 25%) Non, les Français ne sont pas des fainéants.

Les 64 ans pourraient jouer uniquement pour les personnes qui sont entrées sur le marché du travail avant 21 ans: les travailleurs manuels notamment, qui n’ont pas fait d’études longues et devraient travailler au-delà des 43 annuités pour atteindre les 64 ans. Les députés LR s’efforcent de désamorcer cette invraisemblable injustice envers « ceux qui ne sont rien, ne peuvent même pas se payer un costume » en prévoyant un régime dérogatoire pour ceux qui ont commencé à travailler avant 21 ans qui pourront prendre leur retraite comme les autres avec 43 annuités. Le pouvoir macronien semble prêt à céder sur ce point.

Mais alors, les 64 ans seraient complètement neutralisés. De fait, ils n’existeraient plus que pour l’affichage, vidés de leur substance vénéneuse. Ils ne serviraient que de trophée. Et le pays se déchire autour de ce trophée entre le pouvoir macronien et ses alliés (dont l’état-major LR), et la France profonde qui ne veut pas en entendre parler.

C’est un nouvel épisode de la guerre civile entre la France dite d’en haut et le pays dans ses profondeurs qui se joue en ce moment. Déchirer sans la moindre raison, sans la moindre utilité une nation qui a tellement souffert (attentats islamistes, Absurdistan covidesque, violence quotidienne, inflation), sur la base d’un mensonge, n’est-il la pire des fautes que puissent commettre des dirigeants politiques et leurs courtisans?

MT

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L’effondrement intellectuel de la classe politique (pour Figaro Vox)

« Que va faire MBappé après 50 ans ? », s’est interrogée Mme Sandrine Rousseau en commission des affaires sociales, au sujet de l’examen du projet de loi sur les retraites. Evoquer la situation d’un sportif immensément fortuné à propos de la révolte de millions de salariés qui souffrent pour boucler les fins de mois et s’inquiètent pour leurs vieux jours, peut légitimement paraître incongru. Or, la députée ne plaisantait pas du tout : « Je ne sais pas si Emmanuel Macron […] lui a parlé de sa carrière quand il serait senior.  Le vieillissement des sportifs est un réel sujet […] Oui, la carrière et le vieillissement des sportifs sont un sujet au-delà de la plaisanterie. »

Cette déclaration surréaliste, dans un contexte d’une crise de société gravissime qui secoue la France populaire, soulève d’inévitables questions sur le niveau intellectuel de la classe politique française. Car Mme Rousseau est loin d’être la seule. La stratégie de la provocation, qui consiste à faire parler de soi à n’importe quel prix, y compris celui des pires aberrations, est désormais banalisée. Les coups de communication se traduisent par des paroles ou les gestes souvent absurdes, symptomatiques d’un déclin du niveau scolaire des hauts dirigeants comme des élus nationaux dans leur ensemble.

La quête du symbole ou d’un bon mot qui va permettre de susciter l’attention médiatique pousse le monde politique à la médiocrité, à l’image de ce ministre qui se targuait de revêtir des cols roulés pour économiser le chauffage, de sa collègue qui prônait le bannissement des maisons individuelles, ou de cette députée européenne provoquant un incident diplomatique pour avoir parlé de « grosse Suisse molle », ou encore du gigantesque tollé (étouffant le débat sur les filières d’immigration irrégulière) autour des déclarations d’un député invitant l’Océan Vicking « à retourner en Afrique ». L’Assemblée nationale hystérisée ressemble davantage à une cour de récréation qu’à un lieu d’exercice de la souveraineté.

Le déclin intellectuel s’exprime dans le vocabulaire de certains responsables politiques et la perte de la maîtrise de la langue française. La grossièreté, quand elle se banalise et même s’officialise, constitue une forme de violence révélatrice de l’incapacité à exprimer sa pensée autrement que par la vulgarité. Or, depuis quelques années, les politiques du rang le plus élevé font de la grossièreté un mode d’expression habituel : le mot « emmerder » est utilisé à tous propos par les politiciens du plus haut niveau, comme celui de « connard ». Un ministre proclame dans un tweet : « Putain, je suis Français ». Récemment le mot « bordel » avec ses variantes, « bordeliser » ou « bordelisation », s’est imposé comme une référence du langage politique. Pourquoi ? parce qu’ils ne savent plus parler autrement.

De fait, la politique se réduit le plus souvent à un spectacle, à des jeux de symboles, de totems et de chiffons rouges, la manipulation des émotions collectives qui étouffe le débat d’idées et la réflexion. Pendant la crise sanitaire, l’immense majorité du monde politique, par manque de recul historique, a fait l’impasse sur la question fondamentale des libertés et du droit des personnes, laissant se développer un Absurdistan aussi liberticide qu’inefficace. Aujourd’hui les positions concernant la réforme des retraites se crispent sur le totem des 64 ans (absurde compte tenu des règles d’annuités), sans voir que l’essentiel est ailleurs, dans l’exaspération de la France populaire face au mépris de ses élites dirigeantes. La déconnexion ou l’incapacité à sentir les attentes et les angoisses du pays est un symptôme de ce déclin intellectuel. La IIIe République avait certes ses défauts, mais elle savait au moins produire des hommes d’Etat d’un haut niveau à l’image de Jean Jaurès, Waldeck-Rousseau, Raymond Poincaré, Edouard Herriot, Léon Blum ou André Tardieu. La Ve République dans sa version actuelle forme plutôt des histrions vaniteux, spécialistes des coups de communication et de la provocation, privés d’une vision historique et du sens de l’Etat.  

Alors comment expliquer cet effondrement ? Pour une part, il est la conséquence inévitable de l’écroulement général du niveau scolaire que reflètent les classements internationaux. Mais surtout, il signe une perte de prestige de la carrière politique, dominée par une image d’esbroufe narcissique bien davantage que par l’idée de servir le bien commun. Les mandats de parlementaire ou de ministre, et même de chef de l’Etat souffrent d’une dévalorisation accélérée. Qui a envie de devenir député ou sénateur ou ministre ? Sauf exception, les jeunes les plus solides intellectuellement et humainement, motivés par l’envie d’être utiles plutôt que de fanfaronner, se porteront de préférence vers des métiers universitaires, scientifiques, littéraires, médicaux, juridiques, commerciaux ou industriels. La médiocrité croissante du personnel politique national dont se détournent les Français (comme le prouve l’abstention massive), sans doute inéluctable dans l’avenir, constitue d’ailleurs une invitation à repenser les modes d’exercice de la démocratie autour de la proximité et du référendum.

MT

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Les mystères d’une faillite absolument générale de la puissance publique

Les statistiques de la délinquance sont désastreuses pour 2022: +15% des coups et blessures, +11% des violences sexuelles, + 8% des cambriolages, etc. Celles de l’immigration sont encore plus dramatiques. +320 000 premiers titres de séjour et + 150 000 demandeurs d’asile, un record historique absolu.

Mais dernièrement la guerre en Ukraine a mis en lumière l’état délétère de l’armée française, tout juste capable d’aligner 200 chars lourds, dont certains hors d’usage (contre des milliers pour l’Allemagne…).

Le niveau scolaire s’effondre: la France est avant dernière de l’OCDE du classement Timss en mathématiques et 23e en lecture et écriture selon PISA, submergée par les problèmes d’indiscipline et de violences à l’école.

La crise sanitaire a révélé la faillite de son système médical et hospitalier, incapable de fournir des masques quand il en fallait et d’accueillir plus de 5000 places en réanimation au plus fort de l’épidémie.

Son industrie est en plein effondrement à en juger par les records européens des déficits de son commerce extérieur (120 milliards annuellement).

Sa politique sociale est un échec avéré au regard de près de 10 millions de personnes qui vivent en dessous du seuil de pauvreté selon l’INSEE, 5 millions de personnes privées d’emploi et 2 millions d’allocataires du RSA.

Même sur le plan énergétique, notre pays qui s’est longtemps targué de son leadership nucléaire est frappé de plein fouet par les pénuries et hausse de prix astronomiques.

Pis: son Etat de droit et ses libertés ont montré d’inquiétants signes d’effondrement pendant la crise sanitaire, dévastés par l’Absurdistan bureaucratique et liberticide. Et même la démocratie française connaît une crise sans précédent quand on songe que le taux de participation aux législatives ne dépasse pas les 46% et les 30% aux dernières législatives partielles.

Ce qui est absolument sidérant, c’est le caractère général d’une faillite qui touche tous les secteurs de la vie collective.

Autre étrangeté: cet écroulement général va de pair avec une gabegie d’argent public. les services publics (école, sécurité, hôpital, armée…) s’effondrent alors que la planche à billet fonctionne à plein régime. La France bat tous les records européens de prélèvements obligatoires, impôt et cotisations sociales (46%). Mais en outre, sa dette publique explose, pulvérise elle aussi tous les records: +560 milliards en deux ans selon la Cour des Comptes dont 140 milliards liés à la crise sanitaire soit une dette publique de 3000 milliards € c’est-à-dire 113% du PIB.

Alors que devient l’argent ainsi créé dans des proportions astronomiques et qui ne sert pas le bien commun? Où est-il passé et qui peut le dire?

Face à cette débâcle historique, les dirigeants politiques n’ont d’autre souci que de fabriquer des leurres:

-Grand-Guignol narcissique facilité par le système élyséen;

-quête du bouc émissaire (sans dents, Gaulois réfractaires, gilet jaune ou « non vacciné »);

-déchirer la société, cultiver les crises et les conflits sociaux à l’image de l’actuelle réforme des retraites (le chiffon rouge des 64 ans est largement inutile dès lors que le nombre d’annuités nécessaire pour toucher une retraite à taux plein est de 43 ans pour un âge moyen du premier emploi à 22 ans et 5 mois – sauf pour frapper les personnes ayant travaillé avant l’âge de 21 ans ce qui revient à l’alinéa précédent);

-gesticulations chauvines autour de gloires sportives aussi vaines que grotesques.

Le pouvoir actuel depuis 2017 n’est évidemment pas seul en cause dès lors que nous vivons les conséquences d’une faillite qui remonte sans doute à plusieurs décennies (1981?) Cependant, sa caractéristique et son authentique talent est de porter à la perfection l’art de l’enfumage.

Alors, l’imposture des impostures serait de prétendre que du jour au lendemain, il est possible de remédier à cet état de fait. La démagogie absolue est de préconiser des remèdes qui consistent à amplifier toujours davantage les méthodes qui ont conduit au désastre, par exemple la gabegie d’argent public par la distribution de chèques sans provision.

Mais avant de prétendre engager une œuvre de redressement, sur des décennies, il faudra commencer par changer d’état d’esprit : substituer le choix de la vérité à celui de l’esbroufe et faire la clarté sur ce qui reste un mystère: où est passé l’argent du bien commun qui a servi à tout autre chose? Et ouvrir sans tabou une réflexion sur les raisons profondes de cette effarante débâcle de plusieurs décennies – sans laquelle aucun renouveau n’est envisageable.

MT

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Le désastre français

Voici que les mouvements sociaux se préparent à bloquer le pays, à provoquer la paralysie de son économie et de sa société. Des dizaines de millions de Français vont en souffrir dans leur chair, petites entreprises réduites en cendre, vie quotidienne bouleversée, violente bousculades sur les quais des transports, vacances scolaires saccagées. Et ce n’est pas la première fois depuis 2017. La mémoire courte est un fléau de l’époque. En 2018, le mouvement des gilets jaunes, provoqué par le projet de taxe carbone et les coups de menton de l’exécutif avait déferlé sur la France. La taxe carbone fut retirée mais trop tard, le mal était fait. Il fut aussitôt suivi du mouvement social de 2019-2020. Deux mois de paralysie au sujet (déjà) de la réforme des retraite. Puis le projet fut retiré (au prétexte du covid19) mais le mal était fait. Aujourd’hui, on recommence. Pour la troisième fois depuis 2017, le pouvoir politique provoque un nouveau séisme avec son chiffon rouge des 64 ans dont l’inutilité (ou l’absurdité) est avérée dès lors que le nombre d’annuité nécessaire pour toucher une retraite est de 43 (sauf pour frapper ceux qui ont travaillé avant l’âge de 21 ans et devront travailler au-delà des 43 annuités). Ce régime politique fondé sur l’autocratie vaniteuse a sa part de responsabilité. La cible emblématique des 64 ans doit être atteinte pour donner l’illusion de l’autorité et de la réforme ou transformation – avec la bénédiction d’un vaste microcosme courtisan. Peu importe que le pays s’enfonce encore une fois et toujours plus profondément dans le chaos, le ridicule (aux yeux des autres nations) et dans la misère pour toute une partie de sa population. Tout cela est lamentable.

MT

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Climatisme

Echange authentique récent avec un tout jeune homme, issu de l’une des plus grandes écoles françaises (scientifique): « Trois degrés supplémentaires d’ici la fin du siècle, c’est le monde que vous, les boomers, allez nous laisser. La partie sud de la France sera un immense désert brûlant sans eau et sans arbres, à l’image du Sahara. Cela ne fait aucun doute, c’est scientifiquement prouvé. Trois degrés! Contester cette vérité établie est criminel. Qu’il y ait encore des voitures « carbonées » et des déplacements en avion est un crime avéré contre la planète, un écocide. Les maisons individuelles couteuses en chauffage doivent être interdites, détruites et les réfractaires enfermés. Mais quoi? Mais quoi? c’est la survie de l’humanité à l’horizon de 50 ans qui se joue maintenant. Vous nous laissez l’apocalypse… Et l’idée selon laquelle la France ne produit que 1 à 2% de la pollution planétaire est absolument irresponsable: c’est à nous de montrer l’exemple en premier. Il faut instaurer un contrôle social, une traçabilité numérique des activités de chacun et châtier tout comportement ou pensée criminel envers le climat. Oui bien sûr qu’il est temps de couvrir les montagnes, les forêts et les rivages d’éoliennes: le but est de sauver le climat. La beauté, les paysages? Une préoccupation de petit bourgeois lubrique. Vous me faites rire avec vos « libertés »? C’est la survie de l’humanité qui est en jeu! Il faut tout faire, absolument tout, pour sauver la planète! Quand nous aurons tous disparu, victimes de la crise climatique, à quoi serviront vos belles libertés? » C’est un digne représentant de l’élite dirigeante de demain qui s’exprime ainsi…

MT

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