Le 3 janvier 2019 est paru en librairie ma biographie d’André Tardieu (l’incompris) aux éditions Perrin. Des centaine de cartons poussiéreux de ses archives personnelles, lettres privées, manuscrits d’ouvrages et d’articles, carnets, comptes bancaires, notes et rapports, ensevelis depuis 80 ans, m’ont ouvert les portes de l’histoire de sa vie et de ses passions.
Ayant vécu de 1876 à 1945, cet intellectuel, spécialiste de la politique étrangère, fut un brillant éditorialiste au Temps avant de se lancer en politique. Plusieurs fois ministre, trois fois président du Conseil, obsédé par le bien commun et l’intérêt de la France, il a tenté en vain de bousculer la routine d’un régime en plein effondrement. Ce visionnaire, a annoncé, avant tout le monde, la déchéance de la IIIe République et le péril hitlérien dès 1931, dans l’indifférence, l’aveuglement et le pacifisme de la société française « d’en haut ». Ses propositions de réformes sont à la source de la Ve République du Général de Gaulle, en tout cas telle qu’elle fut à ses débuts.
En butte à la médiocrité et à la haine, il a terminé sa vie en ermite, sur sa montagne à Menton, avec l’ambition de s’adresser directement au peuple qu’il aimait d’un amour sincère pour sauver le pays, un peuple en qui il voyait le dernier recours face au péril du déclin et de la poussée hitlérienne. La masse gigantesque des pièces écrites qu’il a laissées pourfend son image de « Mirobolant ». Nous y découvrons bien au contraire un homme profondément tourmenté par ses intuitions prophétiques. Certes, amoureux passionné des plaisirs de la vie, de l’humour et de la bonne chère, mais cet épicurisme outrancier n’était rien d’autre qu’une réaction contre ses tourments intérieurs.
La mémoire collective a surtout conservé de lui ses excès et ses défauts, par exemple sa misanthropie (envers les hommes du régime et les partis), son intransigeance, son mépris pour tout ce qu’il qualifiait de médiocrité, en oubliant un message prophétique qui s’avère être d’une richesse infinie pour notre époque. La postérité est souvent injuste, le dénigrement et de la calomnie se jouent des décennies ou les siècles. La médiocrité et la jalousie doivent-elle avoir le dernier mot? Mon espérance, dans cet ouvrage, a été d’essayer de dire la vérité, toute la vérité et rien que la vérité, sur un authentique homme d’Etat, un homme d’Etat à l’image de ceux dont la France aurait tant besoin aujourd’hui.
Sur ce personnage si controversé de l’histoire, le débat est désormais rouvert…