Lecture: Emmanuel, le faux prophète, de Julien Aubert, le Rocher, 2019

Député LR depuis 2012, M. Julien Aubert a la particularité d’avoir connu le président de la République pendant sa scolarité à l’ENA. Son livre n’est en aucune façon un pamphlet dirigé contre la personnalité de ce dernier qu’il a visiblement apprécié comme « camarade » de promotion. Dans son récit, ne figure pas la moindre trace de haine ni même de sectarisme ou de critique à caractère personnel. En dehors de quelques anecdotes instructives et plutôt sympathiques, l’ouvrage de M. Aubert relève du seul débat d’idées. D’ailleurs, l’auteur présente l’actuel chef de l’Etat, fréquenté à l’époque au quotidien, comme une personnalité à la fois charismatique mais au fond, plutôt réservée :

« À la fin du repas, je me souviens lui avoir demandé s’il voulait faire de la politique […] Il me fit une réponse mi-figue, mi – raisin, d’où je compris que ma question était un peu trop curieuse, qu’il n’avait pas complètement évacué cette idée, mais qu’il ne s’en ouvrirait pas, et certainement pas avec moi. »

 Pourtant, Julien Aubert, faisant prévaloir en 2017 ses convictions sur toute forme d’opportunisme, contrairement à quelques personnalités LR, s’est dès le début rangé dans le camp de l’opposition. La richesse et l’intérêt de son ouvrage tient au travail de décryptage de l’idéologie dite progressiste qui est celle du pourvoir En Marche, incarné par le président de la République. Il repose sur un constat: le « pragmatisme » des dirigeants du pays tiendrait de l’idée reçue. Pour Julien Aubert, il y a bien un projet, un idéal propre au macronisme fondé sur quelques idées-forces.

La première est la vision de l’économie, non comme un outil – certes crucial –de la prospérité ou de la puissance, mais comme une fin en soi. Cette approche conduit à subordonner d’autres sujets de société, qui agitent les passions, les inquiétudes ou les espérances populaires – échappant aux grilles d’analyse du progressisme macronien – aux impératifs de la rentabilité.

« Le macronisme se fonde de manière prioritaire sur l’ économie pour voir la société : [ainsi]  pour lui, l’immigration n’est pas un sujet social, politique ou identitaire, elle ne le devient qu’à partir du moment où il le faut pour en faire un atout économique ».

Le second en découle presque naturellement. C’est le dépassement de la Nation qui ne serait plus le cadre optimal d’exercice de la démocratie et de l’autorité. Elle est dépassée par l’évolution du monde, l’affaiblissement des frontières, le développement des technologie de la communication et des transports, la logique de l’unification des marchés.

 « Convaincu que les Nations ne sont plus au bon niveau pour régler les problèmes du Monde, que l’identité statique n’existe pas, et que les égoïsmes nationaux sont un frein à l’intégration économique et à la survie de nos entreprises, Emmanuel Macron en est arrivé à forger des concepts dangereux pour l’avenir même de la Nation Française, comme dans son discours sur l’Europe d’Athènes, le 7 septembre 2017. Par exemple, Macron va oser ce jour-là le concept de « souveraineté européenne »

La troisième est une vision communautariste de la société. Le progressisme En Marche nie l’existence d’un peuple unifié ou république indivisible, mais, suivant en cela les standards de la modernité et l’influence américaine, privilégie une sensibilité communautaire. La société est perçue comme un conglomérat de communautés distinctes, auxquelles le politique doit s’adresser distinctement.  « Emmanuel Macron, selon lui, prophétise un monde multiculturel et multi-identitaire ». Ce néo-progressisme se traduit par une logique de la table rase: un nouveau monde fondé sur le culte des minorités, la théorie du genre, l’écologisme, doit naître sur les ruines de l’ancien. Or, souligne le député: « Être transgressif en voulant faire imploser les États, les Nations, les règles sociales qui ont fondé la civilisation européenne, est tout sauf courageux : aller dans le sens du vent est un destin de feuilles mortes. »

Le quatrième est un culte de la personnalité qui découle au fond d’une logique propre au phénomène En Marche. Julien Aubert fait remarquer que jamais de Gaulle n’aurait utilisé ses initiales pour dénommer une formation politique. Dès lors que le principe de la révolution En marche tient dans l’ébranlement des fondements du corps social, l’image d’un homme joue comme un miroir inversé: elle exprime la permanence et le point d’ancrage collectif quand tout le reste se dérobe  « En donnant à son mouvement politique ses propres initiales, Macron a posé dès le départ comme principe qu’il serait l’alpha et l’oméga de la révolution à venir »

Je recommande vivement ce livre passionnant sur la politique française, qui n’est en aucun cas un ouvrage partisan, mais une réflexion sur les fondements idéologiques du quinquennat en cours.

Maxime TANDONNET

A propos maximetandonnet

Ancien conseiller à la Présidence de la République, auteur de plusieurs essais, passionné d'histoire...
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21 commentaires pour Lecture: Emmanuel, le faux prophète, de Julien Aubert, le Rocher, 2019

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  2. Annick Danjou dit :

    Ils ont tous leurs livres… Hollande va en sortir un autre, Sarko a eu le sien etc… ça mange pas de pain et ça remplit les poches et à part ça? J’aimera savoir ce que Mr Aubert proposerait et surtout ce qu’il ferait. Des paroles et des idées on en a marre et on est capable d’en faire autant ce qu’on veut ce sont des actes et du courage. Et que les LR parlent haut et fort sans avoir peur de marcher sur les pieds du RN. On ne s’en sortira jamais avec tous ces mous et incapables d’annoncer des mesures à la hauteur des enjeux et du sauvetage du pays. Maintenant ou jamais!

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  3. Timéli dit :

    Le paragraphe sur l’immigration m’interpelle : Macron voit le problème de l’immigration à travers le prisme de l’économie. Peut-être s’est-il inspiré de l’étude du cabinet américain Mac Kinsey qui dit que les migrants contribuent à près de 10% de la richesse nationale (très exactement 9,4% du produit intérieur brut mondial, soit l’équivalent de ceux de la France et du Japon réunis, alors que les migrants ne représentent que 3,4% de la population mondiale). Ainsi, en quittant leur pays, ils deviennent plus productifs que s’ils étaient restés dans leur patrie d’origine et apportent environ 3.000 milliards de dollars de plus que s’ils étaient restés dans leur pays d’origine. Toujours selon cette étude, les migrations transfrontières sont, malgré les inquiétudes et controverses qui les entourent, le résultat normal d’un monde plus interconnecté et d’un marché mondial du travail. En quittant leur matrie, ils contribuent tout de même à sa richesse : les envois de fonds à leur famille par les émigrés constituent la première forme d’aide au développement, loin devant l’aide publique au développement. Alors, dans ces conditions, Macron peut faire preuve de souplesse vis-à-vis des migrants….

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    • Citoyen dit :

      Timéli, je n’ai pas pris connaissance du contenu de l’étude Mac Kinsey.
      Mais si j’en juge par les chiffres que vous fournissez, qui sont censés représenter une moyenne mondiale, concernant la productivité de l’immigration, j’en déduis que cette étude est bidon … Sur ce sujet, il n’y a pas deux immigrations qui se ressemblent. Elles ont d’énormes disparités, suivant les origines culturelles, ou civilisationnelles de ces population …
      Mélanger, pour faire une moyenne mondiale, des productivités de migrants asiatique, à celles de ceux provenant du sud de la méditerranée, par exemple, est soit stupide, soit malhonnête. Et si micron s’en inspire, je ne serais pas surpris que ce soit pour la deuxième option … qui arrange bien ses projets foireux …
      J’y vois une volonté de noyer le poisson, extrêmement malsaine, pour ne pas dire malhonnête, sinon véreuse …

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  4. André Lugardon/jfsadys dit :

    Je n’ai pas lu le livre. Je me contenterai donc d’un bref commentaire sur la couverture. Il n’y a pas de révolution Macron. Mais peut-être que le livre le démontre et que c’est juste une « accroche » pour attire l’attention des lectrices et des lecteurs?

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  5. Citoyen dit :

     » Micron, le faux prophète  » (?)
    Pourtant, au début, il paraît que quelques uns l’ont vu marcher sur l’eau …
    Et donc, Il serait en train de couler ?

     » une réponse mi-figue, mi – raisin  »
    Eh oui, déjà à l’époque, comme l’a dit Minc, il cultivait le langage de pute … C’est d’ailleurs pour ça qu’il l’a fait embaucher banquier (de son propre aveu) …

    Pour ce qui est du libellé « En Marche », c’est une appellation trouvée à la va-vite, en remplacement, pour combler un trou …
    En fait, dés le départ, l’association devait s’appeler LREM (Les Ripoux Et Malfrats), mais ils se sont rapidement aperçu que ce n’était pas très porteur face aux électeurs … Il a fallu trouver une solution de remplacement en catastrophe …

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  6. Mildred dit :

    Monsieur Tandonnet,
    On ne peut nier que, passer de livre en livre, comme vous le faites, est une manière élégante de s’abstraire de cette réalité décrite par le Syndicat France Police – Policiers en colère, qui constate : « La police nationale est en train de vivre son 11 septembre ».
    Or ce même syndicat avait déjà averti, le 30 septembre dernier :
    « …Depuis 1995 l’objectif inavouable de toutes les réformes pénales et orientations politico-judiciaires est bien de détruire la police de renseignement basée sur le traitement des sources… »
    Vu le résultat, on ne saurait mieux dire ! Ce qui amène ce syndicat, après le massacre que l’on sait, d’analyser les causes du « naufrage des services de renseignement », et de ne pas hésiter à en appeler à le démission de Christophe Castaner et Laurent Nunez.

    https://france-police.org/2019/10/05/watergate-suite-a-lattentat-de-la-prefecture-de-police-de-paris-la-conference-de-presse-du-parquet-national-antiterroriste-est-juste-effroyable-tout-le-monde-savait-mais-personne-na-rien-fait/

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    • Mildred, je n’essaye en aucun cas de m’extraire de la réalité, c’est procès d’intention que de dire cela: il suffit de regarder ce que j’écris depuis une semaine. Le livre et la lecture que j’essaye à mon modeste niveau de favoriser, c’est le travail en profondeur de réflexion et de résistance.
      MT

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    • Mildred dit :

      Je vous fais tellement peu un procès d’intention, que je ne doute pas que dans votre prochain article vous aurez à coeur de nous expliquer ce que nous devons comprendre par la « société de vigilance » que nous propose le Président Macron.
      De même je sais qu’on pourra compter sur vous pour nous expliquer aussi, comment faire bloc contre « l’hydre islamiste » alors que le Président Macron avoue que l’État lui-même, ne peut en « venir à bout ».

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  7. michel43 dit :

    Allons M, Aubert ,osez regarder pour une fois la vérité en face ,,LR représente désormais peut de gens ,comment revenir au pouvoir seul ,,impossible ,donc pour battre Macron ,faut des allier ,a notre droite ,NDA et le RN ,une alliance s » impose avec un programme de gouvernement ,sinon Macron sera réélue ,dans d » autres pays , on réussie ,,pourquoi pas Nous ,de tout temps, les Président on le culte de la personnalité ,mais au final ,le peuple décide en votant ,

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  8. François Martin dit :

    Merci d’avoir signalé ce livre. J’apprécie beaucoup les prises de positions courageuses et lucides de Julien Aubert, et les quelques extraits que vous citez donnent envie de lire le livre. Sur le fond, il a parfaitement raison de voir dans le macronisme l’incarnation d’une idéologie progressiste devenue folle et dangereuse à bien des égards. On peut la voir à l’œuvre. N’oublions pas que le propre de l’idéologie est d’ignorer le réel et que le propre du progressisme, s’il consent à avancer par étapes, est de ne se reconnaître aucune limite.
    Je l’avais déjà signalé, mais l’ouvrage d’Henri Guaino, Ils veulent tuer l’Occident, est également très clair et source de réflexions pour comprendre ce qui se passe.

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    • Tracy LA RISIÈRE dit :

      Je vous approuve dans le trait que vous tirez sur le progressisme auquel il faut ajouter l’épithète « diversitaire » qui n’a d’autre but que démonter, manipuler voire détruire ce qui fait ce que nous sommes : les bases d’une civilisation, des traditions, un art de vivre, une certaine convivialité…

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    • François Martin, si vous avez quelques notes ou un résumé d’une page du livre de M. Guaino, je le mettrais bien volontiers sur le blog.
      MT

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  9. artofuss dit :

    A reblogué ceci sur MEMORABILIA.

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