Principes de politicaillerie

imagesJ’aime trop la Politique, le bien commun et le libre débat d’idées, pour me satisfaire de l’esprit de politicaillerie qui domine la vie publique française en ce moment. Ne généralisons pas, il existe des exceptions bien entendu, mais pour qui l’a fréquentée sans la rallier, la politicaillerie actuelle en France, d’un extrême à l’autre, est un monde étrange, à part, incompréhensible au commun des mortels, reposant sur quelques fondamentaux dont une douzaine me vient à l’esprit:

  • L’insubmersibilité: tu peux commettre n’importe quelle faute, subir les pires échecs, te comporter comme un satrape, peu importe, tu reviens toujours tôt ou tard au premier plan (voir les têtes de listes des Européennes).
  • L’immortalité: les politiciens sont éternels, 20 ans, 30 ans, ce sont presque toujours les mêmes têtes qui resurgissent. Puis, ils se sentent tellement indispensables, propriétaires de leur mandat, qu’ils leur faut à tout prix un successeur pour se perpétuer, de préférence un héritier.
  • L’esprit de caste: en toute circonstance, la priorité est de recaser « les amis politiques », à n’importe quel prix, aucun milieu social n’est aussi fermé et arc-bouté sur ses intérêts de clan. D’où l’impossible renouvellement.
  • L’intelligence interdite: on ne pense jamais sur le fond des sujets, c’est défendu; on récite « des éléments de langage »; celui qui tente de réfléchir, de s’interroger, de s’affranchir de la mode idéologique, de rompre avec les tabous, se voit marginalisé, traité en paria (exemple de Laurent Wauquiez sur l’Europe).
  • Le narcissisme: un politique doit faire parler de lui à tout prix, en bien, en mal, peu importe , tant qu’on parle de lui. Une déclaration paraîtra démentes au citoyen lambda (l’histoire du « décolleté »). Mais du point de vue politique, elle aura sa logique: faire du bruit médiatique.
  • L’ingratitude: les sentiments n’existent pas, on n’aime vraiment personne dans ce milieu, même si l’on fait semblant. On utilise les gens, on les suce jusqu’à la moëlle mais quand on a plus besoin d’eux, qu’ils se révèlent encombrants, où poursuivis par « les chiens », aucun état d’âme: dehors!
  • Haro sur l’éthique: il n’est pas question d’état d’âme pour percer en politique. Sauf si tu as la chance d’être « fils ou fille de », il te faut impérativement te placer dans le sillage d’un mentor, donc lui lécher longuement les bottes crottées avant de sortir au bon moment le couteau bien aiguisé.
  • Le tout communication: tout est dans le message, la formule, le bon mot, la posture qui marque les esprits et s’imprègne dans les cerveaux. On ne choisit pas, on ne décide rien – trop difficile, trop dangereux – on manipule: « plus c’est gros, plus ça passe ».
  • Le principe d’indifférence: le politique ne voit pas dans le monde qui l’entoure sa principale préoccupation. Sinon, il se détourne de l’essentiel: lui-même. Pourfendeur du populisme honni, le mal absolu, rien ne l’indiffère plus que la sensibilité ou croyance populaire, indigne de lui. Mitterrand parlait de la « capacité d’indifférence » comme de sa qualité première.
  • Adaptabilité, volatilité: rien n’est plus incompatible avec le monde politique que le mot conviction. Il faut se positionner idéologiquement en fonction d’un l’intérêt du moment, stratégique, partisan. D’où le grand chassé croisé idéologique: le PS au pouvoir devenu « libéral » ou le FN converti au crypto-communisme digne du Georges Marchais de la belle époque.
  • Insatisfaction permanente: tout député ou sénateur songe à devenir ministre; tout ministre se voit chef de gouvernement; et tout premier ministre est président de la République en puissance. Difficile d’être heureux dans ce milieu…
  • La double personnalité: le politicien a toujours deux faces, l’une privée, joviale, serviable, tolérante, sympathique; l’autre publique, médiatique, hargneuse et sectaire. On n’imagine pas, par exemple, combien les zozos qui prononcent « la drrroite » avec un filet de bave au coin des lèvres, peuvent se montrer ouverts et chaleureux loin des caméras de télévision…

Un taux d’abstention gigantesque est prévu aux élections européennes (75%). Ce n’est pas l’électorat et son incivisme supposé qu’il faudrait blâmer. Non, c’est le comportement général de la classe politique, innommable, qui explique ce phénomène. 

Maxime TANDONNET

 

A propos maximetandonnet

Ancien conseiller à la Présidence de la République, auteur de plusieurs essais, passionné d'histoire...
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17 commentaires pour Principes de politicaillerie

  1. Ribus dit :

    Pas mal du tout vos 12 commandements du politicard foireux, Maxime, liste qui me paraît assez exhaustive. Mais ce qui m’a frappé au début de votre texte est que vous avez écrit le mot « Politique » avec un grand « P »; cette seule majuscule suffit à exprimer l’idée que nous nous en faisons.

    Et que dire de la déception constante, l’aversion et peut être la haine de cette pratique de la chose publique – res publica- qui n’est que combinazione. Le triste spectacle de nos politiciens doit cesser et il appartient aux citoyens de le leur dire.

    L’abstention est une fausse réponse. Les représentants de la classe politique vont lever les bras au ciel le soir du 25 mai si le taux est aussi élevé que vous le dites. Mais, dans le fond, je crois qu’ils s’en fichent éperdument car cela n’empêche pas le scrutin de de se tenir. Le vote blanc n’est toujours pas considéré comme un suffrage exprimé et la proposition de M. Sauvadet a été scrupuleusement vidée de sa substance.

    Ne parlons pas du référendum d’initiative partagée qui est une véritable escroquerie institutionnelle. Il y a de nombreuses années une publicité pour le fromage Boursin montrait un homme en smoking dégustant son fromage au milieu d’un décor qui s’écroulait morceau par morceau. Voilà à quoi ressemble la politique aujourd’hui.

    Tout notre système politique va se bloquer, je le crains. Hollande va laisser à son successeur un pays au bord de la guerre civile et des institutions en lambeaux. Il restera dans l’Histoire comme l’homme qui a fini la sale besogne des précédents depuis Mitterrand : la destruction de l’unité nationale.

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    • Ribus, oui! oui! oui! Entièrement d’accord avec tout ce que vous dites, notamment sur l’indifférence au regard du taux d’abstention, tant qu’ils auront leurs places au chaud, ces ………!
      MT

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  2. MICHAUD Alex dit :

    Les avatars des politicards sur Lalettrepolitique.com et Acteurspublics.com (ex-Profession politique). Nicolas TENZER. La politique. PUF/Que sais-je?
    – Philippe REINHARD. La politique pour les Nuls. First.

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  3. jfbonnin dit :

    Belle et bonne liste, Maxime T. Mais vous portez une lourde responsabilité en la publiant : ça va donner de très mauvaises idées à d’aucuns.
    OK c’est nul.

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  4. souris grise dit :

    bonjour Maxime , bonjour à tous .

    wouah!!! voici un billet qui décoiffe …(sourires) ..
    super …tout est dit , épluché , expliqué …
    amitié à tous .
    Chris .

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  5. frederic_N dit :

    Bonjour.
    Je pense que vous en faites trop ou pas assez, Maxime.
    Pas assez pourquoi ? parce que si ce que vous dites est vrai, vous devez aussi constater que ce n’est pas pareil dans les autres pays européens, notamment chez nos voisins anglais ou allemand. D’accord ou pas d’accord avec Blair Cameron Merkel ou Schröder, ils sont mus par l’esprit public et n’on pas tu les débats. Cela veut dire que cette dérive que vous dénoncez est liée à notre conception de la démocratie, à nous français : quand on se dit républicain en France , c’est qu’on considère que le peuple doit décider de tout – et que par exemple, sa voix doit être supérieure au lois de l’économie, ou autre exemple que l’image de la république doit s’imposer sur la réalité même du peuple français. C’est cela notre vision, et nous faisons des lois pour régler tout. Mais il faut appeler un chat un chat : cette vision, c’est programmer l’ abus de pouvoir où l’élu justement s’occupe de tout. Ce n’est pas la vision anglaise ni allemande
    C’est parce nous véhiculons cette idée que nous avons produit cette « classe » dont vous dénoncez les comportements. Elle porte les stigmates de l’abus de pouvoir parce que l’abus de pouvoir est inhérent à notre vision de la démocratie – en France et pas ailleurs.
    Maintenant il faut relativiser : nous sommes en europe, et – Dieu soit mille fois loué – l’Europe est en train de contraindre la France à bouger. Je m’en réjouis . Je pense même que les vraies questions deviennent désormais incontournables et que les vraies débats percent aujourd’hui dans la classe politique… Il n’y a qu’à voir les états d’âme du parti socialiste : ces gens là ne font pas que défendre leur bout de gras ( la plupart ne risquent rien, ils sont fonctionnaires); ils savent que ce qui commence à être en jeu c’est le coeur du système

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    • fredericN, oui, tout cela est spécialement français, il faut bien le dire, quand on compare au RU ou à l’Allemagne. En revanche, vous vous méprenez je crois sur l’Europe, l’UE, elle modifie le droit, les normes, mais ne change rien aux mentalités, la preuve: c’est de pire en pire…
      Maxime

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  6. michel43 dit :

    je pense, vraiment, que j »aurais écrit, cela?..MAXIME, en y ajoutant, qu »en politique, on n »a pas s »AMIS ou des FAUX, qui vous passe de la brosse a reluire, pour obtenir, quelque chose ? Adaptabilité-volatilité vous avez oublier, l »UMP qui fait du Socialo–FN et qui n »a JAMAIS eu le courage de s »attaquer a un ETAT qui est Socialo–Communiste depuis DE GAULLE ? HOLLANDE? est critiquer ,j mais jamais, SARKOZY n »a pas son courage, Pensez, se mettre a dos, son propre camps? NICOLAS: et les 35 H.. la CMU..RSA AME qui nous ruine;cout plus du MILLIARDS et j »en passe des meilleurs….MON seul espoir : le FRONT NATIONAL devant la liste de l »UMP..et l »HYPOCRITE COPE doit démissioner et le SARKO doit se positionner pour l »Avenir et reprendre en mains,l »UMP qui s »entretue…suite —FIN- MAI?

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  7. Curmudgeon dit :

    Comment concilier ce jugement totalement négatif avec cet autre jugement, issu de votre expérience sous Sarkozy ?

    Petit témoignage sans importance

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  8. François dit :

    Je me permets de rajouter 2 principes à ce bréviaire du parfait politicard :
    – sur les autres, tu feras systématiquement reposer les raisons de tes propres échecs ;
    – à une loi utile et pragmatique, tu préféreras toujours une « grande » loi, qui porteras ton nom. Veilles néanmoins à ce qu’elle soit ou très « clivante », ou trop générale, mais dans tous les cas, fais en sorte qu’elle n’abolisse pas celles de tes prédécesseurs.

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  9. Sceptique dit :

    Votre portrait de l’homme politique, de ses variantes selon l’idée princeps de partis, est fondé, mais pensez-vous que le résultat d’un anti-portrait, inscrivant sur le tableau, point par point, le trait inverse de celui du portrait, aboutirait à un homme ou à une femme capable? La passion pour la politique est une névrose, aurait écrit Arthur Koestler. Une névrose est une façon d’être dans la société humaine, une tentative de s’y adapter, de s’en sortir le mieux possible.
    Les défauts de nos hommes politiques sont présents au quotidien des citoyens ordinaires, avec une moindre intensité.

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