Lecture: La chute de Nixon, Georges Ayache, Perrin 2020

Voici un ouvrage passionnant publié à quelques jours des élections présidentielles américaines. Cette histoire de l’ascension et de la chute de Richard Nixon est éclairante sur la réalité de la politique Outre-Atlantique. Le scandale du Watergate est un événement clé de la politique de ce pays mais aussi un élément d’explication de la vie publique française telle qu’elle est devenue. La société du spectacle, de l’hystérie, des lynchages que nous subissons est née Outre-Atlantique, avec plusieurs décennies d’avance sur la France. Eternel mystère, pourquoi la France  ne cesse de singer le pire des Etats-Unis, son narcissisme présidentiel exubérant, sa politique spectacle, son goût du scandale, son nihilisme politique, et ignore ce qu’il y a de meilleur dans ce pays, son dynamisme, sa mobilité, son enthousiasme?

Nixon est un simple avocat Californien, parti de rien: « L’existence ne lui avait guère fait de cadeau depuis ses débuts à Yorba Linda, une localité anonyme aux portes du désert californien, où il était né par un jour glacial de janvier 1913. En cet endroit perdu, la nature était d’une aridité hostile, la vie empreinte de tristesse […] Et la famille du jeune Richard, désespérément dans le besoin. Un père méthodiste, une mère quaker, une épicerie parvenant à peine à faire vivre la maisonnée. Et Dieu partout. L’Amérique des politiciens et des publicistes, n’était pas faite pour les Nixon. »

Timide, réservé, introverti, il doit son ascension au parti Républicain et son élection à la Chambre des représentants en 1946, au Sénat en 1950, à la ferveur de son anticommunisme, sa parfaite maîtrise des dossiers, à son talent d’orateur, mais aussi à ses qualités de communicant, celles qui font un grand de la politique américaine. Dans les années 1950, Nixon est pourtant un véritable gibier de potence du parti démocrate, des élites politiques, financières et médiatiques américaines. Il est sans cesse accablé de scandales. La presse, en majorité sous influence du parti démocrate, guette chacun de ses faits et gestes et pourchasse ses moindres faux pas.

Mais elle ne parvient pas enrayer sa popularité qu’il doit à son style simple et populaire quand il s’adresse au peuple américain: « Je crois qu’il est très bien qu’un homme comme  le gouverneur Stevenson, qui a hérité une fortune de son père, puisse concourir pour la présidence. Mais je pense aussi qu’il est essentiel dans notre pays qu’un homme aux moyens modestes ait tout autant la possibilité de se présenter. » Nixon leur parla de lui et de son épouse Pat, qui n’avait pas de manteau de vison mais un manteau respectable de « bonne laine républicaine »… Il termina sur une note sentimentale: « lorsque je dis que je n’ai jamais accepté un don, ce n’est pas tout à fait exact. En fait un supporter du Texas nous a offert récemment un petit cocker spaniel que notre fille Tricia, qui a six ans, a baptisé Checker. Je dois avouer que nous comptons le garder quelles qu’en soient les conséquences. » Ce discours plaît, bouleverse l’Amérique populaire, pousse Nixon à la hausse dans les sondages.

Devenu l’une des personnalités phares du parti Républicain, il s’impose comme vice-président d’Eisenhower de 1953 à 1961, qui pourtant se méfie de lui mais ne parvient pas à l’écarter. En butte à la dynastie des Kennedy, qui bénéficie d’un vaste soutien des élites américaines, il échoue en 1960 contre John Kennedy à l’issue d’un débat où il apparaît terne et mal rasé, contre le fringant jeune quadragénaire. L’auteur formule les plus grands doutes sur la régularité du scrutin: « Dans l’un des Etats clés le résultat final donnait une avance en faveur de Kennedy de 8858 voix sur un total de votant de 4 657 394 voix. Comment pouvait-on être assez naïf pour croire que le scrutin s’y était déroulé régulièrement? »

Puis il prend sa revanche en novembre 1968, élu président des Etats-Unis. Confronté à la tragédie du Vietnam, les médias et la presse américaine l’en tiennent pour unique responsable alors que l’engagement américain est dû à Kennedy et surtout, son successeur Johnson. Le Watergate qui a pulvérisé en plein vol le second mandat de Nixon n’est rien d’autre que l’aboutissement d’un travail de harcèlement permanent des élites, des médias et de la presse américaine dans son ensemble, toute acquise aux Démocrates, contre ce « parvenu » qui n’appartient pas aux grandes dynasties américaines.

L’auteur ne cherche pas à l’excuser: lui et son entourage sont bien à l’origine d’une absurde et inutile tentative d’espionnage des locaux du parti démocrate. Mais comme le souligne l’auteur, la pratique des enregistrements clandestins était banale à l’époque aux Etats-Unis, « N’était-ce pas Bobby Kennedy, alors alors Attorney général qui avait ordonné de faire mettre sous écoute Martin Luther King? N’était-ce pas les frères Kennedy qui, les premiers, avaient fait écouter des journalistes ainsi que des personnalités tenues pour hostiles? » En tout cas, à partir de là « ce fut un véritable hallali: un déchaînement des défenseurs des libertés, de la Constitution, et en somme, du bien, contre le villain. Un déchaînement manichéen, sans la moindre nuance. Les éditoriaux de presse devinrent des réquisitoires et les condamnations médiatiques et politiques se firent sans appel. » L’auteur raconte la collusion des élites américaines, dans la justice, l’administration, le FBI,  la presse, les médias télévision, pour mener une chasse au gibier de potence, l’acculant à la démission inévitable le 8 août 1974 malgré de formidables réussites diplomatiques à l’image des accords nucléaires avec l’URSS et la réconciliation entre les Etats-Unis et la Chine.

A lire, sans faute, pour comprendre la misère politique américaine et comment elle a contaminé la France.

Maxime TANDONNET

A propos maximetandonnet

Ancien conseiller à la Présidence de la République, auteur de plusieurs essais, passionné d'histoire...
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17 commentaires pour Lecture: La chute de Nixon, Georges Ayache, Perrin 2020

  1. Georges dit :

    Je me demande si le général n’était pas ,à une période,dans le collimateur de la CIA.

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  2. Freddie dit :

    On comprend surtout que c’est le même genre de cinéma qui est joué par les médias et autres zélées zélites contre Trump « malgré de formidables réussites diplomatiques » également. Y aurait-il un livre qui analyse pourquoi le gauchisme a autant de succès chez les classes dirigeantes et médiatiques, en France comme aux États-Unis ? Je me souviens de la remarque d’une relation gauchiste qui m’expliquait que les gens qu’elle fréquentait dans son parti avaient tous de l’argent et adhéraient par idéalisme. Je suis une vilaine cynique mais je soupçonne des tas d’autres mobiles.

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  3. Georges dit :

    Si Trump est réélu espérons que l’on puisse en apprendre plus sur l’Obama Gate et cette manie américaine de déstabiliser le monde .

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  4. Furax dit :

    Que cette bonne analyse ne vous empêche pas de lire avec profit : « L’Amérique Assassinée » de Philippe Vermont (2005- Ed. de Paris) pour comprendre le pourquoi du comment ! 😉 vous ne le regretterez pas.
    http://www.librairiefrancaise.fr/fr/politique-etrangere/2475-l-amerique-assassinee-philippe-vermont-9782851621269.html

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  5. Timéli dit :

    Richard Nixon était malin comme un renard, mais il a été pris « les doigts dans le pot de confiture ». Habituellement, c’est : pas vu, pas pris ! Mais pour lui, ce fut tout le contraire… Il a cependant laissé un bilan politique assez positif sur de nombreux points (rapprochement avec la Chine…etc…). Il est vrai qu’en politique étrangère il était particulièrement bien aidé par Henry Kissinger. C’était un « politicard » comme il en existait quelques-uns à cette époque.

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  6. xc dit :

    Les électeurs qui ont suivi le débat entre Nixon et Kennedy à la radio ont trouvé le premier meilleur que le second, à l’inverse de ceux qui l’ont regardé à la télévision. Sans ce débat, peut-être Nixon aurait-il été élu en 1960, et peut-être pas de guerre au Viet-Nam?.

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  7. Mildred dit :

    Monsieur Tandonnet,
    Si on veut répertorier les « crimes » de Richard Nixon pour comprendre pourquoi il a dû démissionner, quels sont-ils :
    – il a mis fin à l’intervention américaine au Vietnam
    – il a ouvert des relations diplomatiques avec la Chine
    – il a instauré la détente avec la Russie
    – il a mis fin à la ségrégation dans les écoles américaines
    – il a créé une agence indépendante du gouvernement, en faveur de l’environnement
    – il a réduit le soutien au projet spatial américain
    Mais surtout, et c’était impardonnable Richard Nixon a été réélu en 1972 par 49 États sur 50
    Sans nier la responsabilité de Nixon, on ne peut que constater que le scandale du Watergate a éclaté fort à propos.
    La seule chose dont il pourrait remercier le gouvernement américain, c’est de l’avoir laissé mourir de sa belle mort, dans son lit, alors que certains, de la « dynastie Kennedy », n’ont pas eu cette chance !

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    • Annick Danjou dit :

      Comme Fillon qu’on a exécuté alors que d’autres présents actuellement font bien pire. Le conseil constitutionnel par exemple et Fabius qui a réussi à faire en sorte que les œuvres de maître ne soient pas comptées dans le patrimoine. Il est toujours là sans sang contaminé dans les veines moi ça me révulse!

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  8. Sganarelle dit :

    Il y a aux USA une forme de naïveté populaire qui pousse le citoyen lambda à croire en la parole des puissants et des politiques. On le voit avec ceux qui ont avalé les de l’eau de javel pour éradiquer le COVID selon le président.. Lequel jure encore sur la Bible qu’il sera honnête et loyal….
    De ce fait les citoyens détestent le mensonge et pensent qu’il est la porte de tous les vices. C’est ainsi que les français n’ont pas compris l’affaire Clinton. Ce n’était pas pour une galipette ( tous les gouvernants sont fautifs) qu’il a subi l’opprobre mais pour les mensonges qui ont suivis ses dénégations et son attitude.
    Ce sont pour des mensonges présumés ou prouvés que Nixon a été vilipendé dans l’opinion publique, dommage sans doute car c’était un homme intelligent et le commentaire de monsieur Tandonnet prend toute sa place.
    Nous avons toujours un train de retard sur les US dont nous nous efforçons de copier les défauts sans prendre les qualités , la principale étant l’amour du pays qui les abrite et l’union de tous les différents états sous un seul drapeau ..mise à mal ces temps derniers hélas !

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    • Annick Danjou dit :

      Tout à fait Sganarelle Clinton a menti et les américains sont très réactifs aux mensonges. Biden va peut-être être élu et lui aussi est un menteur! Un idiot, comme ils considèrent Trump contre un menteur à la limite du sénile. Les américains se préparent de beaux jours. Le socialisme à la française ? Ils vont vite le regretter ! Tant pis pour eux et j’en ai 3 qui ont voté aujourd’hui je ne veux même pas savoir pour qui ou contre qui c’est leur affaire! On a assez ici.

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  9. jfsadys dit :

    Avant 14/18 la France et l’Angleterre sont les deux premières puissances mondiales. Le soleil ne se couche jamais sur l’Empire colonial anglais.

    Après 14/18 les Français morts à la guerre ne font pas d’enfants qui ne font pas d’enfants. Le grand remplacement commence.

    Après 14/18 les USA deviennent une puissance émergente.

    La seconde guerre mondiale fait des USA la première puissance mondiale.

    Depuis leur naissance les USA puisent leur force dans le fait qu’ils n’ont pas cessé d’accueillir toute la misère du monde et de transformer toute cette misère du monde en richesse.

    Pendant longtemps les USA ont été la première puissance militaire, économique, culturelle, scientifique, technologique, politique. Ils ont rayonné de par le monde par la puissance de leur industrie du cinéma, de la musique, de la littérature. Leurs universités attiraient comme l’aimant attire le fer. Leur « way of life » séduisait les « masses populaires » du monde entier. Il y a bien eu ici et là des pays qui ont essayé de se résister mais leurs dirigeants se sont fait balayer. Un coup d’état arrive si vite.

    La télévision par satellite a renforcé cette présence mondiale des USA. Les télé-séries américaines ont formaté des millions d’individus. Mais la télévision par satellite a rendu plus visible aussi toute la misère du monde.

    1989 les USA gagnent la guerre froide. L’ex-URSS disparaît. Mais le nouvel ordre mondial a du mal à se mettre en place. De nouvelles puissances émergent qui n’en ont « rien à cirer » des USA. La Chine, la Turquie, l’Arabie saoudite, la Corée du Nord, la Russie, Israël, le Brésil sont des puissances émergentes « conflictuelles ». Et les USA aujourd’hui n’ont plus envie de jouer les gendarmes du monde.

    https://www.bfmtv.com/politique/pierre-de-villiers-on-ne-peut-pas-accepter-d-un-pays-comme-la-turquie-d-avoir-son-comportement-alors-qu-elle-est-membre-de-l-otan_VN-202010240091.html?fbclid=IwAR2Brbynvarw3NuqLnPDyR3bVAv3Ao_3BbgCdtKkpy8yssqbdbM8W3ktAh0

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  10. cgn002 dit :

    Merci pour ce (demi) repis des affaires franco-francaises. Merci de nous éviter de cuire dans notre propre sauce, bien que les ingrédients (les hommes politiques) apparaissent similaires.
    Il est tout de même à relever que ce n’est pas la France (ou l’Europe) quii sabbote la politique américaine alors que l inverse fait partie de leurs plans.
    Et en ce qui nous concerne nous en subissons des conséquences terribles, si on oublie certains bons côtés du passé.
    L africanation (voulue et insidieusement mise en pratique outre Atlantique) de la France et de l’Europe, fait que nous deviendrons, encore pour un moment, les sous dev de l aigle américain, avant de basculer sous l’influence de l Empire du milieu…. : des latinos musulmans à la merci des saxons.
    Voyez vous en France ou en Europe une politique qui nous permettrait d’affirmer notre modèle face aux géants qui ne rêvent que d imprimer le leur chez nous.
    Bien contraire nous passons notre temps à critiquer les USA et la Chine, sans montrer que nous puissions faire quoi que ce soit de mieux,… hormis à prôner notre décroissance, et se flatter de consommer leurs produits !! !…

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    • cgn002 dit :

      Complément correctif : Nous deviendrons des latinos musulmans à la merci des saxons (USA + GB) d’abord, et à la merci des chinois ensuite (ou en même temps !)…

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  11. there dit :

    Tout à fait intéressant et loin très loin de l image habituellement donnée. Par exemple par le film Frost / Nixon par ailleurs tout à fait excellent.

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  12. Michèle Machenin-Murzilli dit :

    Merci Maxime de cette intro au sujet de ce Président là et de la contagion américaine, dans notre bon vieux pays de France ! Vive les Gaulois !

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