Réflexion sur l’élection présidentielle

Sur le site de M. Alain Lambert, ancien ministre, figure un texte d’un exceptionnel intérêt et d’une lucidité remarquable. Dans l’ouragan de conformisme et d’aveuglement qui domine la vie politique et intellectuelle du pays, il a l’immense avantage de s’affranchir des tabous et de soulever de vraies questions, même si nul n’est forcé d’être d’accord avec les solutions qu’il propose. On peut en sourire ou en ricaner en le lisant. Je suis convaincu pour ma part que cette réflexion visionnaire a 10 d’avance sur l’époque et que, face à la vertigineuse déliquescence de la démocratie française, les questions qu’il pose aujourd’hui, dans l’indifférence sinon le mépris, seront parmi les grands sujets de l’avenir, ceux qui conditionnent le règlement de tous les autres:

« L’invraisemblable course en avant vers la présidentialisation et la concentration des pouvoirs entre une seule main met en péril imperceptiblement notre démocratie, sans que personne ne semble s’en rendre compte. Je conserve l’intime conviction que l’élection du Président de la République au suffrage universel direct, après la déformation progressive mais profonde de la Vème République (quinquennat – inversement du calendrier), est devenue le handicap principal au redressement du pays. Plus qu’un droit démocratique fondamental, cette élection est devenue un piège. Un piège, car la litanie des promesses qu’un candidat doit réciter chaque jour pour se faire élire trompe tout autant celui qui les annonce que celui qui les croit [A LIRE INTEGRALEMENT ICI] »

A mes yeux, le diagnostic est parfait, d’une lucidité exemplaire à une nuance près: je parlerai plutôt de « la concentration de l’illusion du pouvoir entre une seule main » – ce qui est tout aussi dramatique pour le bien public. En revanche, je ne suis pas convaincu par la solution qu’il préconise. L’élection du président de la République au suffrage universel est considéré comme un acquis de la démocratie française et il ne me paraît pas concevable de revenir dessus car les Français y tiennent. D’autres changements, moins traumatisants permettraient tout autant de sortir du cataclysme actuel: découpler l’élection présidentielle des législatives, pour éviter les taux d’abstention record, l’asphyxie de l’Assemblée nationale et du gouvernement, et la morbide annexion du Palais Bourbon par l’Elysée; revenir au septennat présidentiel et rendre tout mandat présidentiel non reconductible; clarifier le partage des compétences entre le chef de l’Etat (politique étrangère et de défense) et le Premier ministre et les ministres (politique intérieure); réaffirmer le principe fondamental de toute démocratie, bafoué en France, selon lequel l’exercice d’une autorité quelconque, en acte ou en parole, ne se conçoit pas sans un mécanisme de responsabilité et de sanction politique.

Maxime TANDONNET

 

 

 

 

A propos maximetandonnet

Ancien conseiller à la Présidence de la République, auteur de plusieurs essais, passionné d'histoire...
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16 commentaires pour Réflexion sur l’élection présidentielle

  1. Colibri dit :

    C’est peut-être de ma part un manque d’humilité et une erreur de jugement mais je crois qu’il faudrait aller plus loin qu’une simple réflexion collective sur notre système constitutionnel. Nous vivons comme bien d’autres pays sur le principe de la compétition entre nous, sur des rapports humains dominants dominés, gagnants perdants. Peut-être qu’il serait temps d’accorder plus d’importance à d’autres valeurs humaines: entr’aide, coopération, bienveillance les uns à l’égard des autres, altruisme, générosité de coeur et d’esprit, non violence verbale et physique, protection des plus faibles et des plus démunis.

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  2. Cher Monsieur Tandonnet

    Il m’apparait évident que l’instauration du quinquennat nous a fait changer de République et que nous vivons sous la VI ème République, la pire de celle que nous avons connues, à l’exception peut-être de la IV ème.Il faut donc revenir au septennat car, à moins de supprimer le droit de dissolution, ce qui est impensable, nous retournerons evidemment à la situation ou les deux mandats, présidentiel et législatif coînicident dans le temps.
    Il faut souligner que la réduction du nombre des parlementaires ne fera que renforcer le déséquilibre puisqu’il aggravera le poids des états majors des partis et tout particulièrement le poids du parti du Président sur des élus qui n’auront plus le possibilité de tenter de s’appuyer sur des forces locales pour tenter de résister. Pire encore, la « dose de proportionnelle » permettra aux partis de faire élire des apparatchiks purs sans le moindre lien avec les électeurs.
    Sans prétendre détenir la solution idéale, il me semble nécessaire de nous rappeler que le Général prenait soin de vérifier tres régulièrement pas referendum son lien avec l’opinion et mettait son mandat en jeu. Il pourrait donc être envisagé de réfléchir à la procédure suivante afin d’engager la responsabilité du Président et d’évoluer vers un régime Présidentiel compatible avec nos usages :
    Si un texte proposé par la Gouvernement n’obtient pas, à l’issue de navettes l’accord des deux assemblées, il serait désormais adopté par referendum si le Président entend le maintenir. Un vote négatif entrainerait la chute du Président de la République sans qu’il puisse se représenter.

    Etienne Tarride

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  3. Sganarelle dit :

    Et pourquoi pas une monarchie constitutionnelle? D’autres pays s’en trouvent fort bien et la Suède qui a fait une révolution à l’envers n’en est pas moins socialiste.

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  4. Janus dit :

    Le plus simple serait de revenir aux institutions de la Ve république version 1962 et de supprimer les préambules comme source du droit, le viol quotidien de la souveraineté populaire par les juges du CC et du CE étant un coup d’état permanent et un scandale.
    Il serait de bonne politique de stipuler la supériorité des normes françaises sur les normes européennes, celles-ci n’entrant dans le droit français qu’après vérification de leur compatibilité avec la constitution, qui doit rester le pacte sacré entre le peuple et ses dirigeants élus.
    Hors sujet, mais j’aimerai votre avis : MACRON a échoué largement dans la totalité de sa politique européenne dans sa tentative de créer un véritable etat européen . Dès lors, l’euro n’est définitivement pas viable et pour quelle raison rester dans cette Europe qui nous tue ? Pourquoi accepter que les règles fiscales du Luxembourg, de l’Irlande et de la Hollande fassent de ces pays des paradis fiscaux au sein même de cette Europe-foutoir. Décidement, nous sommes des naïfs et peut-être même des cons et nos dirigeants des traitres…

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  5. Bernderoan dit :

    N’est-il pas urgent de laisser mourir la démocratie de sa belle mort ? C’est la destinée de tout organisme quel qu’il soit.
    En quoi la démocratie est-elle supérieure à tous les autres régimes ? Laissez Churchill en paix.
    Elle est tout aussi corruptible qu’un autre régime.
    Mettons des constitutionnalistes au travail. Ils nous pondrons bien une constitution qui vivra elle aussi quelques temps avant de décliner et s’éteindre naturellement.
    Ainsi va la vie…

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    • Mildred dit :

      @Bernderoan
      Mais avant que de réunir vos constitutionnalistes, il faudrait d’abord que le pouvoir s’y sente acculé, comme en1984 où une manifestation monstre avait acculé Mitterrand à retirer son projet de service unique de l’Éducation Nationale !
      Je crois que c’est l’idée que cette pétition voudrait faire partager au peuple qui ainsi, se rappellerait au bon souvenir du pouvoir qui, entre chaque élection a trop tendance à oublier jusqu’à son existence :
      http://www.citizengo.org/fr/164952-appel-du-peuple-france

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  6. Infraniouzes dit :

    Bien sûr qu’il faut prévoir des sanctions – au sens positif comme négatif du mot – pour toute défaillance des obligations des « gens d’en haut ».
    Imaginons un instant des lycéens, étudiants, se contentant de suivre les cours quand ils le veulent, de rendre de temps à autres un vague travail sur un sujet mineur et continuer tranquillement jusqu’à obtention automatique de leur diplôme. Voilà, à peu près, comment je vois le travail parlementaire. Le Président inamovible pendant 5 ans et les députés tranquilles pendant 5 ans, obéissant aux ordres pour éviter une dramatique dissolution. Je me souviens que, du temps du Général, les opposants parlaient en ricanant des « godillots » gaullistes. Mais RIEN à changer depuis. C’est la rançon du fait majoritaire. L’expression « une majorité claire » n’est pas magique. C’est un poison qui tue la démocratie. Seul le consensus entre gens désintéressés et intelligents peut rétablir la démocratie.

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  7. michel43 dit :

    il y a du très bon chez bon chez Gérard Bayon ,,,pour Moi, je suis pour la proportionnelle ,le vote obligatoire ,reconnaissance des bulletins blanc ,en attendant , encore quatre ans de Macron ,j’attends beaucoup de l » élections Européenne ,et une défaite de la bande a Macron ,et victoire des populistes Européens ,qu’allons devenir avec Wauquiez ,qui devrait savoir que seul,, ,point d »avenir ,

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  8. Mildred dit :

    Monsieur Tandonnet,
    Voici ce qu’écrit Renaud Camus dans son journal du 6/08/18, où je suis arrivée par hasard, et que je relève pour vous :
    « …Permettez-moi de remarquer à ce propos, que les hommes politiques et les femmes politiques classiques, bien sages, bien raisonnables et bien conformes à l’image conventionnelle qu’on attend d’eux, ce sont eux qui nous ont mis à force de sagesse, de prudence, de lâcheté, de conformisme, dans la situation atroce où nous sommes : humiliés, occupés, vendus, livrés, bousculés, assassinés et dépouillés un par un comme des otages… »

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  9. Colibri dit :

    Reste aussi la solution de tirer au sort les élus sur les listes électorales. Voir lien suivant:
    https://fr.wikipedia.org/wiki/Tirage_au_sort_en_politique

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  10. E. Marquet dit :

    Il n’y a pas de bonnes solutions, car tout dépend à la fois :
    – du comportement de ceux qui conquièrent le pouvoir, de l’utilisation qu’ils en font, au service de tous ou de quelques uns, et jusqu’à quel point ils poussent la trahison de l’intelligence, la démagogie, le manquement à la mission, l’ignorance, la peur du débat, l’hubris, la vénalité. Quelle boussole morale ont-ils ?
    – du comportement des « administrés » qui cultivent souvent les mêmes travers que leurs dirigeants, qui sont très peu préoccupés du bien commun, pour préserver leurs intérêts particuliers, et donc qui tirent à hue et à dia …..
    « La démocratie est née du projet de protéger les individus. Elle périra à cause de l’égoïsme des individus » dit Bergson.

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  11. Laurent Grélot dit :

    Bonjour Maxime,
    je ne crois pas vraiment que le problème de notre pays soit le système en lui même (i.e. la 5ème République, le quinquennat, l’inversion du calendrier électoral, …) même si je n’ai aucun doute que ce qu’il est devenu ne va pas conduire à un début d’ébauche de solution.

    Le problème est ce que font les gens qui détiennent le pouvoir. ..et souvent cela va de pair avec ce qu’ils sont (moralement parlant). La sélection naturelle dans le monde politique « tue » les empathiques (« gentils, tendres, « …), d’ailleurs vus comme des faibles . Il nous reste donc à choisir parmi les autres, égocentrés, durs, imperméables à la critique, sûrs de leur savoir, indifférents aux autres, arrogants, …

    Écoute, concertation, humilité, sagesse, prise de décision éclairée, responsabilité immédiate mais aussi sur le long terme des choix effectués, …bref, une déontologie qui va jusqu’au retrait lorsque l’on s’est trompé…est-ce le cas ? Jamais.

    Combien de députés et/ou de sénateurs qui ont eu des « carrières » politiques sur plus de deux décennies, et donc qui ont voté tous les budgets déficitaires de la France durant leurs mandats, se sentent responsables (et donc quittent la politique) de la déliquescence de la puissance publique de notre pays. Aucun.

    L’été a était consacré à l’affaire Benalla. Mais des scandales bien plus graves au regard de la démocratie représentative ont lieu tous les jours et à tous les étages. Pour exemple (je vis à Marseille).
    – Dominique Tian, Ier adjoint au Maire de Marseille, condamné pour » blanchiment de fraude fiscale » (un Cahuzac bis) : toujours en place ! (https://www.laprovence.com/article/politique/5004127/dominique-tian-jarrete-la-politique-en-2020.html);
    – Maryse Joissains, Maire d’Aix-en-Provence, condamnée pour détournements de fonds publics et prises illégale d’intérêts : toujours en place (https://www.20minutes.fr/justice/2309635-20180718-aix-provence-maire-maryse-joissains-condamnee-prison-sursis-dix-ans-ineligibilite).

    Je vous passe les malversations, juridiquement moins graves mais moralement tout aussi indéfendables (cv bidonnés pour des promotions et nominations, utilisation de l’argent publique à des fins personnels, …), dont je suis témoin au sein de l’institution publique universitaire dans laquelle je travaille.

    Les gens (citoyens, salariés, fonctionnaires,…), qui se livrent sur ces sujets, ne parlent que de dégout et de défiance envers le monde politique.

    C’est juste désespérant.

    Je ne fais pas encore parti des PRAF de Brice Teinturier (https://www.lemonde.fr/idees/article/2017/02/20/le-praf-redoutable-mouvement-de-dereliction-politique_5082201_3232.html), mais j’envisage sérieusement d’être un PRAFI (« plus rien à faire ici »), et de m’évader vers la Nouvelle Zélande…aux antipodes de la France 🙂 ).
    Cordialement
    Laurent

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  13. Gérard Bayon dit :

    Bonjour à toutes et à tous,
    Réflexion faite je me demande en quoi la solution proposée par Alain Lambert serait de nature à changer profondément la vie politique française. Le retour à une sorte de 3ème République ne changerait pas les comportements des hommes qui accèdent au pouvoir suprême et qui sont maintenant toujours tentés en raison de la légitimité de leur élection (qu’elle soit par 900, 30.000 ou 47.000.000 de voix) d’imposer leurs idées et leurs choix à la population. De fait, le Président élu, contrairement à ce que dit A. Lambert, ne se considère jamais au-dessus de la mêlée.
    Comme vous le dites : « L’élection du président de la République au suffrage universel est considérée comme un acquis de la démocratie française  » auquel les Français sont très attachés et aucun personnage politique en place ne peut imaginer le retour à une élection Présidentielle par un petit groupe de citoyens qui serait vite considéré comme des intrigants et des manipulateurs. Toute tentative de modification du scrutin présidentiel serait immédiatement dénoncée par les politiques eux-mêmes, les médias, les partis, les philosophes, les commentateurs et les associations comme un coup de poker pour le retour vers un régime autoritariste, bonapartiste voire fasciste pour les plus virulents. Croire que le peuple Français ne serait pas hostile à un tel changement est une illusion.
    Puisque cette proposition semble inenvisageable actuellement il convient de nous en tenir aux propositions de bon sens (eh oui !) déjà évoquées à plusieurs reprises :
    – l’élection du Président pour un mandat de 7 ans non renouvelable,
    – l’élection des députés pour un mandat de 5 ans renouvelable une seule fois et totalement déconnectée de l’élection présidentielle (minimum : 1 an d’écart entre les deux élections)
    – l’application stricte d’un des principes majeurs de la Vème République : l’article 20 : la séparation des pouvoirs entre le gouvernement qui détermine et conduit la politique de la Nation et les prérogatives du Président de la République,
    – je rajouterais : l’impossibilité pour le Président de dissoudre l’Assemblée Nationale, solution qui dans les 5 fois où elle a été utilisée n’a toujours entraîné que de graves difficultés supplémentaires sans régler pour autant les problèmes de fond qui avaient conduit à ces dissolutions.
    – l’obligation pour le gouvernement de ne présenter que des budgets soit excédentaires (pour faire face aux crises) ou à minima : en équilibre avec un plafonnement des ressources fiscales fixé pour 7 ans par le gouvernement lors de sa mise en place. Toute modification de cette contrainte ne pouvant intervenir que par référendum.
    – sans oublier le mécanisme indispensable de responsabilité et de sanction politique que vous signalez et qui n’est là encore que ce qui est imposé au citoyen lambda.

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  14. martin colmet daage dit :

    Et pourquoi pas l’élection du Président de la république au suffrage universel indirect comme en 1958 ?

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