La fuite en arrière

sans-titreDans la tragédie épouvantable de cette semaine, les comparaisons historiques n’ont pas manqué dans la presse, les médias, le discours politique. Tout d’abord, le rassemblement de dimanche a été largement comparé au Paris en liesse de la Libération, le 25 août 1944. Puis, le discours de M. Valls à l’Assemblée, suivi d’une Marseillaise entonnée par les députés, au discours de Clemenceau le 11 novembre 1918 devant la Chambre. Or, l’échelle des événements n’est pas comparable. Le 25 août 1944 et l’arrivée du général de Gaulle marque la fin d’une occupation de 4 années dans le contexte d’une guerre qui aura fait 350 000 morts côté français, 50 millions au total. Le 11 novembre 1918, la Victoire, célèbre l’achèvement d’un autre abominable conflit qui aura entraîné la mort d’1,5 millions de jeunes français et autant de mutilés à vie, dans la souffrance atroce de la guerre des tranchées. Les événements actuels n’ont pas le moindre espèce de rapport, même le plus lointain. Non, je suis désolé de le dire, M. Valls, malgré tout le respect que nous lui devons comme Premier ministre, ce n’est pas Clemenceau. 1944, 1918 célébraient des victoires militaires, à l’échelle de dizaines de millions de tués et de souffrances apocalyptiques des peuples. Aujourd’hui, quelle victoire célébrons-nous ? A propos du 11 novembre 1918, sincèrement, j’ai cru d’abord à une plaisanterie. Mais non. C’était du sérieux… Alors, pourquoi cette fuite en arrière dans le grand cinéma historique de la « France d’en haut » ? La paresse, la lâcheté expliquent beaucoup. La fuite en arrière évite d’avoir à se poser les questions terribles que soulèvent les tragédies de ces derniers jours, sur l’état de décomposition de notre société, sur ses ambiguïtés au sujet de la liberté d’expression, revendiquée comme absolue et toute relative en même temps, sur le contexte international, ce mélange explosif du réel, démographique, économique, et de l’ivresse des passions. Les images de ces foules pakistanaises et nigérianes s’en prenant à des symboles de la France et à des minorités chrétiennes portent en elles la vision insoutenable de l’avenir de notre planète. Quelle réponse y apporter, en termes réalistes, intelligents, politiques? Qu’allons nous faire de notre société française, aujourd’hui à la confluence de deux courants dominants – « l’interdit d’interdire » de mai 68 et le communautarisme – qui ne font pas bon ménage, une société déboussolée, privée de repères. Comment restaurer la capacité et le courage de gouverner, de décider, de choisir, autrement que dans l’imaginaire et la communication ? Voilà. C’est tellement plus facile de rejouer le 11 novembre 1918. J’ajoute que le silence et le conformisme de l’opposition, incapable de formuler une idée cohérente, à deux ans d’une possible alternance, est particulièrement affligeant et préoccupant.

Maxime TANDONNET

A propos maximetandonnet

Ancien conseiller à la Présidence de la République, auteur de plusieurs essais, passionné d'histoire...
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36 commentaires pour La fuite en arrière

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  2. Gerard Bayon dit :

    Bonjour,
    Je suis tout à fait d’accord avec la dernière phrase de votre article.
    Mais comment l’opposition républicaine peut-elle aujourd’hui émettre une quelconque proposition intelligente dans le brouhaha actuel des débats monopolisés et entretenus par le pouvoir actuel.
    L’opposition est pour le moment inaudible et il faudra attendre quelques jours pour que le « quotidien » reprenne le dessus avec les chiffres du chômage, les grèves annoncées, les plans sociaux, les piètres résultats économiques etc.
    A moins que les soulèvements actuels dans différents pays d’Afrique et d’Orient contre la France n’entrainent de nouveaux drames chez nous et le revirement de nos politiques !
    Bonne journée

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  3. François dit :

    Notre Premier ministre se pavanant dans la cour de l’Élisée en arborant fièrement un exemplaire de Charlie Hebdo était tout bonnement irresponsable. Les événements africains de ces derniers jours le montrent à l’envi. A-t-il seulement songé à nos troupes se battant au Sahel, à l’embarras des chefs d’État africain et tout particulièrement ceux qui ont des chrétiens et des musulmans sous leur coupe ? Non, bien évidemment ! Irresponsables ils sont, irresponsables ils le resteront.

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  4. Hurluberlu dit :

    Les hommes politiques du début du XXº siècle, Clémenceau en tête, étaient des meneurs d’hommes; ceux d’aujourd’hui sont des suiveurs de femmes. Les temps ont changé. Le matérialisme et l’atheisme sont passés par là.

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  5. michel43 dit :

    lorsque , je lie ou je regarde , autour de MOI ;la majorité des gens , n-ose PAS dire le fond , de leurs pensée , il pense a leurs entourages ,,des quand, diras t- on , du jugement des autres, c- est cela la LIBERTÉ .;?.. pour MOI…NON Maxime sait que je me moque ,des jugement ,des AUTRES, je dis et j-écris ce que je pense, et me fout de savoir ,si les autres sont d-accord ou PAS ? je respecte et j-écoute TOUT le monde, des Amis , des vrais , doivent être des gens qui écoute et respectes vos dires , et ne vous juge pas ,sur cela ; voila pourquoi , j- ais des amis dans presque tout les partis politiques , devrai je écarter un amis d-enfance , cars il est communiste? pour Maxime; ou chez la ? LE PEN ? pensez vous , un instant , que cela porte ,tord a ce DIEUDONE lorsque les pantins de gauche ,et parfois de Droite , veulent , l -INTERDIRE ? grave erreur ; on lui fait ,une PUB gratuite ;et ses spectacles sont PAYANTS et PRIVER de touye façons , on ne peu que regarder que devant NOUS..et personne ,ne peu ,prévoir l-AVENIR qui de toute façons sera très difficille

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  6. youjabi dit :

    Monsieur,
    Permettez-moi tout d’abord de vous feliciter de la gifle que vous venez d’infliger a la rebelle que je suis en train de devenir. Apres les evenements de cette derniere semaine et tout le recuperage politique global qui s’en est suivi; je me suis dit qu’il me fallait accepter la veritable mission de la politique. A savoir celle de permettre a un reseau savant d’elites positionnees dans certaines industries dont la presse et les chateaux de l’Etat de conserver au Capital son projet d’agrandissement. Alors, si vous avez pu faire partie de cette bulle et vous en dissocier pour participer a la reflexion sur les veritables maux que le Monde vit; je me dis qu’en fait; il faut accepter que tous les chemins menent a Rome. Car en effet, les raisons qui permettent a un etre humain de se faire dominer par l’idee que son existence ne sera reconnue que lorsqu’il mourra en creant le plus de peine possible, me parait fort peu evoquee. Quelles sont les structures et les attentes de la societe dans laquelle nous vivons? Et en quoi contribuent-elles a ce phenomene d’addiction qui en soit n’est pas bien different des autres formes auxquelles beaucoup plus de ressources sont devouees pour les combattre. La seule difference; une attaque de la part d’un membre de la communaute vers son prochain. Celui dans les yeux duquel il devrait pouvoir se reconnaitre. Je reprends espoir et continuerai d’observer ces moments ou les acteurs politiques de temps en temps s’eloignent de ce projet. Pour reflechir sur la nature fondamentale de ce qui devrait nous valoriser, c’est juste d’exister. Pour un si court moment. Mon humble opinion.

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  7. francoiscarmignola dit :

    Si je puis me permettre, il me semble que vous parlez de ce qu’on appelle le « symbolique » et que vous vous plaignez de la mauvaise qualité de son expression.
    Et bien je suis d’accord, et j’ai même quelques idées sur la question.
    Nous sommes malade du symbolique, de fait. La maladie a ses symptômes, ses effets, ses douleurs, sa visibilité et ses odeurs.
    La première forme et symptôme flagrant est la confusion: comparer la séance de mercredi dernier et celle de novembre 18 relève d’une volonté perverse ou idiote, en fait d’une forme de mépris envers ceux à qui on s’adresse. De la même manière la comparaison entre Manuel Valls et Georges Clemenceau, qui se répète, les communicants travaillent, eux, ça se voit.
    Mais vous vous y êtes laissé prendre, et je vous l’avait fait remarqué.
    Plutôt que de recommencer a fesser l’Oreille (on ne peut que l’appeler ainsi depuis qu’on sait qu’il révoqua un fonctionnaire coupable de trop autoriser les écoutes, justement), je parlerais plutôt d’un grand moment de vexation du symbolique, quand nous avons avec honte vu le président se moquer cruellement de son premier ministre en le décorant, précisément sur le thème de Clémenceau. J’en aurai pleuré.
    Alors l’hystérie anti Dieudonné de l’imberbe ibère suivie d’une marseillaise pour Charlie Hebdo, dire que c’était le 11 novembre 18, cela n’est qu’une habitude. Vomitive au demeurant.

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  8. sartene dit :

    Pour ceux pour qui la liberté d’expression est à géométrie variable….et ne veulent pas admettre que d’autres pensent différemment

    http://video.lefigaro.fr/figaro/video/c-est-quoi-la-liberte-d-expression/3994830422001/

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  9. Freddie dit :

    Pas grand chose à ajouter à votre superbe billet, Maxime (à part, comme le dit Zemmour, que vous écrivez drôlement bien, et d’ailleurs en lisant Au coeur du volcan je me suis demandée comment vous arriviez à vous souvenir avec autant d’exactitude de tout ce qui se passait pendant les réunions auxquelles vous avez assisté, vous devez aussi avoir une sacrée mémoire) ni aux contributions des autres lecteurs qui ont dit tout ce qu’il y a à dire. Alors je me contente de proposer un lien :

    Sur son fil twitter, l’engagée Véronique met un lien vers une carte internationale des restrictions à la liberté d’expression. Intéressant.

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    • Merci Freddie, c’est très aimable à vous, l’une des plus anciennes et plus fidèles participantes à ce blog. Je prenais des notes au jour le jour, comme un collégien qui tient son journal intime…
      Amitiés
      Maxime

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