La destruction de l’Etat

imagesLes grandes polémiques ne font que recouvrir les phénomènes sournois, de long terme, qui ruinent l’autorité de l’Etat. Nous assistons à un processus d’auto combustion dont l’actualité de second rang, non médiatisée, fourmille d’exemples quotidiens. Ainsi deux arrêts récents de la cour de cassation, s’appuyant sur la jurisprudence de la cour européenne des droits de l’homme, interdisent désormais aux forces de l’ordre d’utiliser la « géolocalisation » pour combattre la criminalité, les privant de leur principal outil d’action contre les trafics, les enlèvements, les violences. Il faut certes « respecter la décision de justice ». Pourtant, dans la réalité, derrière l’interprétation du droit, il y a bien des hommes qui effectuent des choix, avec leurs idéologies, leurs passions, leurs vanités. Sont-ils conscients des désordres qu’ils infligent à la société ? Ont-ils une idée de l’impact dévastateur de leurs décisions, prises au nom de l’Etat de droit, sur l’avenir de ce même Etat de droit, privé des moyens de se défendre contre ceux qui le combattent? Sincèrement, je n’en sais rien. Par ailleurs, nous apprenons que l’aide médicale d’Etat, ouverte aux migrants en situation irrégulière, a bondi en 4 ans de 200 000 bénéficiaires à près de 300 000, pour un coût de presque un milliard, reflétant l’impuissance des pouvoirs publics à faire respecter le droit de l’entrée et du séjour. De même, sur le flanc économique et financier, les nouvelles sont exécrables montrant que les budgets échappent à tout contrôle. Malgré une politique de matraquage fiscal sans précédent historique – les prélèvements sont passés de 42,1% du PIB en 2009 à 46, 3% en 2013 – la Commission annonce un déficit des comptes public de 3,7% en 2015, contre 3% prévus par le gouvernement, obérant toute chance sérieuse de reprise de la croissance et relance de l’emploi. L’effondrement de l’autorité de l’Etat, sous ses facettes diverses, connaît ainsi une spectaculaire accélération et semble entraîner la France dans une chute sans fin. « Détruisant la patrie, ils se détruisent eux-mêmes » écrit Charles Péguy (L’Argent, Cahiers 27/4/1913). Mais le plus désespérant pour nous qui souffrons dans notre chair de cette décrépitude, c’est l’absence de solution politique apparente. La démagogie des extrêmes, dont le réflexe est de nier les réalités et de cultiver la haine, nous révulse : avec eux ce serait encore pire et nous le savons. La confusion et la bêtise de l’opposition démocratique nous désespèrent. Nous en sommes à compter sur un grave accident de l’histoire, un événement supérieur, une profonde cassure comme toutes celles que nul ne prévoit jamais – 1789, 1830, 1870, 1918, 1944, 1958, 1989 – pour rabattre les cartes, renouveler de fond en comble les élites dirigeantes et remettre la France dans le chemin de l’espoir et du progrès. « Restaurer l’autorité de l’Etat, dans un pays comme la France, est la condition première d’un redressement » écrit Jean Sévillia[1]. Bien sûr, mais avant, cela, de profondes secousses, dont nul ne peut présager la forme sont sans doute inévitables.

Maxime TANDONNET


[1] Histoire passionnée de la France, éditions Perrin, interview dans la revue Politique.

A propos maximetandonnet

Ancien conseiller à la Présidence de la République, auteur de plusieurs essais, passionné d'histoire...
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39 commentaires pour La destruction de l’Etat

  1. MICHAUD Alex dit :

    Ezra SULEIMAN, politologue américain francophile, est l’auteur de: Le démantèlement de l’Etat démocratique, au SEUIL. Le libéralisme économique pouvant se satisfaire aussi bien d’un Etat fort (Chine, Singapour), que faible(Europe). Le dirigisme planiste gaullien n’étant que formel et consultatif depuis son départ.

    Jean–Robert PITTE a consacré en 2002, une biographie au promoteur du Plan: Philippe LAMOUR.1903-1992. Père de l’aménagement de l’espace et du territoire en France. FAYARD.

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  2. Bonsoir Maxime et A tous.
    Comment voulez-vous mettre de l’ordre dans les institutions, dans la bureaucratie écrasante qui existe quand personne ne croit plus en rien? On entends parler d’esprit républicain…et de l’Etat..mais croyez-vous que: 1. on sait encore ce que cela veut dire, et 2. si on le sait, que les gens veulent encore vivre dans cet esprit?
    Comment voulez-vous qu’il y ait confiance dans quelque chose alors que tout va dans une pente descendante.., i.e.,les moeurs, le non respect des lois, le « je » de toute cette population qui ne connait pas le collectif, l’importance du smartphone, de la matière et de le propriété matérielle?
    Je pense qu’il est grand temps que des gens de bonne éducation ayant une bonne connaissance du terrain puisse énumérer des propositions pour une société plus saine, en utilisant le passé pour ne pas le renouveler.
    la France a les capacités d’y arriver mais il faudra beaucoup de énergie et du temps pour voir le bout du tunnel..nos concitoyens demande de pouvoir vivre correctement en confiance…or cette dernière n’est même plus un mot aujourd’hui qu’on comprenne.

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  3. Ben dit :

    J’ai grandi en Haute-Savoie (de 4 à 51 ans) que j’ai quitté il y a 3 ans pour le Sud-ouest. Pendant cette période, j’ai travaillé 10 ans en Suisse, puis y ait vécu 20 ans.
    Je fais très exactement le même constat que THEOTIMEDESAVOIE concernant Genève et le reste. Tout le reste…
    Amitiés.
    Ben

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  4. A terme, vous savez, je pourrai faire les deux et comme tout bon et véritable savoyard du Genevois français, je rêve de devenir suisse. En 1860, lors du rattachement de la Savoie à la France, la Savoie du Nord, c’est-à-dire pratiquement toute l’actuelle Haute-Savoie (Genevois, Faucigny et Chablais) a signé massivement une pétition à Napoléon III et au Roi de Piémont pour que cette partie de la Savoie soit rattachée à Genève. Bien entendu, ils ne furent pas écoutés et Genève, ayant peur de se retrouver avec des catholiques sur son territoire, n’a rien fait pour les soutenir.
    150 ans plus tard, on constate que Genève étouffe sur son territoire enclavé et les complications induites par une frontière ne respectant ni la géographie, ni l’histoire, compromet le développement économique de cette région. A quand des métropoles transfrontalières! Vous voyez, je ne suis pas particulièrement ultra-nationaliste, pourtant, je vais voter FN. Encore une fois, c’est ma sonnette d’alarme, ma sirène, mon cri de désespoir, mon SOS.

    J’aime votre sincérité et le propos général de vos billets, mais je constate chez vous cet incroyable tropisme, cette propension congénitale des élites françaises à se moquer ou à mépriser les français qui déclarent vouloir voter FN.

    Croyez bien que cela nous encourage plutôt que cela nous dissuade.

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    • cher theotimedesavoie, je ne me moquais en aucun cas de vous, ni ne vous méprisais bien sûr, c’était une touche d’humour et je vous prie de m’excuser si je vous ai blessé. Chacun vote pour qui il veut en son âme et conscience, cela ne me regarde pas et cela m’est égal, et d’un autre côté, j’ai moi aussi le droit d’aimer ou de ne pas aimer tel ou tel parti ou personnalité… D’ailleurs, la vérité, c’est que je n’en aime aucun ni personne! Bien amicalement, merci pour vos commentaires qui sont toujours intéressants et votre assiduité à ce blog et encore une fois toutes mes excuses pour cette maladresse de ma part à mettre sur le compte d’un humour déplacé!
      Maxime

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  5. François dit :

    Cher monsieur Tandonnet,

    Merci pour votre post qui remet en juste perspective les défis qui sont les nôtres. J’ajouterai simplement que la décrépitude de l’État est aussi et surtout le fait de l’irruption de l’individualisme poussé jusqu’à son paroxysme. Qu’est devenue la société française ? Un agglomérat disparate de consommateurs dont le seul moteur est l’envie débridée. On est passé de « Je pense donc je suis » à « je consomme donc je suis » en l’espace d’à peine un demi siècle. La politique n’a pas échappé à cette lame de fond et elle est devenue un produit de consommation comme les autres, avec une offre pléthorique (lire à ce sujet l’excellent livre de Renata Salecl : « La tyrannie du choix »).

    J’ajouterai que le mal est ancien. On peut sans peine le faire remonter à la Révolution française. En effet, nos ancêtres se sont trompés en plaçant la liberté et l’égalité avant la fraternité. Nous en payons aujourd’hui les conséquences.

    Enfin, votre post m’a donné l’envie de relire quelques pages de « Citadelle » de Saint-Exupéry. Je n’ai pas mis longtemps à trouver ce que j’y cherchais et je ne résiste pas au plaisir de vous en citer un célèbre passage :
    « «Force-les de bâtir ensemble une tour et tu les changeras en frères. Mais si tu veux qu’ils se haïssent jette-leur du grain. »
    Ite missa est …

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