Lecture: Eloge de la politique, les grandes œuvres de Platon à Soljenitsyne, sous la direction de Vincent Tremolet de Villers, Tallandier/le Figaro, octobre 2020

Je le dis très franchement: ce livre est un authentique petit bijou. Il a pour ambition de présenter les grandes œuvres de la philosophie politique dans le contexte de leur époque tout en mettant en valeur leur apport à la compréhension du temps présent. Moi même ai eu l’honneur d’y être associé à travers le chapitre sur Thomas Hobbes, le philosophe de la peur, qui montre comment Leviathan (l’Etat) a été inventé par les hommes pour assurer leur sécurité. Un thème, oh combien actuel! Les 20 chapitres, consacrés à une œuvre majeure de la philosophie politique et sa portée contemporaine ont été rédigés par des essayistes, philosophes et éditorialistes du Figaro. Le livre s’ouvre par la République de Platon, de FX Bellamy, qui définit la politique comme la quête du bien dans la cité. Vaste programme… Une réflexion poursuivie par Aristote et son célèbre « l’homme est un animal politique »; puis Saint Augustin et la théorie des Deux cités la cité de Dieu et la cité des hommes; un merveilleux Machiavel, de Guillaume Perrault, le Prince qui invente la politique moderne, séparée de la morale et de Dieu; le Second traité de gouvernement de John Locke, sur les fondements de la propriété et de la liberté individuelle à travers la notion de la propriété de soi, par Gaspard Koenig; l’Esprit des lois de Montesquieu, sur l’équilibre des pouvoirs comme garantie contre l’absolutisme (quelle actualité!) par Philippe Raynaud; le Contrat social de JJ Rousseau, judicieusement interprété par Mathieu Bock-Côté, autour de la notion d’identité des peuples; le célébrissime Réflexions sur la révolution de France d’Edmund Burke, par Jacques de Saint Victor, sur les limites et les dangers de principes abstraits; puis les considérations sur la France de Joseph de Maistre par François Huguenin, et son vertigineux « l’homme qui n’est plus qu’un homme n’est plus un homme »; Benjamin Constant et le fondement du libéralisme politique; un formidable « De la guerre » de Carl Von Clausewitz, par lequel Charles Jaigu nous rappelle combien la guerre est la poursuite de la politique par d’autres moyens; prophétique Tocqueville, dans L’ancien régime et la révolution, par lequel François Sureau montre le mécanisme du passage de la démocratie égalitaire à l’abolition de la liberté; puis le Manifeste du parti communisme, véritable évangile du communisme, dont Alexandre Devecchio prouve à la fois le caractère visionnaire sur beaucoup de points et la nature intrinsèquement sanguinaire (rien n’est simple); « Notre Jeunesse » de Charles Péguy et sa sublime redécouverte par Eugénie Bastié, sur la nature de la politique « tout commence en mystique et finit en politique« , et la difficile quête d’une troisième voie entre Maurras et Jaurès; poursuivie par de toutes aussi admirables réflexions autour de l’Enracinement de Simone Weil, ce chef d’oeuvre incroyablement visionnaire, salutaire sur le monde moderne, qui gagne tant à être relu, tout comme La condition de l’homme moderne d’Hannah Arendt, l‘Essai sur les Libertés de Raymond Aron par Nicolas Baverez; un époustouflant « le déclin du courage » de Soljenitsyne par Mme Chantal Delsol et enfin, l’âme désarmée d’Allan Bloom, sur le désarmement des esprits contemporains, par Michel de Jaeghere.

Je recommande de tout cœur la lecture de cet ouvrage exceptionnel, dont toutes les contributions sont rédigées dans un style simple et accessible, un ouvrage qui souligne comment l’intelligence des grands penseurs, de l’antiquité à nos jours, demeure notre arme fatale contre l’invasion de la médiocrité et de la vulgarité derrière lesquels se dissimule un néo-totalitarisme rampant. Il constitue un authentique outil de réflexion et aussi, de manière plus terre-à-terre, un exceptionnel instrument de travail pour des étudiants qui préparent les épreuves de culture générale des concours.

 

A propos maximetandonnet

Ancien conseiller à la Présidence de la République, auteur de plusieurs essais, passionné d'histoire...
Cet article a été publié dans Uncategorized. Ajoutez ce permalien à vos favoris.

10 commentaires pour Lecture: Eloge de la politique, les grandes œuvres de Platon à Soljenitsyne, sous la direction de Vincent Tremolet de Villers, Tallandier/le Figaro, octobre 2020

  1. Ping : Lecture: Eloge de la politique, les grandes œuvres de Platon à Soljenitsyne, sous la direction de Vincent Tremolet de Villers, Tallandier/le Figaro, octobre 2020 – information nationaliste

  2. Annick Danjou dit :

    J’ai commandé ce livre et ce matin peut-on on faire l’éloge de ceux qui nous gouvernent depuis des décennies et des derniers qui ont laissé s’installer la barbarie dans notre pays? C’est l’horreur absolue, nous n’avons pas pu retenir nos larmes. J’ai cru que mon mari allait se sentir mal. Il est furieux contre le fait que nous soyons impuissants face à ceux qui nous tuent, que ses enfants supposés intelligents ne se rendent pas compte du problème qui est en train de nous détruire, contre tout ce blabla et ces mêmes paroles débitées à chaque nouvelle attaque. On a atteint le sommet de l’ignominie hier mais on n’a pas fini d’en baver.
    Qui va enfin prendre la mesure de ce qui se passe chez nous et avoir le courage d’éradiquer ces forces du mal?

    J’aime

  3. Gerard Bayon dit :

    Bonjour à toutes et à tous,
    Merci de ce conseil de lecture, je vais rapidement le télécharger puisque je viens de terminer la lecture du livre de Pascal Dibie : « Quelques pistes pour sentir venir le fascisme avant qu’il ne s’impose » . Petit livre qui explique les nouvelles formes que pourrait prendre le fascisme vers lequel beaucoup de peuples se dirigent…de façon consentante.

    J’aime

  4. Janus dit :

    je suis d’autant plus intéressé par votre recension que je lis actuellement Les réflexions sur la révolution française de Edmund Burke , préfacé par Philippe RAYNAUD . Excellent livre que tous les français, intéressés par leur histoire et leur destin, leurs talents et leurs défauts ou vices, devraient lire tant il est toujours actuel. La France vue par un anglais de cette époque…
    L’homme devait être un sage, pragmatique comme savent l’être les anglais, mais aussi un homme de bien saisi de compassion devant le malheur des français de cette époque plus dramatique qu’enthousiasmante, n’en déplaise aux thuriféraires gauchisant de cette catastrophe humaine qu’a été la révolution française.

    Merci encore de nous faire partager vos enthousiasmes et vos réflexions amères mais sages.

    J’aime

  5. E Marquet dit :

    Excellent livre ! Que de grandes et bonnes plumes qui invitent les lecteurs à la réflexion, loin du bruit médiatique et du bavardage contemporain !
    En 2016, sous sa direction et celle d’Alexis Brézet, était paru chez Perrin « Les grands duels qui ont fait le monde », « vingt face-à-face de légende » sur les figures de proue qui ont fait l’Histoire : duel fondateur entre Philippe Auguste et Jean sans terre, rivalité entre François 1er et Charles Quint, Louis XIV et Guillaume d’orange, Napoléon et Alexandre 1er……..un très bon moment de lecture.

    J’aime

  6. there dit :

    Merci Monsieur Tandonnet, ce livre me semble en effet tout à fait admirable. Maintenant , de son utilité pour les concours … eh bien l’élève gagnera en culture politique et économique ce qu’il perdra en classement .

    Aimé par 1 personne

  7. Citoyen dit :

    Un livre certainement très intéressant.
    Cela dit, s’agissant de : « … qui montre comment Leviathan (l’Etat) a été inventé par les hommes pour assurer leur sécurité. »…, quelques uns ont dû penser, qu’en le détournant de sa fonction de base, c’était un outil formidable, pouvant être mis à leur disposition pour assurer leur propre sécurité, face à ceux qui pouvaient contester leur légitimité, et à l’usage, ils ont connu quelques déboires ….
    Les exemples ne manquent pas dans l’histoire … Et, il m’en vient un à l’esprit, pas très éloigné de nous dans l’espace et le temps, qui devait penser que le léviathan le protégerait, puisqu’il l’avait organisé pour cela …, c’était Ceausescu … Il faut croire qu’il a dû faire une erreur quelque part, quelque chose lui a certainement échappé …, un détail qu’il aura mal évalué ….

    J’aime

  8. Coucou dit :

    Bonsoir à vous tous,

    Soljénitsyne :

    Du déclin du courage Par C. Auzies

    Rares sont les textes courts percutant. Tel est pourtant le cas du discours sur le déclin du courage1 d’Alexandre Soljénitsyne, conférence qu’il a donnée en 1978 à l’université d’Harvard. Nouvellement réédité aux Belles Lettres, nous conseillons de le méditer, de le mâcher et le re-mâcher tant il résume bien les maux de notre société occidentale. Il est de ce fait bien plus puissant dans son analyse que les livres plus récents qui font commerce d’un pessimisme ethnocentré sur la France. L’auteur russe fit scandale par le contenu de ce texte. Lui, l’opposant communiste, déclara : « Non, je ne peux pas recommander votre société comme idéal pour la transformation de la nôtre ». Provocation de la part d’un exilé ? Sûrement pas mais comme un père à son enfant, il nous livre une critique argumentée et charitable de notre civilisation occidentale. D’après lui, elle est devenue hédoniste, orgueilleuse et conservatrice de son bonheur, défauts engendrant son déclin. La cause, pour ce sage oriental, est le déclin du courage. Il n’est pas question du courage assimilé à la violence, ni de celui que l’on peut avoir à titre individuel, mais du courage en tant que dérivé de la vertu cardinale de force, celui politique qui maintient la société dans l’axe de sa vraie fin, le bien commun. Cette faiblesse provient de l’amollissement global de la société dont le seul vrai but est devenu la maximisation du bonheur matériel et terrestre. Pour arriver à cette fin, notre civilisation a construit un arsenal juridique régissant toute la vie des citoyens. C’est cette justice dévoyée qui nous rend faible. En effet, le droit seul est « trop froid, trop formel pour exercer sur la société une influence bénéfique. […] Lorsque toute la vie est pénétrée de rapports juridiques, il se crée une atmosphère de médiocrité morale qui asphyxie le meilleur élan de l’homme » Etonnant constat de la part d’un homme qui a été persécuté dans un pays dont la moindre justice était absente. Pourtant, il vise juste, la justice moderne est anthropocentrée. Elle oublie ce qui lui est supérieur : le plan spirituel qui, seul, peut produire des grands hommes. En effet, nos sociétés civilisées ont limité la liberté de ces membres à celle octroyée par la justice qui régit le bien et le mal en dehors de tout aspect supérieur, en dehors du bien commun. Les épisodes malheureux du droit à l’avortement, du mariage homosexuel sont des exemples des déviances de cette justice non maintenue dans son bon axe par la vertu de la force. Même s’il y a eu oppositions et combats, ils furent strictement encadrés par la légalité. Triste démonstration de la phrase de l’auteur russe : « à partir d’un certain niveau de problème, la pensée juridique pétrifie : elle empêche de voir les dimensions et le sens des événements. » Prophétique ! Sûrement, nous sommes devenus des conservateurs incapables de dépasser les limites du cadre. On pourrait faire nôtre cette autre phrase de Soljenitsyne utilisée dans un autre contexte : « la pensée occidentale est devenue conservatrice ; pourvu seulement que le monde demeure tel qu’il est, pourvu seulement que rien ne change ! » . Mais qu’avons-nous oublié ? Nous avons perdu notre courage politique mais aussi le sens du Plus-Haut, celui qui « fixait autrefois une limite à nos passions et à notre irresponsabilité. ». C’est cette force que Soljenitsyne nous demande de retrouver, celle des décisions qui nous arrachent à notre vie heureuse, celle qui nous fait mal. Devant ce constat partagé par certains, d’un Etat démolissant les forces vitales de notre société, certains diront qu’il faut agir. Ou encore, ils souhaitent une guerre civile. On leur opposera que, pour arriver à cette situation, il aurait fallu que l’homme occidental ait gardé son instinct primaire de clan, de groupe. Or, il n’est plus cela. Il est devenu un être individuel pétri de conventions légales et angoissé de perdre son confort. Qui veut finir en prison ? Qui veut détruire le bonheur terrestre de ses enfants ? Ainsi le combat, fruit de la vertu de force ne peut être que spirituel. A ce titre, nous pourrons utilement suivre le philosophe belge, Marcel de Corte, qui notait dans son livre sur la vertu de la force2 : « la mutation de l’homme ne consiste pas dans la transformation du monde et de soi-même par la puissance des moyens matériels, mais de la surélévation de la faiblesse au niveau de la force par d’humbles moyens journaliers, en prenant sur soi et allant du fini le plus simple à l’Infini. Telle est l’école de la magnanimité : ne jamais renoncer à la finalité terrestre et céleste de l’homme » . Alexandre Soljenitsyne en sage et grand penseur avait compris tout cela. À l’homme occidental de déciller ses yeux, de retrouver le sens de sa vie et d’agir au mieux de sa conscience pour inverser ce déclin du courage si bien expliqué dans ce petit opuscule.

    1 Le déclin du courage, Alexandre Soljénitsyne, éditions Les Belles Lettres

    2 De la force, Marcel de Corte, Dominique Martin Morin, épuisé

    http://www.mauvaisenouvelle.fr/page/pdf.php?article=http://www.mauvaisenouvelle.fr/livres-soljenitsyne-du-declin-du-courage–564

    http://www.libertepolitique.com/Aller-plus-loin/Textes-de-reference/Soljenitsyne-Le-declin-du-courage

    Aimé par 3 personnes

  9. H. dit :

    Merci Maxime de nous signaler ce type de livre surtout à l’approche des Fêtes.

    J’aime

  10. laregie41 dit :

    Je cours l’acheter !

    J’aime

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.