Les « sans dents » sont-ils coupables?

Le discours public, celui de la France dite d’en haut, des élites dirigeantes, médicales, médiatiques est désormais unanime: « les gens sont irresponsables ». A l’appui de ces propos, les journaux télévisés montraient dimanche des centaines de personnes avec leurs enfants rassemblées dans les parcs ou au bord de la Seine. « Toute société qui souffre a besoin de boucs émissaires à qui imputer son mal » écrit Raoul Girardet (Mythes et mythologie politiques, le Seuil, 1983) à l’image de ces grandes épidémies de jadis donnaient lieu à d’effroyables chasses aux sorcières. Le « sans dent », le petit peuple est aujourd’hui le coupable tout trouvé. De fait, la France assiste à l’une des pires faillites de ses élites dirigeantes depuis 1945. Jusqu’à la fin de la semaine dernière, le basculement intervenant entre jeudi et dimanche, le message officiel était profondément rassurant, lénifiant. Le corps médiatico-médical parlait d’une « grippe sans danger pour les personnes bien portantes ». Les plus hautes autorités du pays proclamaient un devoir de résistance en s’affichant elles-mêmes dans le foule et au spectacle. Les Français, confiant dans ce message, venu de leurs autorités médicales, politiques, médiatiques, ont continué jusqu’à la fin de la semaine dernière, jusqu’au 13 mars, à se rendre dans les grandes surfaces bondées pour faire leurs courses, sans aucune précaution, à s’entasser dans les transports en commun, dans les conditions répugnantes auxquelles ils sont habituées, non pour le plaisir, mais pour accomplir leur devoir en allant travailler. 45% sont allés dimanche voter surmontant leur inquiétude pour accomplir leur devoir de citoyen. Depuis dimanche, la France a basculé dans un autre monde: perspectives d’une effroyable hécatombe, d’un tsunami économique, le spectre de pénuries, et la suspension d’une liberté fondamentale, celle d’aller-et-venir sans doute pour la première fois dans l’histoire. « Nous sommes en guerre ». Or, nous savons aujourd’hui que, depuis le début de  février, les exemples chinois et italiens montraient l’extrême gravité de la situation. Il a fallu attendre le 15 mars, avec plus d’un mois de retard, pour que la France dite d’en haut, médicale, politique, médiatique, la France dite d’en haut toute confondue, celle qui détient les manettes du pouvoir et de l’influence, sorte enfin de sa torpeur. Accuser, fustiger faire payer le petit peuple, le peuple des sans dents, en le traitant d’idiot et d’irresponsable? Lui faire payer la faute des « grands »? Trop facile. Quand cette crise sera passée, il sera temps de faire la lumière sur la chaîne historique des responsabilités. Espérons qu’elle sera faite.

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Maxime TANDONNET

A propos maximetandonnet

Ancien conseiller à la Présidence de la République, auteur de plusieurs essais, passionné d'histoire...
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141 commentaires pour Les « sans dents » sont-ils coupables?

  1. Alain De Vos dit :

    Je vous ai lu. Je vous connais sous un autre pseudo. Je comprends ce que vous dites.
    Une reprise en main, j’ai cette sensation. A l’issue, E.M. refera encore plus d’UE, UE qui n’a pas apporté la prospérité promise. Quand remettons-nous en cause ce qui ne va pas?

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  2. Coucou dit :

    Bonjour , lire le commentaire de Ji en entier sur Causeur dans les commentaires

    ji • il y a 32 minutes
    «Bonne journée à tous, je vous copie ce texte de Sylvain Tesson (sous abonnement). Si bien écrit, si pertinent.
    Sylvain Tesson: «Que ferons-nous de cette épreuve?»
    GRAND ENTRETIEN – L’écrivain, revenu en France juste avant la fermeture des frontières pour être près de sa famille, observe avec acuité le monde des flux basculer dans celui du «Restez chez vous».
    Par Vincent Tremolet de Villers
    Mis à jour hier à 18:31
    Sylvain Tesson.
    Sylvain Tesson. Clairefond
    L’écrivain, revenu en France juste avant la fermeture des frontières pour être près de sa famille, observe avec acuité le monde des flux basculer dans celui du «Restez chez vous». Il analyse la fragilité de nos sociétés interconnectées profondément ébranlées par un minuscule virus. L’auteur de La Panthère des neiges (Gallimard) rend un bel hommage aux «soignants et infirmiers qui se pressent aux postillons comme les pompiers aux flammes».
    À lire aussi : La panthère des neiges, Dieu et les trottinettes… Les confidences de Sylvain Tesson
    Il veut croire que cette traversée du temps retrouvé, grâce notamment aux pouvoirs de la littérature, de la philosophie et de la poésie, permettra le réveil de la sensibilité, de la contemplation, de la vie intérieure. «S’il épargne l’intégrité de notre organisme, écrit Sylvain Tesson du coronavirus, il révélera la solidité de notre âme.»
    LE FIGARO.- Ce que vous appelez, dans Sur les chemins noirs (Gallimard), le «dispositif», s’est éteint comme dans un roman de Barjavel. Que vous inspire ce moment?
    Sylvain TESSON .- L’ultra-mondialisation cyber-mercantile sera considérée par les historiens futurs comme un épisode éphémère. Résumons. Le mur de Berlin tombe. Le règne du matérialisme global commence. L’Histoire est finie, annonce un penseur. Le Commerce est grand, tout dirigeant politique sera son prophète, le globe son souk. L’humanité se connecte. Huit milliards d’êtres humains reçoivent le même signal. Le Moldovalaque et le Berrichon peuvent désirer et acquérir la même chose. Le digital parachève l’uniformisation. La Terre, ancien vitrail, reçoit un nouveau nom maintenant que les rubans de plomb ont fondu entre les facettes: «la planète». Elle fusionne, devient une entreprise, lieu d’articulations des flux systémiques. La politique devient un management et le management gère le déplacement, pour parler l’infra-langage de l’époque.»

    https://www.causeur.fr/agnes-buzyn-coronavirus-le-monde-174176

    Bonne journée

    Aimé par 2 personnes

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