Supprimer l’Ena, une mauvaise idée

Rien n’est plus normal, plus classique. Quand un pouvoir politique est aux abois, quand il est à la dérive, la dernière issue qu’il lui reste, c’est de jeter un os à ronger à la foule en colère. Le naufrage dans la démagogie est le signe d’un régime en perdition qui n’a plus qu’une seule obsession, se maintenir à tout prix.

Quand la vanité, obsessionnelle, maladive, obscène, au plus profond du néant,  écrase toute notion de bien commun, il reste la démagogie, les vieilles ficelles destinées à satisfaire l’instinct de foule. Annoncer la suppression de l’ENA, surtout dans ces conditions, est un réflexe de la pire espèce.

Et qui mettre à la place des quelque 4000 anciens élèves de l’ENA qui ont passé un concours extrêmement sélectif, à un poste pour 200 ou 300 candidats, déjà issus des meilleures formations (dont des agrégés d’histoire, de lettres, de philosophie, des X, des ingénieurs, des HEC et autres écoles de commerce, des sc po, des docteurs en droit, etc), pour lequel ils ont trimé pendant des années, sacrifié plusieurs années de leur jeunesse dans l’espoir de devenir préfets ou ambassadeurs?

Les remplacer par qui, par quoi? Des militants de LREM ou du FN? Nos brillants lettrés de l’UNEF cette pépinière de la gauche française depuis 30 ans qui n’attend que cela? Les enfants, les neveux, les amants ou les maîtresses des uns et des autres? Recaser les B……? T…..? G……? C’est déjà le cas pour une partie de la fonction publique ouverte aux nominations au tour extérieur! Le rêve de certains politiques a toujours été de briser l’ENA pour pouvoir caser sans limites leurs protégés et leurs serviteurs. Règne absolu et sans partage du népotisme, des lèche-culs, de la médiocrité, des passe-droit, du clanisme politicien et du copinage: voilà ce que recèle le projet de supprimer l’ENA.

Il n’est plus question de traiter des vrais problèmes de la France, la crise de l’école et de l’Education nationale, l’effarant niveau des prélèvements obligatoires, la dette publique égale à 100% du PIB, l’explosion de la violence et de la délinquance, la désindustrialisation, les 2 millions de jeunes sans formation ni emploi abandonnés au désœuvrement, le chômage qui touche 5 millions de personnes, les problèmes de pouvoir d’achat, les 8 millions de pauvres, le désastre des banlieues, de l’exclusion, du communautarisme. Alors, comment recouvrir la déliquescence d’une nation, sa fragmentation et le renoncement de ses dirigeants, par lâcheté et aveuglement? Il suffit d’annoncer une mesure symbolique, explosive, pour couvrir tous les désastres, l’impuissance et l’absence de gouvernement, dans une belle polémique: supprimer l’ENA. Et qui peut croire une demi-seconde, que la suppression de l’ENA apporte la moindre solution à la débâcle française?

Le vrai scandale tient à la cosanguinité entre une infime partie de la haute fonction publique et la classe politique, à l’image des 2 derniers occupants de l’Elysée. Pour cela, comme en Angleterre, il suffit d’obliger ceux qui s’engagent en politique à démissionner de la fonction publique. Tout le monde le sait mais personne n’a jamais eu le courage de le faire. Les individus qui ont utilisé l’ENA pour accomplir leur dessein politique et une fois parvenus à leurs fins, se retournent en crachant dans la soupe, sont une infime minorité à la source de l’image ambiguë de cette école: 1 ou 2%, pas plus.

Les autres sont des hauts fonctionnaires qui ont choisi le beau métier de serviteur de l’Etat et de leur pays et auraient pu multiplier leur rémunération par 2 ou 3 en allant dans le privé (constat de fait). Ils ont choisi la voie de l’épreuve intellectuelle du concours pour se donner un métier, préfet, ambassadeur, directeur d’administration centrale, plutôt que le jeu des réseaux claniques, familiaux et du copinage qui caractérise la plupart des autres filières de promotion sociale. Supprimer l’ENA, faire de cette Ecole le bouc émissaire des lâchetés, des renoncements, des fautes, de la bêtise et de la mégalomanie de quelques dirigeants politiques et de la déliquescence avancée d’une nation serait pire qu’un crime: une faute.

Maxime TANDONNET

A propos maximetandonnet

Ancien conseiller à la Présidence de la République, auteur de plusieurs essais, passionné d'histoire...
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41 commentaires pour Supprimer l’Ena, une mauvaise idée

  1. Citoyen dit :

    Ha,ha !… Je vais jouer l’avocat du diable, Maxime … Vous êtes trop concerné, trop impliqué, pour avoir suffisamment de recul, pour apprécier le comique de la situation …
    Que ce soit le micron qui propose de supprimer l’ENA, est du plus haut comique, vu qu’il en est (avec son acolyte du Havre) ce que l’école peut produire de pire !… C’est là, qu’est tout le cocasse de cette annonce …
    Et que de surcroit, il le fasse en prenant comme tête de liste pour les Européennes, une ex-directrice de l’ENA, augmente d’autant le comique …
    Alors oui, quand on voit ce que l’ENA peut produire (et c’est au moins aussi vrai, pour l’autre immondice qu’est Science Pipô), il est urgent de fermer, … cette école, que « le monde entier nous envie » (enfin, surtout de l’avis de ceux qui, chez nous, y ont un intérêt), mais qu’ils se gardent bien de reproduire chez eux !… On se demande bien pourquoi ? …
    Parait-il, qu’on y forme des préfets et des diplomates ?… Autrement dit, des larbins de l’état … Mais les autres pays, qui n’ont pas jugé utile de copier ces écoles, et qui remplissent ces missions au moins aussi bien que nous (là, il n’ont pas de mal), comment font-ils ?
    Pour ce qui est des préfets, larbins de l’état, y a pas photo, … mais pour les diplomates, c’est Sarko qui avait trouvé la bonne formule en qualifiant Villepin, de grandiloquent … un qualificatif qui colle comme un gant, à bien des produits de cette école. Peut être est-ce là, les tares, que les autres pays ne souhaitent pas copier …
    Mais s’il n’y avait que ça, ce serait presque un moindre mal … Seulement voila, il y a bien pire, … avec le pantouflage que des énarques font très souvent dans les entreprises, pour le plus grand mal de celles-ci …
    Je ne ferais pas ici, la liste des entreprises industrielles de ce pays, que des énarques recasés à leur tête, ont pillées, par leur incompétence … La liste est bien trop longue, et ne tiendrait pas dans ces pages …
    Alors oui, au vu de ce bilan, fermer l’ENA, n’est peut être pas une perte !
    Mais que ce soit le micron qui le propose, est à hurler de rire !
    Cela dit, rassurerez-vous Maxime, certains sont passés par là, en ayant fait probablement, sans le savoir, une erreur de parcours …

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  2. Frans dit :

    Le problème n’est pas l’ENA, pas plus que n’importe quelle autre grande école, mais la profonde anomalie du système de la fonction publique. Un jeune énarque devenu inspecteur des finances à 25 ans et qui passe dans la vie politique à 27 sans démissionner peut, après trente cinq à quarante ans d’exercice, obtenir une reconstitution de carrière et toucher une pleine retraite, sans jamais avoir exercé dans son administration de rattachement (à part les deux premières années) et cumuler cette retraite avec toutes celles accumulées en politique. S’il a rejoint le pouvoir législatif à un moment quelconque, il a pu voter une amélioration de son statut et de son salaire avec le budget de la nation, ce qui est un cas grave de conflit d’intérêt. Enfin, s’il est invité à siéger au conseil constitutionnel (par exemple), il peut, comme tous les fonctionnaires cumuler ses indemnités avec ses retraites, ce qui n’est pas le cas des salariés du privé.
    Les élèves de l’ENA quand ils sortent de l’école devraient recevoir des propositions ou solliciter des emplois publics ou privés mais ne pas être systématiquement engagés dans l’administration. On aurait ainsi une idée de la valeur de l’école. Lorsque 10 ou 25% d’une promotion se trouverait sur le carreau, la direction comprendrait qu’il est nécessaire de faire quelque chose.

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  3. Anonyme dit :

    NON,,,supprimer l » ENA est une idiotie de plus ,il y a forcément des choses a changer ,Toubon est un politiciens ,il est battue aux élections ,il retrouve son poste ,avec tout les avantages ,donc vous n »empêcher pas le copinage ,les amis de mes amis sont mes amis ,voyez Hollande avec sa promotions ,tout comme chez nous ,le priver ,nous préférons travailler avec nos amis que d’avoir des inconnues ,autour de nous ,je préfère mes enfants , a mes neveux ,a mes cousins ,qua des inconnues ,voyer tout les président ,il s’entoure de gens qu’il connaisse ,Macron sait faire cela très bien ,et les traites de notre droite tombe dans le panneau ,certains se rapproche de lui part intérêt, ou est la moral chez c’est gens la,,,

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  4. Anonyme dit :

    Cet article de Valeurs actuelles :

    https://www.valeursactuelles.com/politique/jai-la-tete-dun-moule-quand-macron-defendait-bec-et-ongles-lena-106038

    reprend des statistiques intéressantes diffusées récemment par la direction de l’ENA, qui montrent que 45% des élèves ont des grands-parents ouvriers, paysans, artisans/commerçants ou employés.

    Cela montre que le principal reproche fait par les sociologues-militants ne tient pas la route : l’accès à cette école se fait en deux générations. La première génération passe, par exemple, les concours A de la fonction publique, ou équivalent, et la deuxième génération va plus loin.

    Cette question date d’une cinquantaine d’années, avec les analyses partisanes de Bourdieu, mais elle prend une nouvelle acuité du fait de l’immigration non européenne.
    Pourtant, là aussi, la bonne réponse à apporter aux politiciens pressés est qu’il suffit d’attendre.

    Il semble donc fortement souhaitable que les gens issus de cette immigration ne soient pas favorisés par rapport aux autres sous prétexte de différences culturelles, et fassent au contraire le même parcours et les mêmes efforts, sur plusieurs générations, que les autres.

    Naturellement, le plus simple serait encore de ne pas s’être mis dans cette situation (et de ne pas l’aggraver) par une politique migratoire inadaptée.
    Car les critiques comportant le mot racisme ont une charge passionnelle telle, dans le contexte post-soixante-huitard, qu’elles sont difficiles à réfuter, même lorsqu’elles ne tiennent pas la route.

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