Lecture: De Gaulle 1969, l’autre révolution, par Arnaud Teyssier, Perrin 2019

Le 27 avril 2019 marquera le cinquantenaire de la démission du général de Gaulle de la présidence de la République, après son référendum perdu sur la régionalisation et la réforme du Sénat.

Ce magnifique ouvrage de M. Arnaud Teyssier revient longuement sur la décadence de la Ve République. Il montre, à travers de multiples exemples, que le régime actuel n’a plus guère de rapport avec celui que le général de Gaulle avait donné à la France en 1958. « Ce dernier point est essentiel: de Gaulle n’est pas présidentialiste avant la lettre, comme le seront la plupart de ses successeurs. Debré, Pompidou, Couve: à chaque période correspond un Premier ministre en fonction des nécessités et seulement en fonction des nécessités. »

Ainsi, pour l’historien, le Général n’a jamais voulu instaurer un système politique concentrant dans l’image du chef de l’Etat la totalité du pouvoir politique. Bien au contraire, la Ve République, à l’origine, reposait sur un équilibre entre une présidence souveraine et un Premier ministre chef du gouvernement, sous le contrôle du Parlement. Il souligne combien le fonctionnement des institutions, pendant six ans (1962-1968), en cette période tout à fait particulière de modernisation accélérée et de rayonnement planétaire de la France, était fondé sur l’association au sommet de l’Etat d’un binôme formé de deux personnalités d’exception, de Gaulle et Pompidou.

Arnaud Teyssier présente les derniers mois du président de Gaulle à l’Elysée sous un jour profondément nouveau. Il réfute les thèses qui ont prévalu jusqu’à présent, mettant en avant le découragement, la lassitude et le pessimisme du Général, en particulier celle de Malraux qui a fait état d’un référendum suicidaire. A ses yeux, le chef de l’Etat de l’époque avait pris toute la mesure de la gravité des événements de mai 1968. Il entendait proposer à la France une voie nouvelle, « l’autre révolution » comme le souligne le titre du livre: « C’est pourquoi de Gaulle veut accomplir son ultime révolution. Avoir une meilleure prise sur la société, pour l’organiser, pour échapper au conflit des idéologies, tout en gardant ce ferment irremplaçable de la démocratie qu’est le suffrage universel, seule source de légitimité à ses yeux, telle est son ambition. » Le président de Gaulle veut fonder sa nouvelle révolution sur deux axes essentiels qui consistent tous deux à rapprocher le peuple des centres de décision.

Le premier est la régionalisation: « l’avènement de la région, cadre nouveau de l’initiative, du conseil et de l’action, pour ce qui touche localement la vie pratique de la nation, voilà donc la grande réforme que nous devons apporter à la France. » La réforme du Sénat était la conséquence de cette régionalisation dont l’objectif était de développer une démocratie de proximité sur les sujets locaux mais sans pour autant affaiblir l’unité de l’Etat.

L’autre grand thème du projet gaullien était la participation dans l’entreprise. Car de Gaulle, « ne veut pas non plus de la société qui vient, celle du confort et de l’argent, de l’individu-roi, telle que Péguy l’avait annoncée. Il veut la réconcilier avec elle-même sans pour autant reconstituer de puissants corps intermédiaires qui confisqueraient la souveraineté. »

Dans les derniers jours de son mandat, alors que les défections et les trahisons se multiplient comme les mauvais sondages, le Général ne change rien à son mode de vie. Son rythme de travail « est resté immuable: il arrive à son bureau quelques minutes avant 10 heures, ayant déjà pris connaissance de la presse du matin. Il trouve sur son bureau les dossiers habituels: télégrammes des affaires étrangères, notes diverses, informations sur les visiteurs du jour. Un peu avant 13 heures, il part déjeuner pour revenir ver 14H40. »  Il donne une impression de détachement pour lui-même. « Les Français souhaitent que je m’en aille » confie-t-il tristement, mais simplement, à Michel Debré.

Finalement, les Français lui ont dit « non » le 27 avril, à une faible majorité, entraînant sa démission.  A la lecture de ce livre exceptionnel, remarquablement écrit, on ne peut s’empêcher de songer qu’en lui disant non, le peuple français tourne le dos à l’avenir qu’il lui propose et s’engage irrémédiablement dans la voie du déclin pour en arriver, 50 ans après, au sinistre spectacle nihiliste et narcissique que donne aujourd’hui la vie politique française. Le livre se poursuit sur le récit d’une démission, quintessence de la noblesse, et sur des pages somptueuses concernant les voyages du général de Gaulle en Irlande et en Espagne.

Maxime TANDONNET

 

 

 

 

 

A propos maximetandonnet

Ancien conseiller à la Présidence de la République, auteur de plusieurs essais, passionné d'histoire...
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16 commentaires pour Lecture: De Gaulle 1969, l’autre révolution, par Arnaud Teyssier, Perrin 2019

  1. Anonyme dit :

    Mai 68,le coup d’Etat fomenté .

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  2. michel43 dit :

    en réponse a un de vos lecteurs,, ,LR est obliger de se mettre ,bien avec le Macron ,les ténors se colle a lui ,part intérêt ,bien sur ,alors que nous reste t  » il,, ,,a part de voter pour la liste RN , avec une pince sur le nez ? la trahison est partout ,pauvre droite molle , incapable d « écouter sa base et va se prendre une raclée

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  3. Mildred dit :

    Monsieur Tandonnet,
    Plutôt que de gloser sur le De Gaulle 1969 que je n’ai pas lu, j’aimerais évoquer le De Gaulle de 1958, cité par Philippe de Villiers dans son dernier ouvrage : « L’arrivée au pouvoir de De Gaulle va enrayer le mécanisme de la servitude… » Et ce « mécanisme de la servitude » c’est « le projet de Communauté européenne de défense – la CED – et son article 38 instaurant une Communauté politique européenne… » C’est le 13 octobre 1955 que Jean Monnet avait créé le Comité pour les États-Unis d’Europe.
    Et Philippe de Villiers d’ajouter que les Américains « rêvaient de relever l’Allemagne pour faire des affaires avec les grandes firmes d’outre-Rhin comme dans l’entre-deux guerres… »

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  4. E.Marquet dit :

    Anonyme ,
    Je ne m’exprime toujours qu’en mon nom personnel (et jamais sous le couvert de l’anonymat) et laisse toute latitude aux autres d’en faire de même. Que vous ne soyez pas d’accord, c’est votre droit. Mais ayez des arguments, ne soyez pas comminatoire.
    Je pose une question, le conditionnel interrogatif « ne faudrait-il pas » ne vous aura pas échappé. Je ne mélange pas mes « préférences et la réalité de ce qu’il faudrait faire ». Je me contente d’écouter, d’observer, et d’en tirer un questionnement. Je vous sens prêt à me faire un cours, n’hésitez surtout pas, je suis tout ouïe.

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  5. ganelon dit :

    Monsieur Tandonnet,

    Le complot pour induire en erreur les citoyens français, en les poussant à un duel LREM FN, continue :

    https://www.lesalonbeige.fr/vous-aimez-lue-vous-allez-aimer-droits-fondamentaux-des-personnes-dascendance-africaine-en-europe/

    https://www.lesalonbeige.fr/des-euro-deputes-lr-votent-le-texte-culpabilisant-la-civilisation-europeenne/

    mais, cette fois, ce ne sont pas les médias qui sont à la manoeuvre, mais des députés LR au parlement européen.

    A moins qu’il n’y ait pas de complot, et que LREM et LR soient réellement bonnet blanc blanc bonnet ?

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  6. jfsadys dit :

    Je vais faire un commentaire de pisse vinaigre mais à droite comme à gauche s’il y a eu des personnes pour soutenir De Gaulle il y a eu aussi à gauche comme à droite des personnes qui ne l’aimaient guère et parfois non sans raison. Pour moi qui n’ai pas connu cette époque « Les vérités cachées sur la guerre d’Algérie » de Jean Sévilla permet de comprendre cette dualité suscitée par ce personnage historique.

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  7. Sganarelle dit :

    Le général avait aussi ses parts d’ombre. Il n’était pas aussi populaire en son temps qu’il l’est maintenant et il est parti parce qu’il en avait conscience et qu’il pensait encore secrétement qu’on reviendrait encore le chercher mais se heures de chance étaient passées et bon nombre d’entre-nous aussi en avait conscience.
    Rien n’est jamais tout aussi bon et tout aussi mauvais et s’enthousiasmer ou critiquer sans discernement fait partie du caractère français toujours prompt à l’excès. Il était à la tête d’une république à ses ordres et bien qu’il se soit avec humour défendu d’être une sorte de dictateur je me souviens qu’à l’époque on lui en faisait le reproche… comme quoi tout est relatif’ et qu’on oublie facilement ce qui dérange. Le général n’était pas un tendre il l’a montré à plusieurs reprises: « raison d’Etat.. »
    Ceci pour dire que l’Histoire ne conserve de souvenirs que ce qui lui convient jusqu’à effacer le fait que l’idole est un homme avec ses failles.
    (Une mention cependant pour l’excellent livre sur Pierre Pucheu qui vient de paraître et qui concerne une zone d’ombre du général qui ainsi se rapproche de nous. )

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  8. Gerard Bayon dit :

    Bonjour à toutes et à tous,
    En mettant la poursuite de son mandat en jeu lors du référendum de 1969 alors que la question concernait la régionalisation et la réforme du Sénat, le Général de Gaulle a détourné l’esprit du référendum.
    En dehors de celui de 1988 (statut de la Nouvelle-Calédonie), les résultats des référendums qui ont suivi n’ont pas été respectés par le pouvoir (traité de Maastricht / traité d’Amsterdam, Constitution Européenne /Traité de Lisbonne, sans parler de celui de ND des Landes).
    Les référendums ne devraient concerner, à mon avis, que les questions importantes de société et en aucune manière des choix politiques.
    Mais de manière plus générale, le plus important est bien sûr de prendre toutes les dispositions possibles pour éviter toutes les fraudes électorales, de respecter obligatoirement pendant une durée à définir (5 ou 10 ans) le résultat des scrutins et de définir préalablement les conditions de validation d’un vote par rapport à l’abstention et au nombre de votes blanc.

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    • Bien au contraire mettre son mandat en jeu dans un referendum est sain. On peut en effet considérer qu’un gouvernant est élu sur un programme en principe cohérent. Aucun referendum n’est donc nécessaire tant qu’il n’envisage pas de déviation significative par rapport à ce programme. Si pour une raison ou une autre (évènement imprévu par exemple) il pense qu’il faut changer de cap et vérifier que la population est en phase, alors le referendum (ou de nouvelles élections) s’impose et il est normal de changer complètement l’exécutif (et donc le président dans notre système où il domine l’exécutif) s’il est désavoué.
      D’un façon générale je préfère la démocratie représentative plutôt que l’abus de referendums. Poser directement des questions multiples conduit inéluctablement à des incompatibilités entre les différentes réponses. Un représentant élu peut aussi se tromper (qu’il soit sincère ou non) en essayant d’agréger des aspirations multiples mais comme il joue son avenir sur le succès de cette agrégation cela le pousse (insuffisamment mais c’est mieux que rien) vers une certaine cohérence. Et si cette cohérence ne plait pas à l’électeur, c’est à lui d’y réfléchir à deux fois avant de voter.

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  9. michel43 dit :

    DE GAULLE était une exceptions ,et pas toujours bien entourer ,,,,quand au référendum ,,aucune scansions pour ceux qui ne le respecte pas, ,,cars avant Hollande, il y eu le Sarkozy ,qui ne la pas respecté , et qui a ce jours continue a parler ,,je pense que pour lui , la honte n « existe pas , ne pas respecter le vote de son peuple ,est une TRAHISON ,comment ce peuple peut avoir dans les politiciens qui ne respecte rien ,,,et après ,comment les blâmer de voter,,,,,nous verrons cela bientôt ,,

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  10. Anonyme dit :

    Bonjour Maxime,
    Que dire d’autre, le Général De Gaulle était un homme exceptionnel, comme le furent d’autres hommes et femmes exceptionnels. Ces rares personnes qui portent une nation, un empire, un pays, une dynastie à leur apogée. Dont le seul but est l’intérêt général et l’avenir du pays. Puis c’est le déclin car les successeurs ne pensent qu’à leur petite carrière. Dans un pays comme dans les entreprises, les carriéristes sont des parasites, des furoncles, des médiocres et des incompétents égocentriques, qui se fichent éperdument de l’intérêt général et du bien d’autrui.
    Possédant les oeuvres complétes du Général, j’ai plaisir à les lire, notamment Trois études avec l’avant propos de L NACHIN précédé du Mémorandum du 26 janvier 1940. Suivi du Rôle historique des places françaises. De la mobilisation économique à l’étranger et comment faire une armée de métier.
    Il était visionnaire et l’on voit clairement qu’il ne pensait qu’à l’avenir du pays.
    Je possède également les oeuvres de Sir Churchill. Des grands hommes.
    Nos politicards actuels qui font référence à De Gaulle ne sont que de petits comiques médiocres sans intérêts.
    Ps : Je suis allé Jeudi soir à une conférence de Mr Bruno Retailleau, nous avons pu échanger à l’issue, Il a de bonnes idées, maintenant à voir si il pourra être écouté chez les LR. Son livre est intéressant

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  11. Timéli dit :

    Comme en tout, le référendum a ses limites. Nous l’avons vu, en France, avec le référendum organisé par F. Hollande sur l’aéroport de NDDL en Loire-Atlantique. Le OUI l’emporte facilement (55%) et les Pouvoirs Publics n’en ont pas tenu compte. Conclusion (réductrice, certes) : un référendum ne sert à rien, si ses résultats ne vont pas dans le sens des décisions souhaitées et déjà entérinées par le pouvoir. Le référendum ne devient qu’un « jouet pour amuser la galerie »…

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  12. E.Marquet dit :

    Le référendum est un exercice périlleux. L’exemple dramatique de la sortie de l’UE de la GB, suite à un référendum calamiteux, nous apprendra-t-il quelque chose ?
    Si on devait faire droit à la demande des GJ d’instituer un référendum d’initiative populaire ou citoyenne, ne faudrait-il pas que lui soit appliqué la règle de la majorité qualifiée, et que soit requis un nombre minimal de votants pour que le résultat soit incontestable ?

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    • Francis dit :

      Oui, et ne devrait-on pas imposer un nombre minimum de votants pour les votes à l’AN, au Sénat et au Parlement européen. Lorsque l’on pense qu’une loi de la plus haute importance pour le pays peut être entérinée par 22 députés présents

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    • Tracy LA ROSIÈRE dit :

      F. BOIZARD a mis en ligne un article intéressant (de Gaël Norris – Le Figaro – 29/03/2019), à propos du fameux RIC et intitulé  » Le RIC est-il gaulliste? » :
      « le Référendum d’Initiative Citoyenne n’a rien à voir avec l’idée gaullienne de référendum. Il en est même, en quelque sorte, l’exact opposé.
      En effet, dans l’idée que se faisait le Général de Gaulle du référendum existait la notion de «pacte» entre le peuple et le Chef de l’État, de responsabilité du dirigeant devant la nation et grâce à cela de légitimation des orientations politiques arrêtées. »

      http://fboizard.blogspot.com/2019/03/non-au-ric-oui-au-referendum-gaulliste.html

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    • Anonyme dit :

      Le referendum n’est pas un exercice périlleux. La volonté d’imposer de force une UE à un pays qui n’en veut pas est un exercice périlleux. Ne mélangeons pas tout.

      Et ne mélangez pas vos préférences personnelles et la réalité de ce qu’il faudrait faire, qui peuvent diverger.

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