Leçon d’une démission

Sylvain Fort, conseiller communication et auteur de divers discours du président Macron, démissionne de l’Elysée. Ce départ n’a rien d’anodin. Pour qui s’intéresse à la politique et à la vie publique, servir au cabinet présidentiel, surtout à ce niveau de proximité avec le chef de l’Etat, est une chance précieuse, inestimable. La démission dans ces conditions est un geste peu commun. D’abord, elle est le signe d’une force de caractère et d’une belle richesse humaine et intellectuelle, dont témoigne d’ailleurs le cursus de M. Fort, la marque de celui qui n’est pas prêt à s’accrocher à tout prix aux honneurs du Palais présidentiel. Ensuite, intervenant au bout de 20 mois, elle exprime de toute évidence un désarroi et le pressentiment d’une évolution à laquelle on ne souhaite pas être associé. Mais je ne peux ici que me répéter. La personnalité du président Macron n’est pas la question essentielle au regard du chaos politique et social, contrairement à une vision superficielle, mimétique et outrancière qui s’étale partout. C’est la présidence de la République, telle qu’elle est devenue aujourd’hui, réduite à l’institutionnalisation morbide du pire de la vanité humaine qui est en la cause. La malédiction élyséenne accomplit son oeuvre sordide. Avec n’importe quelle autre personnalité à l’Elysée, la déchéance prendrait une toute autre forme sans doute, adaptée à un autre caractère, un autre visage. Mais elle se réaliserait tout autant. Désormais, vouloir prendre l’Elysée, dans les conditions actuelles, ne peut convenir qu’à des esprits inachevés moralement et intellectuellement. D’ailleurs, cette image du demi dieu enfermé dans sa tour d’ivoire, exposé à la furia médiatique, prétendument tout puissant – une idée mensongère – et responsable de tout, mène à une fuite en avant mortelle. Le pays, noyé dans l’illusion d’une fausse autocratie, impuissante et inefficace, se voit (de fait) privé de Gouvernement, de ministres, de parlementaires et de grands élus, de partis politiques, pour faire le relais entre le pouvoir et le monde des réalités. Ainsi, il marche inéluctablement vers le déchirement et le  précipice. Nul ne sait ce qu’il va en advenir du quinquennat actuel. Mais en tout cas une certitude: remplacer l’actuel chef de l’Etat, homme pour homme, dans la même logique, le même régime, le même modèle politique, en 2020 ou en 2022, ne serait qu’un pas supplémentaire dans l’effondrement de la France. Toute la démocratie française est à refonder. Il faut marteler ce message en espérant « qu’ils » comprennent un jour.

Maxime TANDONNET

A propos maximetandonnet

Ancien conseiller à la Présidence de la République, auteur de plusieurs essais, passionné d'histoire...
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27 commentaires pour Leçon d’une démission

  1. maguy Guillaud-Bataille dit :

    Bonsoir Maxime
    Donc vous avez posé le problème, » toute la démocratie française est à refonder « .Ambition herculéenne ! mais concrètement par où commencer ??

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  2. Philippe Dubois dit :

    Bonjour Maxime

    J’aurais une autre explication, beaucoup plus féroce
    Les rats quittent le navire ?

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  3. Pascal dit :

    « Mais en tout cas une certitude: remplacer l’actuel chef de l’Etat, homme pour homme, dans la même logique, le même régime, le même modèle politique, en 2020 ou en 2022, ne serait qu’un pas supplémentaire dans l’effondrement de la France. Toute la démocratie française est à refonder. Il faut marteler ce message en espérant « qu’ils » comprennent un jour. »

    Il me semble que ce que dit Rémi Bourgeot ici :

    https://www.atlantico.fr/decryptage/3562686/mega-trou-d-air-chez-apple-alunissage-d-une-sonde-chinoise–mais-qui-sera-le-maillon-faible-2019-du-trio-chine–etats-unis–europe–remi-bourgeot

    est plus important :

     » La compétitivité européenne a tendance à reposer sur des compétences développées il y a désormais plusieurs décennies et qui n’ont pas fait l’objet d’efforts suffisamment continus de développement sur le plan fondamental. La situation est préoccupante en France à cet égard, avec la substitution progressive du primat administratif aux politiques technologiques depuis quatre décennies. A l’échelle européenne, l’idée d’un modèle d’excédents commerciaux chroniques, sur la base de la compression des coûts salariaux et des investissements, et la focalisation sur les fonctions « d’aide à la personne », freinent irrémédiablement le développement technologique. L’insuffisant effort technologique européen intervient à un moment où la Chine fait un effort considérable en ce sens, malgré diverses failles, et où les Etats-Unis parviennent à tirer profit de la structure complexe de leur système d’innovation sur le plan fondamental et entrepreneurial, en particulier dans le secteur informatique où leur position reste prépondérante. « 

    Il y a des changements d’orientation profonds de la France qui n’ont manifestement pas été imposés par tel ou tel homme politique, mais par l’influence de plus en plus grande des administratifs au profit des scientifiques.
    Les administratifs ne veulent pas admettre que la politique qu’ils ont menée (qui, coïncidence, leur bénéficie) est tout simplement mauvaise, et ils se dissimulent la vérité à eux-mêmes en cherchant des explications alambiquées au mécontentement de leurs administrés.

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  4. Gerard Bayon dit :

    Bonjour à toutes et à tous,
    La démission de Sylvain Fort n’est que la suite des départs de Mrs Hulot et Collomb qui avaient compris qu’ils avaient « joué le mauvais cheval ». A moins que S. Fort en ait eu assez que ses discours soient modifiés par un autre conseiller ou par le Président. (toute ressemblance avec une anecdote de votre livre « au cœur du volcan » ne serait que….).
    Bien sur, nous sommes nombreux à partager la conclusion de votre billet du jour mais pour le moment le constat est toujours le même : avec qui refonder notre démocratie ? Même nos philosophes, nos pamphlétaires, nos théoriciens ne proposent aujourd’hui pas grand chose d’intéressant et d’intelligent.
    A moins que le prochain grand débat ne fasse apparaitre de nouveaux personnages et surtout de nouvelles idées…On a encore le droit de rêver.

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  5. Encore une fois, il n’y a dans ce qu’il faut bien appeler une « jérémiade » que la déploration de la constitution de la Vème république et non pas l’évidence, la personne du président, sans doute sacrée du fait de son onction…

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  6. michel43 dit :

    tout cela me fait sourire , il part et ALORS ,lui ,,comme notre président ,décide de tout , puisque Macron doit aller jusqu’à 2022 , bientôt en Mai , élections Européenne ,sa liste va prendre une claque ,donc les Gilet Jaune vont continuer ,,et c’est très bien ,le foutoir avec ,ceux qui on voter socialo-Macron doivent s » en mordre les doigts ,Trop tard ,de tout temps des gens quitte l » Elysée et se retrouve caser ailleurs ,Bizarrement cette Année ,rien sur le record de voitures brulée ,Bizarre ,nos journalistes Muet ,,,,pourtant il y a un record a battre ,plus de 700 ,,il parait que la presse est libre ,,,il est vrais qu’il touche tant de subventions Alors ,,,,,en attendant la dette flambe ,le chômage avec, tout comme l’immigration illégale ,les pauvres, de plus en plus pauvres et les riches tout le contraire ,,,,les Français du milieu et d’en bas, on du soucis a se faire

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  7. Janus dit :

    On dit ce sylvain Fort de droite ? Mais d’une droite inconséquente pour avoir envie de servir un mégalomane de gauche ? Il a rapidement du se rendre compte qu’il avait été trompé sur la marchandise et que ses discours creux (car belle plume ou pas, les discours concoctés par M. Fort ressemblaient fort (sans jeu de mot) à un exercice laborieux de composition française de Terminale) n’étaient que l’alibi pour rassurer les bourgeois du 16e qui croient encore dans le brillant jeune premier …
    Bref, il a mis beaucoup de temps pour comprendre et reprendre sa liberté. Par ailleurs, ni De Gaulle, ni Pompidou n’avaient besoin d’un écrivain public pour écrire leurs discours, ce qui montre bien l’effondrement intellectuel de nos élites et le caractère mensonger de leur communication.
    Ce pays est foutu, nous assistons à ses derniers soubresauts sous l’œil effaré ou rigolard de nos voisins.
    Autre info dramatique : http://www.lefigaro.fr/vox/societe/2019/01/02/31003-20190102ARTFIG00166-les-francais-fuient-ils-la-france.php
    Dans mon entourage direct un jeune homme de 30 ans, X et docteur en Mathématiques d’une grande université européenne a quitté la France et n’envisage pas d’y revenir et il n’est pas le seul de sa promotion ni de sa génération…

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    • Janus, entièrement d’accord, c’est une vraie maladie des dirigeants politiques de faire écrire leurs discours…
      MT

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    • Eric dit :

      Complément à la réponse de Maxime :
      Et si ils parlaient moins souvent, ils auraient plus de temps pour préparer leurs discours eux mêmes et, leur parole étant plus rare, nous aurions, peut être, plus d’intérêt à essayer de l’écouter …

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    • Annick Danjou dit :

      Tous les brillants étudiants partent car on ne leur propose rien en France. On les forme à nos frais et puis ils vont faire carrière ailleurs. Quand certains décrochent le prix Nobel on crie qu’ils sont français en oubliant de préciser qu’on les a poussés à partir. Bien sûr que ce pays est foutu, comme dit C Gave on remplace les bac+7 par les bac-7 qui nous coûtent une fortune.

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  8. E. Marquet dit :

    Trois petits tours et puis s’en va.
    Mais qu’allait-il donc faire dans cette galère ! Pourquoi à son parcours d’agrégé de lettres, essayiste, critique musical, traducteur, banquier, communicant, et j’en passe, avait-il besoin d’ajouter le marigot politique, auquel semble-t-il, il avait déjà goûté avec NS ? Comme Icare, il s’est aventuré trop près du soleil. Il redescend avant que la cire de ses ailes ne fondent. Instinct de survie, me semble-t-il, plus que force de caractère ou belle richesse humaine et intellectuelle….
    Il a écrit de beaux discours éthérés qu’EM a débité sans conviction et sans sincérité. Tout cela sonne tellement faux !
    Les prétendants à sa succession doivent déjà faire antichambre, malédiction élyséenne ou pas.
    Cette année 2019 sera probablement riche en évènements. Les progressistes sont en marche !

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  9. Il est assez vraisemblable que notre système politique est à bout de souffle et qu’il faudrait repenser notre société. Le problème est qu’il n’y a pas beaucoup de vrais cercles de réflexion produisant des études fouillées. A gauche il y a le fameux terra nova mais à droite c’est largement désert, malgré une société qui penche incontestablement à droite. En cherchant bien on trouve un think tank plutôt axé sur l’aspect partiel qu’est l’économie (IFRAP). On trouve aussi quelques individus (ex Guilluy, Polony, Zemmour, Finkelkraut…) un peu isolés ou plus proches du pamphlet épidermique que d’une véritable école de pensée profonde, structurée et produisant des théories et une analyse exhaustive des faits. Bref il y a un déficit effrayant de réflexion.

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    • E. Marquet dit :

      JC Barescut,
      Il y a des oasis dans le désert de la réflexion à droite, par exemple La Fondation pour l’Innovation politique de Dominique Reynié, ou Les Arvernes (les Gracques de la droite). Classer Guilluy à droite, ce serait de la récupération, il me semble, même si j’apprécie sa clairvoyance sur bien des sujets, Finkielkraut s’est éloigné de la gauche mais n’a jamais été de droite, Polony, on ne sait pas trop, plutôt souverainiste, et Zemmour un polémiste pur jus !

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    • JC Barescut, bien sûr, complètement à bout de souffle…
      MT

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    • jfsadys dit :

      Pour ce qui est de Natacha Polony elle participe à deux initiatives intéressantes: Polony TV et la revue Limite. Voir liens suivants:

      https://polony.tv/

      http://revuelimite.fr/

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  10. carlo dit :

    « Le pays, noyé dans l’illusion d’une fausse autocratie, impuissante et inefficace, se voit (de fait) privé de Gouvernement, de ministres, de parlementaires et de grands élus, de partis politiques, pour faire le relais entre le pouvoir et le monde des réalités. »
    On ne peut que souscrire à un tel constat, ainsi qu’à la conclusion de l’article : « Il faut marteler ce message en espérant « qu’ils » comprennent un jour. »
    En acceptant de n’être que de simples exécutants de la volonté présidentielle, les députés des majorités successives et les ministres des gouvernements successifs sont en grande partie responsables de la dérive de notre système institutionnel.
    C’est d’ailleurs parce que ceux-ci ne se conçoivent que comme de simples exécutants de la volonté présidentielle que la cohabitation est tenue pour une aberration. Et pourtant, c’est en période de cohabitation, lorsque le président préside et que le gouvernement gouverne, que nos institutions fonctionnent normalement.

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    • Stéphane B dit :

      Bonjour et bonne année à tous,
      Mais il n’y a pas que les ministres, grands élus, députés, sénateurs mais aussi autres conseillers qui doivent se montrer, il faut aussi que le président reprenne un rôle que la Vème lui donne, c’est à dire du recul, de la hauteur de vue. Pour cela, il conviendrait qu’il se mette en retrait, se contentant juste de l’impulsion de départ et d’un pilotage éloigné. Bref, comprendre que ce n’est pas à lui de gouverner, il n’est pas là pour ça, mais pour représenter avant tout le pays.

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    • carlo, sous réserve de la bataille au sommet de l’Etat qui fait rage dans ce type de circonstances…
      MT

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    • carlo dit :

      Et que penser de cet argument selon lequel le programme du PR a été intégralement validé par les français lors de son élection, y compris lorsque ce président a été élu parce que nos compatriotes voulaient surtout « faire barrage » à un autre candidat ?
      De plus, se rend-on bien compte qu’en vertu de cet argument fallacieux, toute mesure non inscrite dans le programme du candidat devrait être considérée comme illégitime ?
      L’idée fausse qui sous-tend cet argument, ainsi que sa conséquence non assumée, est que le débat doit avoir lieu avant les élections et qu’il est tranché au moment de celles-ci, alors qu’en démocratie le débat doit être permanent. C’est en effet le débat, plus encore que le vote, qui définit la démocratie.

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  12. Mildred dit :

    Monsieur Tandonnet,
    Personnellement je tirerai deux leçons de la démission de monsieur Sylvain Fort.
    La première sera de reconnaître que malgré sa « belle richesse humaine et intellectuelle », sa communication n’a pas su trouver le coeur des Français, tout au long de cette première année de présidence Macron, malgré tous les beaux discours qu’on lui prête.
    La seconde sera de reconnaître que même si « vouloir prendre l’Élysée dans les conditions actuelles, ne peut convenir qu’à des esprits inachevés moralement et intellectuellement », il restera toujours des personnages – tels Alain Juppé aujourd’hui – prêts à renier leur famille politique pour s’enrôler sous la bannière de celui qui saura leur promettre ne serait-ce qu’une tête de liste aux élections européennes !

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