Réflexion sur le mouvement social

Rien ne justifie le blocage actuel du pays. Le pouvoir a martelé qu’il ne touchait en aucune façon aux droits acquis des cheminots: le régime de retraite n’est pas concerné, ni les grilles de salaires, ni les avantages personnels dont ils disposent, ni leur système de rémunération. La question des petites lignes est esquivée. Les mesures annoncées ne touchent pas à l’endettement. Elles prévoient un changement de statut juridique, passage d’un établissement public à une société à capitaux public, comme la poste, rien de plus. L’ouverture à la concurrence est reportée aux calendes grecques. La grève s’est déclenchée sans le moindre sens ni la moindre justification. Comme souvent, le mouvement social a un caractère politique. Il est dans une logique de rapport de force. Le gouvernement veut tenir pour donner des signes de fermeté à l’opinion. Le mouvement syndical veut le faire céder pour affirmer sa puissance alors qu’on le dit en déclin. Nous sommes en plein nihilisme français, en pleine absurdité, dont les usagers sont les victimes, des étudiants qui ne pourront pas aller au cours et passer leurs examens, des travailleurs empêchés d’aller au bureau ou à l’usine au risque de perdre leur emploi. Le blocage du pays, sans raison, est une monstruosité. Pour le pouvoir, le risque est considérable. Sauf si une solution émergeait dans les meilleurs délais, il ne peut sortir que perdant de l’épreuve. Si le mouvement perdure et se durcit, il se retrouve dans une impasse. S’il ne cède pas, il donne le sentiment de jouer le pourrissement et sera rendu responsable de l’enfer subi par les usagers pour une réforme sans enjeu. Alors, il risque de sombrer dans une impopularité dont il ne se remettra jamais. S’il cède après avoir laisser les choses dégénérer, c’est encore pire: il sera accusé non seulement d’indifférence envers la détresse de la population, mais en plus de faiblesse. Et comment céder sur du néant? La voie serait alors ouverte à une crise politique. Tout est ambigu dans cette affaire. La réforme ne touche en aucun cas aux intérêts des cheminots. Dès lors, on pourrait imaginer que la mobilisation soit fragile et retombe vite. Toutefois, nul ne voit quel en est le sens et l’objectif véritable . Donc, cette réforme est privée, sur le fond, d’une puissante motivation qui pourrait susciter une adhésion de l’opinion. Rien n’est pire qu’un mouvement social qui repose sur du passionnel: faire plier le pouvoir comme un but en soi et tenir bon comme un but en soi. Le mythe du « nouveau monde » continue de s’effondrer. Il s’est construit sur une image de nouveauté, de jeunesse, d’optimisme. Le choc entre cette image et le monde des réalités est explosif.

Maxime TANDONNET

A propos maximetandonnet

Ancien conseiller à la Présidence de la République, auteur de plusieurs essais, passionné d'histoire...
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63 commentaires pour Réflexion sur le mouvement social

  1. 88négos882 dit :

    Le gouvernement antisocial et irresponsable de Macron campe sur ses positions et refuse toute véritable négociation avec les syndicats.La société « Air France » connaît un long et dur conflit qui révèle la faillite de sa direction,gouvernement en tête.Il y a quelques années on s’en souvient le fait d’arracher la chemise d’un DRH était déjà assimilé à un acte criminel.En réalité s’opposer à un gouvernement qui piétine les intérêts des salariés est criminalisé.En maintenant une position inflexible,inhumaine,arrogante et infantilisante le gouvernement s’expose à une condamnation de plus en plus large des travailleurs,de l’opinion.Bientôt on pourra chanter « tout le monde déteste le gouvernement ! ».L’arrogance n’est plus de mise, le gouvernement doit commencer à écouter les travailleurs & les Français !!A moins qu’un blocage/débrayage général soit nécessaire pour qu’enfin de vraies négociations aient lieu à Air-France,dans l’enseignement supérieur,les hôpitaux,à la SNCF,dans les services de collecte des ordures,à EDF,à la Poste,dans les tribunaux….etc ??Le gouvernement est sur le reculoir.Nous pesons plus lourd qu’on ne le croit et nous pouvons GAGNER !

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  2. Lili dit :

    Le bras de fer ne se joue pas avec le gouvernement et la CGT pour lequel cette dernière avait appelé à voter mais entre la CGT et ses concurrents en vue des élections syndicales de novembre prochain… La moustache avait besoin de montrer ses p’tits muscles pour tenter de remporter la mise. S’il lâche, il perdra des points… Tout le reste est du pipo. Le rail est pour la CGT un des derniers bastions qui rapportent… y a beaucoup de sous en jeu…c’est une bande de gangsters qui outre flinguer les entreprises et remplir les Pôles Emploi a fusillé le syndicalisme salarié français .. ils devraient être déclarés hors la loi et soumis à enquête judiciaire. Sauf qu’ils sont les idiots utiles des gouvernants….qui les maintiennent en survie à coup de subventions ! Le statut des cheminots n’est que prétexte … et puis y a mai qui se pointe l’horizon … sauf qu’on n’est plus en 68 même s’ils tentent de mettre au pas les p’tits cons d’étudiants… Quant à la réforme… c’est une directive européenne. La France est-elle membre ou pas de l’UE ? A partir de là y a plus à se masturber le cerveau.. La messe est dite depuis Maastricht.

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  3. François Martin dit :

    Le pays est mal parti… et face à tout cela, que propose l’exécutif sur le fond? une soi-disant réforme des institutions reposant sur une diminution du nombre de parlementaires et l’introduction d’une part de proportionnelle. En soi, ces deux mesures pourraient être justifiées, mais elles ne constituent en rien une « réforme des institutions » et d’ailleurs, ce n’est pas de cela que le pays a besoin! C’est démagogique et cela masque la réalité des problèmes. Quand donc le pays va-t-il ouvrir les yeux et sortir de cet enfumage délétère, de ce flou d’Etat permanent? A vous lire sur ce sujet!

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  4. Tout cela est lamentable mais puise ses racines bien avant la naissance de Macron. Le problème dépasse d’ailleurs la seule SNCF et est celui d’une distinction insuffisante entre grève et sabotage. Il est tout à fait normal que des travailleurs s’estimant maltraités se mettent en grève en privant leur employeur de leur force de travail et en se privant eux-même du revenu correspondant. S’ils le sont effectivement (c’est à dire si leur employeur trouve un avantage excessif dans leur exploitation), il y aura forcément une négociation assez rapide. En revanche si l’employeur est au bord du gouffre, il ne pourra évidemment pas accepter un compromis qui le ferait tomber dans le gouffre. Ce qui ne devrait pas être toléré c’est que les grévistes essaient de faire plus de mal à l’entreprise qu’en s’arrêtant simplement. Faire pression sur les non-grévistes, interdire l’accès à l’outil de travail ou encore faire des sabotages divers sans pour autant se déclarer gréviste est inadmissible.
    Il n’est par ailleurs pas très normal qu’un employeur n’ait pas prévu des moyens de fonctionnement de secours. Il n’est pas raisonnable de se mettre dans les mains d’une catégorie ayant un fort pouvoir de blocage. Dans une entreprise comme la SNCF il faudrait qu’il y ait un nombre suffisant de « réservistes » formés (avec des piqures de rappel périodiques) pour prendre les manettes et il faudrait être prêt à les libérer de taches moins critiques (sot en les différant soit en les sous-traitant à des personnes internes ou externe n’ayant pas la qualification pour assurer les tâches critiques. Bref une entreprise à monopole doit être gérée comme une armée en opérations qui doit pouvoir se reconfigurer pour tolérer de fortes pertes.
    Avant d’attaquer un bastion tel que la SNCF, il aurait été judicieux d’affaiblir d’abord les résistances les plus fortes : arrêter de déverser des fonds publics dans les syndicats, leur retirer les monopoles dont ils disposent encore…
    Enfin, dans la cas particulier actuel avec une grève en pointillé, il aurait été judicieux de faire évoluer les règles. Tout d’abord pour l’indemnisation avec une retenue par jour égale au salaire divisé par le nombre de jours de travail effectif (soit en gros 1/20 du mois et non 1/30). On devrait également considérer que des grèves en pointillé (2 jours de travail, 2 jours de grève…) doivent être pénalisée par une retenue selon le nombre de jours total entre le début et la fin.

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    • Barescut, oui, la première vraie réforme à faire: encadrer le droit de grève dans le secteur public, qui dit sécurité de l’emploi dit continuité de l’Etat…
      MT

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