Réflexion sur la politique et sur le destin de la France

  • Le déclin de la France, sur plusieurs décennies, en particulier depuis le milieu des années 1970, est un phénomène difficilement contestable. Il s’exprime dans tous les aspects de la vie politique et sociale : la désindustrialisation, la faiblesse en matière de technologies de pointe, le chômage de masse (5 à 6 millions), les destructions d’emplois, la poussée de la dette publique, le record absolu des prélèvements obligatoires, l’écrasement fiscal, la violence qui ronge la société et s’accroît d’année en année, le nombre des pauvres (8,6 millions) et de mal logés (3,2 millions), la chute vertigineuse du niveau scolaire, l’incapacité à maîtriser les flux migratoires, l’explosion des zones de non droit, l’essor du communautarisme, et des phénomènes de radicalisation islamiste, la catastrophe démocratique que représente une abstention majoritaire aux élections nationales. L’ensanglantement du pays par la vague terroriste islamiste, depuis trois ans, a marqué un nouveau palier dans l’affaiblissement de la France qui ne parvient plus à protéger ses citoyens de tels massacres.
  • Le réflexe naturel est de chercher des boucs émissaires à l’extérieur. « L’Union européenne » ou la « mondialisation », le « capitalisme financier » sont les coupables tout trouvés qui permettent de se défausser sur l’extérieur, l’étranger. Certes, les orientations bureaucratiques de Bruxelles n’ont fait qu’amplifier le désastre. Mais d’autres pays, soumis aux mêmes lourdeurs et contraintes, ne connaissent pas le même naufrage que la France et parviennent à s’en sortir, en tout cas moins mal. Les causes de fond de la tragédie française sont à chercher en interne. Les responsabilités essentielles du désastre sont nationales, françaises, même si le constat est difficile à admettre.
  • Les causes profondes du phénomène sont pourtant intérieures. Elles tiennent à l’affaiblissement de la volonté collective et du sens d’un destin commun. Ils sont le fruit de l’affaiblissement de l’esprit public, de la notion de devoir, de bien commun, au profit de l’individualisme et de la société narcissique. Le désastre a une cause essentielle : le triomphe des corporatismes et des intérêts particuliers égoïstes sur le sens de l’intérêt général. La responsabilité est collective, celles des dirigeants et des milieux influents, obsédés par leurs propres intérêts individuels mais aussi celle d’un peuple qui se détourne de la chose publique. L’agitation quotidienne des passions et des émotions, les gesticulations politiciennes, les polémiques et les sondages, servent d’écran de fumée pour masquer cette évolution de fond.
  • Le système politique français amplifie le déclin de la volonté collective. Son présidentialisme à outrance, depuis des décennies, focalise la vie publique sur la sublimation de l’image narcissique d’un homme, qui devient ainsi sa fin ultime. La vanité s’impose comme un principe de gouvernement. Le narcissisme érigé en système fonctionne à l’image d’un boulet pour le pays. Il interdit toute réforme, toute politique publique et de long terme. Le culte de l’image est incompatible avec la notion de gouvernement car il interdit les décisions impopulaires, les prises de risque, l’exercice de l’autorité, et les arbitrages facteurs inévitables de mécontentement. L’action publique laisse la place à une multitude d’artifices : fausses réformes sans conséquences, annonces flamboyantes et paroles grandiloquentes sans lendemains, culte de la personnalité, grand spectacle mégalomane au quotidien. Le sens de l’action et de la décision ou des choix de long terme se trouve comme étouffé dans les sables mouvants de l’hypocrisie et d’une manipulation de masse. C’est un système qui est ici dénoncé, et non un individu en particulier.
  • Comment en sortir? Le redressement ne se conçoit que sur le long terme, et prendrait, s’il devait se profiler à l’horizon, sans doute autant d’années ou de décennies que le déclin qui dure depuis au moins 40 ans. L’enjeu est de restaurer peu à peu l’esprit public et l’intelligence collective, le sens du bien commun, réapprendre à sortir de l’individualisme radical pour faire renaître le sens d’un avenir et d’un destin collectif, en particulier l’idée d’une solidarité entre les générations et la volonté collective de laisser à nos successeurs une France en ordre où ils pourront vivre dans la paix, la prospérité et la dignité. L’éducation est à la base de tout : sortir les futures générations de la logique de crétinisation en réhabilitant l’intelligence et les savoirs fondamentaux. Tout cela est bien loin d’être gagné. Le début du redressement passe par la tête, par l’exemple, c’est-à-dire par le politique. La France a besoin d’une remise à plat radicale et profonde de son modèle de gouvernement. Le salut passe par une transformation, non seulement du fonctionnement des institutions mais aussi et surtout des mentalités politiques. Il faut remplacer un régime de mégalomanie stérile et impuissante par un mode de commandement fondé, bien au contraire, sur la discrétion efficace et l’action ancrée sur le monde des réalités. La politique au sens noble du terme ne saurait procéder que d’un engagement collectif, la mobilisation d’une douzaine d’hommes et femmes, le rôle du « chef » étant de l’impulser et la coordonner dans le silence, la modestie, le désintéressement absolu et l’obsession des résultats. La question n’est pas seulement celle des hommes (X ou Y) mais celle d’une remise en question générale. Mais dans le climat d’apathie et d’abrutissement collectif, qui pour entendre un tel message?

Maxime TANDONNET

A propos maximetandonnet

Ancien conseiller à la Présidence de la République, auteur de plusieurs essais, passionné d'histoire...
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56 commentaires pour Réflexion sur la politique et sur le destin de la France

  1. Philippe Dubois dit :

    Bonsoir Maxime

    Le déclin de la France est amorcé depuis mai 1974, l’élection de VGE, c’est à dire l’arrivée des technocrates étatistes et socialisants aux commandes, (à comparer avec G. Pompidou qui leur disait : »arrêter d’emmerder les Français »)

    Les institutions sont certes perfectibles, mais les meilleures institutions du monde ne donneront rien de bon si les hommes politiques sont médiocres, corrompus et préoccupés de leur seul intérêt.

    La liste des plaies d’Egypte que vous citez est juste, mais je ne l’aurais pas mise dans cet ordre.
    Si la crétinisation est en partie le résultat du noyautage de l’éducation nationale par ce que la gauche compte de pire (et cela a commencé avant mai 1968), nos résultats actuels sont aussi dus à l’arrivée massive sur le marché d’écoliers, de collégiens et de lycéens qui maîtrisent mal le Français et qui pour nombre d’entre eux crachent ouvertement sur le pays qui les accueille.

    Je serais plutôt d’accord avec vous concernant les boucs émissaires, qui s’ils constituent des facteurs aggravants, ne sont pas la cause première.
    Il n’est en effet nul besoin de sortir de l’UE pour réformer l’éduc nat, modifier le code de la nationalité ou mettre à plat le fatras législatif et réglementaire qui étouffe les citoyens.

    Je suis moins en phase avec votre analyse des causes profondes notamment en ce qui concerne la responsabilité du peuple.
    En effet, si le peuple se détourne de la chose publique, c’est qu’il a l’impression assez forte et pas forcément fausse, que de toute façon, son implication aura le même effet que l’action d’uriner dans un violon.
    Quels que soient les élus, la même politique est menée, à quelques nuances près, et la forfaiture du traité de Lisbonne a fini par convaincre une partie des citoyens que le vote ne servait plus à rien.
    Par ailleurs, nos politiques ont sciemment menti au peuple sur les conséquences de leur folle politique d’immigration : longtemps, les faits ont été dissimulés, puis minorés et enfin, quand cela explose au grand jour, la réponse de nos élites est « Maintenant, c’est trop tard, faut faire avec »
    Le peuple est individualiste et amateur d’assistanat : certes, mais comment pourrait-il en être autrement dans un pays gangrené par la jalousie et l’envie érigées par la gauche en principes de gouvernement
    Et cette attitude : « Moi aussi j’y ai droit (à cette aide, allocation) pourquoi serais je seul crétin à ne pas la demander ? » n’est-elle pas naturelle quand les bénéficiaires sont en majeure partie des gens venus d’ailleurs ? Je rejoins ici yb69 : 18 décembre 2017 à 13:01

    Comment en sortir ?
    L’inversion de la courbe peut être très rapide, si le peuple choisit des dirigeants dignes de ce nom, même si la remontée prendra du temps.
    Je suis d’accord avec Patrick Buisson qui dit que la seule solution pour une droite conservatrice, identitaire et présentant un programme économique et social crédible d’arriver un jour au pouvoir est de réconcilier la France « manif pour tous » et la France « Johnny Hallyday »

    Dernier point : quand vous évoquez « l’idée d’une solidarité entre les générations », je pense à la génération pourrie des baby-boomers qui se sera gavé en laissant des dettes monstrueuses à nos enfants et petits enfants.
    Et qu’on ne me dise pas qu’ils ont bossé dur : c’est la génération de leur parents, nés avant 1930 – 1935, qui a reconstruit la France. Dès que ces nuisibles sont arrivés aux manettes, ils ont voté la retraite à 60 ans, les 35 heures, en détruisant consciencieusement ce que leurs ancêtres avaient mis des siècles à construire
    Et bien évidemment, ils n’ont pas fait de gamins.

    Excusez moi d’avoir été si long

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  2. Sganarelle dit :

    Tous pareils et tous différents, la république des partis politiques n’arrive pas au sein de chaque mouvement à unir ses partisans , chacun veut imprimer ses marques et imposer aux autres sa loi.
    Plus il y a de partis plus il y a de divisions , la valse des ministres ou des présidents ne permet pas de réformes à long terme , on veut des résultats immédiats et chaque fois de nouvelles têtes. Or il parait qu' » il faut du temps au temps »….( on est loin d’un Colbert plantant des arbres pour la marine royale de ses héritiers…)
    Il faudrait pouvoir parler franc et pour revenir à la morale ne pas sous-estimer l’importance, le pouvoir et la nécessité des religions pour les peuples ,( j’emploie le mot  » religion » au sens large au-delà des références divines) Il faudrait arrêter de confondre athéisme et laïcité et donner en enseignement une plus grande part à notre Histoire sinon nous verrons une civilisation remplacer la nôtre dans la mesure où l’être humain a besoin de transcendance d’idéal et de béquilles et qu’il est prêt à adorer n’importe quel veau d’or.

    Actuellement c’est la Saint Macron sur les ondes et tant qu’il sera comme disait d’Ormesson  » la chauve -souris de la fable » il y a des chances pour que ça marche dans l’opinion.
    Qu’en est-il des résultat ? Peut-être bien`qu’il ne les verra pas plus que ses prédécesseurs car un président qui assume un decorum royal en profitant de leurs palais et évite ostensiblement un signe de croix sur le cercueil d’un mort , me semble être ridiculement complaisant et osciller dangereusement entre les régimes comme entre les partis :  » je suis oiseau , » voyez mes ailes…je suis souris , vive les rats » … Cela lui évite d’être mangé mais pour combien de temps?

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  3. yb69 dit :

    Comment « faire renaître le sens d’un avenir et d’un destin collectif » dans un pays devenu un groupement de « communautés » (je déteste de mot, mais force est de constaté que nous sommes tous étiquetés : d’ailleurs médiatiquement il n’y a plus de Français : il y a le peuple de gauche, le peuple de droite, le peuple juif, le peuple musulman, le peuple basque… ) vivant parallèlement les unes aux autres, aux intérêts divergents. Sur quelle base faire adhérer ces « communautés » à un destin commun, dans la mesure ou pour beaucoup, elles ne s’accordent ni sur le passé, ni sur le présent ? Mistère.

    Je finirai sur la citation suivante d’Amin Maalouf “De la disparition du passé, on se console facilement ; c’est de la disparition de l’avenir qu’on ne se remet pas. Le pays dont l’absence m’attriste et m’obsède, ce n’est pas celui que j’ai connu dans ma jeunesse, c’est celui dont j’ai rêvé, et qui n’a jamais pu voir le jour.”

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