L’opposition républicaine, les ordonnances et le mouvement social

La site Atlantico m’a interrogé hier soir, avec M. Jérôme Fourquet de l’IFOP, sur ce que devait être l’attitude de « la Droite » face aux ordonnances et le mouvement social. Voici mes réponses:

La première journée de contestation de la Réforme du marché du travail a lieu cette semaine. La droite doit-elle intervenir dans le conflit social selon vous ? Ne risque-t-elle pas de se mettre à dos son électorat classique en le faisant ? (il y a également le risque d’apparaître cynique après avoir soutenu le programme de “purge” de Fillon)

 Les Républicains ne peuvent pas se permettre de jouer la politique du pire face aux réformes prévues par les ordonnances. Ce serait suicidaire et contradictoire par rapport à leur discours habituel. Les français sentiraient bien la politique politicienne et le désir d’utiliser le conflit pour affaiblir le gouvernement. Quel que soit l’issue ils en sortiraient affaiblis. Si les ordonnances passent, ils seront dans le camp des vaincus, avec le fn et la gauche radicale. Le gouvernement apparaîtra comme seul contre tous ayant atteint ses objectifs. Si, à la suite d’une grave crise de société, le gouvernement est obligé de reculer, ce ne sont pas les Républicains qui apparaîtront comme les vainqueurs, mais bel et bien la rue et le parti de gauche et les socialistes.

Selon un sondage Elabe pour BFM TV, 39% des français estiment qu’aucun mouvement politique n’incarne le mieux l’opposition en particulier. Ils sont 9%  à penser que les Républicains l’incarnent. Faut-il voir ici l’occasion pour la droite d’incarner l’opposition ?

Non, il faut raisonner à terme, ce n’est jamais une bonne chose d’apparaître comme étant dans le camp de la démagogie. La France a besoin de réformes profondes. Même si l’on ne partage pas entièrement le point de vue du gouvernement sur les réformes, la droite n’a rien à faire du côté des extrêmes. Elle ne devrait pas prendre part à une bataille frontale contre des réformes qui certes ne règlent pas tout, mais qui vont tout de même sur certains points dans un sens favorable. Peut-être qu’une majorité de Français est opposée à cette réforme. Mais il faut réfléchir et agir avec une perspective de long terme, et non pas d’aller dans le sens du vent le jour le jour. Il faut penser à l’après. Si cette réforme échoue, sous le poids de la rue, il est clair qu’une étape supplémentaire sera franchie dans la voie d’un pays de plus en plus ingouvernable et impossible à réformer. Si un jour les Républicains accèdent au pouvoir, comment pourront-ils proposer des changements beaucoup plus conséquents, s’ils se sont opposés à des réformes d’inspiration libérale ? Une attitude d’obstruction systématique serait incompréhensible et fatale pour l’avenir à terme de la droite républicaine. Il faut regarder les choses avec une vision de long terme par-delà les aléas du jour le jour et des calculs politiciens.

Comment la droite doit-elle s’exprimer pour compter dans ce débat et ne pas se retrouver prise en étau entre la République en Marche et la France insoumise ? Sans pour autant s’opposer à la réforme, la droite ne gagnerait-t-elle pas à expliquer pourquoi elle vote le texte ou ce qu’elle aurait fait différemment par exemple ? (déverrouiller le temps de travail et les seuils sociaux par exemple).

 Je pense que les Républicains ne peuvent pas faire le jeu de la rue dans cette affaire, ils seraient les premiers perdants in fine. En revanche, il leur appartient d’exercer leur mission d’opposition responsable et républicaine. Tout en s’élevant au-dessus du climat d’hystérie qui caractérise la France actuelle, ils doivent remplir leur mission politique d’opposition et s’exprimer sans tabou ni préjugés sur les sujets. Qu’il y a-t-il de positif et de négatif dans cette réforme ? En quoi la procédure des ordonnances et l’absence de débat parlementaire est-elle contestable, risquant de cristalliser l’opposition dans la rue et la violence, plutôt que dans le débat, au risque de tout faire échouer ? Que manque-t-il à ces ordonnances, pour être réellement efficace et permettre de relancer l’économie et l’emploi, sur les 35 heures, le contrat de travail, les charges sociales et fiscales, réglementaires pesant sur l’entreprise, les fameux seuils ? Et puis, l’opposition républicaine, plutôt que de se déchirer lamentablement sur les ambitions personnelles, doit se focaliser sur ce qui fait la richesse de la vie politique : le débat d’idées, sur les grands sujets de l’avenir, la réforme de l’Union européenne, la libération des énergies économiques, le fonctionnement de la République et de la démocratie, l’école, les frontières, l’unité et l’indivisibilité de la France… En somme, oui à la politique, au sens noble du terme, non à la violence et au chaos.

 

A propos maximetandonnet

Ancien conseiller à la Présidence de la République, auteur de plusieurs essais, passionné d'histoire...
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13 commentaires pour L’opposition républicaine, les ordonnances et le mouvement social

  1. Tarride dit :

    Cher Monsieur Tandonnet

    Il ne faut évidemment pas que  » Les Républicains participent aux manifestations contre les ordonnances sur le travail. Manifester dans la rue n’a de sens que si on peut le faire sous sa propre banderole, et je vois mal  » Les Républicains » déployer leur banderole aujourd’hui, le 21 ou le 23, sauf par goût de la provocation.

    En revanche, je ne considère pas du tout que ces ordonnances aillent dans le bon sens. Je reste attaché à la Participation et je suis convaincu qu’elle n’est possible que dans la mesure ou les syndicats sont forts. Les syndicats français sont trop faibles, et c’est bien ce qui les rend trop idéologues. Un syndicalisme fort comme en Allemagne en Angleterre ou aux USA est infiniment moins idéologie.

    Pour que les syndicats soient forts, pour que les gens y adhèrent, il faut leur donner du pouvoir dans des entreprises ou les salariés considèrent qu’ils vont passer un moment significatif de leur vie.

    Les ordonnances prévues organisent le contraire. Ils amenuisent le pouvoir des syndicats des entreprises ou les salariés ne font que passer. Je sais que je m’attaque à la sacro-sainte « flexibilité »… Ben oui. Ce mot valise me semble couvrir une vraie régression.

    Et ce n’est que le début. Saint Uber ne priez surtout pas pour nous.

    Etienne Tarride

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  2. Timéli dit :

    La Droite a pourtant matière à s’exprimer avec cette loi du Code du Travail.
    Car il est quand même paradoxal que cette loi qui veut réformer le Code du Travail, initialement conçu pour protéger le salarié, devienne un ensemble de règles et dispositions destinées à faciliter la création d’emplois.
    D’autre part, il est particulièrement exagéré de parler, avec ces ordonnances, d’une révolution sociale quand on sait que cette loi ne touche pas aux 35 heures, ni au SMIC ni au CDI.
    Malheureusement, à Droite, c’est le « monde du silence »….

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  3. Mildred dit :

    Etre dans l’opposition au cas où le gouvernement devrait reculer, tout en le soutenant au cas où il atteindrait ses objectifs.
    Autrefois cela s’appelait vulgairement : être toujours du côté du manche.
    Aujourd’hui cela s’appelle faire de la politique « au sens noble du terme ».

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  4. Frederic_N dit :

    Félicitations pour votre tribune
    A un bémol près : la question de l’islamisme politique. Il est quasiment vital pour les Républicains de se positionner sur ce sujet, quitte à être en tension avec les médias. De toute manière ils ne feront pas l’économie d’une bataille pour leur propre liberté d’expression. Et sur ce sujet il y a un double enjeu: préparer le terrain et profiter de l’affaiblissement du politiquement correct sur ce sujet.

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  5. La democratie ce n’est pas la rue. Jean-Luc Mélenchon, Benoit Hamon, Philippe Poutou et Nathalie Arthaud ont obtenu à eux quatre au 1er tour des élections présidentielles de 2017: 9 978 128 suffrages soit en tout et pour tout 21% des électeurs inscrits (34,12% des suffrages exprimés et 24% aux élections législatives de juin 2017). L’extrême-gauche française a pris l’habitude de s’accaparer les bulletins blancs et nuls ainsi que les abstentionnistes pour démontrer le manque de légitimité de l’actuel gouvernement. S’il est vrai que la base électorale du président Macron est faible, non seulement les règles démocratiques ont été régulièrement appliquées et les abstentionnistes (comme les votes blancs ou nuls) n’appartiennent pas plus à M. Besancenot (que je viens d’écouter aux Grands Gueules – RMC 10h à 13h du lundi au vendredi) qu’au président Macron ou tout autre candidat.
    Concernant les syndicats (en application de la réforme de la représentativité syndicale issue de la loi du 20 août 2008), sur 19 millions de le salariés, la CFDT représente un peu plus de 7,2%, la CGT représente moins de 6,9% des salariés et FO 4,3%. Toutes les autres organisations syndicales sont sous le seuil des 4%. Seraient-ils un million dans les rues que leur légitimité ne vaudrait rien .
    Je ne soutiens pas la politique du président Macron car je suis convaincu qu’une orientation plus libérale des réformes à entreprendre aurait été préférable. Mais d’une part celui-ci a été le candidat obtenant le plus de suffrages à l’élection présidentielle (aux premiers et aux second tours) et les électeurs français ont confirmé ce choix lors des législatives du mois de juin 2017. D’autre part, on ne peut pas lui reprocher de ne pas faire ce qu’il avait dit ou de pratiquer la langue de bois, les mesures que je critique aujourd’hui je les critiquais déjà lors des différentes campagnes électorales (à la différence de Bruno Le Maire ou Gérald Darmanin – un jour je me pencherai sur leurs contradictions

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  6. michel43 dit :

    sauf que M,Tandonnait n »ose pas dire que le FN est le premier partis des électeurs, Mme LEPEN a la présidenciel ,alors,il nous sort Mélenchon ,,,quand au républicains , vu le foutoir ,il n »on AUCUNE chance, a part s »adosser au FN , cars Macron est LA pour 5 ANS

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  7. Gérard Bayon dit :

    Bonjour à toutes et à tous,
    Il est bien évident que la droite républicaine ne doit pas s’associer à ces mouvements sociaux
    Elle doit même reconnaître que les mesures prévues certes insuffisantes ou incomplètes vont dans le bon sens et rappeler le plus clairement possible (?) ses propres orientations, notamment en matière fiscale.
    Il faut laisser la responsabilité du trouble, du désordre et de la violence aux Insoumis, à la CGT, au PC et à ce qui reste du PS, qui se discréditeront d’eux-mêmes.
    La difficulté réside maintenant dans le positionnement des élus LR qui soutiennent le gouvernement Macron. Une clarification doit être rapidement faite pour ne pas polluer le discours. A mon avis ces élus doivent rapidement prendre la décision de quitter LR et rejoindre le parti LREM, il ne doit y avoir aucune ambiguïté sur ces sujets. On ne peut pas se réclamer de la droite et se faire élire sur son programme et être « en même temps » un peu à gauche. Les électeurs et les sympathisants de la droite doivent exiger cet éclaircissement.
    Autre point hors sujet : je m’étonne du silence de N. Sarkozy et de ceux qui le soutiennent sur les propos quasi insultants tenus par le Président à leur encontre. Je n’éprouve pas de sympathie particulière pour notre ancien Président mais de là à se laisser traiter de fainéant… !

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