Le pouvoir rend-il fou?

Avertissement: le billet ci-dessous procède d’une réflexion générale et historique, et ne s’applique à aucune situation particulière.

« Le pouvoir rend fou et le pouvoir absolu rend absolument fou ». Le cerveau humain est fragile. Il est dominé par de puissantes passions qui agissent comme les courants des profondeurs marines: parmi ceux là, la vanité l’emporte sur tous les autres. L’idée du pouvoir suprême, de la place de premier à la tête d’un groupe social est de nature à provoquer un choc  et des dégâts vertigineux au niveau de la conscience, de la lucidité, de la vision du monde, du sens des réalités et du bien commun, favoriser le glissement dans un monde parallèle. Le chemin qui mène à l’hôpital psychiatrique n’est jamais très éloigné de n’importe quel trône. Pour résister dans ces conditions, il faut une personnalité hors normes, une intelligence visionnaire, une culture et une éducation exceptionnelles permettant de relativiser les choses, de sentir la vanité du monde auquel on appartient, la finitude de l’existence entre les deux infinis (Pascal). Les rois de France étaient élevés dans l’idée de leur humilité, notamment à travers la soumission au divin, jusqu’à ce que la dernière dynastie s’égare à son tour: la chute de Louis XVI et son assassinat sont en germes dans la magnificence du règne de Louis XIV. Enfin, tel est mon avis. les grands esprits d’une envergure exceptionnelle, nourris des humanités, capable de dominer par l’intelligence, la culture personnelle ou la foi en Dieu l’extrême violence des pulsions mégalomanes, n’existent probablement pas dans le monde moderne dominé par le nihilisme, l’ivresse de l’émotionnel et les néons aveuglants du spectacle médiatique. L’unique solution serait de concevoir des formes de pouvoir qui permettent d’enfermer les passions vaniteuses dans le principe d’une démocratie équilibrée, modeste, et d’une œuvre collective tournée vers l’intérêt général. Autrefois, cela s’appelait la République, la res publica, la chose publique, mais celle-ci, en France, dans le climat de conformisme et de bêtise ambiant, est devenue hélas un mot galvaudé, servi à toutes les sauces, tellement banalisé que largement privé de sens.

Merci de tout cœur à d’éventuels commentaires de respecter le caractère général, historique et anonyme de ce billet: il porte sur toute forme de pouvoir personnalisé à l’excès et en aucun cas sur telle ou telle situation particulière.  

Maxime TANDONNET

A propos maximetandonnet

Ancien conseiller à la Présidence de la République, auteur de plusieurs essais, passionné d'histoire...
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24 commentaires pour Le pouvoir rend-il fou?

  1. Georges dit :

    La folie des grandeurs ,en résumé .

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  2. Kadoc Le Vannetais, prophète amateur dit :

    Mon cher Maxime, je crois que vous faites fausse route.

    Cette généralisation me parait non fondée :  » Le cerveau humain est fragile. Il est dominé par de puissantes passions qui agissent comme les courants des profondeurs marines: parmi ceux là, la vanité l’emporte sur tous les autres.  » Désolé, ça ne me parait pas être le lot commun. La plupart des gens aspirent simplement à vivre paisiblement.

    Non, le pouvoir ne rend pas fou. Mais il attire les fous, ça, oui. Et parmi les accrocs pathologiques de la vanité, le pouvoir attire très spécifiquement une catégorie bien particulière d’individus : les psychopathes. Et le pouvoir les attire d’autant plus quand il peut être exercé en toute impunité.

    Quant à ce brave Louis XVI, il ne me semble qu’il ait été particulièrement fou ou imbu de son pouvoir. Un état en banqueroute, une bourgeoisie aussi frustrée qu’ambitieuse et quelques mauvaises récoltes se sont chargées tout aussi bien de son triste sort.

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  3. Georges dit :

    Le pouvoir rend-il fou? Oh que oui!!!

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  4. Preud'homme dit :

    Un avertissement qui donnerait à penser que la censure est à l’œuvre et que la critique du pouvoir en place est désormais susceptible de générer des retombées préjudiciables à ceux qui en seraient les auteurs ou les promoteurs.
    Comme quoi les gens de rien sont finalement ceux dont les gens de tout ont le plus peur !

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  5. raimanet dit :

    A reblogué ceci sur Boycottet a ajouté:
    http://tiny.ph/bo8Q -> lettre apolitique

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  6. Sganarelle dit :

    Nous avons tous des nevroses plus ou moins affirmées ou reconnues et ce qui est important c’est ce que nous en faisons , comment elles évoluent et se transforment pour s’adapter à la vie en société. Les Canadiens disent qu’il faut savoir « lâcher son fou » c’est pour chacun de nous plutôt salutaire.
    Le pouvoir , synonyme d’une puissance plus ou moins étendue étouffe le sentiment de culpabilité et l’entourage de thuriféraires ne génère pas l’auto-critique. Toute personne qui a de près ou de loin approché le monde de l’Elysée nous dira à quel point c’est fastueux, grisant et contraignant . Etre hors du monde a un prix et lorsqu’on découvre ce style de vie sans y avoir été habitué il faut beaucoup de force de caractère pour ne pas en être grisé. Devient -on « fou » pour autant parce qu’on en abuse? Pas sans y être prédisposé.
     » Malheur à la ville dont le prince est un enfant  » dit aussi l’Ecclésiaste que vous citez .. Et Montherland a repris ce thème dans une célèbre pièce.
    Pensez-vous qu’il a fait référence à l’âge ou bien à l’inexpérience en général ? . Car enfin on ne peut nier la valeur des jeunes conquérants qui étaient assez « fous » pour se lancer dans des actions d’éclat qui font encore notre admiration ( je pense à Alexandre ) sans compter les génies de toutes disciplines sans doute aussi un peu  » fous » parce que hors-normes ..
    Je salue en passant chez les jeunes ambitieux ce grain de folie et d’audace nécessaire qui nous donne encore l’impression d’être « vivants » et sans vouloir refaire « l’éloge de la folie « je pense qu’elle a comme nous tous plusieurs visages et pas que mauvais …

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  7. Jean-louis Michelet dit :

    Aucun contre poids.
    Depuis bien longtemps, les enfants ne ressemblent plus à leurs parents mais à leur époque, il en est de même pour nos hommes et femmes politiques.
    Inutile donc de vouloir comparer un parcours remarquable d’un homme ou d ‘une femme politique d’hier avec aujourd’hui, sauf peut-être, à démontrer encore une fois pour ceux et celles qui ne l’auraient pas encore remarqué, le gouffre abyssal entre les deux. Vraiment deux mondes. A ce sujet, je garde en mémoire un exemple entendu il y a quelques jours sur une radio publique, l’interview d’un membre du gouvernement suite au décès de Madame Simone Weil. Effarant et édifiant, non pas sur les commentaires mais sur le choix de cette personne.
    Chacun sait que la nature a horreur du vide, alors, faute de projet collectif, faute de vraie politique, faute d’adhésion populaire, il faut bien remplir ce gouffre et quoi de mieux qu’une bonne communication pour cela de la part des acteurs concernés et relayés par des médias remarquables d’efficacité dans ce genre d’exercice.
    Et pour le coup, nous sommes vraiment gâtés par la période actuelle avec une opinion publique qui semble en redemander …voyez les sondages vertigineux d’un côté et très interrogateurs de l’autre.
    Et pour faire bonne mesure, comme une information ou un évènement chasse l’autre à la vitesse d’un twett, il est fort probable que ce processus médiatique à effets euphorisants garantis, dure encore quelque temps jusqu’à ce que les français retrouvent un peu de lucidité et de discernement, pour l’instant, ce n’est pas le cas.
    Dans cette forme d’acquiescement généralisé, sans opposition consistante à l’AN, ne restera plus que celui de la rue, d’une part et d’autre part , sans opposition politique crédible et porteur d’une véritable alternative avant bien longtemps encore , le pouvoir ne peut et ne pourra s’exercer qu’au bon vouloir du prince et ce ne sont pas ses courtisans qui vont le freiner dans son entreprise ou lui apporter quelques contradictions. Nous en sommes très loin, notamment, au plan national.
    Bref, d’un côté le pouvoir comme un jouet et de l’autre, une résistance démocratique et populaire quasiment absente.

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  8. Timéli dit :

    « Tout pouvoir sans contrôle rend fou » (Alain)…

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  9. Duff dit :

    Bonsoir à tous,

    Démocrate, je le suis assurément mais pas forcément républicain. Beaucoup de monarchies parlementaires sont plus démocratiques en Europe que la France et sa monarchie républicaine. Autre fait oublié, la révolution démarre par l’incendie des fermiers généraux, il y a eu des jacqueries fiscales avant mais on serait surpris de voir le niveau global d’imposition sous l’ancien régime! Les rois étaient soucieux de ne pas prélever trop, relire les prescriptions du marquis de Vauban tellement en décalage avec la folie actuelle.

    On nous bassine en permanence les valeurs de la République, j’avoue ne pas voir précisément ce qu’elles sont et en quoi elles seraient plus vertueuses. Si Macron supprime en grande partie la taxe d’habitation, on continuera de délocaliser les impôts sensés financer telle ou telle administration identifiée derrière un impôt. C’est un vrai sabotage en règle de la démocratie et effort de déresponsabilisation collective très dangereuse.

    Il est urgent de revenir en arrière pour encourager la responsabilisation des individus, plus de démocratie locale et directe et d’application du principe de subsidiarité.

    cdlt

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  10. annick danjou dit :

    Jupiter est le dieu le plus important. Il règne sur la terre et sur le ciel, mais aussi sur les autres dieux et sur les hommes.
    Dans l’islam, Idris-Hermès est associé à Hénoch, fils de Yared, arrière-grand-père de Noé, il est mentionné dans le Coran.

    Nous voici donc parés, de quoi peut-on se plaindre? Personnellement je m’en remets à eux!!!

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  11. H. dit :

    Bonjour Maxime,

    « Le pouvoir rend fou et le pouvoir absolu rend absolument fou »: on en a des tas d’exemples avec les « petits chefs » qui, parfois, exercent des grandes responsabilités. La pathologie moyenne de nombreux responsables politiques ne rend guère optimiste et relève carrément parfois de la psychothérapie quand ce n’est pas de la psychiatrie pure et dure. Je ne citerai pas d’exemple mais beaucoup font la une régulière des médias et le désespoir de la société.

    Un ouvrage aborde cette problématique: « Ces fous qui nous gouvernent : Comment la psychologie permet de comprendre les hommes politiques » de Pascal de Sutter, professeur de psychologie et chercheur à l’université de Louvain-la-Neuve (https://www.amazon.fr/Ces-fous-qui-nous-gouvernent/dp/2352040248). « Suffisamment mégalomane pour viser les sommets, un peu paranoïaque pour se jouer des trahisons, légèrement psychopathe pour éliminer ses adversaires… « : voilà le profil moyen de la chose politique. Pas très gai vous en conviendrez et pour beaucoup, des profils proches des harceleurs psychologiques. Si vous en avez le temps, je vous invite à lire la série d’articles publiée sur le site Psychothérapeutes que
    De fait pour réussir en politique à un très haut niveau, il faut avoir des dons, ou parfois des tares que le milieu ultraviolent de la politique transforme en qualités. Même si l’on si combat en costume ou en tailleur, la politique est un milieux violent, très violent. Analyser la personnalité des politiciens, c’est justement ce qu’avait voulu faire Pascal de Sutter dans son ouvrage Ces fous qui nous gouvernent.

    Si vous en avez le temps, je vous incité à lire la série d’article que consacre à ce thème un psychothérapeute (http://psychotherapeute.blogspot.fr/search?q=homme+politique). Dans l’un, il écrit très justement: « De fait pour réussir en politique à un très haut niveau, il faut avoir des dons, ou parfois des tares que le milieu ultraviolent de la politique transforme en qualités. Même si l’on si combat en costume ou en tailleur, la politique est un milieux violent, très violent. Analyser la personnalité des politiciens, c’est justement ce qu’avait voulu faire Pascal de Sutter dans son ouvrage Ces fous qui nous gouvernent. Une personnalité pathologique est en effet un avantage indéniable. C’est ainsi qu’un sociopathe, ceux dont mon confrère H16 expliquent qu’ils ont été amputés de la honte, ont un avantage très net sur les autres, tous ceux qui ont une conscience. La sociopathie étant une autre forme pour définir la perversion, elle permet à ceux qui en sont atteint d’être uniquement dans l’agir du type : je veux, je prends. Aucune conscience morale, aucune élaboration mentale si ce n’est un simple calcul des risques liés à l’action à l manière d’un ordinateur jouant aux échecs. Le sociopathe ou grand pervers est taillé pour le grand banditisme et donc pour la politique. D’ailleurs, les élections ont à ce jour devenues tellement terribles et exigeantes humainement, qu’elles ne peuvent que favoriser ce profil psychologique. Il ne s’agit pas tant de résister à la pression que de ne même pas la ressentir, d’être une sorte de monstre froid… ».

    Je vous rejoins complètement lorsque vous écrivez: « L’unique solution serait de concevoir des formes de pouvoir qui permettent d’enfermer les passions vaniteuses dans le principe d’une démocratie équilibrée, modeste, et d’une œuvre collective tournée vers l’intérêt général. » La constitution de la Vème République, si bonne soit-elle dans son esprit, a été taillée pour des individus bien trop petits pour la porter au quotidien. Depuis la disparition de son fondateur, nous allons, il faut bien le souligner, de Charybde à Scylla.

    Bonne lecture

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    • H. dit :

      Je compléterai en disant qu’avant de rendre fou, le pouvoir rend sourd et aveugle. Lorsque les trois se conjuguent, c’est la catastrophe absolue.

      Bonne journée

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  12. Gérard Bayon dit :

    Bonjour à toutes et à tous,

    Le pouvoir rend-il fou ? Voilà un beau sujet de dissertation pour un prochain bac.

    Encore une fois nos sages amis Helvètes ont trouvé une solution pour éviter la folie de leurs personnages politiques :
    Le Conseil fédéral compte sept dirigeants, qui prennent la tête du pays à tour de rôle. Ce sont souvent des personnalités mornes, des gestionnaires mais qui n’ont pas l’opportunité de prendre la « grosse tête ». Nous aurions tant à apprendre de nos voisins en matière de démocratie !
    En politique et notamment en France, les contre-pouvoirs que devraient être les associations et les Organisations Syndicales sont en fait inexistants puisqu’ils sont majoritairement financés par les finances publiques qui les tient ainsi sous contrôle permanent pour qu’ils ne soient plus que des inféodés à qui on veut bien laisser de temps en temps la bride sur le cou pour donner l’illusion.
    Dans les Entreprises, notamment les plus grandes où le risque de folie des dirigeants est également avéré et même quelquefois constaté, de nombreux contre-pouvoirs permettent heureusement d’éviter souvent les drames et les catastrophes financières et humaines (actionnaires, banques, fournisseurs, clients…) dans les quelques cas où ces contre-pouvoirs ont mal fonctionné il s’agissait souvent d’Entreprises publiques ou d’entreprises dans lesquelles l’Etat pesait fortement sur les décisions du Conseil d’Administration.
    Et l’on pourrait aussi parler de la folie de certains dirigeants religieux qui ont mené et mènent encore pour certains, à des atrocités sous couvert d’un Dieu d’amour et de bonté…

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  13. Sganarelle dit :

    Le pouvoir ne rend pas fou dans la mesure où la folie est un terme vague et populaire pour une perte de contrôle pathologique qui se diversifie en syndromes répertoriés ; mais le pouvoir exacerbe la notion de puissance favorise l’hubris et surtout il déconnecte des réalités diminuant les possibilités d’introspection et la remise en question de soi. C’est pourquoi les rois autrefois avait un fou (qui ne l’était pas non plus) dans leur entourage et ce compagnon généralement contrefait pour ne pas exciter l’envie, mais fort intelligent , se permettait de tout dire en apportant au roi le recul nécessaire.
    Les dictateurs, les despotes, les grands mégalos peuvent avoir une déviance psychiâtrique qui peut les conduire à une schizophrénie ou une paranoïa entre-autres , mais c’est trop simple d’englober dans le qualificatif de  » fou » celui dont l’hubris déraille partiellement ou l’être sadique qui n’éprouve aucun autre intérêt que pour lui -même. Ils sont responsables de leurs actes et parfaitement conscients.
    L’être qui au départ n’est mû que par son ambition, le narcissisme sans aucune transcendance , celui qui base sa vie sur le seul profit et la gloire personnelle a toutes les chances de sombrer dans un monde parallèle. Le pouvoir est un bon catalyseur mais il n’est pas seul responsable.

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  14. Mildred dit :

    Monsieur Tandonnet,
    « Le pouvoir rend-il fou ? » demandez-vous. Oui, probablement, et il est même déjà arrivé que ce soit tout à fait certain !
    J’espère que mon commentaire a bien respecté le caractère général, historique et anonyme de votre billet !

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  15. Citoyen dit :

    Ouais ……. C’est très prudent de faire des avertissements à triple niveaux , pour ne pas faire d’analogie avec des situation plus récentes …. Sinon, la tentation (la démangeaison) serait difficile à contenir !…

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  16. martin colmet daage dit :

    Le Président de la République ne devrait plus pouvoir dissoudre l’assemblée.

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