Refonder notre conception du pouvoir

sans-titreBien sûr, ma vision des choses a beaucoup changé en une dizaine d’années, fruit de l’expérience, des lectures, de la réflexion personnelle. L’histoire d’Angela Merkel est éloquente. Souvenons-nous. Jusqu’à l’été 2015, la chancelière allemande représentait une sorte de perfection dans l’exercice du pouvoir, incarnant l’insolente réussite allemande sur tous les plans. Et puis soudain, elle perd pied, se déclare « mère des réfugiés », prend une posture, encourage un appel d’air en Allemagne et l’arrivée d’un million de personnes en un an. Dans ses vœux de nouvel an, elle a revendiqué cette action. Nul n’est capable de dire sérieusement la part des véritables persécutés, victimes de la guerre – enfants, familles – et celle des migrants d’opportunité, jeunes et célibataires. Les conséquences de ce phénomène seront gigantesques. L’Allemagne devra faire face aux impératifs d’accueil d’un million de personnes, un chiffre colossal, peut-être bien plus dans l’avenir compte tenu de l’engrenage qui s’est enclenché. Son opinion publique en sera profondément ébranlée, avec des effets politiques incommensurables sur le long terme. Les régions d’origine auront à subir l’impact du départ de leurs forces vives, pour le rétablissement de la paix et la reconstruction. Mme Merkel a semblé totalement désarçonnée, prise de panique quand elle a voulu, après avoir déclenché le mouvement, imposer à l’Europe des « quotas », supposant une gigantesque organisation bureaucratique et policière, puis décidé d’utiliser l’armée pour verrouiller les frontières internes européennes, en violation des engagements de l’Allemagne (Schengen). Cette dame jusqu’alors parfaite a été emportée par l’obsession de marquer « sa trace dans l’histoire », de devenir une héroïne nationale, celle qui rachète définitivement l’Allemagne de son passé. Les médias lui ont tressé des couronnes, ont fait d’elle la femme de l’année. Or, elle n’a fait qu’entraîner son pays et l’Europe dans l’inconnu. Je crois que cette évolution est inévitable, liée à la psychologie humaine, conséquence de l’idolâtrie, du culte de la personnalité: impossible, dans un tel contexte de sur-personnalisation du pouvoir, d’échapper à la tentation de plaire au monde médiatique, d’une manière ou d’une autre. Il faut refonder notre conception du pouvoir politique, le rendre plus anonyme, plus collectif, modeste, plus impersonnel. La question n’est pas seulement celle du renouvellement de la classe politique (remplacer des têtes par d’autres) mais elle est surtout celle de la refondation de la mentalité politique comme je l’ai écrit dans mes vœux pour le Figaro Vox. Tout homme ou femme censé incarner durablement le destin d’un pays est voué à une sorte de folie mégalomane qui l’entraîne à mille lieues du bien commun.  Le temps des années 1920, 1930 et 1940 où les peuples s’en remettaient à un personnage sublimé et supposé providentiel (telle la France de Vichy ) est révolu. Une Nation peut avoir ses héros, Bonaparte le 18 Brumaire, Clemenceau en 1917-1918, de Gaulle le 18 juin 1940, mais dans des circonstances exceptionnelles, sur de brèves périodes, pour la sortir d’une situation inextricable. L’incrustation du « sauveur » au sommet du pouvoir l’expose au risque d’être gagné par la démence inhérente à la nature humaine. Je crois qu’il faut redécouvrir la vertu d’un pouvoir moins personnel, porté sur l’intérêt général et non la glorification naïve d’un personnage.

Maxime TANDONNET

A propos maximetandonnet

Ancien conseiller à la Présidence de la République, auteur de plusieurs essais, passionné d'histoire...
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15 commentaires pour Refonder notre conception du pouvoir

  1. fredi maque dit :

    Cette dame jusqu’alors parfaite a été emportée par l’obsession de marquer « sa trace dans l’histoire », de devenir une héroïne nationale, celle qui rachète définitivement l’Allemagne de son passé.

    Je crois qu’elle a pris le risque d’entraîner le futur de l’Allemagne (et avec elle d’autres pays d’Europe) dans le chaos.
    L’enfer est pavé de bonnes intentions.

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  2. François dit :

    Maxime,

    C’est mal connaître l’âme humaine : plus les temps sont troublés, plus les gens recherchent un guide, un sauveur. Parfois, cela fonctionne (exemple De Gaulle en 1958), parfois cela foire complètement (Pétain en 1940).

    Comme beaucoup d’« intellectuels », vous avez gardé votre rationalité. Je peux vous assurer que le Français lambda est très loin de partager vos convictions. C’est pour cette raison que nous vivons une période très dangereuse. Le pouvoir est KO, à terre, mais qui va le ramasser ? Est-ce un Syriza à la française, une révolution nationale, ou je ne sais quoi d’autre ?

    Il nous manque une direction générale, un cap, bref, un type qui saura dire à nos compatriotes qu’il y a plus de choses à admirer dans le génie français que dans le dénigrement systématique. Le pire, c’est que la France regorge de gens talentueux, et ce, dans tous les domaines. Pas sûr que ces derniers aient voie au chapitre et pourtant ils sont nombreux !

    Ce que nous voyons se dérouler sous nos yeux n’est qu’un avant goût de ce qui nous attend. Notre descente aux enfers n’est pas terminée. Comme je suis croyant, j’ai pour moi l’espérance. Mais elle n’est pas forcément de ce monde !

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    • François, je comprends mais n’en suis pas si sûr, je pense que les gens sont échaudés et plus personne ne croit vraiment en le sauveur ou l’homme providentiel…
      MT

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  3. Freddie dit :

    Si vous voulez lutter contre l’ego, Maxime, vous avez fort à faire. Je suis convaincue qu’il mène le monde, plus encore que l’argent ou toute autre tentation. L’orgueil, premier péché capital. Il n’y a qu’à voir comment de simples membres de conseil syndical se rengorgent de leur mini pouvoir, et en font une maladie s’ils le perdent.

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  4. Georges dit :

    Figurez-vous que depuis le 1er janvier 2016 ,les banques pourront ponctionner vos comptes,ce racket a été planifié et voté par le parlement européen le 11 decembre 2013 -étiez-vous au courant chers con citoyens-cette directive de « bail-in « (renflouement interne)permettra de renflouer les banques proches de la faillite dans laquelle elles se sont fourrées toutes seules ,comme des grandes .L’épargne de leurs clients remplacera celle de l’argent public pour recapitaliser les banques.La première ponction se fera d’abord auprès des actionnaires des banques puis les détenteurs d’obligations et enfin des déposants dont la couverture sera au minimum de 8% des pertes (pour commencer).Au delà les fonds nationaux de résolution prendront le relais mais le texte est tellement flou que l’interprétation de celui-ci se fera à la petite semaine et comme bon leur semble .Voila de quel monde la fifille de pasteur est issue et qu’elle défend bec et ongle .

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  5. Gerard Bayon dit :

    Bonjour à toutes et à tous,
    Mme Merkel a sans doute sous-estimé les conséquences de sa décision d’accueillir un million de migrants.
    Si l’on peut comprendre son besoin de main-d’œuvre pour faire face à la démographie en déclin de son pays, elle a déclenché une belle pagaïe dans les autres pays européens et a surtout créé un appel d’air pour tous les migrants et futurs migrants.
    A cause d’elle ou plutôt grâce à elle les accords de Schengen sont à l’agonie, et cela est à mon avis le seul aspect positif de cette décision.
    Mais au delà des problèmes qui ne vont pas manquer de surgir dans son pays (regroupement familial, intégration, politiques, racisme, etc.) elle a ouvert une brèche dont on ne peut actuellement mesurer les conséquences notamment pour les pays frontaliers.
    Les migrants, qui continuent d’arriver en Europe par bateaux et par la route sans que cela soucie nos gouvernants plus occupés pour encore de longs mois à préserver leurs prébendes, ni par ailleurs les médias qui ont trouvé eux aussi, leur « os à ronger » pour de longs mois, vont continuer d’envahir les nouvelles » terres d’accueil » et de créer là où ils s’installeront sans l’accord des populations locales, des désordres majeurs qui risquent de dégénérer au fil du temps par un peu plus racisme avec la conséquence immédiate : celle de faire monter en puissance les partis d’extrême droite. Nous en aurons sans doute la preuve chez nous dès 2017, mais d’ici là Audacieux 1er aura été réélu ou sera en position de l’être et tout ira pour le mieux dans le microcosme de nos « pseudo-élites ».
    De plus ces populations de migrants vont entrainer des problèmes graves pour l’emploi car l’on peut imaginer facilement que de nombreux employeurs peu scrupuleux préfèreront employer et sous-payer des migrants plutôt que des Français chômeurs pourtant formés à nos frais…
    Allez, soyons optimistes et gageons que l’inversion de la courbe du chômage figurera dans les promesses de campagne d’Audacieux 1er.
    Bon week-end.

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  6. walter dit :

    Entièrement d’accord avec vous.
    Walter

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  7. Timéli dit :

    Quand Angela Merkel s’est déclarée et a agi comme « mère des réfugiés », peut-être pensait-elle au prochain prix Nobel de la Paix ? Voilà bien une façon de laisser une trace singulière dans l’Histoire.
    Maintenant, quand vous évoquez dans la seconde partie de votre post la conception du pouvoir, je pense à ce que disait Margareth Thatcher : « Ma politique ne consiste pas à satisfaire l’opinion publique mais à la changer dans l’intérêt de mon pays ». Qu’on le veuille ou non, elle a su redonner à son pays ses lettres de noblesse.

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  8. Maréchal dit :

    Il se trouve que Angela Merkel déteste confusément la manière de vivre, les pensées, les principes étroits, les clichés, le conformisme prudent de François Hollande, nous sommes quelques uns à le savoir.
    Ils divergent bien entendu sur l’analyse de la crise Européenne.
    Mais pas seulement .. Elle n’a plus à ses cotés l’approbation des êtres qu’elle regardait comme forts et qui la conseillaient ..
     » Angela je sais que vous avez le respect des convictions des autres  » lui dit un jour Nicolas Sarkozy.
    Elle est aujourd’hui mal entourée, ce n’est pas plus compliqué que cela ..
    Claude Yves

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  9. Mildred dit :

    Monsieur Tandonnet,
    Vous avez déjà écrit une multitude d’articles, sur le déclin, la décadence, et autres révolutions politiques que vous appeliez de vos vœux. En vain ! Et maintenant vous nous donnez l’exemple de l’Allemagne qui est face à des difficultés qui lui sont propres.
    Or, si nous revenons à la France, que constatons-nous ? Que notre démocratie est bien morte : le pouvoir est entre les mains d’un président élu par défaut grâce à des institutions en béton, qu’il concentre entre ses mains plus de pouvoirs que n’importe quel dirigeant des pays européens. Depuis son élection en 2012 il a tout raté et rien de ce qu’il a décidé n’a amélioré la condition des Français. Mais au moment où le peuple dans son ensemble s’est détourné de lui, voilà qu’il a décidé, à un an et demi des élections présidentielles, de mettre l’Etat en coupe réglée, de manière à obliger les Français à voter pour lui en 2017. Cependant il paraît tout à fait injuste d’évoquer de la bêtise des Français prêts à tomber dans les pièges que leur tend François Hollande pour se faire réélire en 2017, sans mentionner la complicité de la haute fonction publique, des media, des ministères, qui tous se taisent, car chacun à son niveau œuvre à la destruction de l’Etat pour essayer de conserver, envers et contre tout, sa petite part de pouvoir.

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  10. Florence dit :

    L’affaire des agressions sexuelles de masse perpétrées en Allemagne et particulièrement à Cologne lors de la Saint Sylvestre est invraisemblable. Tout a été fait pour étouffer l’affaire. J’espère que le scandale éclaboussera Madame Merkel et la poussera à la démission.

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