« Morale laïque »

Le projet de loi sur la « refondation de l’école de la République » prévoit, entre autres dispositions, d’introduire un nouvel enseignement obligatoire de « morale laïque » tout au long de la scolarité, en commençant dès le plus jeune âge. Selon le ministre de l’Education ministre, « il faut être capable d’arracher l’élève à tous les déterminismes, familial, ethnique, social, intellectuel[1] ». Il y aurait-il dans ce discours, au niveau de l’inspiration,  une étrange et vague réminiscence de la politique de la table rase, comme un écho fortement atténué, dégénéré, extrêmemement lointain,  des utopies du siècle passé? Mao Zedong annonçait « Nous les forcerons à travailler de leurs mains pour qu’ils se transforment en hommes nouveaux[2] ». Cette quête se retrouve dans un autre camp. « La politique de Mussolini dénote une volonté de fascination des esprits, de transformation globale de la société et de création d’un homme nouveau »[3].  Un autre dictateur, dont je tairai le nom, voulait aussi  rompre avec le passé, faire table rase : « D’elle (la jeunesse héroïque) sortira l’homme libre, mesure et centre du monde, l’homme créateur, l’homme dieu ». Les régimes totalitaires, issus des deux grandes idéologies du siècle précédent, ont en commun le rêve d’engendrer un homme neuf, apuré des liens du passé, des entraves de son éducation, de son histoire personnelle, devenu transparent, ayant vocation à se fondre dans un tout collectif « un individu en qui se réalise fantastiquement l’unité d’une société purement humaine et s’institue le miroir de l’un »[4]. Je ne dis en aucun cas que c’est la même chose et me garde bien de toute sorte d’amalgame… Cependant, il y a peut-être quand même une sorte de lointain rapport de cousinage entre les utopies totalitaires du siècle passé et la nouvelle « morale laïque ». Alors, que se passe-t-il ? Fuite en avant ou faille dans le raisonnement? Plutôt que de vouloir utiliser l’école et les professeurs à des fins de remodelage des jeunes cerveaux, ne vaudrait-il pas mieux recentrer leur rôle sur les vraies missions de l’Education nationale en démocratie, c’est-à-dire d’enseigner, sans esprit de propagande, ni même d’influence, le français, les maths, l’histoire, la géographie et l’anglais ?

Maxime TANDONNET


[1] JDD septembre 2012

[2]  Le Petit livre rouge

[3] Le fascisme italien – Bernstein, Milza – le Seuil

[4] Un homme en trop – Claude Lefort

A propos maximetandonnet

Ancien conseiller à la Présidence de la République, auteur de plusieurs essais, passionné d'histoire...
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43 commentaires pour « Morale laïque »

  1. alexandre dit :

    @Annick même si j’abonde dans votre sens… J’ai envie de dire que notre époque nous dote d’une maturité et de moyens qui devraient nous permettre de regarder vers l’avenir si on veux relever les défis et les enjeux futurs mais aussi préserver la France . Je suis entouré de gens qui me parlent de révolution, monarchie, colonisation, Shoah, esclavage et j’en passe .. La FRANCE a besoin de nous tous pour l’AVENIR. Tout ce que je vois et entends depuis quelques semaines m’amène à dire ( à corps défendant ) : A quoi bon ? ..Aussitôt je me ressaisis et je Dis : NON !

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  2. Frederic_N dit :

    Bonjour,
    Juste un mot sur vos discussions. J’attire votre attention sur le livre très sérieux de F Furet : le communisme , le passé d’une illusion, où il aborde justement ce sujet en termes historiques. Sa thèse est justement que la pensée communiste est parti de cette volonté de « faire table rase » , qui sans doute en France remonte ( en partie) au rationalisme de Descartes.
    Une anecdote à ce propos. Quand le livre a été publié, tout science Po s’est écrié : voilà le livre de fond de la décennie à venir. Tout en chacun l’a donc rajouté dans ses cours. 6 mois après il disparaissait de toutes ces bibiographies .. Une histoire vécue
    Et faites l’expérience parmi vos proches s’ils sont de gauche, ils en ignorent l’existence

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  3. Annick dit :

    Bonjour à tous,

    @Lach-Comte, La révolution implique l’oubli total de ce qui précède la révolution.

    Cette phrase est terrible, et en même temps elle explique tout : l’escamotage de notre histoire telle qu’elle est enseignée aujourd’hui.
    La France de Clovis n’existe plus, seule compte la Sainte République. Ne dites plus jamais « FRANCE ».
    Mille ans d’effacés ! On nous enlève nos racines pour que l’arbre meurt et donne un autre fruit… pourri !
    Ces gens sont à combattre avec force et détermination. Il nous faut passer le relais à nos enfants et transmettre, transmettre encore pour que ne meure pas cette si belle FRANCE.
    Résistance !

    Bien à vous,

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  4. Lach-Comte dit :

    Aucune raison de s’arrêter, tant on a à faire à des inconséquents, voici la citation de la nuit et qui est tirée directement de l’ouvrage de Vincent Peillon, ministre de l’abrutissement national, in « La Révolution française n’est pas terminée » (Seuil, 2008) :

    « La révolution française est l’irruption dans le temps de quelque chose qui n’appartient pas au temps, c’est un commencement absolu, c’est la présence et l’incarnation d’un sens, d’une régénération et d’une expiation du peuple français. 1789, l’année sans pareille, est celle de l’engendrement par un brusque saut de l’histoire d’un homme nouveau. La révolution est un événement méta-historique, c’est-à-dire un événement religieux. La révolution implique l’oubli total de ce qui précède la révolution. Et donc l’école a un rôle fondamental, puisque l’école doit dépouiller l’enfant de toutes ses attaches pré-républicaines pour l’élever jusqu’à devenir citoyen. Et c’est bien une nouvelle naissance, une transsubstantiation qui opère dans l’école et par l’école, cette nouvelle église avec son nouveau clergé, sa nouvelle liturgie, ses nouvelles tables de la loi. »

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  5. Lach-Comte dit :

    Tenez, une dernière petite citation pour la route ou l’apéritif de ce soir. Elle émane pourtant de quelqu’un que beaucoup de gens à Droite et au Centre (il est même le héros de Manuel Valls) considèrent représenter l’Etat, l’ordre, enfin quoi, la République, ses valeurs et sa révolution ! C’est Clemenceau :
    « Depuis la révolution, nous sommes en révolte contre l’autorité divine et humaine, rien ne se fera dans ce pays tant qu’on n’aura pas changé l’état d’esprit qui y a introduit l’autorité Catholique. ».
    C’est pas mal, hein, comme morale « laïque », comme valeurs républicaines …!
    Dire qu’il y a encore des gens, réputés cultivés ET intelligents, qui, par méconnaissance ou aveuglement, ne veulent pas entendre, ne veulent pas voir.

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  6. Cathy S dit :

    Bonjour,

    Il est évident qu’il faudra être très vigilant à la morale « laïque », et être au clair sur les risques d’endoctrinement car d’après M.Peillon: « Pour donner la liberté du choix, il faut être capable d’arracher l’élève à tous les déterminismes, familial, ethnique, social, intellectuel, pour après faire un choix »,le texte au complet sur le JDD : http://www.lejdd.fr/Societe/Education/Actualite/Vincent-Peillon-veut-enseigner-la-morale-a-l-ecole-55001
    Beaucoup d’enseignants se questionnent quant à la mise en place et au contenu de cette nouvelle matière, tous ne sont pas des socialistes engagés et si le programme doit être appliqué, chacun possède une marge de liberté pédagogique…(à savoir comment l’utiliser dans le cas de la morale et des propositions qui seront faites).

    On a déjà la théorie du genre qui a fait son apparition dans les livres de sciences du lycée, parents à vous d’ouvrir le débat avec vos ados !!

    Je pense qu’il faut surtout que les familles reprennent et assument pleinement leur rôle d’éducateur, ce ne sera possible que si chacun prend conscience que ce n’est pas là le rôle de l’école, en tout cas pas son rôle premier (je considère que tout adulte au contact d’enfants doit par son exemplarité être éducateur).

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  7. Lach-Comte dit :

    @Annick, merci et je confirme, il suffit de l’écouter, vous avez tout compris. Ce que ne semble pas avoir fait @Georges qui paraît s’amuser à considérer cette invention au mieux comme une petite heure d’éducation civique s’il y a accord des parents, au pire comme balablatage en cas de disharmonie… Non, c’est grave, de la même gravité que ce « mur des cons », au Syndicat de la Magistrature (SM) dans les locaux alloués par le contribuable, présent au Conseil supérieur de la Magistrature qui nomme les magistrats, représentant le tiers des juges du Siège et du Parquet, qui instruisent, jugent et par conséquent sont susceptibles de condamner ! Une même gravité lorsqu’on sait la « tendance » (doux euphémisme) politique (et donc culturelle, « religieuse », morale etc) de la plupart des professeurs qu’ils soient des écoles ou des collèges et lycées … Quand le « mariage homo » faisait tant de bruit est passée à l’Assemblée la loi de Peillon sur l’orientation que doit prendre l’Education Nationale – encore une fois, qui leur demande d’éduquer les enfants ? Qu’ils se contentent de les instruire, ce serait déjà énorme – dont l’enseignement de la « théorie du gender » dès l’âge de 6 ans … A-t-on demandé, @Georges, aux parents leur avis aux parents, après information complète de ce que cela suppose ? Ne prenons pas à la légère ce genre de choses : elles sont beaucoup plus fondamentales qu’il n’y paraît et les termes (« morale laïque » – qui est contre la morale ?) cachent des intentions beaucoup plus perverses et sournoises. Ecoutons-les eux-mêmes dire ce qu’il en est exactement de leurs intentions puisqu’ils les donnent, notamment que la Révolution française n’est pas terminée (sic). Ils oublient que la contre-révolution peut aussi très bien être rallumée …

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  8. sourisgrise dit :

    bonjour Maxime , bonjour à tous .
    à mon avis et par les lectures nouvelles sur le genre humain qui se propagent en ce moment , la morale à la sauce socialiste c’est à dire laïque , ce sera surtout une propagande pour fomenter les jeunes esprits , garçons et filles dans le même moule …les gamins deviendront des individus obéissants à l’idéologie ambiante , et ne croyant qu’à elle …ça fait penser à la Corée du nord…
    ce seront des cours d’idéologie , sur la durée évidemment , car ce sera insidieux …
    amitié Chris .

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  9. Duff dit :

    Je vais mettre les pieds dans le plat sans ménagement parce que je suis passionné d’histoire en particulier celle de France depuis l’Empire. J’ai 33 ans, au collège j’ai passé trois mois à étudier l’économie de l’URSS devenue temporairement CEI et en juin quelques jours sur l’agriculture des USA. Je me rappelle mais j’ai surtout relu mes manuels d’histoire du XXème siècle sous un éclairage nouveau grâce à mes lectures d’auteurs étrangers… Nous avons tous des anecdotes similaires à raconter, là n’est pas le propos.

    J’ai maintenant la certitude que si la gauche se préoccupe tant de l’éducation nationale c’est évidemment pour formater les esprits à sa convenance. Je ne dis pas que cette entreprise est résolument volontaire mais qu’elle découle au minimum du refus caractéristique des penseurs de gauche à considérer des opinions contraires à la leur. Je viens de terminer la lecture des mémoires du Général et celles de Churchill : Elles se complètent, l’une ne va sans l’autre. On y apprend que le dictateur allemand avait une intuition juste en réoccupant la Rhénanie : Pendant qu’il renforçait sa machine de guerre, les français se prélassaient à la plage avec leur congés-payés, en bon anglais mordant, lucide, condescendant envers l’incroyable frivolité française, Churchill ne se faisait aucune illusion sur les conséquences funestes à venir. Et on m’a appris cette très grande avancée sociale de l’air de dire, tout le monde nous jalousait… Idem pour le new deal, les USA ne sont jamais sorti de la crise de 1929, la relance keynésienne si chère ces derniers temps par l’aile gauche du PS a minablement échouée débouchant sur de la dette, une reprise en feu de paille s’étiolant beaucoup trop vite par rapport aux masses d’argent injectées. C’est la guerre qui a réindustrialisé les USA, par des politiques économiques clientélistes incapables d’allouer efficacement le capital vers là où les sources de croissance se trouvent.

    Des exemples il y en a à foison. Moraliser l’école? pffff ! Au moment ou l’ascenseur social est en panne, et pas qu’un peu – je le vois au quotidien, je travaille à Bobigny – prêcher l’égalitarisme et le collège unique en même temps, c’est le plus sur moyen d’envoyer tous les jeunes de banlieues défavorisées au casse-pipe. Bien formatés comme leurs parents, il sera peut être plus facile de leur faire croire ensuite que c’est la faute des méchants ultra-libéraux qui ont pour obsession de casser les rentes du clientélisme publique et qui veulent la promotion des talents d’où qu’ils viennent…

    Cordialement

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