Lecture: Jean Bichelonne 1904-1944 un polytechnicien sous Vichy, entre mémoire et histoire, Limore Yagil, éditions SPM

A l’heure ou le souvenir du pétainisme et du régime de Vichy hante de nouveau le discours politique, il est urgent de revenir à l’histoire, en essayant de se rapprocher le plus possible des faits à travers des témoignages ou l’œuvre d’historiens. L’erreur est de penser que « révolution nationale » fut le seul fait de l’extrême droite maurrassienne parvenue au pouvoir et c’est pourquoi il convient de rappeler la place essentielle des technocrates dans ce régime. [D’où le compte-rendu ci-dessous qui m’est adressé par H.]

Il en fut déjà question dans ces pages au mois d’avril dernier à travers la recension du livre de Jean Berthelot « Dans les coulisses du pouvoir 1938-1942 ». L’auteur, brillant polytechnicien, y explique son parcours au sein du régime de  de Vichy et apporte un éclairage bienvenu sur le régime honni, ses acteurs et la confirmation que l’influence de ce régime sur  notre société du XXIème siècle est bien plus importante que l’on peut le croire ou le prétendre et que les comportements humains ne changent guère.

En 2015, est sorti sous la plume d’une universitaire d’origine israélienne,  Limore Yagil, historienne et spécialiste de cette époque trouble (https://fr.wikipedia.org/wiki/Limore_Yagil), un ouvrage consacré à Jean Bichelonne, autre polytechnicien égaré au bord de l’Allier sous l’Ocucpation. Ce livre est extrêmement dense et fourmille d’informations diverses qui nous éclairent un peu plus sur les arcanes du pouvoir autour de l’hôtel du Parc. Il  contraste avec celui de Jean Berthelot en ce sens où c’est avant tout un travail d’historien d’excellente facture plutôt  qu’un simple témoignage forcément limité dans sa portée.

Jean Bichelonne, un mathématicien exceptionnel égaré dans la politique selon Robert Aron, par le rôle et  l’influence qu’il a eus de 1940 à 1944 au sein des gouvernements successifs du maréchal Pétain, mérite qu’on s’attarde sur sa personne. Entré avec une moyenne de 19,75 sur 20 à Polytechnique (promotion 1923), ce record ne semble n’avoir jamais été battu depuis, il était reconnu pour son esprit presque anormal, sa puissance de travail et sa mémoire exceptionnelle. En 1926, major de sa promotion, il intègre naturellement l’école des Mines.  Passons rapidement sur sa carrière, brillante, dans l’entre deux-guerres : ingénieur du Corps des mines, il est alors affecté au service des mines de Lorraine. Il est ensuite nommé directeur général des aciéries de Senelle-Maubeuge et est professeur de sidérurgie à l’École des mines de Paris entre 1935 et 1937. Adjoint au directeur général des chemins de fer en 1937, il y suscite l’admiration par la rapidité avec laquelle il mène la nationalisation des chemins de fer et début 1939, il est directeur du contrôle des chemins de fer au ministère des Travaux publics. A trente-cinq ans, c’est une tête déjà bien pleine dans une tête très bien faite.

La guerre le voit directeur de cabinet auprès du ministre de l’Armement Raoul Dautry[1] (septembre 1939-juin 1940). C’est à ce poste qu’il organise et met en œuvre, en signant l’ordre de mission gouvernemental du 16 juin 1940, le départ du stock d’eau lourde français vers la Grande-Bretagne (200 litres). Cette action empêcha les allemands de s’en emparer et aida considérablement les alliés. Car n’oublions pas, Jean Bichelonne, quelques fussent ses erreurs de jugement par la suite, était avant tout patriote.

Mais le vote du 10 juillet 1940 va considérablement changer la donne car se met en place dans le pays un régime avant tout  hiérarchique, national et autoritaire et non fasciste ou totalitaire quoique puissent en dire certains en 2023. Comme de nombreux polytechniciens,  Jean Bichelonne a été proche dans les années 30, et l’était resté, du cercle de réflexion X-Crise. L’un des objectifs de ce « think-thank » avant l’heure était de trouver des solutions aux problèmes économiques et sociaux générés par la crise des années 30 en défendant ce que certains ont appelé « un planisme des ingénieurs ». Les réflexions qui ont eu cours en son sein ont conduit X-Crise à un antilibéralisme assez affirmé et à son ralliement à l’économie dirigée. La  fameuse troisième voie entre capitalisme débridé et socialisme absolu, toujours à la mode dans nos sphères politiques et parfois économiques, vient de là.

Comme le souligne très justement l’auteur, au-delà des aspects des plus ignobles de la politique vichyssoise si  communément  rappelés pour faire oublier les erreurs politiques et économiques contemporaines, Bichelonne, et beaucoup d’autres comme lui, vont voir dans l’avènement du nouveau régime une occasion de mettre en œuvre leurs réflexions afin d’effacer aussi rapidement que possible les stigmates de la défaite, n’oublions pas qu’ils sont généralement tous très patriotes, et de construire les bases d’une nouvelle société qui tournera le dos aux erreurs de la précédente qui l’ont conduites au naufrage absolu en moins de vingt ans. Cette première expérience technocratique va d’ailleurs habituer le monde économique français à voir l’Etat s’ingérer dans ses rouages. Nous n’en sommes toujours pas sortis. Avant toute autre considération, « toute la spécificité de l’Etat français émane du fait qu’il est né précisément dans ce contexte historique de défaite militaire sans précédent dans l’histoire française, d’un état de choc que connaît la population française devant l’avances des troupes allemandes ».

L’avènement du régime de Vichy marque clairement  l’arrivée au pouvoir de ce qu’on appelle la technocratie dont Jean Berthelot est un bel exemple. Ce dernier, disciple de Jean Coutrot et d’Ernest Mercier, ne cessa de revendiquer que « C’est aux ingénieurs de construire des sociétés meilleurs car ce sont eux  et non les juristes et les hommes politiques qui disposent des outils nécessaires ! ». La Grande Guerre avait déjà mis le pied à l’étrier à cette technocratie en particulier lorsqu’il avait fallu passer d’une économie de temps de paix à une économie de temps de guerre (Clementel, ministre du commerce et Albert Thomas à l’Armement et comme figure plus connue, André Citroën). Les effets de cette transformation se feront d’ailleurs clairement sentir à partir de 1917. Dans l’entre deux-guerres, toutes cette classe intellectuelle sera sensible en matière économique aux travaux de Keynes et, dans les années 30, au New-Deal de Roosevelt.

« Par technocratie, il faut entendre l’accès au pouvoir politique de techniciens, des spécialistes, d’experts, choisis en fonction d’un critère de technicité » à l’exclusion de tout autre critère idéologique ou juridique. » Bichelonne, par ses choix s’inscrit pleinement dans cette démarche. Dans un pays sonné, dévasté par la guerre et au deux-tiers occupé, il peut difficilement, vu son patriotisme, ne pas être présent : « l’occasion leur parait tentante d’une réforme totale de l’Etat, soustraire de l’incompétence parlementaire, remis enfin entre les mains des spécialistes ».

Il s’y perdra car il était dépourvu de sens politique. De lui, repris par Limore Yagil, Claude Gruson dans « Origine et espoirs de la capitulation française » écrit : « Bichelonne était un homme d’une qualité intellectuelle exceptionnelle. Son patriotisme d’intention était au départ incontestable. Mais placé devant des problèmes techniques, administratifs et politiques qui n’avaient pas de précédent, mal préparé à en apprécier le poids politique, en raison des lacunes de sa culture qui était celle d’un ingénieur ; il s’était laissé prendre au jeu des solutions techniques qu’il élaborait quotidiennement et qui accaparait son attention vraisemblablement sans voir qu’il prenait en même temps des responsabilités politique inamissibles ».

L’auteur souligne, à juste titre, que Bichelonne s’est ingénié autant que faire se peut à contrarier l’appétit allemand. Très lié intellectuellement avec Albert Speer[2], un autre « technocrate », il signe avec ce dernier les accords du même nom afin de contrecarrer Sauckel qui exigeait des travailleurs pour le Grand Reich au prix, il est vrai, d’une sujétion toujours aussi plus importante de l’industrie française à la machine de guerre nazie.  Speer défendait l’idée qu’il était préférable de fabriquer dans les pays occupés, là la France, les matériels exigés par la guerre plutôt que d’exporter les travailleurs concernés en Allemagne. Approche intelligente et pragmatique qui séduit Bichelonne, soucieux de préserver les travailleurs et le potentiel industriel national dans la perspective de l’après-guerre mais qui s’apparente au syndrome de la rivière Kwaï comme l’a très bien remarqué Alfred Sauvy. A ce prix cependant, des milliers de travailleurs français ne partiront pas en Allemagne. De Bichelonne, Laval disait : « C’est un enfant avec une énorme tête bourrée de chiffres… ».

Emmené à Sigmaringen fin août 1944, Jean Bichelonne meurt le 21 décembre dans des circonstances  bizarres, des suites d’une opération du genou (il en souffrait suite à un accident) somme toute banale ordonnée par Himmler dans une clinique SS aux environs de Berlin. On ne saura jamais s’il a été victime de la malignité du chef SS ou bien si son décès est un bête accident. Le chirurgien qui l’opère, le docteur Karl Gebhardt, médecin personnel du chef SS, sera pendu en 1948 pour crimes de guerre (procès des médecins à Nuremberg).

Livre passionnant pour celui qui s’intéresse à cette période trouble de notre histoire, le livre de Limore Yagil nous dépeint autant le parcours d’un homme atypique qui a joué un rôle important au cœur du régime de Vichy que la montée en puissance, circonstances tragiques obligent, et la prise de pouvoir des principales manettes de cet état par la « technocratie ».  A sujet, on pourrait évoquer l’émergence d’un état dit profond qui dirige le pays en dépit des alternances politiques. L’auteur, dans sa conclusion, consacre une longue partie à l’héritage de ces technocrates dans la France des trente glorieuses et dans la nôtre. Robert Paxton a souligné dans ses travaux le profond étatisme du régime de Vichy mais également sa modernité toujours d’actualité. Je laisse le soin au lecteur intéressé de découvrir quels sont les domaines concernés mais il se rendra compte qu’ils ont façonné plutôt deux fois qu’une notre pays.

H


[1]Raoul Dautry prendra ses distances dès juillet 1940. Il disait de son « poulain » : « C’est un cérébral qui résout les problèmes quels qu’ils soient. Ce n’est pas l’argent qui le guide, c’est l’orgueil… ».

[2] Sauckel, plénipotentiaire général pour l’emploi de la main-d’œuvre et organisateur à ce titre les déportations de travailleurs des pays occupés vers l’Allemagne, était un nazi pur et dur. Un profond désaccord l’opposait à Speer, ministre de l’Armement et de la Production de guerre. A l’inverse du premier, ce dernier voyait l’Allemagne comme le noyau central industriel d’une vaste zone de libre-échange et non comme une puissance impérialiste entourée de colonies qui lui fourniraient des matières premières et de la main d’œuvre.

A propos maximetandonnet

Ancien conseiller à la Présidence de la République, auteur de plusieurs essais, passionné d'histoire...
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28 commentaires pour Lecture: Jean Bichelonne 1904-1944 un polytechnicien sous Vichy, entre mémoire et histoire, Limore Yagil, éditions SPM

  1. De la Francisque à l’acte unique dit :

    Simon Epstein « un paradoxe français – la gauche dans la collaboration, la droite dans la résistance » Zemmour a informé de la censure par silence radio étanche dont a pâti ce livre passionnant qui révèle que Vichy fut aussi le front peu commun de la gauche majoritairement. listes des notables et ministres émanant notamment du front populaire, encore une fois ma-jo-ri-tai-re-ment. A vos calculettes. Archives, docs officiels etc. Praxton est l’historien officiel alors qu’il a occulté cette énormité de l’écrasante responsabilité de cette gauche libérale des années 30 à la Collaboration politique et économique.
    Autre livre très différent révélant l’élite nazie en Allemagne des années 30 , c’est à dire thésards, profs de facs prestigieuses, géographes, philosophes, recteurs, juristes renommés par paquets … absolument militants et non suivistes, démontrant leur engagement jusqu’à intégrer des einzatsgruppen et participant physiquement au génocide. « Croire et détruire » Christian Ingrao. La très chrétienne et démocrate RFA fut bâtie et encadrée par exactement cette même élite ( du moins les survivants)
    Pour « compléter » ou essayer de comprendre avant que l’IA ne nettoie de trop mauvais souvenirs « Europa ! Les projets d’Europe par l’Allemagne nazie et l’’Italie fasciste » par Georges-Henri Soutou… Extraordinaire et précise invention de l’UE avant que Monnet ( Jean Dollar s’amusait Marie-France Garaud ) et les américains ne reprennent le projet pour l’imposer jusqu’à Ursula Von der Pfizzer …
    There Is No Alternative, vous savez …

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  2. Gribouille dit :

    En tout cas ce livre n’est pas facilement accessible en bibliothèque de prêt.
    Sur les quelques sites de bibliothèques municipales de villes majeures que j’ai consulté, par curiosité, on retrouve toujours le même panorama : les livres de Mme Yagil acquis par ces bibliothèques sont ceux relatifs au génocide des juifs et à la désobéissance civile. Mais pas d’achat pour prêt de ce livre relatif à l’industrie.
    Une sorte de symbole.

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  3. Annick Danjou dit :

    https://www.bvoltaire.fr/a-nice-des-migrants-deployes-sur-une-aire-de-jeux-pour-enfants/

    Pas vraiment en relation avec le sujet mais pour la personne qui pensait que j’étais xénophobe voici un petit rappel de ce qui se passe à Nice dont je parle souvent puisque j’y suis et qui peut expliquer que la population ici est remontée à bloc contre tous ceux qui parlent et ne font rien. Estrosi le bon maire de Nice fait afficher de grands panneaux lumineux ventant le mérites de E Philippe en attendant une récompense au cas où !!! Il ne pense qu’à ça, il s’est dernièrement rendu dans le fief du dit Philippe pour le soutenir. Je parle beaucoup avec les gens d’ici qui n’en peuvent plus!

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  4. cyril dit :

    merci de cet article intéressant; voir aussi le livre de JP Cointet « les hommes de Vichy »; il y est fait la différence entre capitulation (on dépose des armes, gouvernement en exil possible) et armistice (cela change l’état diplomatique d’un pays, l’alliance entre la France et l’Angleterre se rompt)

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  5. Gerard Bayon dit :

    Merci H. de cette présentation du livre de Limore Yagil.
    Encore une fois la preuve que nos politiciens ne tiennent hélas absolument aucun compte du passé et de l’Histoire plus généralement.
    J’ai, personnellement et pour en avoir fréquenté professionnellement un certain nombre, la plus grande réserve sur les têtes bien faites notamment celles sortant de l’X.
    Comme partout on y trouve de tout, des types fantastiques et impressionnants par leurs capacités à comprendre, synthétiser, imaginer et se mettre à la portée de leurs interlocuteurs…mais aussi de sombres crétins arrogants, méprisants et même de minables dirigeants préférant s’entêter dans leurs erreurs jusqu’à ruiner les entreprises où ils sévissent.
    On retrouve les mêmes personnages lorsqu’ils deviennent politiciens, sûrs de leur supériorité intellectuelle incontestable puisque le général commandant cette école leur à dit dès le jour de leur arrivée et qu’ils y ont cru comme Jean Bichelonne.

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  6. Gérard.G dit :
    9 juin 2023 à 16:56

    (…) Les religions ne sont-elles pas à l’origine de toutes les misères et guerres de ce monde et ses conséquences… famines et migrations des peuples ?

    Qui me donnera une explication ?

    Bonjour Gérard.G,

    Les religions ne sont pas à l’origine de la révolution française, des guerres napoléoniennes, de 14/18, de 39/45, des guerres d’Indochine, d’Algérie, d’Afghanistan, d’Irak, de Libye, du Mali.

    Les religions ne sont pas à l’origine du conflit israélo palestinien, des guerres du Liban, des guerres RDC/Ouganda/Rwanda, du conflit Ukraine-Russie.

    Mais souvent les responsables des guerres veulent Dieu dans leur camp et ils peuvent se servir des religions pour justifier leurs guerres.

    Voici le point de vue d’un religieux sur les guerres passées et présentes:

    http://yallahcastel.fr/Blog/index.php?article773/en-marche-vers-de-nouvelles-guerres

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    • Monique dit :

      Bonsoir A.Lugardon, vous avez raison mais vous oubliez l’islamisation de l’Europe qui, elle, sera la pire des guerres de religion. Cordialement.

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    • Bonjour Monique,

      Mon jugement de la situation présente est probablement faussé par le fait que mes lieux de vie ne sont pas du tout islamisé et déchristianisé depuis très longtemps.

      A travers les médias je perçois l’islamisation comme un danger surtout pour les musulmans. Je serai mort avant mais je pressens un rejet mondial de l’Afghanistan, de l’Iran, de Daesch, d’Al Quaïda qui est en marche même chez les musulmans .

      https://www.albin-michel.fr/la-pensee-islamique-rupture-et-fidelite-9782226182814

      Merci de votre commentaire. Vous avez raison de l’avoir fait.

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    • Pheldge dit :

      un rejet mondial de l’islam rigoriste ? ah … moi je le vois plutôt gagner du terrain, à travers une pratique religieuse plus affirmée, sous le regard admiratif de la gauche bien pensante, et le regard honteux de la droite, qui tremble se fait dessus, à l’idée d’être traitée d’islamophobe raciste.

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    • lugardon dit :

      Non Pheldge des milliards d’êtres humains ne sont pas dans la mouvance Daesch, Al Quaïda et l’Ir

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    • lugardon dit :

      Non Pheldge des milliards d’êtres humains ne sont pas dans la mouvance Daesch, Al Quaïda et l’Iran et l’Afghanistan n’ont pas tant d’alliés que ça. Les médias amplifient leur existence et leurs méfaits. Je ne le verrai sans doute pas et je serai mort avant mais ils finiront par se faire balayer.

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  7. Eric Lhorte dit :

    Vouloir produire même en France pour les Allemands, à cette époque, n’était-ce pas de la collaboration ? Speer et Riefensthal étaient des piliers du nazisme, sûrement les plus perfides et insidieux, qui ont su échapper à la justice par complaisance pour leur influence « culturelle ». Avoir des sympathies pour Speer sous l’occupation est un fait accablant. Bichelonne doit être jugé moralement à l’aune de ceux qui ont payé de leur vie pour de véritables actes patriotiques : faut il les comparer à un haut fonctionnaire français mort à Sigmaringen d’une opération orthopédique pratiquée par un chirurgien SS ? Il ne peut pas y avoir de confusion avec Jean Moulin et consorts. Bichelonne, et malheureusement tant d’autres ne méritent que le déshonneur. Lire « Une jeunesse française » pour édification. Même Céline était lucide de cet état de fait.

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    • Bonjour Eric, merci pour ton commentaire!
      Amitiés
      Maxime

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    • Mildred dit :

      Merci Monsieur Lhorte pour cette bouffée d’air pur car lisant cet article j’étais au bord de l’asphyxie !

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    • Gribouille dit :

      Personnellement, je n’ai pas (ou pas encore) d’avis sur Bichelonne. Mais ce que le billet veut dire, c’est peut-être ceci :

      Vers la fin de la 1ere guerre mondiale, les Allemands occupant le Nord de la France ont pillé l’ensemble de la zone : arbres fruitiers coupés, mines inondées, machines des usines déménagées en Allemagne…

      A un habitant qui l’interrogeait sur cette attitude, un officier allemand répondit, avec hauteur, qu’ils avaient conscience d’avoir perdu la guerre, et qu’ils s’employaient donc à se préparer à gagner la paix qui allait suivre.

      A partir de 1943 au plus tard, la guerre était perdue pour l’Allemagne. On peut donc considérer que produire pour l’Allemagne à cette date pouvait donc, éventuellement, pénaliser les Russes, Anglais et Américains, mais pas autant les Français.
      Au contraire, comme l’indique le billet, cela pouvait limiter les déplacements de travailleurs français au STO, et cela pouvait aussi contribuer à garder quelques industries en France.
      Cela a au moins été le cas pour l’aviation, un bureau d’étude ancêtre de Dassault ayant par exemple été maintenu en zone sud et ayant pu continuer à suivre les fortes évolutions technologiques qui ont eu lieu dans ce secteur à cette époque.
      Les Russes, les Américains et les Anglais pourraient donc avoir plus de reproches envers cette attitude que les Français.

      Les anglo-saxons n’ont pas été eux-mêmes au dessus de tout reproche dans l’entre deux guerres (pressions sur la France pour que l’Allemagne puisse réarmer, que la France renonce aux réparations liées aux pillages mentionnés plus haut, etc, etc…) :

      « « Quand on a de tels alliés, on n’a pas besoin d’ennemis ! » constate Gérard Araud dans cette relecture inédite de l’entre-deux-guerres. Un regard passionnant sur cette période cruciale où la France,lucide et terriblement seule, se battait pour sauver la paix. »

      Quant aux Russes sous le soviétisme…

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  8. Gribouille dit :

    « A sujet, on pourrait évoquer l’émergence d’un état dit profond qui dirige le pays en dépit des alternances politiques. »

    Non, on ne pourrait pas.
    La technocratie, au sens des ingénieurs, est en grande partie une chose du passé, compte-tenu du libéralisme en faveur depuis les crises pétrolières.
    Ce que les gens qualifient d’Etat profond, c’est tout autre chose, cela concerne plutôt les administratifs au sens large, y compris les juges, etc.

    Donc cela n’a pas grand chose à voir.

    Que l’économie dirigée, rendue plus nécessaire par le désastre de la crise de 29, ait, en France, eu une période de faveur coïncidant avec Vichy incite parfois à des raccourcis faciles. C’est oublier que cela a eu lieu ailleurs dans les pays développés, avec partout un bilan très favorable.

    Les libéraux idéologiques ont repris le dessus, y compris dans ce que vous appelez « l’Etat profond », du fait des crises pétrolières, et chacun peut constater qu’ils nous conduisent dans le mur.
    Tout en vociférant, bien sûr, que la France est « aux antipodes de tout libéralisme » du fait des dépenses publiques (essentiellement « sociales », retraites notamment), que par ailleurs ils refusent de réduire lorsque l’occasion se présente.

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    • Pheldge dit :

      et toujours cet acharnement à appeler libéralisme, ce qui n’en est absolument pas …

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    • Gribouille dit :

      Tiens, encore un (comme l’auteur du blog) qui a du mal à admettre que son idéologie de référence ne marche pas.

      Privatiser les entreprises publiques, favoriser la concurrence économique, augmenter l’ouverture des frontières, permettre aux entreprises de délocaliser chez nos concurrents, entre autres, voici assurément des mesures relevant du libéralisme ?

      Eh bien d’une part ces mesures ont été prises depuis les années 1970, et d’autre part leur échec est manifeste.

      Les seules réponses des libéraux consistent donc à dire que tout marcherait mieux s’il y avait encore plus de libéralisme (c’est M. Tandonnet qui veut baisser les impôts, sans toutefois pousser l’audace jusqu’à nous dire comment il le fera s’il ne touche pas aux retraites), ou que ce n’est pas le vrai libéralisme (vous-même).
      Les communistes avaient déjà été acculé à produire ces deux réponses, et la suite de leurs affirmations ne devrait pas vous rendre optimiste concernant l’avenir du LIBERALISME.

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    • H. dit :

      Gribouille,

      J’ai l’impression que vous avez mal lu. Notre société est restée très proche de Vichy dans l’esprit. Qualifier la Macronie de libérale est un contre-sens complet (exemple, l’immobilier domaine où l’imbécilité politique se lâche au grand détriment des citoyens de ce pays : https://h16free.com/2023/06/12/74529-voila-qui-tombe-a-pic-une-nouvelle-claque-pour-limmo-en-france) :
      « Les réflexions qui ont eu cours en son sein ont conduit X-Crise à un antilibéralisme assez affirmé et à son ralliement à l’économie dirigée. La fameuse troisième voie entre capitalisme débridé et socialisme absolu, toujours à la mode dans nos sphères politiques et parfois économiques, vient de là. »

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  9. Ulysse dit :

    On n’a pas forcément le temps de tout lire, ni la volonté, ni l’énergie.
    Aussi merci Monsieur Tandonnet de prendre régulièrement le temps de mettre , en les résumant, ces pages d’histoire à la portée de vos lecteurs

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  10. laregie41 dit :

    Enfin un article dépeignant le régime de Vichy qui est conforme à mes souvenirs familiaux. Mon grand-père, ex-éclaireur israélite de France, jeune officier d’artillerie, alors qu’on s’apprêtait à le muter sur batteries anti-aérienne à l’arrière de trains, est allé au Ministère des armées à Vichy expliquer à un officier qu’il s’y refusait, étant Mosellan et foncièrement patriote. Son interlocuteur, qui l’était tout autant, l’a muté à l’Ecole de Gendarmerie repliée sur Pau.
    Chacun faisait ce qu’il pouvait là où il était, avec les boches sur le dos, et pas mal de singes hurleurs contemporains, qui n’ont certainement pas le même degré de patriotisme, ont tendance à l’oublier.
    Le recours en temps de guerre ou de crise à un pouvoir autoritaire et centralisateur est un réflexe très ancien. C’est ni plus ni moins que la justification des périodes de dictature dans la Rome antique, au sens juridique romain.
    Vous citez à nouveau Robert Paxton dans votre article. Qu’il me soit permis de reprendre un autre souvenir familial à propos de cet individu, officier de renseignement militaire de l’US Navy, que mon père a vu traîner avec appareil photo en soi-disant promenades botaniques à l’Ile Longue, à l’époque du lancement de nos premiers SNLE.
    Or 30 ans après, sitôt qu’on parle de Vichy en France, on marche dans du Paxton. Vous comprendrez naturellement que les écrits et plus encore les réflexions morales sur Vichy d’un espion qui a œuvré contre la France ne devraient avoir aucune valeur aux yeux de tout patriote.

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    • charlymesdoun dit :

      J’éspère que Zemmour vous a envoyé un grand bisou! Dire qu’en 2023 on ait besoin de lire les élucubrations d’un espion américain, comme une certain Monet et accolite de Robert Schumann, pour (essayer de) comprendre notre histoire!

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    • laregie41 dit :

      Euh, je ne vois pas trop ce que Zemmour vient faire parmi mes expériences familiales.

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    • Pheldge dit :

      Paxton est désormais LA référence sur cette période, et malheur à celui qui ose douter de son évangile …

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  11. Stephane B dit :

    Bonjour

    Un billet fort instructif, comme toujours ici puis-je dire.
    Merci H et Maxime.

    Il est fort dommage que cette économie dirigée, cet étatisme non-caché, ne saute pas à la vue de nos con-citoyens.
    Manque de culture ? Peur de prendre du recul tel le benêt suivant bêtement la voie de son maître dans une soumission librement consentie, permettant de ne pas prendre ses responsabilités.

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    • Pheldge dit :

      Gribouille a parfaitement résumé la pensée officielle : tout ça c’est la faute au libéralisme ! après une telle affirmation, on ne s’étonne plus de rien.

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  12. there dit :

    Livre sans doute passionnant. Un mot sur cette spécificité bien française : le caractère hypnotique de cette école sur beaucoup de français (polytechnique « moultipass » ai-je coutume de dire) , prestige qui dégouline sur les conjoints , les enfants , les amis , les parents … et pourquoi pas sur le chien pendant qu’on y est; le primat de l’intellect sur tout autre chose chez nous français le reste étant supposé ne pas exister ou relever du vaudou car non mesurable scientifiquement (ha ha), le choix de La Science comme valeur cardinale aux dépens du reste. La science est pourtant d’aucune aide face à des choix de vie. Vous écrivez qu’il manquait de « sens politique » , je pense qu’il manquait de sens tout court . Le sens ,chez certains de nos compatriotes est hypothétique, conjoncturel et même chargé de suspicion. Bien sûr cette école (et la constellation qu’elle forme avec toutes les autres écoles d’ingénieur ) n’est pas que cela , c’est aussi une formation à l’excellence et une possibilité de s’élever faisant fi des origines sociales, ce n’est pas rien.

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  13. Ping : Lecture: Jean Bichelonne 1904-1944 un polytechnicien sous Vichy, entre mémoire et histoire, Limore Yagil, éditions SPM – Qui m'aime me suive…

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