La guerre (par Julien Aubert, député LR du Vaucluse)

Ma génération n’aurait jamais cru assister à ceci : une guerre aux portes de l’Europe, avec un scénario qui ressemble à celui des années 30. La Géorgie, c’était les Sudètes ; l’Autriche, l’Ukraine.

Comparer n’est cependant pas confondre. Vladimir Poutine avait prévenu dès 2007 l’Europe. C’était à Berlin, au bundestag. Si l’OTAN menaçait de rentrer dans la zone d’influence russe, il ne se laisserait pas faire. Vladimir Poutine espérait alors la finlandisation d’une partie des territoires intermédiaires.

Washington n’a pas été sensible à cette menace voilée. Les Americains depuis 1990 ont poursuivi une politique visant à élargir l’OTAN pour empêcher la résurgence d’une Russie qu’ils perçoivent comme un adversaire stratégique, suivant des théories géopolitiques qui datent du milieu du siècle dernier : la puissance continentale doit être enserrée et ligotée dans un réseau d’alliances.

Cette politique a conduit à l’exact contraire, en poussant Moscou dans ses retranchements. La Russie a choisi de se frayer un chemin vers les mers chaudes et de prendre le contrôle de son espace proche, en rassemblant sous sa houlette des peuples russophones ou russophiles, minoritaires en Georgie, Ukraine ou Moldavie.

Les principales victimes de cette partie d’échecs sont le droit international public, le système de sécurité collective des Nations Unies et l’Europe.

En 1999, les Américains ont poussé à l’indépendance du Kosovo pour affaiblir la Serbie orthodoxe. Cela a été le point de départ du réveil russe, car cette indépendance réalisée en pleine violation du droit des Etats a suscité ensuite le sans-gêne juridique russe en Georgie.

Le système de San Francisco est cliniquement mort, et le multilatéralisme avec lui. Les Etats-Unis se sont affranchis à de multiples reprises du droit en déclarant la guerre à qui ils souhaitaient (l’Irak en a été le symbole le plus éclatant). Désormais, c’est la Russie qui met en pièces l’Ukraine. Demain ce sera la Chine.

Ne restent que les vieilles puissances européennes, militairement dépassées par les Etats-Unis mais aussi la Russie, qui s’accrochent au droit en pensant qu’ils protègent de la puissance. En nous alignant sur les intérêts géostratégiques de l’OTAN, en refusant de bâtir un pilier européen ou même une alliance militaire européenne distincte, en entrant en conflit commercial avec la Russie, nous nous sommes mis dans une impasse.

Cela ne signifie pas qu’il aurait fallu coller aux pas de Vladimir Poutine. Je ne partage pas l’émerveillement de Donald Trump à voir un dirigeant politique fouler aux pieds la souveraineté d’un pays et Eric Zemmour, qui a beaucoup expliqué que son modèle était Poutine et que la Russie n’attaquait presque jamais, ferait mieux de revoir ses sources d’inspiration.

L’Europe a perdu sur toute la ligne : elle perd la paix à ses frontières, elle va perdre au plan de sa dépendance énergétique, elle va subir les foudres commerciales russes. Emmanuel Macron n’est pas responsable au premier chef de cette capilotade, même si pour mettre en scène et accréditer ses démarches, le quai d’Orsay a attendu quelques heures avant l’invasion pour demander aux français de quitter le pays.

La seule critique que je ferai est qu’il aurait dû clairement opposer son veto il y a plusieurs mois à l’entrée de l’Ukraine dans l’OTAN. C’était le seul message que Vladimir Poutine aurait pu entendre.

Nous ne sommes pas prêts à affronter la Russie, pas même les américains. Si cette lucidité était venue plus tôt, nous aurions pu éviter ce drame. J’ai une pensée pour le peuple ukrainien qui va souffrir de nos ambiguïtés. Il est grand temps que la France reprenne une posture diplomatique favorable à ses intérêts. Une posture gaulliste, ni alignée sur Washington, ni hypnotisée par Moscou.

JA

A propos maximetandonnet

Ancien conseiller à la Présidence de la République, auteur de plusieurs essais, passionné d'histoire...
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92 commentaires pour La guerre (par Julien Aubert, député LR du Vaucluse)

  1. Zonzon dit :

    « Pour Poutine appuyer sur un bouton nucléaire c’est comme appuyer sur un bouton d’ascenseur »
    Galia Ackerman LCI 25 février 18h50

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    • « Du virus au vil russe. Changement de battage médiatique. »J’aime votre formulation que je vais partager autour de moi. Mon sentiment ce matin c’est que les droites françaises ne font pas mieux que les gauches françaises. Les gilets jaunes n’ont pas été soutenus ni par les gauches ni par les droites. Les questions que je me pose depuis quelques jours : jusqu’où va aller Poutine? comment vont réagir les Français? Les pays d’Europe?

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    • Citoyen dit :

      « Du virus au vil russe »
      Le jeu de mot est intéressant, nicolasbonnal, mais il ne faudrait pas confondre le vil russe et Poutine, qui ne se superposent pas exactement …

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