Accélération de la décomposition politique

« M. Philippe Bas (…) ce petit marquis, m’impose aujourd’hui de venir devant lui, sinon il m’envoie la police ou la gendarmerie. (…) Ce sont des petites personnes qui n’ont aucun droit, et aucun respect pour la République française et la démocratie. (…) Le Sénat français, qui bafoue les règles constitutionnelles de notre pays, très sincèrement, je vous le dis franchement, je n’ai aucun respect pour eux. » La désintégration générale de la politique française s’accélère. Dans l’histoire de la République, jamais (à ma connaissance) un membre du cabinet élyséen n’avait été convoqué devant  une commission parlementaire. Sur le plan juridique, la situation n’est pas évidente. L’Elysée est en principe un prolongement du chef de l’Etat. Ce n’est pas un ministère, une partie de l’exécutif, un organe gouvernemental comme les autres, soumis au contrôle du Parlement. En principe, l’Elysée est dans une position d’arbitre, au-dessus de la mêlée.  Mais la pratique en veut autrement. La présidence de la République, désormais banalisée, au centre de la vie politicienne au quotidien, fait de facto office d’organe d’exercice du pouvoir exécutif. Dès lors, au regard de cette évolution de la vie publique, « le Château » plongé dans la politique quotidienne, se trouve tout naturellement soumis au contrôle parlementaire. Au-delà du droit constitutionnel, qui ne me paraît pas apporter de réponse claire, les événements en cours procèdent d’ une question de rapport d’autorité. Le défilé de responsables élyséens devant cette commission, sans aucun précédent, marque l’affaiblissement de l’autorité élyséenne devant le Sénat. Le paysage dévasté de la politique française tourne à la scène surréaliste: aujourd’hui, M. Benalla, mécontent d’être convoqué, se livre à un déchaînement d’insultes publiques envers les sénateurs, dont le rôle, faut-il le rappeler, en tant que parlementaires, est de représenter et d’incarner la Nation. Le prestige de la fonction présidentielle – au-delà de l’actuel occupant du Palais – ne cesse de s’effriter au regard du pays. Sur ce champ de ruines, le Gouvernement a quasiment disparu. L’Assemblée nationale n’existe plus, sinon dans la course aux prébendes. Le principe même d’autorité et de responsabilité est en miettes. La Nation, sidérée, écœurée, ne fait plus confiance à personne. Il reste le Sénat, comme un dernier repère dans la tempête. Jusqu’à quand? Un long processus de décomposition de la politique française, engagé depuis 2011 et l’affaire DSK, poursuit son oeuvre dévastatrice. Que peut-il en sortir: une poursuite indéfinie de la désintégration, supposant qu’un pays peut vivre sans politique nationale, ou bien une explosion, sous une forme ou sous une autre? Et quand? Si nous le savions…

Ci dessous  deux contributions à Atlantico sur des sujets connexes:

A propos maximetandonnet

Ancien conseiller à la Présidence de la République, auteur de plusieurs essais, passionné d'histoire...
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27 commentaires pour Accélération de la décomposition politique

  1. Georges dit :

    J’m’en va m’procurer une tite babiole pour rafistoler l’Elysée.

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  2. Sganarelle dit :

    A part les riches favorisés je crois en effet que les citoyens ordinaires sont moins stupides que le pense la classe dirigeante et le culte narcissique présidentiel commence à agacer d’où les mauvais sondages.
    On commence à attendre ses résultats
    Nous sommes au théâtre comme Pie VII face à Napoléon dans sa phase «  comediante » et à chacunes des multiples apparitions du président on peut se demander quel rôle il a choisi et comment il va l’interprêter , la dernière version des Misérables avec presque des trémolos dans la voix et mines adéquates avec la découverte des pauvres est un pur chef d’oeuvre et lorsqu’il avoue (presque) ses fautes en disant qu’à l’inverse du début du quinquennat il a pris conscience du problème il mérite un Oscar.
    A souhaiter que la phase « tragediante » n’arrive pas plus vite qu’on ne pense

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  3. xc dit :

    Il faut revenir à l’élection du président par un collège, comme prévu en 1958. Ainsi, l’élu ne se sentira pas légitimé pour sortir du cadre du titre II de la constitution:
    https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=LEGITEXT000006071194#LEGISCTA000006095822
    Je sais bien « le diable est dans les détails », la composition du collège risque de donner lieu à débats animés.
    Cette réforme sera un avertissement aux futurs candidats pour qu’ils respectent la lettre de la constitution. Et elle est indispensable car les Français ne se déplaceront pas en masse pour voter pour des candidats qui ne leur parleront pas du chômage, du pouvoir d’achat, de la sécurité, et j’en passe.
    Et ce que fait actuellement le président hors de ses attributions normales reviendra au premier ministre, comme prévu par la constitution.

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  4. François Martin dit :

    De mieux en mieux: Macron aurait appelé le président du Sénat pour se plaindre !
    Au fait, pour qui se prend-il, ce président du Sénat, institution de l’ancien monde, pour oser mettre son nez dans les affaires jupitériennes?
    https://www.lejdd.fr/politique/affaire-benalla-emmanuel-macron-a-appele-gerard-larcher-pour-se-plaindre-3754448

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  5. artofuss dit :

    « La Nation, sidérée, écœurée, ne fait plus confiance à personne ». C’est le plus grave de ce que vous décrivez, car des institutions peuvent se modifier plus facilement que ne peut être réparé le désarroi (désespoir?) de la population. Un point mérite d’être particulièrement souligné: la perte de confiance dans les media « classiques », unique source d’information pour la plupart des gens qui n’ont pas le loisir d’aller chercher sur Internet quelques vérités. Journalistes et politiciens sont désormais mis dans le même sac et c’est très grave car les uns sont, dans une démocratie qui fonctionne encore, les compléments, voire les antidotes des autres…Il n’y a plus dans mon coin de « France profonde », de réactivité citoyenne mais une lassitude résignée ( « ils »…) plus qu’un colère qui monte.
    Dernier épisode du désamour: le vote de LR au Parlement européen contre la Hongrie: tout le monde ici espérait autre chose, pas forcément par sympathie pour Orban, mais comme marqueur symbolique face au problème, absolument primordial dans les esprits, de l’immigration de masse. Or ce vote déjà étrange pour beaucoup, est salué comme une victoire par les « grands media »… »Ils » sont donc tous d’accord, pense le bon peuple, CQFD.

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  6. Janus dit :

    Les institutions de la Ve république ont été définitivement dévoyées par les deux septennats de François Mitterrand, qui par tous les moyens directs et indirects, a fait en sorte que la construction du gal De Gaulle soit jetée à bas, tellement il exécrait son fondateur qui lui était éminemment supérieur. Et comme tous les médiocres, il s’est entouré de médiocres et d’escrocs, lui étant le premier d’entre eux. Dans cette œuvre de destruction, la fausse droite (Chirac,Juppé et Sarlosy et tous les seconds couteaux de leur suite) lui a apporté un concours sans faille et on ne doit pas dater l’effondrement de 2011, mais bien de 1981. C’est sous Mitterrand que tout a été mis en place pour ruiner la France à l’intérieur et en faire un nain a l’extérieur. Depuis, les choses vont leur chemin dans le sens impulsé par l’arsouille.
    Cette époque est aussi celle de la prise de pouvoir de certaines élites économiques que l’on voit à la manœuvre dans le camp Macron (Bebear et l’institut Montaigne, inspirateur d’une partie du « programme » de Macron, Arnault,Levy, Bergé,Niel, Pinault etc.)

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  7. Sganarelle dit :

    Et voilà un comble de plus
    Notre président qui comme nous le constatons chaque jour a le cœur sensible nous associe à son mea culpa concernant les tortures infligées par nous en Algérie.. de quoi rassembler les Français en cette période de terrorisme et raviver d’anciennes querelles qu’il est bon de ne pas oublier.. comme si la torture avait été à sens unique ..mais il y a de moins en moins d’électeurs qui s’en souviennent et une raison de plus pour blâmer la France ça ne se refuse pas !
    Et dans la foulée un cadeau de 8 milliards pour les démunis
    Et nous ne sommes pas contents
    Les députés godillots commencent à réfléchir et les pauvres aussi et chacun sait qu’un «mécontent c’est un pauvre qui réfléchit »

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  8. Mildred dit :

    Monsieur Tandonnet,
    Par curiosité j’ai tapé les mots « décomposition politique » sur votre moteur de recherche qui m’a renvoyé à quarante articles en comptant celui d’aujourd’hui !
    Que pouvons-nous en conclure, sauf à constater que vous tournez en rond depuis des années, sans pouvoir, ne serait-ce qu’ébaucher, la plus petite solution qui pourrait nous aider à sortir de ce marasme ?

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    • Mildred, oui, je le fais aussi, faites une recherche sur « solution », je suis sûr que vous allez en trouver.
      MT

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    • Mildred dit :

      Monsieur Tandonnet,
      J’ai suivi votre conseil et suis entrée sur un article du 11 avril 2017, intitulé :  » La vérité sur les élections de mai-juin ». Et voilà ce que j’ai pu lire :

      « … Quel que soit le vainqueur des élections présidentielles, il est très improbable qu’il bénéficiera d’une majorité politique stable, cohérente et durable à l’Assemblée nationale. Seule l’hypothèse Fillon permettrait sans doute de se rapprocher du modèle qui prévalait jusqu’à maintenant. Mais élu dans la douleur, rien n’indique qu’il bénéficierait d’une assise parlementaire soumise et obéissante comme ce fut le cas la plupart du temps des précédents chef de l’Etat. M. Macron, en candidat droite-gauche, sans parti, ne pourrait en aucun cas s’appuyer sur un socle de députés dominant l’Assemblée nationale…  »

      Vous comprendrez sans doute pourquoi j’ai arrêté là mes recherches !

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    • Mildred, oui, vous avez raison de me rappeler un point où je me suis bigrement trompé, en omettant toutes les fois où les faits m’ont donné raison… Cela dit, sauf le respect que je vous dois, vous me racontez des histoires car en faisant une recherche avec le mot « solution » comme je vous l’avais conseillé, je trouve une infinité de billets, commençant par un du 7/02/2014 sur la « dissolution » mais en aucun cas sur celui que vous citez si gentiment à mon égard! Décidément l’instinct de manipulation se retrouve partout, de la base au sommet!

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    • Mildred dit :

      Monsieur Tandonnet,
      Je récuse fortement et totalement votre accusation de « manipulation ». Le premier article qu’on trouve en tapant « solution », est un long lamento qui s’intitule : « L’horreur idéologique » daté du 4 avril 2017, auquel j’avais répondu :

      « … Qu’est-ce d’autre que de l’individualisme assumé quand, à la question sur l’emploi de sa famille, ou de ses costumes, François Fillon répond : « C’est légal ! » ou « Et après ! » ? Où trouve-t-il l’audace de dénoncer un « cabinet noir » quand il a lui-même essayé d’actionner le-dit cabinet, pour éliminer l’ancien président de la République de la compétition des primaires ?
      C’est à ces questions que les Français essayeront de répondre dans les urnes.
      Mais rassurez-vous, ce matin une nouvelle essentielle fait la une de la politique : si Macron se trouve face à Le Pen au second tour, Fillon et ses amis voteront Macron !… »

      Le second article est bel et bien celui que j’ai cité : « La vérité sur les élections de mai-juin » !

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    • Mildred, en faisant une recherche sur « solution », je trouve tout autre chose et une page commençant par une tribune du 07/02/2014… Nous n’allons pas y passer la journée. Et ne vous laissez pas bêtement enfermer dans un choix entre la peste et le choléra que le « système » cherche déjà à vous imposer.
      MT

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    • Mildred dit :

      Pour l’instant, monsieur Tandonnet, les seuls qui se soient « bêtement » laissés enfermer par le « système » sont ceux qui ont voté pour Macron au second tour de la présidentielle !

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    • Mildred, peut-être, mais le « système » ne leur avait pas laissé grand choix entre un pitre et une semi-débile.
      MT

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  9. François Martin dit :

    Ajoutons la défense inouïe de M. Benalla par la ministre de la justice. La décomposition s’accélère en effet, avec un président de l’Assemblé nationale qui préfère devenir ministre, remplacé par un proche de M. Macron, comme si l’inféodation du parlement au président n’était pas déjà suffisante. Par ailleurs, la justice n’est manifestement pas la même selon qu’il s’agit de M. Fillon ou de M. Ferrand.
    Le poisson pourrit par la tête!

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  10. Bruno Adrie dit :

    Benalla incarne la présence décomplexée d’une racaille inculte et violente au somment d’un Etat décimé par la décadence. Il manque un Juvénal pour faire un portrait immortel de cette décomposition.

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  11. Florence dit :

    Arrogance de Benalla, Ferrand au Perchoir. le seul mot qui me vient est Dégoût.

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  12. Citoyen dit :

     » L’Assemblée nationale n’existe plus, sinon dans la course aux prébendes.  »
    Ah, voila une formulation qui me parle !…
    En fait, cela déjà fait pas mal de temps que beaucoup n’ont pour seul objectif que de faire carrière en politique …

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