1940, témoignages pour l’histoire

Ci-dessous, trois extraits de témoignages intéressants, recueillis sur ce site, relatifs aux années 1940-1945.

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Originaire du Nord, j’ai connu l’exode, décidé le 18 mai par un cousin veillant sur nous en une heure de temps après une nuit de bombardements par les Stukas, un exode qui d’étapes en étapes nous a conduits jusqu’en Gironde où nous étions pour entendre Pétain annoncer les pourparlers d’armistice, annonce pour laquelle, loin du soulagement si souvent évoqué, j’ai vu pour la première fois les adultes pleurer. Et dès le surlendemain, nous avons franchi la ligne de démarcation pour aller en Provence, ma famille ne pouvant supporter l’idée de rester sous le contrôle de la « botte ».

Pendant ce temps, mon père fait prisonnier lors de l’encerclement de Dunkerque, n’imaginera pas un autre destin que libre et français, s’évadera à trois reprises avant d’atteindre l’Allemagne et ses camps, et finira par nous retrouver en septembre 1940. Dès novembre, il deviendra, en sus de sa nouvelle activité professionnelle pour nous nourrir, un messager d’un réseau de renseignements créé par un cousin, transmettant des infos recueillies à Vichy pour l’IS à Genève. Et quand ce réseau sera éventé et dissous fin 42, mon père via l’Espagne et l’AFN rejoindra De Gaulle, la Grande Bretagne, et les troupes de choc.

Il me semble que pour beaucoup, il y avait donc beaucoup de possibilités pour faire, ce qui a longtemps tardé ! Et de l’attitude des gens alors, autant je garde le souvenir de toutes les précautions indispensables pour survivre que nous avons dû prendre à l’égard des « puissants » (et j’entend par là tous ceux investis d’une autorité « légale »), autant des gens simples nous auront « protégés », me laissant à penser que, à titre de comparaison, il y a eu certainement beaucoup plus de « Justes » que le nombre de ceux effectivement honorés. Mais que plus les gens se trouvaient « hauts placés », plus ils ont été lâches et profitant de la situation, surtout si celle-ci était nouvellement acquise à la faveur des événements.

ADB

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VAE VICTI
J’ai vécu cette période , celle des « jeux interdits » j’étais sur les routes dans la grande débâcle qui était le résultat de l’arrivée des troupes allemande , essayant d’échapper au mitraillage des avions italiens alors alliés des allemands et essayant de trouver asile n’importe où . Comme beaucoup de mes contemporains j’emploierai le verbe « subir  » et non « agir » et tant pis si on nous traite de lâches c’est facile après coup mais la plus grande partie de la population d’alors ne faisait pas comme on le dit maintenant partie de la résistance ou des collabos mais essayait de survivre au mieux pour se nourrir et d’échapper aux bombes.

Ce que j’entends ou je lis maintenant est très loin de ma vérité . Mon père blessé à Verdun et croix de guerre en 14 ( ( et ça valait quelque chose) n’était pas un collabo et personne ne l’était au moment de l’armistice mais je me souviens parfaitement du consensus général pour l’arrêt des hostilités avec le cri de soulagement aux annonces télévisées de Pétain . Nous étions effondrés par la défaite mais soulagés et nous ne pensions pas que Pétain était un traître.

Avec quoi pouvions nous résister ? Avec quelles troupes ? Ceux qui fuyaient et qui nous doublaient sur les routes de l’exode ? Nous courions à l’anéantissement , la ruine , l’enfer devant une guerre qui pour la première fois impliquait les civils. Facile toujours de réécrire l’Histoire après coup et surtout de porter un jugement .

Sganarelle

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Intéressants ces témoignages. Je vais vous faire part du mien, Mon père était de l’assistance publique, il fut placé dans une famille d’accueil peu après sa naissance,, famille où il fut choyé jusqu’à ses treize ans . A 13 ans il fut enlevé de sa famille pour aller travailler, tel était le sort des enfants de l’assistance. A savoir qu’à cette époque être de l’assistance c’était être un paria, les gens les méprisaient, car ils étaient les enfants dit du « Péché ». La famille d’accueil où il fut placé en 1934 était une famille qui méprisait les enfants de l’assistance. Son lit était dans le grenier à foin, où il avait en tout et pour tout une bassine et un pichet d’eau, il travaillait 14 heures par jour et on lui donnait à manger des patates bouillies et du gras de viande. Il fit une deuxième famille où là aussi il logeait dans l’écurie et où les conditions de vie étaient les mêmes. Beaucoup de gens l’insultaient, le traitaient d’enfant de rien. En 1940 ces gens virent d’un bon œil l’arrivée des allemands considérant qu’ils allaient mettre au pas les jeunes et notamment ceux de l’assistance. Mon père rencontra en 1941 un homme qui voulait le faire rentrer dans la résistance. Il refusa et lui dit : « Tu ne crois pas que je vais risquer ma vie pour un peuple qui me méprise, qui m’humilie, que ce soit les français où les allemands, pour moi il n’y a pas de différence » Fin 1941 il fut pris par la patronne d’une ferme dont le mari était prisonnier en Allemagne, il eut le statut de chef de culture, ce qui eut pour conséquence de ne pas être pris pour le STO. Pour lui aucun regrets de ne pas avoir fait la résistance pour des raisons que je peux comprendre.
Il est à noter toutefois que c’est grâce aux services allemands qu’il sut où il était né exactement et qui était sa mère. Les recherches furent faites pour savoir s’il n’était pas juif ou d’origine juive.

De l’autre côté, la sœur de mon grand-père à 20 ans fut une résistante de la première heure, après l’appel du 18 juin, elle fut dans un réseau de résistance, elle fit des actions diverses, elle était le garçon manqué de la famille qui comptait 10 garçons et une fille (elle). Dans cette ville de Charente-Maritime la collaboration était très élevée, d’ailleurs peu de gens de cette époque vivant dans cette ville veulent parler de cette période. Ma tante a vu des atrocités faites grâce à la collaboration. Et au moment de la libération, beaucoup de ces collabos devinrent des résistants de la dernière heure, qui firent le nécessaire pour éliminer des gens qui pouvaient témoigner de leur collaboration. Ma tante faillit perdre la vie à cause d’eux. Et le gars collabo qui voulait sa peau fit à partir de 1952 une carrière politique. Elle essaya de dénoncer ses actions pendant l’occupation mais rien n’y fit.
Ensuite, elle a vu ceux et celles qui furent traités de collabos, simplement par vengeance ou pour régler des comptes de famille et ceux-ci furent hélas les plus nombreux, c’était le temps de la purge.
Pour résumer entre mon père et ma tante deux façons différentes de rentrer dans ce conflit, et ma tante n’a jamais tenu rigueur à mon père de son attitude, elle la comprenait.

Philippe

A propos maximetandonnet

Ancien conseiller à la Présidence de la République, auteur de plusieurs essais, passionné d'histoire...
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11 commentaires pour 1940, témoignages pour l’histoire

  1. Georges dit :

    Les générations se succèdent et se ressemblent .

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  2. Philippe dit :

    Bonjour à tous,
    Suite à ces témoignages et discussions où nous voyons cette période troublée
    Je ne puis m’empêcher de faire le parallèle avec aujourd’hui.
    Mon père bien que de l’assistance et méprisé à l’époque par une partie des français ; avait un grand mépris pour les collabos.
    Car durant son enfance, à partir du moment que des bêtises ou des larcins étaient faits les enfants de l’assistance étaient automatiquement désignés.
    Il en eut beaucoup souffert.
    Il vit les délations souvent mensongères de la grande purge en 1945.
    Aujourd’hui est-ce bien différents, où les réseaux sociaux sont un vivier de délations, de diffamations.
    Ce lynchage médiatique lorsqu’un individu à l’outrecuidance de penser différemment.
    Ces réseaux sociaux et cette télé où des bien-pensants nous parlent ce cette période du nazisme sans l’avoir connu et la mettent à toutes les sauces. Certains en modifient même l’histoire.
    Certains vont même se pavaner à Oradour sur Glane par clientélisme et électoralisme.
    Réseaux sociaux qui se veulent justice et annoncent leurs propres verdicts. Dans une France où le secret de l’instruction est allégrement bafoué.
    Le dernier en date « Balance ton porc » où l’on trouve tout et n’importe quoi. Réseaux sociaux responsables de la mort de jeunes adolescents victimes de propos diffamatoires.
    Beaucoup voientt leur vie basculer à cause des réseaux sociaux, et peut-on appeler cela « Réseaux sociaux » ? Là est la question que je me pose !

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  3. H. dit :

    Bonjour,

    Intéressants témoignages sur une des périodes les plus noires de notre Histoire. « 9 mois de belote, 6 semaines de course à pied » comme l’a écrit Céline.
    Je voudrais simplement tordre le coup à une légende urbaine comme on dit, celle du mitraillage des colonnes de réfugiés par des avions italiens. Les italiens n’ont jamais effectué de telles actions pour la bonne et simple raison que leurs avions n’avaient pas l’autonomie suffisante pour venir du nord de la botte mitrailler les routes concernées par l’exode et y retourner. Qui plus est, si effectivement, le désastre était absolu dans le nord de la France, ce n’était pas le cas sur le front des Alpes où les troupes italiennes ont été contenues sur tous les plans. Il est vrai que j’ai toujours lu ou entendu que leur ardeur dans ce combat n’était pas au top et ceci explique peut être cela. Maintenant, loin de moi l’idée de nier l’existence des ces mitraillages mais quand ils ont eu lieu, c’était des avions allemands qui eux, avaient, l’autonomie et les bases avancées assez près.

    Bon après-midi

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    • Sganarelle dit :

      Nous savions reconnaitre les avions italiens tout au début de l’invasion allemande il n’y avait aucun doute et il ne s’agit pas de les blâmer plus que les allemands tout aussi actifs dans leurs pilonages.
      Peu importe pour nous le mitraillage était le même .
      « Légende urbaine  » dites vous ? Vous y étiez aussi . ?

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    • H. dit :

      C’est tout simplement impossible pour les raisons que je vous ai données. Libre à vous de ne pas me croire mais en juin 40, la Regia aeronautica avait d’autre chats à fouetter (exemple: le 15 juin, l’adjudant Le Gloan abat cinq avions italiens au cours du même combat au-dessus du Luc en provence). Le débat a depuis longtemps eu lieu chez les spécialistes de la question. Maintenant, hors de question de remettre en cause les témoignages sur le mitraillage des colonnes de réfugiés mais ce n’était pas les italiens. Contrairement à ce que vous pensez peut être, le ciel français était loin d’être vide en mai-juin 40 et l’armée de l’air, et de façon moindre l’aéronautique navale, se sont bien battus. Pour les italiens, ça a été à deux doigts de la catastrophe mais l’armistice est intervenu à temps.

      Bonne soirée

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  4. Colibri dit :

    Je trouve les deux textes très forts, intéressants, pleins de sens ainsi que le commentaire de Philippe. Aujourd’hui je crois bien qu’il n’y a plus de dirigeants dans le Monde qui ont vécu la seconde guerre mondiale. Je me trompe? En Europe je crois bien qu’il n’y a parmi les dirigeants dirigeantes actuels qu’Angéla Merckel qui a connu une vie sous une dictature. Je me trompe? Pour l’instant il n’y a pas de troisième guerre mondiale et d’embrasement général mais il y a une multiplication de conflits qui rappellent Guernica, Coventry, Dresde, Hambourg, Berlin. « Quelle connerie la guerre! » (Jacques Prévert)

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  5. Gérard Bayon dit :

    Bonjour à toutes et à tous,
    Dieu merci je n’ai pas connu ces années terribles de guerre et espère peut-être naïvement ne jamais en connaître. Ces deux témoignages sont remarquables de sincérité et de lucidité et montrent que la vérité n’est pas binaire et uniquement celle de ceux qui ont accepté de collaborer avec l’ennemi ou de ceux qui ont résisté, mais celle de chaque Français(e) qui a dû en fonction de son environnement géographique, familial, social…s’adapter pour vivre ou simplement survivre et a peut-être été, pour toutes les raisons que l’on peut facilement imaginer, à un moment passif et à d’autre rebelle voire aussi vindicatif.

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  6. Philippe dit :

    Bonjour à tous et à toutes,

    Intéressant ces témoignages
    Je vais vous faire part du mien, Mon père était de l’assistance publique, il fut placé dans une famille d’accueil peu après sa naissance,, famille où il fut choyé jusqu’à ses treize ans . A 13 ans il fut enlevé de sa famille pour aller travailler, tel était le sort des enfants de l’assistance. A savoir qu’à cette époque être de l’assistance c’était être un paria, les gens les méprisaient, car ils étaient les enfants dit du « Péché ». La famille d’accueil où il fut placé en 1934 était une famille qui méprisait les enfants de l’assistance. Son lit était dans le grenier à foin, où il avait en tout et pour tout une bassine et un pichet d’eau, il travaillait 14 heures par jour et on lui donnait à manger des patates bouillies et du gras de viande. Il fit une deuxième famille où là aussi il logeait dans l’écurie et où les conditions de vie étaient les mêmes. Beaucoup de gens l’insultaient, le traitaient d’enfant de rien. En 1940 ces gens virent d’un bon œil l’arrivée des allemands considérant qu’ils allaient mettre au pas les jeunes et notamment ceux de l’assistance. Mon père rencontra en 1941 un homme qui voulait le faire rentrer dans la résistance. Il refusa et lui dit : « Tu ne crois pas que je vais risquer ma vie pour un peuple qui me méprise, qui m’humilie, que ce soit les français où les allemands, pour moi il n’y a pas de différence » Fin 1941 il fut pris par la patronne d’une ferme dont le mari était prisonnier en Allemagne, il eut le statut de chef de culture, ce qui eut pour conséquence de ne pas être pris pour le STO. Pour lui aucun regrets de ne pas avoir fait la résistance pour des raisons que je peux comprendre.
    Il est à noter toutefois que c’est grâce aux services allemands qu’il sut où il était né exactement et qui était sa mère. Les recherches furent faites pour savoir s’il n’était pas juif ou d’origine juive.

    De l’autre côté, la sœur de mon grand-père à 20 ans fut une résistante de la première heure, après l’appel du 18 juin, elle fut dans un réseau de résistance, elle fit des actions diverses, elle était le garçon manqué de la famille qui comptait 10 garçons et une fille (elle). Dans cette ville de Charente-Maritime la collaboration était très élevée, d’ailleurs peu de gens de cette époque vivant dans cette ville veulent parler de cette période. Ma tante a vu des atrocités faites grâce à la collaboration. Et au moment de la libération, beaucoup de ces collabos devinrent des résistants de la dernière heure, qui firent le nécessaire pour éliminer des gens qui pouvaient témoigner de leur collaboration. Ma tante faillit perdre la vie à cause d’eux. Et le gars collabo qui voulait sa peau fit à partir de 1952 une carrière politique. Elle essaya de dénoncer ses actions pendant l’occupation mais rien n’y fit.
    Ensuite, elle a vu ceux et celles qui furent traités de collabos, simplement par vengeance ou pour régler des comptes de famille et ceux-ci furent hélas les plus nombreux, c’était le temps de la purge.
    Pour résumer entre mon père et ma tante deux façons différentes de rentrer dans ce conflit, et ma tante n’a jamais tenu rigueur à mon père de son attitude, elle la comprenait.

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    • Allouche Véronique dit :

      Que d’efforts abjects pour aller jusqu’à faire des recherches sur l’éventuelle judéité de votre père! Dans cette France antisémite de l’époque, combien de dénonciations qui amenèrent combien de concitoyens à une mort certaine…
      Merci infiniment pour votre témoignage que je ferais lire à mes petits-enfants, du moins à l’aîné de 12 ans. Merci à vous.

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    • Philippe dit :

      Pour l’anecdote Véronique
      Mon père fut convoqué à la mairie pour qu’il puisse dire où il était né. Il le dit au Maire.
      Puis s’en alla. Trois semaines plus tard, il fut convoqué à nouveau à la mairie, où l’attendait un fonctionnaire zélé de la préfecture et deux sbires en imper de cuir et coiffés d’ un chapeau.
      Le maire lui reposa la question, mon père lui dit la date 21 /02 /1921 à La Rochelle. Le fonctionnaire lui dit « Ce n’est pas vrai nous avons fait des recherches. » Il lui reposa la question » où êtes vous nés? Mon père lui dit : » J’étais tellement ému ce jour là que je ne m’en rappelle plus! »
      Les deux sbires lui dirent: « Tu cherches à faire le malin, nous en avons maté plus d’un ! Nous nous retrouverons! » et ils partirent!.
      4 semaines plus tard il fut convoqué à la préfecture où on lui annonça qu’il était né le 28/02/1921 à Esnandes et ils avaient même retrouvé sa mère., que mon père n’a jamais voulu voir. Le fonctionnaire lui dit avec un sourire cynique: « Tu as de la chance fils de p….!
      A savoir que les deux hommes en imper étaient des bons français policiers qui étaient zélés.
      L’un fut tué par un fils de déporté en 1944 et l’autre fut tué en juin 1945 par une résistante qu’il avait torturé et violé.

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    • Allouche Véronique dit :

      Le beau poème d’Aragon a fait la synthèse de cette période épouvantable, «est-ce ainsi que les hommes vivent? ». Après une telle jeunesse votre père a eu bien du mérite à se reconstruire. Merci de rappeler son souvenir. Vous m’avez émue. Bien à vous.

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