Réflexion sur le phénomène d’un président conspué par le public lors d’une cérémonie d’ouverture de la coupe du monde de rugby en France

[NB: le billet ci dessous fait partie d’une réflexion sur la nature et l’évolution de la fonction présidentielle en France]

D’abord, le phénomène peut surprendre. Le public du rugby n’est pas celui du football, un monde traditionnellement provincial, assez bourgeois et de mœurs policées… à l’inverse du populaire football, même si les temps changent. Disons que siffler un chef de l’Etat n’est pas le réflexe naturel d’un public de rugby ou contrairement au football, par exemple, les joueurs chantent la marseillaise qui résonne aussi dans les tribunes. L’événement est significatif: devant des centaines de millions de spectateurs du monde entier, voici le président du pays organisateur, dans un moment solennel, comme humilié… Il y a dans ce geste une apparence anomique – que relève la plupart des commentateurs. Ce public aurait ainsi montré qu’il ne respectait plus rien, pas même le symbole national qu’est le chef de l’Etat. Qui imagine le public anglais, à Twickenham, siffler ainsi le chef de l’Etat britannique – jadis la reine Elisabeth, aujourd’hui le roi Charles III? Au premier degré, cette bronca est le signe du désastre démocratique français. Toute occasion est bonne à prendre, quel que soit le milieu, pour atteindre un président emblématique d’une classe dirigeante intouchable, incrustée dans ses palais qui n’a de cesse de mépriser le peuple – par exemple à l’occasion d’une réforme des retraites adoptée contre l’opinion de 90% des travailleurs sans même un vote du Parlement. Au second degré, il ne faut pas s’y méprendre. L’homme visé n’a pas vraiment été touché, ni l’esprit qu’il incarne. Au contraire, il a encore fait parler de lui, mobilisé l’attention sur sa personne, peu importe que ce fût en bien ou en mal, il était au centre de l’attention, ce qui compte le plus pour lui, et qui plus est, cette fois-ci, avec un statut de victime… victime planétaire ou supranationale d’une populace nationale – donc au sommet de l’échelle des valeurs dominantes. Dans cette image emblématique, tout s’est inversé. Nous n’étions plus dans la logique du peuple, victime de ses dirigeants, mais dans la logique d’un dirigeant – planétaire – victime d’un peuple obtus et incapable de comprendre les lumières de la classe éclairée qui agit pour son bien. Tout s’est ainsi passé (je crois) comme prévu et sans doute, comme voulu.

MT

A propos maximetandonnet

Ancien conseiller à la Présidence de la République, auteur de plusieurs essais, passionné d'histoire...
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37 commentaires pour Réflexion sur le phénomène d’un président conspué par le public lors d’une cérémonie d’ouverture de la coupe du monde de rugby en France

  1. Anonyme dit :

    Nous avons eu la GIFLE, les CASSEROLADES , et les SIFFLETS …
    Le peuple est plutôt patient … 😉

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    • Monique dit :

      Le plus téméraire n’a même pas osé l’entarter ! des carburants à 2€ n’a même ému le peuple, le micro trottoir est accablant : « le quidam : oui, le carburant est cher, mais on ne peut pas faire autrement ! » voilà comment le petit président règne, par la résignation des Français.

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  2. Raymond dit :

    Jupiter conspué par St. Denis et par Rabat, aussi !?
    Mais, si j’ai, bien compris ?!
    Pas de problème, comme prévu,
    C’est voulu !

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  3. mildred dit :

    Monsieur Tandonnet,
    Voici donc les trois questions que je voulais vous poser depuis ce matin :
    – Quand et où, a-t-on vu avant Macron, un chef d’État installer une estrade sur la pelouse lors d’un match international, et y monter pour y prononcer un discours urbi et orbi ?
    – Qui pourrait imaginer, qu’outre Manche, la Reine Elizabeth II ou le Roi Charles III puissent être vus comme des sortes de Macron britanniques ?
    – S’il suffit d’un discours sifflé sur une pelouse pour sortir un peuple de son statut de victime, qu’attendent tous les dirigeants planétaires pour en faire autant ?

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    • 1)pas à ma connaissance, 2)en principe un chef de l’Etat est un chef de l’Etat et le PR a bien remplacé le roi sur le trône de France, je dis bien en principe car évidemment, la réalité n’a rien à voir, 3) cela suppose qu’ils se posent eux-mêmes en victime comme des sortes de clown expiatoire, mais ils n’ont en pas forcément envie.

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  4. mildred dit :

    Monsieur Tandonnet,
    Comme vous l’avez compris j’ai eu un bug informatique qui m’a empêché de vous poser les trois questions que je me proposais de vous poser ce matin.
    Avant de réécrire mon commentaire j’aimerai m’assurer que tout est rentré dans l’ordre

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  5. Stanislas dit :

    Les z ‘observateurs et animateurs de plateaux télés perdent leur sang froid, ils ne réussissent plus à raconter des contes grotesques. Fatiguées les marionnettes ?

    Il leur suffisait de raconter que « l’ambiance en ce jour d’ouverture de sport d’hommes étaient chaude et que les spectateurs étaient en train de siffler un COV qui venait de traverser le stade en circulant très vite, juste au moment où apparaissait leur petit père aimé ; et que par conséquent; les sifflets ne lui était pas destiné »

    c’était réglé.

    Puisqu’ils ont été mauvais sur ce coup là, il était inutile qu’ils se nettoyassent rétrospectivement les chaussures sur la population, car ça n’a rien de politique, puisque Marron a gagné les élections.
    Il est probable que le stade fut rempli ce jour là, d’une partie de non votants qui ont exprimé leur choix oral.
    On a retrouvé quelques minutes de démocratie sans les murs insonorisés des plateaux télés

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  6. H. dit :

    Ce pays sombre (l’interéssé est favorable à des lois d’exception !!! On sait où ça commence et ça a commencé avec l’état d’urgence permanent et la négation d’une partie des citoyens, on ne sait que trop comment ça finit) : https://www.bfmtv.com/paris/le-depute-des-yvelines-karl-olive-veut-interdire-les-manifestations-avant-les-grands-evenements-l-opposition-s-indigne_AD-202309100298.html

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  7. Anonyme dit :

    Monsieur Tandonnet,
    Suis-je toujours autorisée à commenter vos articles ou devrai-je me considérer comme « indésirable » pour Akismet ?

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  8. Anonyme dit :

    Je le répète depuis des années le quinquennat n’est pas la formule qui nous convient.

    l’Exécutif a pris beaucoup trop de place. Nos institutions ne sont plus saines.

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    • Léo C dit :

      Surtout lorsque nous subissons ce genre-là, qui gouverne à coups de décrets et de calibre 49,3.

      Je suis d’accord, cette Vème République n’est plus probante ni porteuse de nos institutions face aux bouleversements qui se profilent.

      Le quinquennat fut voté pour éviter la cohabitation qui devenait un modèle récurrent.
      Au moins avait-elle le mérite de juguler l’exécutif.

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    • xc dit :

      Ce n’est pas tant le quinquennat. Plutôt l’élection présidentielle au suffrage universel direct.
      Elle pousse les candidat à faire campagne sur des thèmes qui ne sont pas, constitutionnellement, dans les attributions du président. Une fois élus, il faut bien qu’ils continuent dans la même voie. Si on revenait à c qui était prévu au départ, l’élection par un collège de grands électeurs (élus locaux et Parlementaires) les campagnes présidentielles seraient toute autres, et le rôle du Président plus modeste (mais tout de même plus que symbolique). Et on pourrait revenir au septennat pour « désynchroniser » mandat présidentiel et mandat législatif. il n’y aurait pas non plus de raison de limiter à deux le nombre de mandats présidentiels. Le Premier ministre redeviendrait le seul vrai responsable face aux députés.

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