Lecture: Une minute quarante-neuf secondes, Riss directeur de Charlie Hebdo, Acte Sud 2019 (présentation par Cyril)


Il s’agit d’un livre poignant, un récit personnel de Riss, directeur de Charlie Hebdo suite à l’attentat sanglant du 07 janvier 2015 où il fut blessé à l’épaule et nombreux de ses amis dessinateurs assassinés. L’auteur s’attache à expliquer Pourquoi » ces deux fanatiques islamistes ont tué ce jour là ses proches plutôt que « Comment » cela s’est passé.

Selon lui, la banalité ennuie alors que le malheur excite. La page de garde du livre fait référence au Chasseur à cheval de Géricault. L’œil écarquillé de son cheval est traversé par la peur ou la folie. En soin à l’hôpital, Riss côtoie des grands blessés. Il sait qu’en sortant de l’hôpital, il va retrouver sur son chemin l’obscénité des insupportables pleurnicheurs. « Moins ce qu’ils avaient vécu était grave, plus ils faisaient chier tout le monde pour attirer l’attention ».

Sa rééducation physique mêle douleur, perte, deuil, révolte, rage. Dans les jours qui suivent, Riss cherche à se relever et retourner au journal. Il ne se voit pas comme une victime mais comme un innocent ! Puis c’est le choc. De retour au journal, certains essaient de l’évincer de la direction. Charlie Hebdo est un journal 100% indépendant, sans l’aide d’aucune subvention publique. Il pense qu’il est tombé dans un traquenard. Plusieurs personnes quittent le journal. Riss se bat pour rester à la tête de Charlie. Il se méfie des faux amis et des persifleurs.

« N’écoutez que vous même et faites les bons choix ».
Il dénonce aussi l’attitude de certaines élites musulmanes. Il semblait impossible pour beaucoup de musulmans d’admettre que Charlie Hebdo n’avait été coupable d’aucun crime en publiant les caricatures de Mahomet. L’idée que Charlie ait commis une faute existe aussi chez les croyants non musulmans. En religion, on appelle cela le blasphème. Riss dénonce aussi l’attitude de certains intellectuels et journalistes qui considèrent qu’ils n’ont jamais tort. Jamais ils n’admettent qu’ils sont passés à côté de l’affaire des caricatures.

Au départ, le directeur du journal France Soir fut licencié pour avoir reproduit des caricatures de Mahomet réalisées par des dessinateurs danois. Pour l’équipe de Charlie, il ne faisait aucun doute qu’il fallait les reproduire. C’était un devoir pour un journal qui résiste contre le totalitarisme islamiste et qui se dresse contre la puissance des religions. Puis, dans le livre, il dresse le portrait des personnes a assassinées. Le livre est une belle histoire de rencontres. En effet, en 1991, Riss rencontre Charb, Luz, Cabu, Val etc. Gravité et humour émanent du livre. Riss explique que rire, c’est d’abord réfléchir. Aussi, sa rencontre avec Cabu fut belle. Cabu était un homme merveilleux, d’une disponibilité extraordinaire. Il encourageait les jeunes dessinateurs et avait un savoir faire immense. Sur son carnet, il dessinait ces choses extraordinaires qui l’entouraient. Son regard n’a jamais été usé par le cynisme et la désillusion.

Ce livre montre à quel point il est possible de trouver des solutions simples à l’existence. Se demander « qu’est ce que je fous là ? » est déjà un grand pas ! Combien de souffrances évitées par le miracle de cette question , qui installe le doute, déclenche la réflexion et peut même lutter contre la lâcheté des résignés, la nullité des bornés, la fatuité des pédants, la folie des tyrans . « L’attentat me fit comprendre ce qu’avait été la collaboration car je pus observer à quel point le confort intellectuel copulant avec l’instinct de survie pousse les esprits les plus brillants vers la complaisance et la lâcheté. Sous le vernis de plus, l’éducation et de la culture sommeillent des animaux qui, dès qu’ils le peuvent, courent vers la gamelle la plus remplie et lèchent la main du maître qui les frappera le moins fort ».

Le directeur de Charlie nous enseigne que c’est face à la tragédie qu’on mesure la valeur des choses, il est regrettable de faire ce constat mais en se faisant tuer pour avoir publié des informations ou exprimé des opinions, les journalistes donnent vie à la liberté d’expression. La liberté est une guerre qui ne finira jamais. Contre les lâches, les timorés, les accommodants, les négociateurs, les ramollos, les mous, les traîtres, les minables, les paillassons, les citrouilles creuses, les bons à rien, les complaisants, les insipides. C’est à dire contre pas mal de gens. Riss affirme « je n’ai jamais frappé personne de ma vie, j’ai préféré dessiner pour le faire ».

Cyril

[NB: je me permets de saisir cette occasion pour rappeler aux visiteurs et habitués de ce site qu’ils peuvent m’aider à le faire vivre en m’adressant des comptes-rendus de lecture du même genre que celui-ci qui contribueront à l’enrichir]

A propos maximetandonnet

Ancien conseiller à la Présidence de la République, auteur de plusieurs essais, passionné d'histoire...
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49 commentaires pour Lecture: Une minute quarante-neuf secondes, Riss directeur de Charlie Hebdo, Acte Sud 2019 (présentation par Cyril)

  1. cyril dit :

    à la régie 41 : oui débile, affligeant, vous dérivez totalement, malheureusement

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  2. Zonzon dit :

    Je suis étonné par cet article … encore plus par ses commentaires. Je suis surpris de ne voir aucune référence au mot  » éducation « . Se moquer de la religion, la sienne, celle des autres, c’est aisé dès lors qu’on se situe en dehors, mais c’est d’abord  » un manque d’éducation « … tout simplement, il faut s’en garder.
    C’est aussi  » un manque de connaissance  » … je savais que les caricatures de Mahomet pouvaient déclencher le pire … et dans Charlie-Hebdo il y avait le pire !
    Riss et ses compagnons devraient se contenter d’exercer leurs talents sur le christianisme, ils seraient appréciés sans risques.

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  3. cyril dit :

    @la regie : ce n’est en aucun cas contre les pratiquants de la religion , c’est contre la puissance des religions, ne mélangez pas tout SVP.

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    • laregie41 dit :

      @Cyril : Bon je vais être plus clair, et je vais adopter la même démarche que vous sur un sujet qui vous est cher : Si je vous appliquais votre raisonnement, ce serait c’est comme si j’utilisais les pires insultes sexuelles pour parler de votre mère dans les journaux. Puis après vos légitimes protestations indignées, c’est comme si je vous disais de ne pas tout mélanger SVP, ce n’est en aucun cas contre vous, mais contre l’éducation castratrice que vous avez reçue de votre mère.
      Débile, n’est-ce pas ?

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  4. charles902 dit :

    Bonjour Monsieur Tandonnet
    Je l’avoue: j’ai bien ri avec Hara Kiri (moins avec Charlie Hebdo). Iconoclastes certes, mais totalement libres et recherchant l’excès ridicule pour se rapprocher du vrai.
    L’époque avait d’autres trublions, et en tête de meute Coluche. Quelqu’un m’avait dit alors que s’il avait eu la chance d’être physiquement fort il serait allé lui casser la figure…mais la mode n’était pas au couteau et à l’égorgement, raffinements symptomatique de notre époque du QI inversé et de la fierté de l’imbécile heureux.
    Et pourtant: Coluche l’excessif a créé quasiment seul les restau du cœur dont les intentions sont plus qu’honorables et qui perdurent actuellement, gommant quelques « imperfections » de notre système social. Et comment justifier d’égorger quelqu’un uniquement pour des postures contredites par des actes? en expliquant que ces actes sont néfastes car a risque d’excuser un coupable désigné?
    L’assassinat des dessinateurs de Charlie a été perpétué par des salopards, cons comme des balais et qui a mon avis n’ont certainement pas l’excuse de la pureté théologienne. Et ceux qui ont ensuite exhibé des « je suis coulibaly » à la place des « je suis Charlie » ont fait l’apologie de la haine sinistre et de leur crime.

    C’est le sinistre malsain qui devrait être interdit, pas le rire iconoclaste.

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  5. Mildred dit :

    Monsieur Tandonnet,
    A toutes fins utiles, voici ce que j’écrivais le 14 janvier 2015 – publié le 16 janvier – sur le site « Temps et Contretemps » que vous connaissez bien :

    https://benillouche.blogspot.com/2015/01/etre-ou-ne-pas-etre-charlie-par.html#more

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  6. Monique dit :

    Ce matin dans le Figaro « le bunker des bébés de Kiev », ce sont des nourrissons nés de la GPA en attente d’être livrés la guerre a empêché leur livraison, il est dit qu’ils n’ont jamais vu la lumière, voilà ce que permet notre belle société moderne. Un bon sujet pour Charlie Hebdo.

    Aimé par 2 personnes

  7. Monique dit :

    Hier c’était Charlie Hebdo pour empêcher une forme d’expression mais aujourd’hui, on asperge d’essence les militants d’un candidat à la présidence de la république, ne manque plus que l’allumette mais c’est probablement une manière ordinaire de s’exprimer lâchement en période électorale !

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  8. Pheldge dit :
    19 mars 2022 à 12:37

    Merci du lien indiqué. Je l’ai ouvert et lu. Je ne vais pas envahir le blog de Maxime Tandonnet de mes commentaires. Nous aurons l’occasion d’y revenir dans les semaines et mois à venir. J’ai comme vous le sentiment que des mafias s’affrontent et que nous n’avons plus la maîtrise de nos vies. D’autres décident pour nous. Pour le moment nous ne sommes pas dans la désescalade. A suivre…

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