Entre mépris et démagogie, une « troisième voie » est-elle possible?

Au fond, la grande question de l’avenir, en France mais aussi dans le monde occidental, est celle de l’existence d’une troisième voie possible entre la «pensée unique» et la démagogie. Depuis l’effondrement du communisme en 1989-1991, une idéologie dominante a prospéré dans les élites politiques, médiatiques, économiques, judiciaires et universitaires du monde occidental. Elle célèbre le culte d’un monde global, post-national, sans frontière, le dépassement du cadre national, la négation de l’autorité de l’Etat. Elle vénère le principe de la table rase, en faveur de l’émergence d’un homme neuf sans traditions ni culture ni passé, affranchi de tous les déterminismes, indéfiniment manipulable, l’individu narcissique, tel que l’avait décrit Gilles Lipovetsky dans son prophétique «L’ère du vide».

Comme toute idéologie celle-ci se caractérise par son intolérance. Nul ne peut s’attaquer à ses dogmes sans s’exposer au lynchage et à l’insulte : « extrême droite », «populisme », «fascisme» (bien entendu!). Le traiter de « lèpre nationaliste » est contre-productif dès lors que l’ostracisme ne peut qu’entretenir le sentiment de mépris et de révolte. L’idéologie post-nationale exprime un mépris du peuple, de la « vile multitude » qui à terme la voue à l’échec dès lors qu’en démocratie, sauf à biaiser indéfiniment le processus électoral (ou abolir de facto la démocratie), le peuple finit par avoir le dernier mot.

Or ce modèle de la pensée unique, post-national, après trente ans de règne impérieux, est aujourd’hui en train de se fracturer. La première secousse fut donnée par la France et les Pays-Bas, avec la victoire du non au référendum sur la Constitution européen en 2005. A l’époque, les intellectuels et les politiques bien-pensants y ont vu un simple accident. Elle annonçait pourtant les grandes fractures à venir. Depuis, le mouvement n’a fait que s’amplifier. Un processus de long terme est en train d’ébranler le monde occidental: Brexit, Trump, Hongrie de Orban, Italie de Salvini, et désormais, depuis dimanche, le Brésil de Jair Bolsonaro. Les causes directes de ces ébranlements diffèrent profondément (la corruption au Brésil) mais ils ont un point commun : la révolte contre l’idéologie post nationale.

Le phénomène est favorisé par les réseaux sociaux qui bousculent le système des grands médias radio télévision, outils de conformisme. Il a été fortement amplifié par les facteurs de déstabilisation qui ont frappé le monde occidental : la vague d’attentats islamistes, la crise migratoire, les scandales de la corruption, la montée de l’insécurité et de la violence, parfois sanglante, le communautarisme et la pauvreté. Tout laisse penser qu’il va se poursuivre et risque d’emporter d’autres pays jusqu’alors préservés, dont l’Allemagne et la France.

Cependant, dans son agonie, la pensée unique est remplacée par des solutions politiques qui sont  lourdes d’incertitudes et de danger. Elles reposent sur une base fragile: le culte de la personnalité, la provocation verbale et les gesticulations, les slogans, l’exacerbation des passions, la désignation de boucs émissaires au risque la déchirure du corps social. Dans l’histoire, la fièvre et l’excitation des foules n’ont jamais rien réglé à terme. En matière de corruption, de sécurité et d’immigration, les coups de menton n’ont jamais fait une politique. Le slogan «mon pays d’abord », réaction contre l’idéologie post-nationale est peut-être payant d’un point de vue électoral. Il est réducteur et dangereux dans un contexte d’interdépendance et d’imbrication complexe des intérêts nationaux. Le basculement brutal, du mépris à la démagogie, semble ainsi ouvrir la voie d’une catastrophe.

La France peut-elle échapper à l’incendie qui embrase le monde occidental ? Existe-t-il une troisième voie possible, entre le mépris et la démagogie? La troisième voie est celle de la démocratie. Elle passe par une révolution copernicienne de la politique: abolir le mépris des élites dirigeantes pour la population qui s’exprime dans le Grand-Guignol quotidien et l’exubérance vaniteuse. Des solutions électorales et institutionnelles doivent à être apportées pour mettre fin au sentiment d’un abîme croissant entre le pays et ses dirigeants. Les Français doivent se sentir de nouveaux représentés et écoutés par des responsables publics dont la mission unique est de répondre à leurs attentes légitimes en matière de lutte contre la pauvreté, de chômage, de pouvoir d’achat, de fiscalité, de sécurité et d’immigration. Les responsables nationaux doivent rompre avec l’image d’une caste autocentrée sur elle-même, engluée dans l’ivresse narcissique, et renouer avec celle de serviteurs de la Nation déterminés à bien faire leur travail. C’est à l’opposition républicaine de proposer cette troisième voie mais en aura-t-elle la volonté et la capacité ?

Maxime TANDONNET

A propos maximetandonnet

Ancien conseiller à la Présidence de la République, auteur de plusieurs essais, passionné d'histoire...
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18 commentaires pour Entre mépris et démagogie, une « troisième voie » est-elle possible?

  1. Georges dit :

    Quel terrible couvercle sur nos têtes.

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  2. Jean-Louis Garnier dit :

    « la négation de l’autorité de l’Etat » ? Jamais la bureaucratie étatique française n’a été aussi puissante!

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  3. Addict dit :

    Parlons de l’opposition….. Pour le moment cette opposition a du mal à s’exprimer…. Pratiquement inexistante,elle est balayée par le concierge de l’Élysée. La rue est à son image, active mais errante, elle cherche une âme qui les écoutera, qui les bouleversera. Le dessein de notre nation post coloniale n’a jamais pensé ces plaies. Que de la repentance. Le monde vient se servir à la table de notre banquet. D’ailleurs l’approvisionnement demande beaucoup d’effort…. Les commémorations de Novembre que représentent elles aujourd’hui pour nos compatriotes ?… Le ciment de notre France s’effrite, l’érosion de nos cotes est une belle métaphore… La stature d’un Homme d’état… Il doit se réveiller…. Un sursaut républicain doit sortir de ses entrailles…. J’attends cette étincelle !…

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  4. Bernard, merci de me l’avoir signalé, je pense en avoir tenu compte!
    MT

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  5. Philippe Dubois dit :

    Bonjour Maxime

    Corrigez moi (vous ou les commentateurs habituels) si je me trompe, mais il me semble que la mission première du gouvernement d’une nation est de défendre d’abord et avant tout les intérêts de la nation.
    Si un gouvernement est légitime lorsqu’il est issu d’élections libres, il ne conserve cette légitimité qu’en accomplissant cette mission régalienne entre toutes.

    Or, dans votre avant dernier paragraphe, vous semblez dire que dès qu’un gouvernement annonce qu’il fera ce pourquoi il est légitime, il tombe dans le slogan réducteur et la démagogie crasse.

    Le gouvernement de la France est là uniquement pour défendre les intérêts de la France et du peuple français : le reste n’est que billevesées.

    Jupinet et la bande de nuisibles ne sont pas aux manettes pour défendre la démocratie dans le monde, sauver la planète, lutter contre le prétendu réchauffement climatique ou autres fadaises.
    Ils devraient penser uniquement à la France et aux Français.

    Voici donc quelques réflexions destinées à nos gouvernants qui peuvent expliquer la recrudescence de la lèpre comme dirait l’autre, centrées sur la grogne concernant la hausse des carburants, puisque c’est à la mode.

    La France et ses 65 millions d’habitants ne peuvent pas sauver la planète à eux tout seuls.

    Il faudrait expliquer à nos élites que le niveau de vie des Chinois augmentant, ceux-ci veulent ajouter un petit morceau de poulet dans leur bol de riz quotidien.
    A 20 grammes le morceau, l’impact est le même que si chaque habitant de la France se mangeait sa côte de boeuf quotidienne.
    Vous ajoutez le milliard et quelque d’Indiens plus les pays qui sortent de la pauvreté absolue.
    Vous regardez et surtout aussi ce qui se passe en Afrique, avec cette démographie folle.

    Donc non, les Français
    – n’ont aucune envie de retourner à l’âge de pierre pour sauver la planète
    – ne veulent pas être punis parce que les Africains ignorent la contraception ou parce que les Américains climatisent trop leurs maisons
    – ne veulent pas payer leur gaz ou le carburant de la voiture qui leur sert pour aller bosser hors de prix à cause d’une taxe carbone parce que les Allemands ont remis en route leurs centrales à charbon

    Les Français voudraient simplement, si c’était possible, contribuer à sauver la France et que le gouvernement les aident un peu.
    L’écologie et la politique ne peuvent être que nationales pour sauvegarder un territoire et le peuple qui habite dessus depuis des lustres et elles nécessitent des décisions fortes.
    Une politique au service de la France et des Français et qui protège la France et les Français, c’est trop demander ?

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  6. artofuss dit :

    J’ai bien peur que la réponse à vos (nos) inquiétudes ne soit en filigrane dans la dernière phrase de votre papier. Qui, dans cette opposition lamentable, pour remplacer des dirigeants lamentables ? La solution ne viendra pas de l’intérieur…

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  7. artofuss dit :

    J’ai bien peur que la réponse à vos (nos) inquiétudes ne soit en filigrane da

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  8. Colibri dit :

    Je propose une quatrième voie:

    Rien qu’aujourd’hui, j’essaierai de vivre, exclusivement la journée sans tenter de résoudre le problème de toute ma vie.

    2. Rien qu’aujourd’hui, je porterai mon plus grand soin à mon apparence courtoise et à mes manières. Je ne critiquerai personne et ne prétendrai redresser ou discipliner personne si ce n’est moi-même.

    3. Je serai heureux, rien qu’aujourd’hui, dans la certitude d’avoir été créé pour le bonheur,non seulement dans l’autre monde mais également dans celui-ci

    4. Rien qu’aujourd’hui, Je m’adapterai aux circonstances, sans prétendre que celles-ci se plient à tous mes désirs.

    5. Rien qu’aujourd’hui, je consacrerai dix minutes à la bonne lecture en me souvenant que comme la nourriture est nécessaire au corps, la bonne lecture est nécessaire à la vie de l’âme.

    6. Rien qu’aujourd’hui, je ferai une bonne action et n’en parlerai à personne.

    7. Rien qu’aujourd’hui, je ferai au moins une chose que je n’ai pas envie de faire; et si j’étais offensé, j’essaierai que personne ne le sache.

    8. Rien qu’aujourd’hui, j’établirai un programme détaillé de ma journée Je ne m’en acquitterai peut-être pas entièrement, mais je le rédigerai et me garderai de deux calamités : la hâte et l’indécision.

    9. Rien qu’aujourd’hui, je croirai fermement, – même si les circonstances prouvent le contraire -que la bonne providence de Dieu s’occupe de moi comme si rien d’autre n’existait au monde

    10. Rien qu’aujourd’hui, je ne craindrai pas. Et tout spécialement, je n’aurai pas peur d’apprécier ce qui est beau et de croire en la bonté.

    Je suis en mesure de le faire bien pendant douze heures, ce qui ne saurait pas me décourager, comme si je pensais que je dois le faire toute ma vie durant.

    Saint Jean XXIII

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  9. michel43 dit :

    une troisième voie ,,,,une nouvelle république ,,,une réforme constitutions,,,,, ,tout cela est du Pipo,,il faut revenir a la proportionnelle de Mitterrand ,je sais très bien que droite-gauche l’on supprimer pour empêcher la droite national d’avoir près de 90 députes ,donc votre oppositions républicaines LR a aucune chance d’arriver au pouvoir sans une alliance des droites ,et va falloir attendre encore quatre ans ,en priorité les Européennes ,et je voie Mme LEPEN en première ligne ,puis LR et enfin Macron,,,,la priorité c’est l’immigration ,comment un pays avec des millions de chômeurs ,des millions de pauvres,, des millions de mal loger, ,,peut telle accorder des papiers a plus de 230 000 étrangers ,plus les sans papiers ,Macron nous vides les poches ,il fait flamber l’énergie ,au non de la pollutions ,EDF-GDF l’essence et le diésel ,puis l’électricité ,pour les voitures ,comment va t »on regicler ses batteries, puis les recharger ,si nous fermons nos centrales a force de nous prendre pour des imbéciles ,les gens,, vont voter pour les populistes, LA, ,est la troisième voie,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,,?

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  10. Fredi M. dit :

    Je continue de penser que la mondialisation (inévitable) pouvait très bien se faire sans la négation des peuples et des nations.
    C’est par paresse intellectuelle, lâchetés et renoncements, idéologie aussi pour certains, que l’on a jeté le bébé avec l’eau du bain.
    L’addition va être salée.

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  11. Gerard Bayon dit :

    Je continue de penser qu’il est malheureusement trop tard pour que la France échappe maintenant à l’incendie provoqué par l’idéologie post-nationale et par cette Europe source d’un grand nombre de nos maux et dont plus grand monde ne veut en l’état. La dernière pitrerie autour de l’arrêt des changements d’heures d’été et d’hiver en est la triste et minable illustration.
    Rajouté à cela la médiocrité, l’amateurisme, la morgue persistante et insolente ainsi que l’absence de résultats de nos dirigeants politiques actuels rajouté à la carence d’une quelconque opposition crédible et nous avons réuni tous les éléments pour que la colère qui monte sur de multiples sujets ne puisse être circonscrite autrement que par un mouvement social puissant qui provoquera la chute de ce gouvernement.
    La difficulté à venir restera cette absence dramatique de personnage providentiel capable de fédérer les Français autour d’un projet, d’une vision, de rétablir une vraie démocratie en remplacement de la nôtre complètement à bout de souffle. Nous voilà donc à la merci d’une nouveau bonimenteur !
    Ce qui me désole et m’attriste c’est de voir et d’entendre celles et ceux qui ont tant trahi les Français durant ces dernières décennies et qui ont été sortis lors des vagues de « dégagisme » de 2016 et 2017, continuer de pérorer et de considérer qu’ils pourraient encore être des recours aux champs de ruines qu’elles(qu’ils) ont laissés.
    O tempora O mores !

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  12. Sganarelle dit :

    La majorité des gens ne voiient que ce que les médias montrent et ne comprennent rien à la politique parce qu’ils ont une vie qui laisse peu de temps à la culture ou que leur niveau de connaissances est limité aux soucis quotidiens ; la,politique est une science et un métier qui demande du temps . Résultat on se fie à notre journal favori et aux apparences et on essaie de survivre.
    Comment peut – on parler de démocratie quand les « zélites » sont de moins en moins proches du peuple et qu’elles ne l’écoute pas ? Losqu’on siège à l’Elysée hors sol il faut beaucoup d’humilité d’intelligence et de sensibilité pour en être digne . Il est évident que les réformes passeraient mieux avec l’art et la manière et avec un président ressemblant plus à Pompidou qu’à Jupiter les français se sentiraient d’avantage compris et solidaires .
    «  arrêtez d’emmerder les français » (sic Pompidou )

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  13. Mildred dit :

    Monsieur Tandonnet,
    Ainsi, c’est précisément au moment où, comme l’explique Christophe Guilluy, « la France est devenue une société « américaine » comme les autres », c’est-à-dire une société où s’est imposé l’ordre mondialisé de la loi du marché, nous faisant basculer dans une société inégalitaire et sous tension identitaire, que vous nous proposez cette « troisième voie » qui ne serait rien d’autre que cette « alternance unique », dont parle Jean-Claude Michéa, qui est pour le capitalisme contemporain, ce qu’est le « parti unique » pour les régimes totalitaires !
    Comment pouvez-vous encore vous demander si la France peut encore « échapper à l’incendie qui embrase le monde occidental », alors que vous venez de citer « la vague d’attentats islamistes, la crise migratoire, les scandales de la corruption, la montée de l’insécurité et de la violence, parfois sanglante, le communautarisme et la pauvreté » qui ont déjà largement touché la France ?
    Dans ces conditions, j’ai peur que vous ne deviez renoncer à votre « troisième voie », « l’opposition républicaine » ayant déjà perdu le contrôle !

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    • Jean-Louis Garnier dit :

      Les USA étant devenus, par la faute de Reagan, qui a supprimé le système des dépouilles, une bureaucratie comme les autres, ce n’est pas la loi des marchés (régis par des algorithmes) qui s’impose mais celle de la connivence entre dirigeants

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  14. A mon avis, une société n’est harmonieuse que lorsqu’elle arrive à faire converger de façon douce les souhaits de sa base et de ses « élites dirigeantes ». La base a tendance à s’organiser spontanément en cercles concentriques : l’individu, sa famille, ses amis, ceux qu’il ne connait pas mais qu’il pressent comme des alter ego potentiels, ceux qui sont plus éloignés mais partagent les valeurs les plus essentielles (droits de l’homme et de la femme…). Les « élites » tombent souvent dans le travers de refuser l’apparition de tout cercle dont elles ne seraient pas le centre. C’est particulièrement flagrant dans le cas des régimes oppressifs qui cherchent souvent à dynamiter les structures familiales et à organiser une délation généralisée dans la société. Nos élites occidentales sont un peu plus soft mais tombent régulièrement dans des excès qui se voient immédiatement dès que l’on invoque un homme nouveau et que l’on crée des « jeunesses XX »
    Le discours Macronnien ravalant au rang de lèpre ou de simples d’esprit ceux qui refusent son modèle implicite de société est assez inquiétant.

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