Le projet de LR sur l’immigration est très habile politiquement mais ne suffit pas à lever certaines contradictions qui continuent d’affaiblir le parti (pour Figaro Vox)

L’état-major de la droite LR a rendu public un projet de réforme riche et ambitieux sur l’immigration : plafonds quantitatifs, facilitation des reconduites à la frontière, maîtrise de l’immigration familiale et de l’asile. Cette opération politique est à double sens. D’une part, elle manifeste une volonté de réconciliation du parti de droite qui s’est déchiré sur la réforme des retraites. Ensuite, elle a pour objectif de marquer la différence entre la droite et la majorité présidentielle. Les flux migratoires ont battu tous les records sous la présidence Macron avec un niveau sans précédent au XXIe siècle de 320 000 premiers titres de séjour en 2022 et 137 000 demandeurs d’asile. Le projet de réforme constitutionnelle qui vise à proclamer, dans ce domaine, la primauté du droit national sur le droit européen (nonobstant un fondement de la construction européenne depuis soixante ans) heurte frontalement la pensée d’un chef de l’Etat favorable à une « souveraineté européenne ». Le défi ainsi lancé en direction de l’Elysée est volontaire : essayer de montrer à l’opinion que la droite n’est pas soluble dans le macronisme.

Pour autant, cette démarche politique courageuse et salutaire suffira-t-elle à convaincre l’électorat déçu du parti de droite, ulcéré par son soutien officiel à la « mère des réformes » du président Macron ? Elle est loin de lever à ce stade toutes les contradictions qui minent le mouvement et continuent de saper son image dans l’opinion. LR se déclare certes dans l’opposition mais la plupart de ses figures emblématiques se sont solidarisés de la présidence Macron. Nicolas Sarkozy vient de lancer un nouvel appel à un « accord de gouvernement », en harmonie avec les nombreux hauts responsables de la droite déjà ralliés ou partisans d’une alliance : Edouard Philippe, Jean Castex, Bruno Le Maire, Eric Woerth, Roseline Bachelot, Christian Estrosi, Jean-Pierre Raffarin, Jean-François Copé, Rachida Dati, etc. Au-delà d’éventuels calculs personnels, ces leaders historiques font aujourd’hui le pari d’un rapprochement avec la majorité présidentielle qui déboucherait sur l’émergence d’un pôle dit « républicain » ou respectable, dont la principale vocation serait de mener la lutte contre les deux « populismes » ou « extrémismes » de droite et de gauche, associés dans la même diabolisation, ouvrant ainsi, selon eux, la voie à une reconquête du pouvoir par le couloir central.

Or, ce schéma a l’inconvénient d’enfermer la droite LR dans la logique d’un combat manichéen entre le bien progressiste et européiste, incarné par des élites éclairées et le mal populiste ou nationaliste et obscurantiste. Le peuple français dans son ensemble, qui s’est abstenu à 54% aux dernières législatives, ne manifeste aucune prédilection pour ce scénario de guerre civile. En outre, quel est l’intérêt pour la droite LR de se convertir au culte de Jupiter qui a tant blessé la France populaire comme ces cinq millions de chômeurs sommés de « traverser la rue pour trouver un emploi », ou les neuf dixièmes des travailleurs de ce pays, salariés et professions libérales, foncièrement hostiles à une réforme des retraites jugée à la fois médiocre et injuste, humiliés par un débat parlementaire escamoté et l’adoption sans vote des « 64 ans » ? De même, en préconisant une entente avec la majorité présidentielle, les leaders historiques de droite négligent la déception du pays envers le bilan d’au moins six années. Que reste-t-il des promesses de « transformation » et « d’exemplarité » ? L’explosion vertigineuse de la dette publique et des prélèvements obligatoires records, l’effondrement industriel qui s’exprime dans le déficit commercial, la chute du niveau scolaire aggravée par la réforme du lycée et du bac, la montée des violences, les libertés bafouées par l’Absurdistan sanitaire, la perte du contrôle des frontières, les catastrophes énergétique et hospitalière, l’inflation et la pauvreté galopante, les scandales politico-financiers, etc. Certes, ils prétendent vouloir œuvrer sans tarder au redressement du pays. Mais de quelle marge de manœuvre disposeraient-ils à l’intérieur du gouvernement, entre un président déterminé à exercer son autorité et sa majorité à l’Assemblée ? Evidemment aucune. 

En voulant enchaîner la droite classique à une majorité présidentielle impopulaire et vouée au naufrage, les leaders emblématiques de droite donnent le sentiment d’avoir perdu le contact avec la France profonde. Ils sous estiment la lucidité populaire face à un mode d’exercice du pouvoir fondé sur la communication à outrance comme paravent d’un effondrement. D’ailleurs, les Français qui ont voté LR en 2022 aux législatives se situaient dans une logique de ferme opposition. Sinon, ils auraient voté pour un candidat de la majorité présidentielle. Les leaders traditionnels de LR, partisans d’un ralliement, donnent un étrange spectacle en préconisant de s’asseoir sur la volonté de leur propre électorat.

Au-delà de la question de l’immigration, il est urgent que s’affirme une formation de droite modérée apurée de toute velléité et de tout soupçon de compromission. La fin du second quinquennat Macron (non reconductible) provoquera l’explosion d’une majorité présidentielle qui n’existe aujourd’hui que dans une logique d’allégeance personnelle, et par là-même, une déflagration générale. Du maelstrom à venir pourraient bien émerger ceux qui n’auront jamais fléchi dans leur opposition et faut-il l’espérer, des idées et visages nouveaux. Plutôt que de se livrer à des combinaisons qui alimentent l’écœurement et la défiance envers la parole politique, les prétendants à une solution d’alternance auraient tout intérêt à œuvrer à la réconciliation entre le peuple et la démocratie française, tendre la main aux abstentionnistes, à l’ensemble des électeurs sans exclusive et à chercher les voies d’un retour à l’apaisement et à la confiance populaire sans laquelle aucun redressement n’est envisageable.

MT

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A propos maximetandonnet

Ancien conseiller à la Présidence de la République, auteur de plusieurs essais, passionné d'histoire...
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69 commentaires pour Le projet de LR sur l’immigration est très habile politiquement mais ne suffit pas à lever certaines contradictions qui continuent d’affaiblir le parti (pour Figaro Vox)

  1. lugardon dit :

    Une autre manière de voir la situation présente :

    https://www.lavie.fr/idees/chroniques/par-les-sentiers-arides-88556.php

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    • Zonzon dit :

      Le retour à la terre Pompidou l’a réalisé chaque fois qu’il a pu se retirer dans sa campagne .. mais aujourd’hui ce n’est plus qu’un rêve … comme la solitude, le recueillement, le silence, le chant des oiseaux, la méditation …

      Nous sommes une terre en voie d’invasion féroce …

      Bon week-end Coucou

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  2. Sganarelle dit :

    Avec le climat la disparition des espèces et le déclin de notre civilisation ce monde disparaît inexorablement et nous sommes dans la charnière ballotés sans boussole en tâtonnant dans le noir. Ancrée dans une sorte de no man’s land ( et no women’s land) en perpétuelles interrogations en quête de spirituel et face au vide, notre êpoque où nous faisons table rase de l’ancien monde n’a pas encore trouvé « son moderne » une civilisation nouv,elle et stabilisée à laquelle se raccrocher et l’accouchement est difficile.

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  3. Gribouille dit :

    « Au-delà de la question de l’immigration, il est urgent que s’affirme une formation de droite modérée apurée de toute velléité et de tout soupçon de compromission. »

    Qu’appelez-vous, au juste, droite modérée, et avec quoi ne doit-elle pas se compromettre, côté LREM ?

    Si, comme cela semble être le cas, il s’agit de la droite LR sur sa ligne politique de ces dernières décennies, il faut remarquer qu’une telle ligne politique, qui conduit entre autres à dissoudre la France dans un cadre supranational européen et libéral, et aussi à modifier de manière considérable la composition de sa population, ne semble pas mériter le qualificatif rassurant de « modérée ».

    Les partisans de cette ligne politique, ou de telle ou telle de ses variantes, affirment habituellement qu’ils ne font que s’adapter, de manière modérée, aux circonstances.
    Il faudrait alors qu’ils expliquent pourquoi d’autres pays, par exemple, pour en rester aux pays développés, le Japon, suivent une ligne politique différente.

    Un professeur à l’IEP Paris s’irritait d’ailleurs, dans un livre de présentation du Japon (géopolitique du Japon, ou un titre de ce genre) de cette tendance des Japonais à ne pas suivre les préconisations « modérées » des bons docteurs de Science-Po, et espérait qu’ils devraient bientôt rentrer dans le rang, (pratiquer la repentance, cesser de limiter l’ouverture commerciale, profiter des bienfaits reconnus de l’immigration de masse (regroupement familial, double nationalité, droit du sol, admission d’un grand nombre de réfugiés…), promouvoir le féminisme, etc, etc).

    Pour l’instant ils ne semblent pas vouloir le faire ; la réalité semble leur donner raison ; et on voit mal comment la droite LR va reconquérir la confiance des citoyens en continuant à leur proposer, même dissimulée derrière un Kärcher ou de fabuleuses mesures danoises sur l’immigration, une politique dont ils ne veulent pas et qui ne marche pas.

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  4. Ping : Le projet de LR sur l’immigration est très habile politiquement mais ne suffit pas à lever certaines contradictions qui continuent d’affaiblir le … – Qui m'aime me suive…

  5. Anonyme dit :

    Une analyse décoiffante de ce que deviennent les tristes LR : https://www.ndf.fr/nos-breves/22-05-2023/les-republicains-quel-avenir-pour-cette-droite-en-deroute-francois-bousquet/
    Les c..s , ça ose tout, c’est même à cela qu’on les reconnait !

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  6. cyril dit :

    @ Gerard Bayon, bonjour, vous notez la trahison de Chirac en 1981, pourriez vous expliquer davantage ? merci à vous

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    • Zonzon dit :

      Voter pour Mitterrand ce n’était pas plus moche que de voter pour celui qui chassait le gros en Afrique, qui reniflait le pétrole dans les nuages et qui cassait les bagnoles des boueux en rentrant chez lui à 6 heures du matin …

      Aimé par 1 personne

  7. Stanislas dit :

    Je voulais aborder la manip d’LR et sa « primauté de souveraineté » pour faire semblant de ne pas en être, mais pas de chance, j’ai vu qu’il y avait un passage de Seguin, sur lequel je m’étais aligné en 1992, après avoir lu le fameux traité en vente dans les bonnes maisons de presse
    A l’époque, c’était une chose de lire un traité de Maastricht, et une autre de le comprendre dans sa grande profondeur…comme tout sujet qui repose sur de multiples paramètres à prendre en compte..

    Depuis l’eau a coulé sur le pont, l’UE décide de tout et la France décide du reste….

    N’importe quel dirigeant de filiale de seconde zone vous le dira, quand on n’a pas de
    pouvoir, très peu de prérogatives pour décider de quoi ce que ce soit par délégation, qu’est ce qui reste à portée pour soigner un énorme égo et faire croire qu’on commande ?
    hein ?
    Mettre des boulets, des chaines, des contraintes, des caméras des tests de vérification de bonne santé, pour emmerder la population jusque dans les chiottes..

    Et tout le monde finira par y passer d’une manière ou d’une autre…

    Alors on peut toujours tourner en rond autour des tours de prestidigitation prestidigitations sémantiques pour faire croire qu’on existe ; parce que finalement c’est celui qui paie qui commande.
    Qui paie?
    On va me dire c’est nous la population..

    Pour l’instant NON, sinon il va falloir le prouver aux loufiats qui bossent pour la concurrence au lieu de bosser pour nous « familles de la classe moyenne » composée de 60 000 000 d’individus (et hors cadres supérieurs qui se croient « en faire partie »)

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    • Zonzon dit :

      Le Frexit yak ça de vrai !

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    • Stanislas dit :

      zonzon

      Le frexit ne devrait pas être réclamé, vu que l’entrée de la France en 1992 n’aurait jamais dû exister, et que la sortie aurait dû être faite en 2005 avant la trahison de 2008…

      On va encore avoir l’air d’extrémistes zonzon..
      mais il est un fait que l’executif et le législatif ont à peu près le même rôle que les maires qui ont transféré leurs compétences ou sont entré dans la (mutualisation très drôle ) au niveau décentralisé et technocratique des communautés de communes, d’agglomérations etc..

      Gagner du fric à rien foutre pour sculpter la fumée ce n’est bien que pour celui qui le gagne

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  8. Monique dit :

    Ca bouge aussi au RN, il y a maintenant une ligne dure qui se fiche pas mal du chemin de la dédiabolisation, eux aussi ont leur crise de nuance, voilà que les jeunes sont plus royalistes que la reine !

    « Des cadres alertent sur la montée d’une ligne radicale portée par certains jeunes qui gravitent autour du parti. Le président du RN, Jordan Bardella, dément toute ambiguïté sur le sujet…. » le Figaro du 23 mai.

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    • Zonzon dit :

      Bardella fait parti de la famille par alliance.
      Son aspect physique me rappelle ces beaux jeunes hommes que l’on pouvait admirer en 1942 en zonz sud !

      Aimé par 2 personnes

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