Lecture: Dernière édition, Pierre Lazareff, Valiquette Montréal (1943?)

Charme des vieux livres à la couverture en papier jauni, découverts lors d’un vide grenier, tellement oubliés qu’on en retrouve même pas la trace sur Internet…Le journal de Pierre Lazareff, jeune journaliste parisien dans les années 1930 qui fut aussi l’un des pionniers de l’information télévisuelle après guerre, est un véritable trésor.

Journaliste à Paris-Soir, l’un des grands quotidiens de l’époque, le prédécesseur de France-Soir, il est un témoin privilégié de ces années. Jour après jour, il nous raconte sa vie quotidienne au contact des personnalités de l’époque. Les portraits saisissants qu’il nous livre au fil des pages d’André Tardieu, Pierre Laval, Léon Blum, Daladier, Otto Abetz, Ribbentrop, nourris de ses rencontres et d’anecdotes incroyables, permettent de mieux comprendre cette période, la marche à la guerre et la débâcle française.

On y découvre par exemple, dans un chapitre particulièrement passionnant, intitulé Les salons de Paris et la brigade mondaine du Führer, les coulisses du noyautage systématique des élites dirigeantes ou influentes française par des séducteurs de l’Allemagne hitlérienne, parfois en contact avec le Führer en personne. Les milieux médiatiques, mondains, financiers, militaires sont ainsi gangrenés jusqu’à l’os par des envoyés de l’Allemagne nazie, dont l’action est coordonnée par Otto Abetz et Ribbentrop (futur, puis ministre des Affaires étrangères d’Hitler prétendument francophile).

Ainsi, les coups de force hitlériens (occupation de la Rhénanie le 10 mars 1936) ne relevaient pas du simple coup de bluff comme le disent la plupart des historiens, mais furent déclenchés sur la base d’informations solides, recueillies auprès des dirigeants politiques, administratifs et surtout militaires français, assurant que la France ne bougerait pas. « Peu de temps avant ce coup de force hitlérien, Thierry de Ludre (inféodé aux milieux allemands pro-nazis) dans une maison amie où je me trouvais également, pouvait entendre le général Maurin ministre de la guerre, déclarer à quelqu’un qui lui posa la question : Que ferions-nous mon général, si Hitler voulait amener ses défenses jusqu’au Rhin? – Pas grand chose et même je crois rien du tout.

Cet témoignage nous révèle aussi à quel point les passions et les délires de l’époque ressemblent comme des frères jumeaux à ceux d’aujourd’hui. Pierre Laval, le maquignon, au centre de la vie politique française à compter du milieu des années 1930, pourvu d’une formidable intelligence maligne (ruse politicienne et commerciale) mais dépourvu de toute vision de l’Etat et de l’histoire, semble se présenter comme un véritable précurseur de la politique actuelle. Pierre Laval n’ a jamais eu pour les idées un bien grand amour. Mais il aime les hommes, il les aime en les méprisant. Déjà en 1930 il disait: – Je crois qu’il faut faire le bonheur des peuples malgré eux (page 253). Le futur Gauleiter français de l’Allemagne hitlérienne, comme le surnomme l’auteur, dévoré par l’ambition vaniteuse, est en germe dans le politicien des années 1930. Le mépris, déjà…

MT

A propos maximetandonnet

Ancien conseiller à la Présidence de la République, auteur de plusieurs essais, passionné d'histoire...
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20 commentaires pour Lecture: Dernière édition, Pierre Lazareff, Valiquette Montréal (1943?)

  1. Monique dit :

    Selon Voltaire, « un historien est un babillard qui fait des tracasseries aux morts » c’est dit plaisamment et certainement très vrai. Ce sont peut être les hommes qui se répètent puisque l’histoire est celle des hommes. On y rencontre toujours, la tyrannie, la dictature, la guerre, la conquête. La politique ce sont les roueries du mensonge et les méthodes d’intoxications, il ne faut pas y entrer sans masque.
    Faut-il se admettre que de Gaulle a été le dernier vrai chef et que la France finalement ne l’a pas mérité. Il y a des marionnettes qui s’agitent en son nom tel Macron qui puise dans le mythe gaullien à chaque fois qu’il vient se prosterner à Colombey les deux Eglises, sans parler des contrefaçons gaulliennes le temps d’un portefeuille au gouvernement. Ce qui est certain c’est que jamais Macron ne pourra dire au peuple français : « je vous ai compris »

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  2. cyril dit :

    Laval vouait un amour pour la paix, il a sous estimé le rôle de la force; aussi il était vaniteux, pensant qu’il pourrait négocier avec Hitler, enfin il lui manquait de la culture, il n’aimait pas la lecture ni l’écriture, il misait sur sa seule expérience, il s’était enrichi et avait fait des placements financiers.

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  3. Monique dit :

    Bonsoir à tous,
    Les livres anciens aux feuilles jaunies sont des pépites, reflets exacts d’une époque avec ses évènements avant d’être remâchés, revus et corrigés par les historiens des temps modernes. J’ai longtemps suivi l’émission « Cinq colonnes à la une », avec trois excellents journalistes qui ont fait les bons temps de l’info diffusée par une télévision française digne de ce nom, évidemment c’était moins marrant que l’amour est dans le pré ou l’accouplement en direct d’un loft !
    Hitler est un sujet qui n’aura jamais de fin, car il fascine encore (hélas) certains nostalgiques qui voient en lui un sauveur de l’apocalypse.
    Alors est-ce vrai qu’Hitler a perdu la guerre parce qu’il avait demandé qu’on le laisse dormir, qu’on ne le réveille pas (la désobéissance c’était le front de l’Est ), ce n’est qu’une anecdote !
    Non, on ne fait pas le bonheur des peuples « malgré eux » le peuple n’a jamais eu la sottise de croire que le bonheur arrive par les hommes politiques, ni les adulés, ni les traitres défroqués et même pas les fidèles, ils sont une petite minorité.
    Je ne connais aucun peuple qui soit heureux, cela se saurait mais le peuple a tout un passé et des droits qu’il entend faire respecter. Le premier besoin du peuple, je pense que c’est la justice et les trois mots gravés sur les frontaux des édifices publics.
    Je ne sais plus qui a dit : « le peuple sera heureux quand il sera intelligent », et s’il l’avait été, le roitelet n’aurait pas été réélu, c’est impardonnable et ce sont les petits chefs de partis qui en sont les responsables.

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  4. charlymesdoun dit :

    J’aime bien: « Cet témoignage nous révèle aussi à quel point les passions et les délires de l’époque ressemblent comme des frères jumeaux à ceux d’aujourd’hui. »! C’est l’histoire qui repasse les plats contrairement à ce que disent beaucoup d’esprits éclairés! Mais qui serait le Laval d’aujourd’hui? Certes, cest une question difficile, je pourrais vous proposer plusieurs noms mais aussi embarrassante!

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  5. Anonyme dit :

    Je vais rechercher ce livre. Selon votre commentaire, cela valide le livre de l’historienne Annie Lacroix-Ruiz : « Le choix de la défaite.Les élites françaises dans les années 30 ». Ainsi que les propos du Gal de Gaulle sur les bourgeois transmis par Alain Peyrefitte.
    Rien ne change et Bernard Arnault ou François Pinault ou Patrick Drahi ou, ou … ont le même comportement que leurs prédécesseurs des années 30. Aucune générosité réelle, aucune participation complète à la gloire et à la fortune de la France; rien que le cri du cœur à courte vue et avec des actifs a l’abri à l’etranger : Ma cassette, ma cassette…
    Quid novi sub sole ? Qui se souvient que l’IG Farben n’a jamais été bombardé par les américains qui avaient toujours des billes dans cette entreprise (Edsel Ford, Henry Ford, Walter Teagle, C.E. Mitchell (en), Paul Warburg et W.E. Weiss) , dénazifiée discrètement, les dirigeants faiblement condamnés en 1945 en la transformant en BASF, Bayer et Hoechst ,Agfa, Kalle, Cassella et Huels…
    Je comprends les envies de meurtre du bon peuple. Au fond, les théories de René Girard sont validées par l’époque que nous vivons, un bon bouc émissaire, cela soulage d’autant que si on le choisit bien, il a suffisamment péché pour que le châtiment ne soit pas totalement indu…

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  6. Mildred dit :

    Monsieur Tandonnet,
    Pendant que vous vous abandonnez au « charme des vieux livres », d’autres essaient de nous faire « revenir dans le monde réel » :

    https://www.polemia.com/des-casseroles-ne-feront-pas-demissionner-macron/

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    • Mildred, vous n’avez pas tort, les polémiques sur les réseaux sociaux valent mieux que les livres d’histoire.
      MT

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    • cgn002 dit :

      En demeurant fort sélectifs !

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    • Anonyme dit :

      Mildred non content de se faire dessosser en permanence par D.Goux par la vacuité de vos propos, vous venez faire un petit tour chez Maxime pour vous faire demembrer, vous ressemblez à une méthode préconiser par Audiard, la façon puzzle. Les vieux livres comme vous dîtes, nous apprennent plus sur notre présent que les pseudos écrivains style Angot et les modernes réseaux sociaux. A ce titre les seconds cités s’apparentent plus aux pellicules qui prolifèrent sur le dessus du cuir chevelu, qu’aux idées qui se dévellopent dessous. Se laver les cheveux, fussent-ils avec un shampooing anti-pelliculaire ne suffit pas à avoir une pensée élaborée. Parce que je le vaux bien…diriez-vous.. avec des remarques de ce genre le « b » cotoie le « r »

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  7. Gerard Bayon dit :

    Bonjour à toutes et à tous,
    « L’Histoire ne se répète pas, elle bégaie », a-t-on fait dire à K. Marx. C’est précisément dans ces temps troublés qu’il faut fréquenter l’Histoire. Non pour en tirer des leçons et les donner à qui veut bien les entendre, mais pour interroger le passé et éviter de reproduire les soi-disant accidents et les chambardements imbéciles et vains.

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    • G Bayon, exactement et prendre de la hauteur…
      MT

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    • cgn002 dit :

      Sans correction, pas d évolution !
      Et qui dit correction compare deux situations…
      Faut il observer correctement l une et réfléchir murement à l autre, en prenant de la hauteur c est certain (je rajouterais qu il faut toujours s appuyer sur les referentiels et les raisonnements les plus solides et si possible collegiaux, evaluant exhaustivement tous ses points constructifs et tous les risques qui s y rattachent)
      Il s agit d un cycle « mécanique » universel.
      Tout ce qui s y oppose engendre instabilité et régression.
      C est une loi de la Nature.

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  8. laregie41 dit :

    A votre place , je prendrais toutes ces informations avec la plus grande précaution. A vous lire, on tomberait assez vite dans l’uchronie ou dans un complotisme avant l’heure.

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  9. Ping : Lecture: Dernière édition, Pierre Lazareff, Valiquette Montréal (1943?) – Qui m'aime me suive…

  10. Pheldge dit :

    « faire le bonheur des peuples malgré eux  » n’est-ce pas la devise de nos hommes politiques, qui eux savent, car ils ont eu le diplôme qui leur garantit leur statut d’élite ? et des comme ça, on en trouve à la pelle …
    Faire notre bonheur malgré nous voire contre nous, c’est bien ce à quoi ils s’emploient avec zèle, tous partis confondus, car je n’entends pas une voix s’élever contre la tyrannie 2.0 de nos écolos woke.

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    • Pheldge, oui, c’est bien là que je voulais en venir, en passant par l’histoire!
      MT

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    • there dit :

      @Pheldge Très juste . Et ils sont confortés en cela qu’ils passent tous un temps non négligeable à mentir « à en faire péter les intertubes » (pour paraphraser Pagnol) pour aguicher le votant. Ils ont beau jeu de traiter le peuple d’imbécile alors qu’ils font à peu près tout ce qui est en leur pouvoir pour l’enfumer .

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