Les ravages du pouvoir et de la courtisanerie

Voici un témoignage intéressant sur les coulisses du pouvoir à Vichy entre 1940 et 1942 qui m’est tombé par hasard dans les mains. Jean Berthelot est ingénieur, spécialiste du rail, ayant fréquenté de nombreux cabinets ministériels avant la guerre, il continue à Vichy comme secrétaire d’Etat aux transports. Se présentant comme un technicien, proche de Bouthillier, le ministre de l’Economie et de l’Amiral Darlan mais figurant dans le camp des adversaires de Pierre Laval, il participe aux Conseils des ministres. Ses dialogues avec les hauts dirigeants de Vichy sont particulièrement instructifs.

Le récit qu’il fait du retour de Laval en avril 1942, chantre d’une collaboration active, poussé par l’occupant allemand, est particulièrement éloquent. On y voit tous les ravages de l’esprit courtisan, l’instinct du pouvoir.

L’Allemagne hitlérienne est alors engagé depuis bientôt un an dans la guerre contre l’URSS mais n’a pas réussi à terrasser l’Armée rouge, accumulant des pertes gigantesques. les Etats-Unis sont entrés dans le conflit depuis quatre mois. Bref, à ce moment là, en avril 1942, il y a tout lieu de penser que la défaite des nazis devient une sérieuse possibilité sinon une probabilité.

Cependant, raconte l’auteur, le retour de Laval au pouvoir qui prône un alignement inconditionnel sur l’Allemagne, suscite de nombreuses vocations quand ce dernier forme ses équipes gouvernementales. « Laval reçoit sans désemparer […] Deux-cents visiteurs se succéderont dans la journée [du 15 avril]. A trois minutes par tête, la journée de huit heures ne lui suffira pas […] Laval, suivant une technique traditionnelle sous la IIIème République reçoit beaucoup. Les visiteurs s’entassent dans son antichambre. Je me demande pourquoi le pouvoir semble encore aujourd’hui séduire les hommes; ils courent à lui pour s’y consumer comme l’éphémère dans la flamme. La gloire est factice. »

Ceux qui se pressent ainsi pour un poste en cabinet ne sont pas forcément des fascistes ou des hitlériens ni même des collaborationnistes, mais des individus moyens qui auraient agi exactement de même lors d’un changement de gouvernement sous la république, poussés par l’instinct du pouvoir, qui y voient une occasion à saisir pour s’approcher du soleil. Ils n’écoutent que leur tripes. L’instinct courtisan les rend aveugle aux évolutions profondes du monde, à la défaite hitlérienne qui se profile et aux responsabilités qu’ils devront assumer. Ils ne réfléchissent pas, ils sautent sur l’occasion de se faire valoir auprès du pouvoir politique. C’est une constante de toute époque: la courtisanerie rend idiot.

MT

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A propos maximetandonnet

Ancien conseiller à la Présidence de la République, auteur de plusieurs essais, passionné d'histoire...
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30 commentaires pour Les ravages du pouvoir et de la courtisanerie

  1. Ping : Une dictature tempérée par la Collaboration générale (analyse en 496 mots) – NDLR : notre recueil sur Macron disait et prédisait tout, inspiré qu’il était par Victor Hugo et son appel vain aux Français dans son excellent et méconnu Na

  2. Ping : La catastrophe Macron (que nous avions détaillée dans ce recueil – en nous référant à Victor Hugo) choque le monde entier, à défaut de faire réagir le froncé (une poignée d’idiots brûlent des poubelles). La presse mondiale – NYT e

  3. Zonzon dit :

    Les collabos, il y en a toujours eu, il y en aura toujours – les macronistes c’est quoi ?

    La collaboration est ancrée au plus profond de la nature humaine.

    Parfois elle est mortelle. Que va t-il en être pour Poutine ? Vont-ils se balancer au bout d’une corde ceux qui soutiennent cet actuel monstre des moujiks soviétiques ?

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  4. Zonzon dit :

    WEEK END

    France. Les portes des églises commencent à brûler. Comme celles des commissariats.

    Fébrilité. Notre petit homme à traversé Paris à 3 heures du matin, par une nuit froide et hostile pour aller porter sa loi à l’Imprimerie Nationale afin qu’elle soit inscrite immédiatement au JO.

    Le ventre des femmes. Patrick Buisson en a parlé hier au soir chez Mathieu Bock-Côté comme on parle du ventre des vaches. La finesse du lepénisme.

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  5. JEAN CLAUDE fraternel dit :

    il est temps de revoir la nomination des « sages » du conseil constitutionnel
    ils ne sont plus crédibles juste encore de la flatterie pour le pouvoir
    vivement des personnes nommées et venant de la société civile et non plus de postes d’anciens ministres

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  6. jpmjpmjpm dit :

    Supprimer le pouvoir politique… le meilleur moyen de supprimer les courtisans!

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  7. Anonyme dit :

    de nombreux haut fonctionnaires savent bien naviguer ,surtout pres de celui qui sera élue ,soit députer ,président,ou premier ministre ,tous choisie dans la fonction public ,aucun de la vie civil ,Pourquoi ,,,il faudrait lacher son entreprise ,la politique, tu peut étre jeter rapidement ,la est le vrais probléme du priver michel 43

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  8. H. dit :

    HS mais comme c’était largement prévisible : “Retraites, en direct : le Conseil constitutionnel valide l’essentiel de la réforme et rejette le projet de référendum d’initiative partagée” (https:/ /www.lemonde.fr/politique/live/2023/04/14/retraites-en-direct-lorsqu-il-est-saisi-le-conseil-constitutionnel-ne-peut-refuser-de-se-prononcer-le-professeur-de-droit-public-paul-cassia-repond-a-vos-questions_6169475_823448.html)

    Le CC vient de perdre toute crédibilité.

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  9. H. dit :

    Ce serait drôle si ce n’était pas la triste réalité : https://youtu.be/xkfjlGFLNv4

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  10. Monique dit :

    Bon jour Maxime Tandonnet, toutes et tous,

    La courtisanerie, la flatterie ont marché de tout temps, à toute époque et au plus petit niveau. Dans un petit village de la France profonde devenue « Clochemerle » deux maires se font la guerre, l’un sortant en 2020 après deux mandats consécutifs et l’autre entrant certes moins compétent mais intègre et honnête. Depuis trois ans, harcèlement moral et diffamation grave de la part du premier qui n’accepte pas d’avoir été battu ; l’autre n’étant pas un « bagarreur », vient de démissionner parce qu’il est tombé malade par les attaques du premier. Maintenant, les habitants doivent retourner aux urnes, évidemment le maire battu se représente et le maire démissionnaire a décidé de rester au conseil municipal. Mêmes équipes, de belles bagarres en vue mais le premier a réussi à réunir autour de lui une petite cour de partisans aveugles, il a une grande ascendance et présence physique sur les gens, il flatte, n’hésite pas à semer les espions fidèles,( l’oeil et l’oreille au rapport !!!), et c’est un village de moins de 500 habitants !
    L’idolâtrie cela existe dans tous les milieux, parfois c’est pathétique !
    Quand on regarde les présidents, Mitterrand avait un grand ascendant sur ses ministres, il a été adoré ou haï, il ne laissait pas indifférent mais il était intelligent, la différence avec les autres. Les flatteurs qui tournent autour du pouvoir actuel sont des « intéressés », des carriéristes prêts à retourner leur veste, mais ceux qui entouraient Mitterrand étaient des fidèles jusqu’à la mort. (Nous en avons eu quelques preuves)
    La fascination est inexplicable, ce n’est même pas une histoire de prestige, ni de physique, ni de richesse, le mal absolu fascine aussi parce qu’on ne le comprend pas. J’aime beaucoup Stefan Zweig, il a tout dit tout expliqué « les hommes sont surtout fascinés par ce qui est le plus éloigné d’eux » (Le Monde d’Hier)

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  11. Gerard Bayon dit :

    Bonjour à toutes et à tous,
    La courtisanerie c’est en effet une constante depuis que le monde est monde.
    Si la politique en est le domaine le plus voyant, je pense notamment à E. Faure, F. Bayrou, F. Mitterrand et tant d’autres jusqu’à A. Bergé, elle touche tout autant mais de façon moins voyante la vie professionnelle, culturelle, religieuse et personnelle.
    Comme le disait V. Hugo : « La suprême bassesse de la flatterie, c’est d’encourager l’ingratitude. »

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    • « L’ingratitude est la marque des peuples forts  » aurait dit De Gaulle.

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    • cgn002 dit :

      Ce qui arrive de plus en plus en ce bas monde, c’ est que ce sont bien les plus ingrats qui réclament des flatteries objectivement indues…
      Et ils obtiennent des adeptes, car leur référentiel les autorise à acheter leurs flatteurs (un ingrat considère que tout s’achéte); et ils trouvent toujours des preneurs (pas question de s’acoquiner avec trop de compétence)
      Le drame de ces personnages toxiques envers leurs administrés, tient dans le fait de leur accès possible au pouvoir.
      En France le filtre premier reside dans l’emotionnel, c’ est de la séduction politique sans consistance. Un travers de notre démocratie.
      Nous baignerons dans cette soupe tant que nous n aurons pas mis en place un système de contrôle qui sanctionne les leaders dans leur exercice. S ils sont corrects ils sont proteges (c est important) et peuvent exercer leur autorité.
      S ils dérapent on doit pouvoir leur faire comprendre qu au delà d’ un certain niveau, les erreurs commises ne seront pas sans conséquence sur le niveau de pouvoir accordé.
      La propre remise en question d un leader ne doit pas être exclue de son mode de fonctionnement.
      L excès d assurance sans contrepartie contraignante ne peut qu être dangereux.
      Et le pouvoir donne bcp d assurance…

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  12. Christophe dit :

    Jean Berthelot:1897 -1985

    Condamné en juillet 1946 à deux de détention assortie d’indignité nationale.
    Il ne faut pas oublier que entre 1944 et 1947 beaucoup de personnalités ont été envoyés au poteau entre autre Pierre Laval,Jean Luchaire etc..

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  13. petitjean dit :

    Aucune différence avec ce qui se passe aujourd’hui !

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  14. cgn002 dit :

    La courtisanerie rend idiot, mais il faut surtout regarder celui qui la suscite. Il faut moins regarder les conséquences que ce qui les engendre, à mon humble avis.
    La clé se situe dans le niveau d’ego du leader. Souvent désormais, cette relation entre le leader et ses partenaires, fait apparaître des tares de personnalité proches de biais psychopathiques. Le pouvoir fait craquer bien de saines inhibitions précédemment installées. Il augmente par ailleurs les mécanismes de déni et suscite ainsi de plus en plus de non dits de la part de son entourage. Ajoutez y la méthode d installation de la crainte ( de chantage plus ou moins deguisé) et vous obtenez l’autoritarisme habituel (irrationnel ou absurde) des amoureux transis du pouvoir.

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  15. Janus dit :

    Si on en croit l’historienne Lacroix-Ruiz, dans son livre « La non épuration française », ils ont eu raison, d’un strict point de vue individuel. En effet, pour des raisons évidentes de cohésion , les coupables ne sont jamais punis à la hauteur des fautes commises et des turpitudes permises par leur collaboration au pouvoir dévoyé.
    Cela est vrai de toutes les époques. Si les empereurs destitués par les prétoriens étaient en général exécutés de façon ignominieuse, les cercles du pouvoir étaient peu touchés par l’élimination des serviteurs zélés du pouvoir précédent.
    Et les collaborationnistes s’en sont presque tous tirés sans drame, surtout les techniciens qu’on a réutilisé pour leur compétences technocratiques après un rapide coup de règle sur les doigts. Seuls ont été sanctionnés les idéologues les plus voyants et quelques journalistes pervers ou imbéciles…
    J’ai en son temps été doté d’un modeste pouvoir sur une région française dans une grande société privée et j’ai vu et vécu tout cela à un niveau lilliputien et je confirme que rien ne change et que les ressorts du pouvoir et des ambitions humaines sont toujours les mêmes.
    L’examen du pouvoir et de ses lois est répugnant et la culpabilité ne fait pas partie des normes dudit pouvoir, quel qu’il soit…Celui qui est doté de sens moral et de lucidité n’est pas le mieux armé pour exercer le pouvoir.
    Pascal a dit des choses fortes sur le sujet et les grands auteurs de l’antiquité Plutarque, Thucydide, Salluste et Tite-Live doivent toujours être médités. Quid novi sub sole ?

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    • Quid novi sub sole ? L’invention de la télé, du satellite, du téléphone portable, d’internet qui amplifie le phénomène, le rend plus voyant, plus invasif .

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    • cgn002 dit :

      Il est certain que l impunité souhaitée et pratiquée avant cette modernité, était plus facile à mettre en œuvre.
      Mais si vous observez les parades actuelles, on constate que les pouvoirs les plus pervers mettent de gros moyens pour s’ affranchir de ces miroirs ( impudiques !).
      L imagination et les stratagèmes en vigueur pour dissimuler ou atténuer les méfaits de ces personnages ou organisations, méritent une encyclopédie à eux seuls.

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  16. H. dit :

    Bonjour Maxime,

    Un livre très intéressant à lire pour comprendre ou tenter de mieux appréhender ce qu’a été cette catastrophe politique (1940-1945). Je suppose que l’ouvrage n’est helas plus disponible.
    En ce qui concerne la courtinaserie et sa proche voisine, la flagornerie, elle est plus souvent le faut de personnalités ou faibles ou sans scrupules (les deux critères ne sont pas incompatibles) et puis parfois, il y a également des individus dotés d’un charisme personnel hors de mesure qui subjuguent littéralement leur entourage et là, il faut une grande force de caractère pour ne pas succomber. Laval ou Pétain appartenaient-ils à cette espèce rare ? Difficile de répondre. Le premier était madré et avait un compte à régler avec ceux qui l’avaient laisser tombé lorsqu’il était président du conseil. Le second était également rusé et sous un aspect bonhomme de bon grand-père, fort de son image acquise durant la Grande Guerre, avait su tisser une toile importante dans les hautes sphères de cette troisième république décadente. Il était bien vu des républicains et de la gauche radical-socialiste et des socialistes, ce qui a fortement contribué au succès du vite du 10 juillet 1940. Leur adversaire, le Général, devait être doté de cette capacité d’emprise sinon comment expliquer l’idolâtrie de certains de ses supporters ?
    Merci pour cette petite récension qui nous confirme simplement qu’il n’y a hélas rien de nouveau sous le soleil en matière de comportement humain.
    Bonne journée

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    • roc dit :

      « cette troisième république décadente. »
      la troisième république ne s’est effondrée que sous l’impacte d’un choc extérieur tout comme la quatrième !
      combien d’année merkel est elle resté au pouvoir de sa république parlementaire ? 15 ans et tatcher ?
      les régimes présidentiel suivent leur pente naturelle, celui d’un régime anti-démocratique et autoritaire !

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  17. badin26 dit :

    Le régime de Vichy a eu, comme l’Allemagne, le tort d’être parmi les perdants et l’histoire ne l’a pas jugé avec impartialité cependant, comme vous l’écrivez, ceux qui en faisaient partie continuaient leur pratique de la courtisanerie qui a toujours eu cours dans ce monde de la politique. Regardez ce qui se passe aujourd’hui alors que l’étoile de Macron pâlit! Et le livre « L’Ami américain » de Branca rappelle à quel point, même au moment où Paris est en train de se libérer, les forces de tous les pouvoirs (Gaullistes, Vichyssistes, américains, ..) se battent pour essayer de récupérer une part du gâteau et installer leur poulain, jusqu’à traficoter avec l’occupant pourtant en mauvaise posture!

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    • Christophe dit :

      Le régime de Vichy n’existe pas!Cette appellation est impropre.Il s’agit de l’État Français.Il dura du 10 juillet 1940 au 20 août 1944.

      Cette mise au point me paraît nécessaire, en matière historique il faut précis rigoureux et factuel.

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  18. Ping : Les ravages du pouvoir et de la courtisanerie – Qui m'aime me suive…

  19. Florence dit :

    Qui ne dit RIEN consent !!
    Ainsi s’instaure la BANALITÉ du MAL et son armée de collaborateurs avide de pouvoir …
    Pouvoir qui n’est pas une excuse …

    Aimé par 1 personne

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