
Ce témoignage est paru en Allemagne en 1980. Il émane du plus proche serviteur et homme de confiance du Führer, celui qui fut chargé d’incendier son cadavre et celui d’Eva Braun après leur suicide. Le livre a servi de base au chef d’œuvre cinématographique la Chute, qui raconte les derniers jours d’Hitler dans son bunker à Berlin. Voici la première traduction en français, 43 ans après la sortie du livre. L’ouvrage est présenté par l’historien Thierry Lentz et abondamment fourni en notes de bas-de-page qui permettent de situer les protagonistes.
On en a beaucoup dit sur la banalité du mal, mais c’est bien l’impression qui s’en dégage à travers la personnalité du témoin. Visiblement Linge, SS désigné auprès d’Hitler pour ses qualités physiques et psychologiques d’excellent « aryen », est un personnage médiocre, servile, conformiste. Mais il raconte au jour le jour sa vie auprès du dictateur. Il se vante de toujours l’avoir servi avec loyauté et même en 1980, après avoir passé une partie de sa vie en captivité en URSS, il semble continuer de vouer au « diable » une admiration et un respect préservés…
Son récit comporte des portraits de l’entourage de ce dernier: Speer l’architecte du Führer, jugé affable et courtois, Bormann, une brute sanguinaire qui frappe sa femme et ses enfants, maltraite physiquement ses collaborateurs, Göring, arrogant et méprisant avec les serviteurs mais particulièrement obséquieux avec Hitler. La vie de ce dernier avant la guerre, et surtout pendant, est racontée au jour le jour. On perçoit le contraste en la banalité de son quotidien pendant que sous ses ordres s’accomplit l’un des plus épouvantables crimes de l’histoire de l’humanité à partir de septembre 1939.
L’homme est plein de petites manies, ne supporte pas l’odeur du tabac ni l’alcool, hygiéniste avant l’heure, ne mange que des légumes, jamais de viande, malgré les conseils de ses médecins. Ses ébats sexuels avec Eva Braun sont bruyants… Mais son état de santé se dégrade inexorablement et Linge, qui vit dans l’inquiétude pour son chef, raconte son effondrement physique, surtout après l’attentat de juillet 1944. Pourtant, son état n’a rien qui puisse s’assimiler à la folie et il plaisante même de cette rumeur. « Un membre de son escorte devait téléphoner au comptable de son unité et le Führer voulait en même temps téléphoner à Speer […] Par erreur, les communications établies furent interverties au centre d’appels. L’aide de camp tendit le combiné au Führer en pensant que Speer était au bout du fil. Mais après que Hitler se fut annoncé – selon son habitude – avec la formule « ici le Führer », un éclat de rire sonore retentit à l’autre bout de la ligne : il émanait du comptable qui toujours en riant aux éclats hurla dans le combiné: « Mais tu es dingue ou quoi! ». Je redoutais un éclat aux fâcheuses conséquences mais Hitler rendit l’appareil en disant: « Celui-là aussi dit que je suis fou! »
Cette vie quotidienne est dominée par l’obsession paranoïaque envers ses généraux soupçonnés en permanence de trahison, et même les pontifes du parti nazi qui exaspèrent le Führer, la croyance mystique d’être guidé par la providence et donc infaillible, l’enchaînement des colères hystériques (plutôt rares avant 1943 mais fréquentes après la défaite de Stalingrad), un climat d’idolâtrie et de courtisanerie exacerbé autour de lui, et des moments de détente et de convivialité comme les pique-niques dans la montagne avec ses secrétaires… Il ne se couche pas avant 4 heures, faisant subir à son entourage d’interminables monologues, puis se fait réveiller à midi. Il ne donne jamais d’ordres clairs, semble ne rien décider, mais ses acolytes qu’il ne cesse d’opposer les uns aux autres, doivent déduire sa volonté de son verbiage qui ressemble souvent à une bouillie indigeste.
La traduction de Didier-Armand Canal est remarquablement rédigée dans un style plaisant et les commentaires de Thierry Lentz sont lumineux. Un document clé de l’histoire du XXe siècle enfin accessible en français à lire pour connaître l’envers de l’une des plus épouvantables tragédies de l’histoire de l’humanité.
MT
Hors sujet M.Tandonnet mais j’ai pensé que les actions nobles et humanitaires de MSF méritent une fois de plus d’être à l’honneur.
Le Geo Barents, un navire humanitaire de Médecins sans frontières (MSF), a secouru mardi 4 avril 440 migrants en détresse à bord d’une embarcation dans les eaux internationales au large de Malte, a annoncé l’ONG. « Après plus de 11 heures d’opération, le sauvetage est maintenant terminé et un total de 440 personnes, dont 8 femmes et 30 enfants, sont maintenant en sécurité à bord du Geo Barents et sont pris en charge par l’équipe »
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Les migrants sont donc à environ 91% plus ou moins des hommes, est-ce pourquoi l’on n’utilise pas l’écriture inclusive pour les désigner ? Migrant.e.es
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Vous ne trouvez pas une ressemblance entre Hitler et Staline?
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ou Philippe Martinez ?
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Je ne trouve pas de ressemblance entre Staline et Hitler.
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à Monique : ou le zozo ?
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Sans vouloir atteindre le « point Godwin », et même si l’histoire est passionnante, il y a un autre histoire « jusqu’à la chute » qui me concerne beaucoup plus en ce moment.
C’est celle que pourrait raconter Mr Alexis Kholer dans quelques années , sur les années qui nous attendent
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Qui a dit « il faut laisser les morts enterrer les morts « ? ?
Ce serait bien qu’on change un peu de monstre et qu’on veuille bien nous inonder de littérature insultes et divers à propos de Staline de Pol Pot et autres figures célèbres de l’assassinat organisé. Il est bien d’enseigner L’H istoire mais à condition qu’elle ne serve pas d’abcès de fixation en omettant d’autres génocides. On a vu récemment les controverses concernant la Vendée. Les jeunes savaient ils seulement qu’il avait existé une guerre de Vendée.? Lorsque des jeunes de familles aisées de plus de dix huit ans ne savent même pas qui était Saint Louis ( histoire vécue dans mon entourage) il y a de quoi se faire quelques soucis sur la culture d’un peuple.
Hitler était un type d’Individu intéressant je n’en doute pas mais l’importance qu’on lui donne même négativement finit par perpétuer son souvenir et cet aspect est insupportable pour beaucoup d’entre nous. Il serait grand temps de l’enterrer ..et cela n’empêche pas une très méchante épitaphe ..
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Hitler-Franco-le dictateurs Portugais ,Musolinie ,Staline ,ou est la différence michel43
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Michel 43 la différence est dans le nombre de morts dont ils sont responsables.
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Bonjour Mr Tandonnet et tous.
Etant féru d’Histoire et friand de documentaires traitant de mes périodes favorites (Moyen-Âge, 2nde GM et Guerre Froide), je n’ai de cesse d’en visionner, surtout lorsqu’ils touchent l’anecdote.
Il est une série de 6 épisodes qui reprend l’actualité de l’entourage d’Hitler sur caméras privées (sans son) avec sonorisation grâce à des procédés modernes de labiolecture et interprétation IA.
Comme ce sont des conversations censées être libérées par leur silence et l’ambiance privée, nous entrons dans la sphère intime de l’appareil nazi qui révèle sans fard l’âme profonde des dignitaires du régime.
Edifiant.
Je pense que la lecture que vous nous présentez est du même registre. Merci de nous l’avoir proposée.
Je vais me procurer l’ouvrage.
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Bonjour à tous,
On a beaucoup écrit sur Hitler, ses médecins comme Theo Morell , on a dit tant de choses vraies ou fausses qu’il nous reste la certitude que ce fut le pire tyran, le pire assassin, l’esprit du mal, le diable en personne de toute l’histoire de l’humanité… il a su s’entourer de barbares, d’êtres inhumains, sans scrupules, des hommes qui n’en avaient que le nom, et c’est cela le vrai mystère. Le fait qu’Hitler ait été un hypocondriaque « Une phobie des microbes qui l’oblige à se déplacer avec une impressionnante « valise de médicaments » : vitamines, sulfamides, hormones, calcium et différentes drogues – son valet et garde du corps lui mettait des gouttes de cocaïne dans les yeux. Le tout sous l’autorité du médecin Theodor Morell, que Göring surnomme « le grand maître des piqûres »… À cela s’ajoute la maladie de Parkinson, dont les premiers symptômes sont décelés dès l’année 1942, avec des tremblements constatés sur la main, le bras et la jambe gauche… » un excellent article dans le Point du 16 avril 2022 « Dans l’intimité d’Hitler : les manies d’un dictateur « ’d’après historien Claude Quétel ».
Je m’intéresse plus à ses fidèles courtisans transformés en machines à tuer, fidèles jusqu’à la mort, on a atteint l’innommable dans l’histoire. Comment comprendre cette fascination et la terreur sur tout un peuple, c’est là le mystère Hitler. Personne ne le saura jamais. Mais il est intéressant de se rappeler cette partie de notre histoire qui a été liée à Hitler, c’était hier !!
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Monsieur Tandonnet,
Je peux imaginer le côté plaisant que peut avoir ce document-clé pour connaitre l’envers de l’une des plus épouvantables tragédies de l’histoire de l’humanité.
Après tout n’ai-je pas moi-même pris un certain plaisir – peut-être malsain – à lire que le révolutionnaire Saint-Just, portait des culottes taillées dans de la peau d’homme ?
Mais quand votre propre vie a été, dès la naissance, percutée par cette histoire à tous points de vue monstrueuse, c’est un tout autre problème.
Ce sera donc sans moi !
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Je vous comprends, Mildred; vous avez toute ma sympathie, d’autant que ma mère qui a vécu l’Occupation à Paris, en garde un souvenir indélébile et des stigmates.
Ce qu’elle me relate n’est pas dans les manuels d’Histoire et cette époque dont elle est un lien avec ma génération m’est paradoxalement encore contemporaine.
Elle a quelques réticences sur l’évocation de l’actualité de l’époque, c’est certain.
Ce que j’en retiens est que l’Humanité a pu engendrer de tels monstres, qui furent capables d’orchestrer la mort programmée, de la normaliser, de la banaliser et de l’industrialiser.
C’est ce qu’il ne faut jamais oublier. Étant né moi-même après la guerre, c’est l’aspect documentaire qui s’invite en premier dans ma perception.
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Pas de commentaire inutile !
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Cette idée de banalité du Mal popularisée par Hannah Arendt est pernicieuse :
https://fboizard.blogspot.com/2020/11/la-banalite-du-mal-une-idee-trompeuse.html
A force de redouter la banalité, on en vient à ne plus se méfier du Mal et on élit un authentique psychopathe comme Macron.
Hannah Arendt est aujourd’hui intouchable, mais elle a introduit beaucoup d’idées bancales ou franchement mauvaises.
Oui, chaque homme porte en lui le Mal. Mais il est faux et trompeur de considérer que de Eichmann ou des Hitler sont banals, des hommes ordinaires. Ils ont fait carrière dans le Mal, c’est très différent du simple exécutant.
Un exemple pour illustrer, le chef du 101ème bataillon de réserve de gendarmerie, unité qui a tué environ 83 000 civils (juifs, Polonais et Russes), a exécuté les ordres, mais il n’a pas fait carrière, il a tourné alcoolique et dépressif.
https://fboizard.blogspot.com/2022/01/des-hommes-ordinaires-le-101eme.html
Les vrais bourreaux ne tournent pas alcooliques et dépressifs, ils s’épanouissent dans le Mal. Ils ne sont pas banals.
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Ping : Lecture: Jusqu’à la chute (Mémoires du majordome d’Hitler) Heinz Linge, Perrin 2023. – Qui m'aime me suive…