
Nous sommes sans doute devant bien autre chose qu’une simple une crise sociale. Dans les profondeurs du pays, l’exaspération est extrême. Elle a des causes économiques et sociales bien sûr, l’aggravation de la pauvreté, le chômage, l’inflation qui ronge le pouvoir d’achat et frappe de plein fouet la classe populaire et la classe moyenne. Mais surtout, cette exaspération à des causes mentales. Elle est une réponse au sentiment d’un déni démocratique. En 2017 comme en 2022, la présidentielle n’a pas donné lieu à un débat de société et à des choix politiques, le président étant élu largement par défaut. Le taux d’abstention gigantesque des législatives (46%) a souligné à quel point la population ne se sentait plus écoutée ni représentée. La réforme des retraites avec sa mesure emblématique des 64 ans, fait l’objet d’un rejet extrêmement profond de la population. L’entêtement ou l’aveuglement des dirigeants politiques à ce sujet engendre un malaise profond dans le pays. Cette impression que le pouvoir politique méprise le peuple est à la source d’un climat explosif. L’usage du 49-3 (après le 47-1 pour bloquer les débats) pourrait être l’étincelle de trop.
Derrière le match Emmanuel Macron et son gouvernement contre l’opposition politique et sociale, dans quelle mesure se joue-t-il le match des Français contre la technocratie ?
Le conflit se situe entre une vaste majorité des Français et une classe dirigeante qui s’incarne dans quelques figures médiatisées au style technocrate poussé à la caricature : arrogance, langue de bois, mépris, indifférence morgueuse… Pour autant, l’Etat profond (l’administration) n’y est cette fois-ci pour rien. Ce n’est pas lui qui a poussé le pouvoir politique dans cette voie. L’origine est purement politique : les « 65 ans » en guise de programme du président-candidat Macron et l’acharnement de ce dernier à les mettre en œuvre, déclinés en « 64 ans », dans un objectif de posture autoritaire. Rarement un tel consensus contre le pouvoir politique ne s’est trouvé réuni dans une logique qui surmonte les clivages sociaux et idéologiques – à l’exception de la bourgeoisie fortunée et retraitée.
Alors que le gouvernement est forcé de recourir au 49-3. A quel point faut-il voir, dans la séquence actuelle, un énième clou dans le cercueil du cercle de la raison ? Une remise en cause du modèle ?
Le pays sombre une nouvelle fois dans l’absurdité. Cette réforme, en particulier les 64 ans de la discorde, est largement inutile et relève de la provocation. Compte tenu des 43 annuités pour atteindre une retraite à taux plein, les 64 ans pénalisent (injustement) une minorité de personnes qui, ayant fait peu d’études (travailleurs manuels), ont exercé un premier emploi avant l’âge de 21 ans. Or, dans un climat d’extrême confusion, il semble que « les carrières longues » sont partiellement exonérées de la règle des 64 ans (même si des poches d’injustice subsistent). Affirmer dans ces conditions que les 64 ans sont en soi indispensables pour sauver les retraites relève du mensonge grossier. La France se déchire sur une querelle qui relève à bien des égards du chiffon rouge. Bien entendu le modèle politique français, le système présidentiel, est au cœur de la tragédie dès lors qu’il favorise les dérives autocratiques et vaniteuses, la courtisanerie (que l’on voit à l’œuvre notamment dans l’ancienne opposition de droite) et la déconnexion.
Quelles peuvent être les conséquences de la séquence politique actuelle, à la lumière de ces enjeux ?
Il est toujours difficile de prévoir la suite des événements. A court terme, les conditions d’un embrasement paraissent réunies : l’extrême impopularité et discrédit de l’équipe au pouvoir avec une colère qui risque de se focaliser sur l’image du président, le mécontentement social, le quasi consensus populaire dans le rejet, la crise démocratique. Le déclenchement d’événements d’une gravité équivalente à mai 1968 (bien que d’une nature différente) est un scénario plausible même si rien n’est évidemment certain. A long terme, en revanche les choses sont plus claires. Nous allons de toute façon vers une aggravation de l’écœurement, du dégoût de la politique et de la défiance. L’abstention va encore augmenter, dans des proportions vertigineuses ainsi que le vote de colère, aussi bien vers la Nupes que vers le RN. L’effondrement du macronisme est inéluctable. La droite LR, dans sa forme actuelle, est probablement aussi condamnée. En soutenant – avec un zèle qui fait froid dans le dos – la réforme du président Macron elle a largement lié son destin à celui du macronisme. Bien entendu, sur les ruines de la politique française, de nouvelles personnalités, n’ayant pas trempé dans la compromission, peuvent émerger. Mais nous n’en sommes pas là.
MT
https://www.contrepoints.org/2023/03/19/452696-une-representation-nationale-qui-ne-represente-rien
J’aimeJ’aime
ce matin dans le Figaro :
https://www.lefigaro.fr/politique/retraites-esperons-que-les-republicains-retrouvent-leurs-esprits-tance-bruno-le-maire-20230318
what else
J’aimeAimé par 1 personne
Il ne l’emportera pas au paradis!
MT
J’aimeAimé par 2 personnes
MT, vous parlez de notre prochain PM …
J’aimeAimé par 1 personne
Guerre en ukraine : si la guerre dure, en 2024 ont lieu les elections américaines ; en cas de victoire des conservateurs, l’europe risque de se retrouver seule , les USA se focaliseraient sur le chine, et moins sur la russie (cf article journal le monde 27 fev 2023)
Aussi la France et l’Allemagne se sont brouillés car l’Allemagne veut batir un bouclier antiaérien avec l’aide américaine
J’aimeJ’aime
Cher monsieur Tandonnet, j’adhère à tous vos articles mais là, une phrase me gêne un peu : « La droite LR dans sa forme actuelle est probablement condamnée » … et si LR avait le courage ou la nécessité pour survivre de se rallier avec d’autres droites ? ne croyez vous pas à un espoir de revirement ? évidemment, les vieux mammouths LR, les ravis gavés, ceux qui s’assoient à droite parce que c’est leur fauteuil et qu’ils l’ont usé, je ne parle pas de ceux là, ils ont tous trahis, mais il reste les autres ?
Je veux encore espérer en une droite d’alliances, quatre ans pour le faire, rien n’est impossible aux hommes de bonne volonté comme on dit chez nous, s’il n’y a pas un de Gaulle parmi eux, au moins il y a des politiques sincères et certainement intègres, il suffit de leur donner un peu de temps. On ne peut pas enfoncer les clous du cercueil sur un mourant !
Je ne crois pas « en la rue » telle qu’elle se présente », le peuple c’est bien autre chose, et puis cette extrême gauche de par ses actes et actions se saborde elle-même et c’est tant mieux. Qu’on nous libère des ces individus payés que nous n’avons jamais élus et qui se comportent comme des voyous. Hugo a dit : « “Quand le peuple sera intelligent, alors seulement le peuple sera souverain.” c’est tellement vrai.
J’aimeAimé par 1 personne
Monique non je ne crois pas à ce genre de combine politicienne mais plutôt à une table rase partisane et l’émergence de nouvelles forces.
MT
J’aimeAimé par 1 personne
@Pheldge
« Ca fait surtout le jeu de Mélenchon, qui devrait en récolter les fruits e cas de dissolution. »
Je ne crois pas du tout en cette hypothèse. LFI exaspère les Français par ses outrages et ses débordements. La gauche PS et PC ainsi que les verts opportunément ralliés lors des législatives prennent maintenant de la distance avec ces agités du bocal qui finiront eux aussi dans la poubelle de l’Histoire.
J’aimeJ’aime
une chose est sûre : une dissolution ne profitera no aux macronistes, ni aux LR, qui reste-t-il alors ? le RN, mais surtout la Nupes qui a surfé sur le rejet et l’exaspération, voilà pourquoi je pense que LFI gagnerait encore un peu plus d’influence en cas de nouvelles élections.
Et j’imagine bien un scénario en 2 temps : 1/ dissolution, suivie d’une cohabitation avec Nupes, qui aboutit à un blocage. 2/ démission de Macron qui peut alors se représenter et reprendre la main avec « moi ou le chaos » comme seul mot d’ordre. Le pire c’est que ça pourrait marcher.
J’aimeJ’aime
Il faudrait circuler un peu, un article de Vincent Trémolet de Villers dans le Figaro : « Incendies, violences… L’incroyable sentiment d’impunité de l’extrême gauche», pensez-vous que ce soit normal dans une démocratie ? il dit : » Même atmosphère embrasée à Rennes, Nantes, Amiens, Dijon. Habités d’un sentiment d’impunité qui leur permet depuis dix ans de semer la terreur dans nos rues, les casseurs de la gauche radicale se sont livrés à leur sinistre rituel de destructions. 62 ou 64 ans, quelle importance? Le seul objectif est d’humilier l’État et de le démolir. »
Je vois des drapeaux du NPA flotter parmi les manifestants, il refait surface avec l’extrême gauche et son équipée sauvage de gros bras, est-ce représentatif de la colère d’un peuple qui refuse une réforme ou bien celle d’un climat que certains voudraient rendre insurrectionnel pour chauffer leur révolution ? quel avenir pour la France avec de tels gus au pouvoir, se réfugier à l’ombre du grand arbre du communisme ?
Qu’on ne me dise pas que toute cette violence impunie alors que d’autres en pâtissent, qu’on ne me dise pas que c’est là l’avenir de la nation avec des hommes responsables, sensés, intègres et visionnaires comme de Gaulle !
On est tous contents, ça bouge, ça se remue au sens propre comme au figuré, la populace danse dans la rue et elle se croit à la Lanterne on allume des feux de chantier c’est mieux que les chandelles. Je remarque que les menaces de Macron on été entendues, pas de panneaux, pancartes, banderoles insultants la fonction, là on reste soft, courageux mais pas kamikazes.
Quelle image a la France vu de l’étranger ? par le passé il y a eu des manifs calmes et pacifistes, ce sont les seules qui devraient être entendues.
Macron est sur le fil du rasoir, de toutes façons, il est aussi impopulaire que son prédécesseur, mais voir les pavés de France livrés à l’extrême gauche, cela ne me représente pas en tant que citoyenne responsable et contre cette réforme qui est injuste.
J’aimeAimé par 1 personne
une révolution, c’est toujours le fait d’une minorité déterminée. Les gilets jaunes ? récupérés et noyautés par les gauchistes en quelques jours. pourquoi espérez vous qu’il en soit autrement aujourd’hui ? il y a des professionnels de l’agitation, et ce sont eux qu’on voit en ce moment. Ca fait surtout le jeu de Mélenchon, qui devrait en récolter les fruits e cas de dissolution. Les autres ? mais qui s’en soucie, ils sont perdants dans tous les cas de figure …
J’aimeAimé par 2 personnes
A reblogué ceci sur MEMORABILIA.
J’aimeJ’aime
Dans les causes de la défiance généralisée et du mépris ressenti par le peuple, il faut rajouter la crise énergétique, la suppression programmée de l’automobile du pauvre et son éjection des centres ville et enfin l’opprobre jeté sur ses habitations honteusement qualifiées de passoires thermiques ! Sans parler de la gestion ahurissante de l’épidémie de covid.
J’aimeAimé par 4 personnes
Absolument!
MT
J’aimeAimé par 1 personne
Et le fiasco de l’énergie, l’effondrement de l’hôpital public et de l’École, la démolition de la Nation, le massacre du tissu industriel, l’abandon du monde rural, l’immigration incontrôlée… et la volonté de la caste de refourguer cette immigration, dont on ne sait plus quoi faire, aux ploucs, c’est à dire de la noyer dans nos villages.
Voilà ce qu’en disait la démographe Michèle Tribalat sur ces prétendues élites qui peuvent choisir leur mode de vie et « comptent bien dresser le poil des « petits blancs » récalcitrants en leur infligeant une cohabitation dont elles ne sont pas menacées tant qu’elles maintiennent leurs avantages. » (Michèle TRIBALAT – Assimilation, la fin du modèle français – Éditions du Toucan, 2013. P.246). C’est précisément où nous en sommes à Belâbre (36), à Callac (22) ou encore à Beyssenac (19) et dans bien d’autres lieux dont on parle moins.
Christophe GUILLUY notait lui que les classes populaires « observent que les classes supérieures qui font la promotion de la diversité sont celles qui pratiquent le plus le grégarisme ainsi que l’évitement résidentiel et scolaire. Elles voient que la classe dominante qui prône l’universalisme et l’égalitarisme favorise le modèle néolibéral le plus inégalitaire » (c. GUILLUY – Le temps des gens ordinaires – Champs actuel, 2021 – p. 86).
La réforme des retraites n’est qu’un prétexte au mécontentement qui commence à gronder.
J’aimeAimé par 1 personne