Comment l’obsession des élections présidentielles de 2027 parasite déjà la vie politique française (pour Figaro Vox)

« La droite devrait voter le maximum des réformes que nous (LR) préconisons […] Ne pas voter la réforme des retraites, c’est totalement incompréhensible […] On oublie un petit détail, c’est qu’Emmanuel Macron ne peut pas être candidat à sa succession (…) Les jeux redeviennent ouverts. Si la droite veut reconquérir une crédibilité vis-à-vis des Français, ce n’est pas en étant populiste ou en épousant les idées de Le Pen ou Mélenchon, parce que pour le coup les extrémistes feront toujours mieux que nous« . Ces propos de M. Jean-François Copé, invité de RTL le 22 février, illustrent les états d’âme de la classe politique française. Le maire de Meaux a exprimé tout haut ce que ne nombreux responsables politiques nationaux, de tout parti, pensent tout bas. L’obsession de la présidentielle de 2027, dans plus de quatre ans, prévaut d’ores et déjà dans la classe politique sur toute autre considération – notamment d’intérêt général.

A travers son appel à soutenir le gouvernement sur le dossier des retraites, l’inventeur de « la droite décomplexée » ne se penche pas sur l’intérêt en soi de cette réforme. Et pour cause : tout le monde sait que sa mesure emblématique, le report de l’âge du départ à la retraite à 64 ans n’a qu’une portée réduite (sinon nulle) compte tenu du nombre d’annuités fixé à 43 ans et d’un âge moyen d’entrée sur le marché du travail nettement au-dessus de 21 ans ; son seul effet réel se limitant à pénaliser les personnes ayant travaillé avant cet âge, c’est-à-dire les travailleurs manuels, la France populaire ou périphérique. Non. Il met en avant des considérations politiques (au sens de politiciennes) dirigées vers l’échéance suprême de 2027.

Et il est loin d’être le seul. Les grands leaders historiques de droite, à l’image de M. Copé qui lui a le mérite de la franchise, font le même calcul.  2027 verra selon eux, pour la troisième fois consécutive, s’affronter au deuxième tour un candidat (prétendument) respectable, fréquentable, « républicain », à un épouvantail populiste ou extrémiste, qu’il soit issu de la Nupes ou du RN, probablement Mme le Pen en personne (pour sa quatrième tentative). Dès lors que M. Macron ne peut pas se représenter, l’intérêt de la droite LR est aujourd’hui, d’après cette logique, de se rapprocher de la majorité présidentielle pour espérer qu’un candidat issu des rangs de LR émergera d’une grande force centrale et respectable ou « responsable » pour succéder à M. Macron face à l’un des deux maudits de la politique française. La réforme des retraites est dès lors une occasion d’afficher, non pas une alliance en bonne et due forme, qui prêterait le flanc au reproche de compromission, mais une culture politique commune – de sérieux – avec Renaissance.

Mais la droite LR n’est pas la seule dans le calcul. Le RN a lui aussi les yeux tournés vers 2027. Son attitude se polarise sur la quête de la respectabilité comme en témoignent sa modération à l’Assemblée nationale et son refus de prendre part aux manifestations sur les retraites. L’idée est bel et bien d’occuper l’espace au centre-droit que LR est en train de libérer en caressant le macronisme. Quant à la Nupes, elle reprend le flambeau de la contestation violente et antisystème à l’image de son comportement chaotique à l’Assemblé dans l’espoir de placer l’un des siens à l’horizon de 2027 pour incarner la révolte populaire – au risque de se brouiller avec les syndicats qui refusent toute récupération politique de leur mouvement.

Une inconnue relativise les calculs du monde politique : quelle sera l’attitude du président Macron ? Choisira-t-il de se placer au-dessus de la mêlée comme semble le suggérer M. Copé ? Voudra-t-il adouber un successeur – sans doute un proche issu de sa mouvance personnelle ? Tentera-t-il par tout moyen légal (une révision ?) de se maintenir au pouvoir ? Nul ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs selon l’article 6 issu de la réforme constitutionnelle de 2008 voulue par Nicolas Sarkozy. Pour la première fois depuis 1851 s’achève un mandat présidentiel non renouvelable. Le 2 décembre 1851, le président Louis Napoléon Bonaparte s’était affranchi de cette limite à sa manière… Notre époque ne se prête évidemment plus à des coups d’Etat mais cette règle, interdisant plus de deux mandats consécutifs, constitue une variable décisive des quatre années à venir sur le plan politique.

En attendant, toutes ces spéculations tournées vers 2027 sont le signe de la déconnexion croissante du monde politique avec la société française. La France est un pays qui souffre dans sa chair en ce moment : vertigineux effondrement scolaire, spectaculaire poussée de la violence et de l’insécurité, crise du système de santé, perte de la maîtrise des flux migratoires, montée de la pauvreté (touchant près de 10 millions de personnes), chômage massif de 3 à 5 millions de personnes, inflation qui frappe de plein fouet les familles, vives inquiétudes autour de l’explosion de la dette publique qui obère l’avenir des générations futures et face au risque d’être entraîné dans la guerre entre la Russie et l’Ukraine. Et les Français, dans leur immense majorité, se moquent éperdument des petits calculs de la classe politique à l’horizon de 2027, d’ailleurs parfaitement vains dans un contexte aussi instable, explosif et imprévisible.

MT

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A propos maximetandonnet

Ancien conseiller à la Présidence de la République, auteur de plusieurs essais, passionné d'histoire...
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10 commentaires pour Comment l’obsession des élections présidentielles de 2027 parasite déjà la vie politique française (pour Figaro Vox)

  1. Monique dit :

    Bonsoir à tous,

    Raymond Aron avait raison : « Le choix en politique n’est pas entre le bien et le mal, mais entre le préférable et le détestable. » maintenant à nous savoir quel parti répond à ce critère là c’est pareil pour le choix des candidats.

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  2. laurentstoclet dit :

    Bonjour,
    L’idée de LR de représenter, au second tour, l’alternative « raisonnable » à un candidat populiste, se heurte à un léger (vraiment très léger) détail : pour être au second tour, il faut passer le premier tour ! Et rien, vraiment rien, n’indique que ce sera le cas si LR persiste dans cette stratégie.
    En 2022, on n’est finalement pas passés très loin d’un second tour Le Pen / Mélenchon, du moins celui-ci n’était-il pas inenvisageable ; au vu de l’impopularité croissante du camp présidentiel, un tel second tour sera « encore moins inenvisageable » en 2027. Et franchement, MLP a plus de chances de passer le premier tour que n’importe quel candidat issu de LR adoubé par macron (sans majuscule).
    Finalement, LR et MLP conduisent exactement la même stratégie, qui est d’apparaître au second tour comme un candidat raisonnable, républicain, « dédiabolisé » (pour MLP), face à un candidat de la gauche radicale. Sauf que MLP a de fortes chances d’y parvenir, elle : notamment parce que LR lui laisse libre l’espace du centre-droit.
    Si LR persiste dans sa stratégie suicidaire d’alliance avec macron (toujours sans majuscule), la France aura une Présidente de la République en 2027. Et au risque de me mettre à dos certains féministes compulsifs, je ne suis pas certain que ce soit une bonne chose, en l’occurence.

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  3. Gerard Bayon dit :

    Bonjour à toutes et à tous,
    Vous savez mieux que nous que la quasi totalité des politiciens de carrière se moquent éperdument de la France et des Français. Seuls comptent pour eux leur destin et la place qu’ils espèrent laisser dans l’Histoire, Certains d’ailleurs parmi les plus vaniteux s’en vantent publiquement.
    Que ces clowns là se préoccupent d’ores et déjà de l’élection présidentielle de 2027 n’est que leur quotidien puisque même les plus médiocres d’entre eux ne désespèrent pas qu’en cas de victoire de leur poulain, ils récupéreront au mieux un maroquin au pire un poste sans aucune responsabilité ni initiative mais très bien rémunéré pendant quelques années en récompense de leur cirage de pompes.
    Après l’affaire Bygmalion et les embrouilles lors de l’élection pour la présidence de l’UMP en 2012, on aurait pu espérer que F. Copé prenne un peu de recul et se montre discret, mais c’est sans compter sur l’orgueil démesuré du personnage. La reconnaissance de franchise que vous lui attribuez aujourd’hui n’aura quand même pas été sa prime qualité depuis le début de sa carrière politique.
    Quant à 2027 , je pense que vu l’état catastrophique du pays dans tous les domaines et le mécontentement général des Français pour le moment contenu, il ne se passera pas quatre ans sans qu’une étincelle ne vienne déclencher une bonne tempête dans ce marigot et ce ne sera que justifié.

    Aimé par 1 personne

  4. Ulysse dit :

    Bonjour
    Emmanuel Macron espère peut etre se maintenir à l’issue d’une dissolution. Son espoir , celui de ceux qui l’emploient ( le duo SS Schwab Soros ?), son espoir donc c’est le chaos par lequel il pourrait invoquer une législation d’exception
    On se perd en conjectures.
    La confusion règne. Bien malin celui qui pourra dire ce qui va advenir

    Aimé par 1 personne

  5. infraniouzes dit :

    Bonjours à vous tous, lecteurs assidus du bloc-note de MT.
    Le problème de la droite »républicaine » selon moi ? Il y a pléthore de candidats pour 2027 qui, en secret, pensent tous avoir un destin national ! Quel panier de crabes se doit-être. Et l’inoxydable F. Bayrou en embuscade, ND-A qui en rêve depuis qu’il est tout petit et tous ceux qui ignorent tout du monde du travail et dont la politique est une occupation très lucrative.
    Chaque fois qu’un élu est invité sur une radio je zappe tellement les propos sont totalement dénués d’intérêts, insipides mais soigneusement filtrés pour ne déplaire à personne, en particulier au monde syndical et à la tentaculaire galaxie des associations. On n’ose même plus égratigner les opposants naturels. Les mêmes promesses remâchées depuis des décennies commencent à lasser. Ils sortent de temps à autres, pour faire pugnace, leur fleuret moucheté qui ne ferait pas de mal un oisillon. Le Carnaval à lieu une fois par an dans notre vaste monde, comme Noël, mais, dans le microcosme politique c’est tous les jours.

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  6. Ping : Comment l’obsession des élections présidentielles de 2027 parasite déjà la vie politique française (pour Figaro Vox) – Qui m'aime me suive…

  7. Zonzon dit :

    Cher Maxime,
    Le dernier commentaire que vous publiâtes date du premier mars à 18h54.
    Depuis lors vous écrivez… vous écrivez … vous exprimez votre désespoir …. la situation est certes grave, sans doute désespérée … mais ne seriez-vous pas quelque peu dans la déprime ?
    Sachez que vos petits commentateurs sont toujours là, que certains espèrent encore dans une réaction, un renouveau, ils ne veulent pas que la France meure … ils veulent encore se battre, essayer des idées, des actions nouvelles, des hommes nouveaux autres que ceux dont vous ressassez les noms, ces responsables depuis 50 ans de tous les malheurs de notre cher pays …
    Lancez vous sur d’autres pistes …
    Courage Maxime,
    Sursum corda

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    • Riv dit :

      Oui, on aimerait de temps en temps lire des propos donnant quelque raison d’espérer. Je ne peux me résoudre à penser que « tout est fichu » !
      Ne serait ce que pour espérer que nos petits enfants ne vivront pas dans une « France Mad Max »

      Aimé par 1 personne

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