Entre la Nation et ses dirigeants, la guerre civile froide (Figaro Vox)

Ce n’est plus un fossé, mais un abîme, un gouffre. Avec la crise sociale, d’une gravité sans précédent depuis décembre 1995, succédant à plusieurs mois du mouvement des Gilets Jaunes, la guerre civile froide entre la nation et la classe dirigeante atteint son paroxysme. Le contenu de la réforme des retraites, dans ses aspects économiques, sociaux et juridiques, n’est plus l’essentiel. La crise est devenue politique, passionnelle. De sondages en sondages, il se confirme que plus des deux tiers de la population soutiennent les grévistes. Cette dernière ne combat pas pour l’essentiel, la modification d’un régime social. Elle est entrée en rébellion contre une décision emblématique de la fracture démocratique, qu’elle ressent majoritairement comme un affront, une humiliation, imposée par une équipe dirigeante hors sol et une remise en cause du pacte social.

Jamais dans l’histoire contemporaine, l’incommunicabilité, l’incompréhension entre une nation dans sa majorité et ses élites politiques n’aura atteint un tel sommet. Rien n’est plus étrange que l’aveuglement des politiques qui ne sentent pas à quel point leur parole est discréditée. La démission de M. Delevoye, principal artisan de la réforme controversée, n’y changera pas grand-chose.  Pour les Français, dans leur immense majorité, l’information révélée par le Monde sur ses « dix mandats non déclarés » n’est qu’une étape supplémentaire de la faillite morale de la classe dirigeante, après les affaires DSK, Cahuzac, Thévenoud, etc. Le message, tel qu’il est ressenti par les Français, est tragique, répétitif, obsessionnel : tout est permis à une petite caste privilégiée qui s’arroge le droit d’imposer des sacrifices aux autres.

Pour l’équipe dirigeante, la partie est déjà perdue, quelle qu’en soit l’issue. Pas question de reculade, dit-elle, car ce serait la fin du quinquennat. Un tel discours exprime toute la perversité d’un système politique centré sur le culte de l’ego: l’objectif suprême serait ainsi de « réussir le quinquennat » plutôt que de servir la France… Mais les autres scénarios ne sont pas meilleurs. Vider la réforme de toute substance pour apaiser la colère tout en sauvant la face ? Nul ne sera dupe. Alors une victoire par le pourrissement ? Possible, mais l’amertume et l’humiliation cumulées se traduiront, pour les mois et les années à venir, par un climat de défiance et de guérilla permanente qui achèvera de ruiner et déstabiliser la fin de mandat. Et symboliquement, les Français ne pardonneront jamais à une équipe au pouvoir d’avoir troublé la période des fêtes, un moment sacré de répit et de concorde dans la mythologie nationale, cette dimension cruciale des événements qui semble échapper aux élites dirigeantes.

Maxime TANDONNET

A propos maximetandonnet

Ancien conseiller à la Présidence de la République, auteur de plusieurs essais, passionné d'histoire...
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24 commentaires pour Entre la Nation et ses dirigeants, la guerre civile froide (Figaro Vox)

  1. Sganarelle dit :

    PH.Seguin n’était-il pas le père spirituel de Fillon ?
    A ce propos le malheureux candidat n’est toujours pas jugé. Un beau coup monté .
    A la place on a eu le monde nouveau et sa blancheur adamantine. On a un énergumène qui n’a pas fini de détruire le pays en augmentant la dette etant toujours persuadé qu’il est un élu de Dieu.
    Sans doute avec Fillon la réforme aurait aussi été compliquée mais la forme aurait été différente et le professionnalisme sans commune mesure.
    Le pire est à venir.

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  2. Pierre de Robion dit :

    Pietraszewski/Delevoiz:Du PAREIL au MEME?
    Du « PAREIL au MEME »?
    Avant son entrée en politique en 2016 chez les « MARCHEURS3? Laurent Pietraszewski avait fait carrière chez Auchan, dane le service DRH .
    Dans un bouquin « Le Président des ultra-riches » on peut lire qu’en 2002, lors d’un conflit social chez Auchan, au cours de laquelle Laurent Pietraszewski, alors responsable des ressources humaines de l’hypermarché de Béthune (Pas-de-Calais), avait mis à pied une salariée syndiquée de la CFDT pour une «erreur de commande de 80 centimes d’euro et un pain au chocolat cramé donné à une personne».
    Certes voler, c’est pas beau, mais passons!
    Tout aussi intéressant
    Selon sa déclaration d’intérêt et d’activités, dont la dernière version date du 6 octobre, le député avait bénéficié, fin août, d’une indemnité de licenciement d’une valeur de 71 872 euros de la part d’Auchan où il était DRH.. Ayant suspendu son contrat avec le distributeur après son élection en 2017, le député avait refusé une mutation dans le cadre d’un plan de réorganisation, ce qui avait conduit à son licenciement pour motif économique nous apprend Libération.

    Alors là je ne comprends plus? A mon sens cette indemnité est indue car ayant été élu député, M L.P. devait choisir entre rester chez Auchan et renoncer à son mandat, ou devenir député mais démisionner de son poste.
    Or depuis quand, lorsqu’on démissionne VOLONTAIREMENT a-t-on droit à des idemnités de licenciement?
    Bizarre, autant qu’étrange!

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  3. Zonzon dit :

    Fusion PSA Fiat-Chrysler ! L’Europe des Agences, c’est ça ! L’UE c’est le contraire !

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  4. Zonzon dit :

    « … fossé … abîme … gouffre … guerre civile froide … une crise politique, passionnelle … rébellion … affront … humiliation … une équipe dirigeante hors sol … remise en cause du pacte social ! »
    « Jamais … l’incommunicabilité, l’incompréhension entre une nation … et ses élites politiques n’aura atteint un tel sommet. »
    « … perversité d’un système politique centré sur le culte de l’ego … »

    Cher Maître,

    Allez-vous être le premier personnage conséquent de la Médiatique à dire : « Assez ! Ça suffit ! Basta ! … Ce système politique est mort … Il faut une autre méthode de gouvernance … une réforme radicale de la Constitution … qu’une Assemblée d’hommes « purs » prennent en main le destin de la Nation ! »

    Il ne nous reste plus qu’ une poignée de minutes avant que le voile nous recouvre !

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  5. Eric dit :

    Bonjour,

    La faillite est d’autant plus grande qu’un des principaux arguments de « vente » de notre petit Jupiter était l’annonce d’un nouveau monde sans tâche et exemplaire. Sa première loi, mise en scène à la Trump avec signature en direct de l’Elysée, devait « moraliser la vie politique ».
    Face à des désillusions, il est courant de dire qu’il vaut mieux en rire que pleurer. Je n’ai pas envie de rire, même si je n’avais aucune illusions concernant le pantin qui nous sert de Président.

    Après Richard Ferrand ayant fait un montage financier des plus douteux avec sa compagne (mais apparemment conforme à la loi, sinon à la morale) qui a été « puni » en étant nommé « 4ème personnage de l’Etat », après les nombreux démissionnaires, dont Sylvie Goulard, jugée non éligible à un poste ministériel mais présentée par Macron à la Commission Européenne, après Benalla, au parcours autant stratosphérique que suspect, un nouvel épisode du théâtre joué par l’Elysée et Matignon avec cette affaire Delevoye.

    Oui théâtre, car comment imaginer que la situation de Jean-Paul Delevoye, non conforme aux règles de la République, n’a pas pu être identifiée par la « Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique ». Les services fiscaux ont suffisamment d’informations pour être capables de pré-remplir nos déclarations d’impôts avec les salaires ou les pensions perçues mais cette Haute Autorité ne pourrait pas immédiatement identifier des salaires versés par un organisme privé !?

    Je ne peux pas croire à un tel degré d’incompétence.

    En fait, contrairement aux apparences, il est possible que tout cela ne fasse que renforcer la capacité de Macron à repartir pour un second mandat en 2022.
    En effet, il n’y a, trois fois hélas, plus d’opposition autre que Marine Le Pen et le RN.
    Le PS est mort, les LR sont en état de mort cérébrale, ils ont poussé à l’extrême l’expérience de Mélenchon, qui se présentait par un hologramme, en nommant un ectoplasme à leur présidence (à moins que ce qui reste du parti ait été dissous dans LREM sans que je m’en aperçoive) et Mélenchon est de plus en plus démonétisé (ce qui n’est pas une perte).
    A moins d’un nouveau phénomène à la Macron venant de nulle part (enfin, si on peut dire) que nous vendront les média à grand renfort de couvertures de magazines (sans doute une femme cette fois-ci), le taux d’abstention va grimper et on nous rejouera le combat des nains (les deux premiers ayant obtenu 20% à 25% de 50% de votants) au second tour.
    Entretemps, on aura fait quelques gestes pour faire monter Le Pen (reportages sur la montée de la violence, reportages sur les problèmes de migrants, …) afin de s’assurer de sa présence au second tour et, dans l’entre deux tours, on rappellera « les heures les plus sombres de notre République », « la menace brune », « le retour des années trente ».
    Je sais, ce sont des grosses ficelles mais elles ont bien fonctionné aux Européennes, en particulier pour faire disparaître les LR.

    Au fait, pour finir, j’ai lu via un lien sur votre blog que cumuler un poste de Ministre et un emploi privé rémunéré (ou pas) était anti-constitutionnel !? On a connu la justice plus prompte à diligenter une commission d’enquête pour des emplois présumés fictifs …

    Bonnes fêtes de fin d’année quand même,

    Eric

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  6. Zonzon dit :

    Sous le syndicalisme rouge l’islamisation !

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  7. michel43 dit :

    Macron veut le foutoir,, ,et bien ,c’est fait , le travaille jusqu' » a 64 ans ,alors que beaucoup arrivant a 55 ans devienne chômeurs ,faut t « il mieux être chômeurs ou pointer au chômage en attendant de toucher sa retraite ,l » Etat peut t « il créer des emploie ,pour Moi ,c’est NON ,les seules qui peuvent en créer, c « est nous le PRIVER ,sous certaines conditions ,naturellement faut restructurer les nombreuses caisses ,je suis pour 40 ans de cotisations ,donc on approche des 63 ans ,je pense que ce gouvernement semble adorer le foutoir ,,,

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  8. Timéli dit :

    Et maintenant, que va faire Macron ? Rien… Il a pris le risque d’être battu en 2022. Alors, il va attendre patiemment l’échéance et « refiler le bébé » (ou « la patate chaude ») au gouvernement suivant. C’est comme ça que ça se passe globalement depuis 40 ans. Hélas…!!!

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  9. Janus dit :

    Mais je crains que les difficultés passées, les français oublient tout une fois de plus. Les français ce peuple dur et léger disait je ne sais plus quel auteur du passé…

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  10. Janus dit :

    Je pense que nos dirigeants jouent une partie d’échec, sans avoir la moindre vergogne. Ils espèrent que les divergences entre les syndicats et la lassitude du public leur permettront de négocier à moindre coût quelques amodiations au plan initial de manière à affirmer devant leurs mandants qu’ils ont reformé la France. Pour eux, les français ne sont pas le peuple aimé qu’il faut diriger vers le mieux, mais un accident de leur histoire qui les a fait naître là plutôt qu’ailleurs. C’est la monture indifférente qu’ils fouettent sans retenue et dont ils changeront, arrivés à l’étape : L’Europe.Ils se foutent donc profondément de ce pauvre peuple certes inconséquent, mais qu’ils subissent sans vraiment y être liés charnellement.
    Ils ont foutu le feu à ce pays alors même que la réforme était possible, mais la morgue et la frénésie qui s’est emparé de ces médiocres ne permettent plus de faire ce qu’il faut.
    Hors sujet, mais éclairant sur la duplicité de ces escrocs : Regardez ce qu’ils sont en train de faire de l’Hotel Dieu, vous aurez une idée de ce qu’ils feront à Notre Dame de Paris. Et derrière tout cela, on voit apparaitre quelques oligarques ayant œuvré pour l’élection d’Emmanuel Macron…

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    • Annick Danjou dit :

      Mais bien sûr ils veulent faire de l’île de la cité un parc d’attraction avec hôtel de luxe pour touristes, musées, visites guidées etc…EM et son ministre se marraient comme des abrutis en venant sur les lieux de l’incendie, on aurait dû déjà se méfier.

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  11. Gerard Bayon dit :

    Bonjour à toutes et à tous,
    La France est en plein chaos et le gouvernement qui en est l’unique responsable cherche maintenant à « refiler le singe » sur les épaules des syndicats. Pas certain que les Français tombent si facilement dans le piège, c’est d’ailleurs ce que semblent montrer les derniers sondages sur le sujet.
    Depuis plus de deux ans et demi, E. Macron et E. Philippe se sont comportés de manière indigne et souvent odieuse vis à vis des syndicats et des forces intermédiaires allant même jusqu’à les déconsidérer publiquement à l’issue de la négociation pipée de l’assurance chômage. Dans ces conditions, il ne faut pas que le pouvoir s’attende à des concessions de la part de celles et ceux qu’il humilie en permanence.
    Un bras de fer est engagé et E. Philippe a confirmé cet après-midi devant les députés sa détermination à mener jusqu’à son terme la réforme des retraites, les syndicats quant à eux sont également dans une position de blocage y compris la CFDT qui ne transigera pas sur ce qu’elle appelle sa ligne rouge. Que peut-il subvenir ? Le gouvernement n’a rien à gagner à terme d’une victoire à la Pyrrhus qui discréditerait définitivement son image à l’approche des élections municipales et celle des syndicats qui seraient définitivement considérés comme la 5ème roue du carrosse.
    C’est alors un nouveau phénomène du type « gilets jaunes » qui pourrait reprendre au printemps la contestation dans la rue et nul alors ne peut dire jusqu’où irait cette fois une telle révolte incontrôlée.
    Espérons que la période Noël apporte un peu de sagesse et de réflexion aux protagonistes mais vu leur état d’esprit, je pense que cela relève de la lettre au Père Noël.

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  12. Tracy LA ROSIÈRE dit :

    Nous vous lisons.
    Quoi ajouter sinon le désarroi ?
    Comme le dit un de vos lecteurs : « pauvre France ! »

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  13. H. dit :

    Bonsoir Maxime,

    Rien à ajouter tant vos propos sonnent justes et reflètent une détestable réalité. Bruno Bertez le traduit en terme socio-économique : https://brunobertez.com/2019/12/17/editorial-la-france-un-pays-epuise-asphyxie-a-besoin-dun-nouveau-pacte-social-macron-creuse-le-deficit-social/

    Toutes les personnes ayant un minimum de réflexion savent que nous devons réformer ce système de retraite. Maintenant que Delevoye a démissionné, notre roi a perdu sa dame. Il lui reste un cavalier, un fou et quelques pions. Pas de quoi gagner la partie, tout au plus un pat. Les historiens qui étudieront ce régime trouveront facilement pourquoi et comment ce pays a sombré quand ils découvriront l’importance de l’arrogance et du mépris de ses dirigeants. Pauvre France.

    Bonne soirée

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  14. artofuss dit :

    Usque tandem, Catilina, patientia nostra abuteres ?….

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  15. artofuss dit :

    A reblogué ceci sur MEMORABILIA.

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