Chute du Mur et petites leçons de l’histoire

Trente ans déjà: la chute du Mur de Berlin, le 9 novembre 1989, fut pour notre génération une immense bouffée d’espérance. Elle annonçait la fin de la guerre froide, du partage du monde entre deux blocs qui se haïssaient, le communisme et le capitaliste, et surtout le début de la fin du système totalitaire. Un symbole du déchirement de l’Europe et des pires atrocités du régime soviétique, nourri de toutes les barbaries du XXe siècle, tombait sous nos yeux.

Remember! Gedenke! Recuerda! Souviens-toi! Une immense vague d’euphorie submergeait notre jeunesse. Une ère nouvelle de paix, d’allégresse, de liberté et de bonheur venait de s’ouvrir. Et puis, nul ne voyait venir le 11 septembre 2001, la destruction de l’Etat irakien par les US, le chaos au Moyen-Orient, la crise migratoire européenne, l’essor de l’islamisme radical, le massacre de 260 personnes en France… La confiance dans l’avènement d’un monde meilleur laissait place au retour de la terreur sous d’autres formes.

Toutes les vagues d’enthousiasme collectif charrient leur dose de malheur et de désespoir. La Révolution de 1789, les droits de l’homme, la Fête de la Fédération du 14 juillet 1790 célébrant le bonheur d’un peuple rassemblé, débouchent sur la Terreur, la loi des Suspects, la guillotine et l’holocauste vendéen, puis les guerres napoléoniennes. La Victoire du 11 novembre 1918: une Nation qui s’enivre de gloire et de bonheur, juste 22 ans avant la pire débâcle militaire de son histoire et quatre années d’asservissement.

Les technologies, les idéologies, les sociétés et leurs valeurs, les modes de vie, les régimes politiques et les rapports de force se transforment en permanence. Mais les hommes, prisonniers de leurs passions, restent toujours exactement les mêmes. L’humanité porte en elle-même un potentiel constant de folie et de violence. Après le flux vient le reflux et les événements s’enchaînent dans le plus grand chaos. Tout enchantement appelle un désenchantement proportionnel. Cela n’est en aucun cas du « pessimisme » (comme je ne cesse de le répéter à mes amis) mais le simple fruit d’un constat, un sombre réalisme.

Maxime TANDONNET

A propos maximetandonnet

Ancien conseiller à la Présidence de la République, auteur de plusieurs essais, passionné d'histoire...
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13 commentaires pour Chute du Mur et petites leçons de l’histoire

  1. « L’optimiste est un imbécile heureux. Le pessimiste est un imbécile malheureux » (Bernanos)

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  2. Gérard Bayon dit :

    Bonjour à toutes et à tous,
    Plus les peuples avancent vers une plus grande et meilleure communication, une amélioration dans l’analyse et la compréhension de évènements passés, plus leurs dirigeants prétendument censés les représenter sombrent dans l’ambition démesurée, la mégalomanie, la démagogie lorsque ce n’est pas la tyrannie..
    L’expérience qui devrait servir à apprendre la sagesse et à corriger nos défauts produit constamment chez nos « élites » l’effet inverse.
    Vous avez raison de rappeler les enchainements d’évènements historiques pleins d’espoir suivis des pires catastrophes humaines, à chaque fois le constat est identique : une poignée d’hommes manipulent des dizaines de millions de leur semblable sans que cette foultitude ne réagisse et ne soit en capacité de les arrêter avant la mise en œuvre de leurs projets.
    30 ans après la chute du mur de Berlin et toutes les révélations sur les régimes communistes, comment cette doctrine qui a causé plus de 100 millions de morts à travers le monde, la misère et le malheur généralisé et des millions de vies détruites peut-il encore être un régime au pouvoir en Chine, en Corée, au Viet Nam et même à Cuba ?
    Comment des roitelets tyranniques Africains peuvent-ils encore s’enrichir sur le dos de leurs sujets plus que miséreux avec la bénédiction des Etats du monde entier qui pillent en permanence et au vu du monde entier les ressources de ces « royaumes » ?
    « Il faut que tout change pour que tout demeure », sophismes que tout cela !

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  3. Angil dit :

    Les hommes ont un besoin plus ou moins inconscient de pratiquer des rapports de force (du fait de leur nature dominatrice)
    Cette pulsion plus ou moins puissante, c est comme le vent incontournable sur les océans : ça crée mécaniquement un chaos permettant sur la surface de l eau, quelle que soit son orientation changeante …
    Quelques hommes arrivent ainsi à créer jusqu à des vagues scélérates (Hitler, Staline , etc … et quelques dirigeants actuels).
    Le monde ne peut pas être un océan de tranquillité pour 2 raisons essentielles : chaque humain porte en lui cette pulsion de domination – exacerbée chez ceux qui accèdent au pouvoir – et l’humanité ne dispose pas d une conscience universelle et mâture qui viendrait la réguler (comme un cerveau qui ne comprendrait que des sous-parties autonomes non liées à une conscience centrale…raisonnable).

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    • “Si la guerre est encore présente, ce n’est pas qu’il se trouve au fond de l’espèce humaine une secrète aspiration à la mort, non plus qu’un irrépressible instinct d’agression, ce n’est même pas, ce qui serait plus plausible en fin de compte, le fait que le désarmement puisse présenter, d’un point de vue économique et social, de très sérieux inconvénients ; cela provient tout simplement du fait qu’on n’a pas encore vu apparaître sur la scène politique d’instance capable de se substituer à cet arbitre suprême des conflits internationaux qu’est la guerre.”

      Hannah Arendt

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    • artofuss dit :

      …Et il y a une troisième raison, qui l’emporte sur toutes les autres:  » l’expérience ne se transmet pas « …On peut tout transmettre, de la fortune à la technologie, mais pas le « vécu » ni la sagesse, et chaque nouvel être humain repart de zéro. Seule une culture de très haut niveau infusée dès le plus jeune âge pourrait (peut-être) assagir quelque peu les pulsions passionnelles, mais nous n’en prenons vraiment pas le chemin, bien au contraire, avec l’abrutissement de masse…

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  4. L’anticommunisme a été aussi une fracture dans les gauches françaises et une source de désunion des gauches françaises.

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  5. Philippe Dubois dit :

    Bonsoir Maxime

    Je vous trouve bien sombre

    J’ai connu Berlin-Est du temps des grandes heures, avec un mur qui paraissait d’une solidité à toute épreuve.
    C’était sinistre.
    J’ai été surpris comme beaucoup lors de la chute du mur, mais j’en ai presque pleuré
    Nos frères d’Europe de l’Est étaient enfin libérés de la tyrannie communiste.
    Je suis retourné à Berlin en 2011 et ce qui avait été Berlin-Est était métamorphosé
    J’ai entendu le chiffre de 2500 milliards d’euros concernant le coût de la réunification

    Ce fut une des conséquences de l’effondrement de l’URSS qui a causé tout ce que vous exposez dans la suite de votre billet : la disparition du contrepoids soviétique aux lubies des USA
    Bien évidemment, les USA en ont profité pour semer chaos et désolation dans tout le Moyen Orient et en Europe, au mépris de l’histoire des peuples et des cultures.

    Certains avancent l’hypothèse que la financiarisation de l’économie, la destruction programmée des « acquis sociaux » des pays européens et la mise en concurrence des travailleurs européens avec les esclaves asiatiques avait été rendue possible par la disparition de la menace des chars soviétiques, menace qui obligeait les requins du capitalisme financier et leurs complices (suivez mon regard) à assurer un niveau de vie correct aux prolétaires.
    Je ne sais pas ce que vaut cette hypothèse, mais je me demande quand même si la commission de Bruxelles aurait pu infliger cette immonde purge à la Grèce si les hordes rouges avaient été stationnées en Bulgarie.

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    • Je suis d’accord avec ce que vous avez écrit. Votre analyse me parait correspondre à la réalité des faits. Richard Millet dans « La solitude du témoin » met en cause le capitalisme mondialisé. Si réellement Saddam Hussein avait possédé des armes de destruction massive il n’y aurait pas eu de guerres du golf 1 et 2.

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  6. L’anticommunisme a été le ciment des droites françaises et le moteur de la construction européenne. Le communisme disparu en Europe les vieux démons ressurgissent en France, en Europe. L’Histoire est à nouveau en marche.

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  7. artofuss dit :

    Et puis tiens, mauvaise humeur pour mauvaise humeur, je ne résiste pas: Daladier, sur la passerelle en revenant de Münich: « Ah, les cons  » !!!!! ….

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  8. artofuss dit :

    Un grand merci, Maxime, de ce texte et en particulier de son dernier paragraphe. Je connais bien ce sentiment très déprimant d’entendre qualifier de pessimisme ce que le bon sens le plus basique et une connaissance minimale des hommes et de l’Histoire démontrent chaque jour:  » les hommes, prisonniers de leurs passions, restent toujours exactement les mêmes »…Cassandre, qu’on aimait vraiment pas, s’échinait à faire comprendre ceci à ses contemporains, et ça ne date pas d’hier.
    Bolivar de son côté eut l’occasion d’ajouter: « J’ai labouré la mer »…

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  9. Mildred dit :

    Monsieur Tandonnet,
    Je suppose que vous savez que vous n’êtes pas le seul à titrer sur « Le Mur » aujourd’hui ?
    Voici un billet qui a attiré mon attention car il tranche un peu sur l’enthousiasme sans doute un peu surjoué qui fait rage :

    http://didiergouxbis.blogspot.com/2019/11/le-mur-ou-tentative-de-rehabilitation.html

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