Lecture: A la droite d’Hitler, Mémoires 1937-1945, Nicolaus Von Below, Perrin 2019

Pour qui s’intéresse à l’histoire de la fin des années 1930 et de la Deuxième Guerre Mondiale, voici un document d’un intérêt hors du commun. Ce sont les Mémoires, publiés en Allemagne en 1970, traduits pour la première fois en français, de l’un des plus proches collaborateurs d’Hitler,  son conseiller personnel pour l’Armée de l’air (la Luftwaffe). Officier pilote de l’Armée de l’Air, issue de l’aristocratie allemande, il exerce un rôle d’intermédiaire entre le Führer et Göring, ministre de la Luftwaffe, bras droit et successeur désigné du dictateur allemand.

Cet ouvrage pourrait aussi s’intituler « de la banalité du mal ». L’auteur est un personnage a priori tout à fait normal, bon mari, bon père d’une famille nombreuse qui ne cesse de s’agrandir. Oui, mais voilà, dans ce témoignage, il suit le Führer partout: à la Chancellerie à Berlin, à l’Obersalzberg, le poste de commandement bâti par d’Hitler au dessus de sa villa du Berghof, dans les Alpes, à la Tannière-du-loup, le bunker d’où ce dernier dirige l’invasion de l’URSS à compter du 21 juin 1941 – opération Barbarossa. Il est un de ses intimes, de ses proches, fréquente Eva Braun, emmène sa femme en vacances chez Hitler. Oui, la banalité du mal, l’emprise de la démence et de la folie sanguinaire sur des cerveaux totalement déstructurés, qui n’ont plus la moindre idée du bien et du mal, ni de la raison.

Von Below se montre au fil de cet hallucinant récit, comme un courtisan. Il est écartelé entre le désir de plaire au Führer et la prise de conscience – quand même – de l’abîme dans lequel il entraîne l’Allemagne, l’Europe, l’humanité. « A mon retour, alors que je me trouvais dans la petite pièce précédant le salon, dissimulé aux regards par un rideau, j’entendis le Führer parler de moi: il faisait mon éloge parce que j’étais le seul à parler devant lui ouvertement et sans crainte. Ce propos entendu incognito me conforta dans mon idée de garder cette même attitude […]. »

Von Bülow est le témoin de scènes d’une horreur indescriptible comme le rassemblement de centaines d’hommes, de femmes et d’enfants en Ukraine dans une clairière par la SS et leur massacre méticuleux, systématique, les uns après les autres (la Shoah par balle). Il dit en avoir ressenti une affreuse nausée, mais cela ne l’empêche pas de retourner  dans le bunker auprès de son maître dont il sait qu’il est le principal responsable d’un crime épouvantable. C’est toujours la courtisanerie qui l’emporte.

Dans les moments les plus cruciaux – l’annexion de l’Autriche, l’invasion de la Tchécoslovaquie, les attaques contre la Pologne, l’Europe occidentale,  Barbarossa, et jusqu’à l’effondrement dans l’apocalypse, Von Below est le confident privilégié du Führer qui se méfie comme de la peste de la hiérarchie militaire: « Nous ne capitulerons pas, jamais! Nous pouvons périr. Mais nous emporterons un monde avec nous. » Je n’ai jamais oublié ces paroles du Führer. Jusqu’à ce jour, je n’ai parlé de cet entretien à personne. Il m’a fait définitivement comprendre alors qu’Hitler ne céderait jamais et qu’il entraînerait au besoin tout avec lui dans l’abîme. »  Von Below fut gravement blessé dans l’attentat contre Hitler dans son bunker de la Tannière-du-loup en juillet 1944. Pourtant, tout en déplorant les excès de la répression contre la hiérarchie militaire, il fait de son mieux pour reprendre le service le plus vite possible. Un document bouleversant sur les ravages du fanatisme, mais aussi de l’obséquiosité et de la courtisanerie, qui peuvent conduire un être humain, dans certaines circonstances, à l’aveuglement le plus criminel.

Maxime TANDONNET

A propos maximetandonnet

Ancien conseiller à la Présidence de la République, auteur de plusieurs essais, passionné d'histoire...
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15 commentaires pour Lecture: A la droite d’Hitler, Mémoires 1937-1945, Nicolaus Von Below, Perrin 2019

  1. Anonyme dit :

    Qui fut le premier président de la commission européenne ? Lorsque vous obtiendrez la réponse vous comprendrez par qui l’union européenne a été crée mais certainement pas pour éviter une guerre .

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  2. Anonyme dit :

    Je viens de finir votre livre sur Tardieu. Il m’a intéressé, j’ignorais bien des choses sur le personnage. Je comprends mieux votre intérêt pour ce diplomate passé par l’IGA…

    Toutefois, il ne suffit pas forcément de faire référence à Zarathoustra pour être dans le vrai. Je ne connais pas assez l’époque pour savoir quels étaient ses mérites réels.
    J’ai, par exemple, plutôt de la sympathie pour un ministre voulant lancer un plan de financement de l’outillage, mais je ne sais pas si ceux qui ont empêché ce projet avaient des raisons réelles de le faire.
    Sur Munich, j’avais retenu que la position favorable à ces accords n’était pas absurde par elle-même, car la France n’était pas prête militairement (gros problèmes d’aviation). Les premiers sondages semblent d’ailleurs montrer que l’opinion voyait plutôt les choses ainsi (ne voulant plus faire de nouvelles concessions).

    Vous parlez aussi de Je suis partout, pour l’opposer à Gringoire en disant qu’il était inimaginable que des journalistes juifs soient membre de l’équipe de rédaction. Or, selon l’étude de Dioudonnat, il y a eu plusieurs journalistes juifs à Je suis partout, et il cite Benjamin Crémieux, dessinateur. De même, Georges Lang était l’un des actionnaires importants du journal, sans doute jusqu’à 1941, même s’il souhaitait vendre ses actions compte-tenu des positions du journal après 1936.

    Dans sa préface au livre suivant :

    Etienne de Montety rappelle aussi que Jean Moulin a été dessinateur pour Gringoire, et que Mauriac y a signé des articles, etc.

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  3. Sganarelle dit :

    Je crois que j’ai faite mienne cette phrase d’Alain jusqu’à en faire une devise :
    « Toute vérité devient fausse dès l’instant que l’on s’en contente »
    Ce serait un bon sujet de bac de philo… Qu’en pensez- vous ?

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  4. Patrice Charoulet dit :

    TROIS CHOSES

    Un. Sur le blog de Philippe Bilger, un commentateur anonyme, me déclare « sectaire et fascisant ».
    Pourquoi parce que je ne pense pas grand bien des gens qui , pendant six mois, ont bloqué des ronds-points, agressé nos policiers, et parfois incendié et pillé. Dois-je vraiment commenter ?

    Deux. Ce samedi après-midi, quittant l’ombre et le frais, je vais à pied à ma bibliothèque municipale
    parcourir la presse nationale. C’est exactement l’impression que j’avais eue cinq ans durant à Djibouti où j’ai enseigné le français. On a les petites madeleines qu’on peut.

    Trois. J’ai parcouru Le Monde, Le Figaro et le Fig Mag. Dans ce dernier on donne la parole à
    Lorant Deutsch pour défendre la langue française. Notre langue n’aura certes jamais trop de défenseurs. Il me semble toutefois que l’on aurait pu songer à d’autres personnes, par exemple à Jean-Michel Delacomptée, auteur de l’admirable livre « Notre langue française », Fayard, 2018 . Pour le dire en passant, si des académiciens français me lisent, à mon très humble avis, voilà bien un écrivain qui mériterait cent fois d’être Quai Conti.

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    • Mildred dit :

      Il manque peut-être une quatrième chose : celle qui nous expliquerait le lien des trois autres avec le sujet de l’article ?

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  5. Tarride dit :

    Cher Maxime Tandonnet

    L’analyse que vous faites des souvenirs de Von Below montrent bien que le XX ème siècle en Europe a été marqué par un phénomène historiquement tres rare, l’emprise intellectuelle absolue de deux hommes, Hitler et Staline, des assassins épouvantables dotés néanmoins d’ un charisme exceptionnel.
    Nous avons du mal à comprendre comment cette fascination a pu se produire et nous ne le comprendrons sans doute jamais vraiment.
    Certes il est possible d’en déduire que nous ne sommes pas à l’abri d’une nouvelle horreur de ce type mais je pense surtout que le meilleur moyen de créer les conditions d’une telle aventure est la  » réduction ad Hitlerum, à savoir la manie de nombre des nos meilleurs esprits d’établir des comparaisons douteuses et surtout faciles entre les dirigeants d’aujourd’hui et ceux de naguère.
    Aucun des Présidents de la République depuis au moins François Mitterrand et peu de chefs d’un des partis politiques majeurs en France,n’ont été épargnés par des analyses qui faisaient d’eux un adepte de la collaboration ou, pour les plus jeunes une résurgence de Pétain ou de Laval, complices d’Hitler.
    A force de forcer le trait d’une telle manière, les critiques et dénonciations pourraient bien perdre toute efficacité si le malheur voulait qu’elles soient à nouveau nécessaires.
    Ce qui est excessif n’est pas seulement insignifiant.

    Etienne Tarride

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  6. Mildred dit :

    Monsieur Tandonnet,
    Pour moi qui ai VÉCU « l’histoire de la fin des années trente et de la Seconde Guerre mondiale » puisque je suis née à Vienne, un mois avant l’Anschluss, d’un père juif apatride et d’une mère catholique de nationalité suisse, je suis toujours effarée par cette sorte de fascination qu’exercent encore et toujours ces « proches collaborateurs d’Hitler » !
    Celui-ci, dont je ne veux même pas me souvenir du nom, nous est présenté comme « tout à fait normal, bon mari, bon père de famille nombreuse ». Et voilà que vous continuez avec des concepts tels que « la banalité du mal, l’emprise de la démence et de la folie sanguinaire sur des cerveaux complètement déstructurés », alors que tout le monde se souvient que votre « héros » n’est pas le seul qui soit « tout à fait normal, bon père de famille, etc, » dans l’entourage de Hitler.
    Puis vous en arrivez à évoquer des « scènes d’une horreur indescriptible », mais en quoi cette horreur-là est-elle plus horrible que toutes celle qui se commettent sur tous les terrains de guerre d’aujourd’hui, en Syrie, an Irak, en Libye, au Yemen ? Et ne restons-nous pas les « courtisans » de ceux qui propagent ces guerres ?
    Croyez-m’en, monsieur Tandonnet, il n’est rien de nouveau sous le soleil ! Et pour ne nous en tenir qu’à l’Époque contemporaine – que les historiens français font remonter à 1792 – comment ne pas nous souvenir qu’elle a été inaugurée en France en 1793, par le génocide vendéen ?
    Et pour finir, encore un mot : vous serait-il venu à l’idée que cette Allemagne – qu’on donne journellement pour modèle aux Français – cette Allemagne vaincue et détruite en 1945 mais aujourd’hui dominant l’UE de la tête et des épaules, pourrait bien donner à penser, que loin d’avoir été punie pour ses crimes, elle en a trouvé la récompense à soixante-dix ans de distance ?

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  7. Patrice Charoulet dit :

    Le député LR Guillaume Larrivé s’est déclaré hier candidat à la présidence de son et de mon parti. On ne nous parlait que de François Jacob. Or, suivant Guillaume Larrivé depuis pas mal de temps (discours,interventions, entretiens…), je lui avais trouvé tant de qualités que je lui avais envoyé plusieurs messages , du genre :
    « Quand allez-vous vous déclarer candidat à la présidence de LR ?. Il m’avait répondu. Il vient de faire mieux : il entre en lice.
    J’invite ceux d’ici qui ne sont ni socialistes, ni macronistes, ni d’extrême droite à trouver des vidéos et des infos sur lui : ils seront agréablement surpris.

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  8. michel43 dit :

    de tout temps , il y eu des gens qui part intérêt , fermais les yeux sur toutes ses choses ,Staline-Mao-Mussolini–Pol-Pot et tant d « autres ,ajour d »hui ,se serais plus difficile ,,mais en Afrique tout cela existe ,,,,encore

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  10. Sganarelle dit :

    J’imagine que tous ceux qui tournent autour d’un chef adoptent sa ligne de conduite et sont aveuglés comme lui du fait de leur isolement par la méconnaissance des réalités. C’est vérifiable encore actuellement étant persuadés d’incarner ce qui est bien. Il en a été ainsi de Staline et de tous chefs de guerre admirés et suivis par les foules au cours de l’Histoire.
    Notre jugement actuel ne peut en aucun cas se substituer à celui des gens de l’époque. Nous connaissons maintenant la fin de l’Histoire et ses dessous et avec les yeux de notre siècle , il faut se reporter plus de soixante dix ans en arrière , vivre dans un autre pays et respirer le même air pour comprendre le fanatisme engendré par Hitler. L’Allemagne humiliée par le traité de Versailles et en chute libre retrouvait alors un illuminé qui parlait à l’imaginaire. Le besoin quasi romantique de croire en un héros un dieu Wagnérien était intense et il s’est concrétisé de la pire façon.

    Je ne pense pas qu’on puisse servir aussi aveuglément un maître si on ne l’admire pas. La courtisanerie mercantile a ses limites. Jusqu’à quel point les gens étaient aveuglés ? Difficile à dire tant les moyens de communication étaient différents, mais pour avoir vécu cette époque en France je peux témoigner du peu d’informations plausibles en notre possession et du manque de vérité de la plupart d’entre-elles. Je peux témoigner de la facilité qui existe à toute époque pour un gouvernement d’orienter et canaliser une population dans le sens qui lui convient.
    Attention nous ne sommes à l’abri de rien.

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    • PenArBed dit :

      Bruno Berthez (patron d’un groupe de presse spécialisé dans l’économie et la finance, fondateur du quotidien La Tribune) – extrait d’un article  »Tout est dit, Tout est écrit, à vous de travailler sur vous-mêmes » – source son blog – 19 août 2018 :
       »L’esprit critique, le travail pénible de recherche de la vérité sont remplacés par les sondages, les micros-trottoirs, les hit parades, ce qui renforce l’efficacité de la propagande. Ce ne sont plus les perceptions du sujet qui sont manipulées, c’est le sujet, sa constitution, sa structuration qui sont produits et reconstruits par le système pour les besoins de sa reproduction.
      Le thème des fake news est au centre de la crise de la démocratie formelle ; pour subsister, pour s’enraciner celle ci a besoin d’une vision du monde lisse, cohérente, simpliste qui escamote les articulations logiques, les causalités. Et cette vision du monde , elle se doit de la protéger, d’empêcher toute attaque. Toute mise en difficulté. A ce titre tout ce qui la conteste doit être marqué du sceau de l’infamie de fake news.
      Le monde doit devenir un monde de juxtapositions évidentes, fortes émotionnellement. Pour que ce monde puisse supplanter définitivement l’ancien monde reflet du réel, il faut détruire la crédibilité des paroles alternatives. Il faut créer le crime de conspirationnisme , nazifier les porte paroles. Faute de pouvoir contester les contenus, on met hors du jeu social, politique et républicain les auteurs qui ne se conforment pas ».

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