Congrès de Versailles, une erreur française

Le billet ci-dessous est davantage la critique d’un système, d’un régime, que celle d’un homme. 

M. Jean-Louis Debré, ancien président du Conseil constitutionnel a déclaré, à propos du régime politique français actuel, qu’il n’y avait « jamais eu une telle concentration du pouvoir. » A mon avis, il se trompe et mieux vaudrait dire qu’il n’y a jamais eu « une telle concentration de l’impuissance ».

La tournure de la vie publique française se concentre sur une image présidentielle, individuelle, totémique, emblématique, qui envahit le champ médiatique visible et absorbe toute source d’autorité: gouvernement, ministres, parlementaires, élus locaux, administrations, relais naturels de l’action publique dans une société. Mais cette image médiatique envahissante fuit en permanence le monde réel dont elle est de plus ne plus  déconnectée. Elle s’impose dans les consciences, mais elle est privée de levier sur la réalité et les difficultés du pays: pauvreté, chômage de masse, écrasement fiscal, contraintes sur les entreprises, endettement public, déficits commerciaux, communautarisme et violence des cités, haine du policier, immigration non maîtrisée, déclin scolaire et intellectuel. La vanité devient le principe fondamental du régime tourné vers l’exaltation d’un visage, la réélection en 2022, et non plus le bien commun de la Nation. Mais l’adoration d’une icône produit son inverse: l’impopularité et le lynchage médiatique dans un pays déchiré entre amour et détestation d’un personnage et oscillant entre les deux passions.

Le Congrès de Versailles est dans cette logique. Le président s’expose et parade en leader suprême. Mais par là, il écrase le Premier ministre et les ministres, dont le rôle, jadis, était justement de porter la voix de l’exécutif au Parlement et de mobiliser des parlementaires pour une action politique et la mise en oeuvre d’un programme majoritaire. L’illusion de l’autorité détruit l’autorité et l’action n’existe plus par elle-même: elle se confond avec la frime, le paraître, les jeux d’illusions. De fait, l’idée même de gouvernement s’en trouve affaiblie: la question essentielle n’est plus de diriger un Etat mais de jouer avec les émotions collectives. La personnalité de l’actuel chef de l’Etat n’est pas la question essentielle, mais l’étrange dérive d’un système vers le grand spectacle, le show médiatique, la manipulation permanente des esprits, et pire que tout, la fuite du politique devant la réalité, laissant une Nation abandonnée à elle-même, avec ses souffrances et ses inquiétudes. L’exubérance n’est rien d’autre que le voile de l’impuissance. Mais tout laisse penser qu’un changement de tête ne suffirait pas à rompre avec une logique délétère qui dépasse largement l’actuel occupant de l’Elysée. Pour espérer infléchir le cours des choses, il faudra sans doute beaucoup de temps, une prise de conscience collective, qui passe par chacun de nous…

Maxime TANDONNET

 

 

 

A propos maximetandonnet

Ancien conseiller à la Présidence de la République, auteur de plusieurs essais, passionné d'histoire...
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27 commentaires pour Congrès de Versailles, une erreur française

  1. Georges dit :

    Sacrée Versailles ,l’on peut dire qu’elle fit et fera parler d’elle cette charmante bourgade.

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  2. Annick Danjou dit :

    Voici un article qui résume assez bien ce que je pense et la situation actuelle de la France:
    Désolée pour Michel43. On peut biensûr ne pas être d’accord!

    Ras le ball, footez-nous la paix !
    Par Jean Louis Chollet

    Sommes-nous des citoyens anormaux lorsque nous affirmons notre « ras-le-ball » du foot et de la « fête à nœud-nœud » qui l’accompagne ? Sommes-nous de mauvais Français quand nous préférons un court de tennis ou un parcours de golf à un terrain de foot-ball ? Faut-il être un adepte du « bistro-télé-fauteuil-bière » pour se révéler patriote ?
    « Panem et circenses »» (Panem de moins en moins, si l’on en juge par les manifestations et les revendications populaires), les Français semblent très schizophrènes. Ils descendent dans la rue pour protester contre une baisse de vingt euros sur leur bulletin de paye ou sur leur retraite, mais accourent, avec des trompettes et des guirlandes, pour applaudir des « athlètes » qui tapent dans un ballon et se roulent par terre pour des salaires indécents en millions d’euros ? Allez comprendre ! À cela, ajoutons que la plupart de ces joueurs se foutent de la France comme de leur premier maillot… Alors, si aimer la France se traduit par cet engouement irrépressible pour ces comédiens arpenteurs de stades, nos concitoyens n’en sortent pas grandis ! Sans compter sur la récupération honteuse qui sera faite par le locataire de l’Élysée en cas de victoire… Soyons-en certains, nous aurons droit à une nouvelle « teuf » d’enfer à se rouler par terre, comme Neymar !
    Ils sont (presque) tous français, ceux qui descendent dans la rue pour vingt euros et qui se ruent devant leur télé… Issus de toutes les couches sociales, unis dans un même combat pour gagner cette Coupe du monde de football ! Est-ce mieux que la Coupe Davis ? C’est une question à laquelle on peut répondre par un constat simple : le tennis n’a jamais donné lieu aux mouvements dangereux de foules excitées. Les adeptes de la raquette sont beaucoup moins nombreux, plus « policés », socialement plus nantis et donc moins dangereux pour le pouvoir. Dans les bistrots, une partie des ouvriers, des cadres, des bobos et des bourgeois BCBG s’unit dans la ferveur d’un même élan patriotique, autour d’un ballon, dans un rassemblement « républicain » bienvenu ! Une France Bisounours unifiée grâce au sport, comme les utopistes en rêvent. Jean-Luc Mélenchon trinquant avec Nicolas Dupont-Aignan et Philippe Poutou au Bar des Amis, place de la République… On a le droit de rêver ! Mais, comme pour le fameux black-blanc-beur de 1998, les Français, bien nourris par le pain et les jeux, fatigués et endormis d’avoir tant crié « victoire ! », déchanteront quand l’effet du somnifère produit par le laboratoire politique sera passé. Sachons remettre la réalité et les valeurs que nous défendons à leur juste place…
    On voit où mène cette pratique de l’évergétisme à outrance, elle avilit les citoyens, elle les empêche de penser et de réfléchir par eux-mêmes et détourne leur attention de l’essentiel. C’est l’un des outils performants de la stratégie des régimes totalitaires pour annihiler en douceur toute vague populaire à contre-courant de la Doctrine… Les Jeux olympiques d’été de 1936 sont un bel exemple de la phase qui va suivre en France en cas de victoire des « Bleus ». Dostoïevski, dans Les Frères Karamazov : « Le peuple a besoin d’avancer vers le bonheur comme un troupeau grégaire et passif, dirigé par un « Guide » bienveillant, seul capable de jugements éclairés… » Le Guide… vous reconnaissez quelqu’un ?

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  3. SIMON dit :

    Panem et circenses ! Nos médias, la population ont les yeux rivés sur les matchs de foot… Nous sommes en demi-finale ! Alors le congrès de Versailles, les manigances du petit monsieur, vous pensez ! L’argent coulant à flots, voilà qu’il part avec des VIP à la demi-finale, comme si ces derniers n’avaient pas les moyens de se payer un billet ….La France croule sous son déficit, mais au lieu de gérer en bon père de famille, notre président se transforme en jet-setteur à nos frais. Il se comporte en monarque sans en avoir l’aura…on en revient toujours à cet homme providentiel, qui s’est longtemps incarné dans nos rois.
    Nous sommes nombreux à ne pas aimer ce qui se passe et à nous inquiéter de l’avenir. Comment nous faire entendre ?

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  4. Anonyme dit :

    Panem et circenses ! Pauvres de nous, les temps d’antenne sont occupés par la demi-finale…qui parle du congrès de Versailles, des velléités autocratiques du petit monsieur… Ce dernier invite à grands frais un aréopage de VIP pour aller voir le match. Autant pour la gestion en bon père de famille!

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  5. Citoyen dit :

     » … une erreur française  » ? …. Oui,… et ça se confirme !…
    Parait que le pseudo-Louis XIV de service, n’a plus la main sure pour organiser les réunions petits-fours …
    Des invités connus, ont boudé la réception !… Si, si, tout se perd …
    Il aurait dû transformer la galerie des glaces en boite de nuit pour dégénérés, comme il sait faire …. il aurait peut être fait salle comble …
    Certes, avec une clientèle moins triée … Mais au moins la recette aurait été assurée …

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  6. Colibri dit :

    Bernanos 3 : Il n’y a qu’une erreur et qu’un malheur au monde, c’est de ne pas savoir aimer.

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  7. Colibri dit :

    Bernanos 2 : Qui méprise, commence par se mépriser lui-même, se met ainsi hors de jeu.

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  8. Colibri dit :

    Bernanos 1 : L’avenir est quelque chose qui se surmonte. On ne subit pas l’avenir, on le fait.

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  9. Gérard Bayon dit :

    Bonjour à toutes et à tous,
    E. Macron ose et se permet tout : les insultes, le mépris, l’arrogance, le dédain…et même de ne pas respecter les institutions dont il est pourtant provisoirement le garant. En 2008, N. Sarkozy avait offert au chef de l’Etat de pouvoir s’exprimer occasionnellement devant le Congrès. F. Hollande avait respecté cette possibilité et voilà qu’E. Macron transforme de sa seule initiative cette possibilité en rite, en opération de spiritisme, en grand-messe pour que sa parole et ses pensées complexes « arrosent » les représentants des gens qui ne sont rien. Et bien sur aucune réaction collective de masse au gouvernement, au Sénat et au Palais Bourbon pour dire : stop, ça suffit ! La pusillanimité et l’agenouillement priment toujours chez tous nos politiques quels qu’ils soient ! J’aurais aimé dans la situation de ce jour où rien de justifiait objectivement une telle réunion que le Président se retrouve seul dans la salle du Congrès pour y faire son prêche et pour lui rappeler que sa fonction ne lui permet pas tout.
    Sans aucune réaction de nos élus en dehors de la poignée de députés Insoumis, son successeur ou sa successeuse surement atteint de la même autolâtrie s’arrogera d’office ce droit et le considérera comme un privilège de la fonction !
    Et si comme le prévoit un article de la loi constitutionnelle du 23/07/2008, un cinquième de nos parlementaires soutenu par un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales exigeait un référendum pour que notre Constitution ne soit plus dévoyée en permanence même et surtout par un autocrate ?

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  10. E. Marquet dit :

    Je lisais un article sur Bernanos, un auteur que j’apprécie beaucoup. Il semble qu’en 1948, quelque temps avant sa mort (en juillet), il disait « mon pays, mon pauvre pays, qui va le secouer après moi ».
    Curieusement, j’ai pensé à vous qui, parmi d’autres, appelez sans repos notre pays à sauver ce qui peut encore l’être. Les mânes de Bernanos peuvent donc dormir en paix, chaque génération aura ses défenseurs d’une certaine France. Elle ne mourra donc jamais tout à fait.

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  11. Citoyen dit :

     » il n’y a jamais eu « une telle concentration de l’impuissance ».  » ….. qui n’a jamais été autant associée, à la volonté farouche de faire croire le contraire …
    Pour le nuisible allocataire du château, et qui squatte celui de Versailles, c’est un peu du sauve qui peut. Il commence à percevoir les retombées de son imposture, que la manipulation médiatique ne permet plus de dissimuler à la population ….
    Les plaisanterie les plus courtes étant souvent les meilleures, il serait bon d’abréger celle-là le plus rapidement.
    Il ne restera que deux choses visibles, de son passage, dont il est souhaitable qu’il soit le plus court possible …. Il restera le racket à 80 sur le route … et l’invasion migratoire du sud de la méditerrané … tout le reste étant insignifiant.
    Ce qui aura le mérite de ne pas encombrer les mémoires.

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  12. Pendant ce temps en Suisse… la semaine dernière, le Conseil Fédéral fait sa traditionnelle sortie d’école (c’est comme cela qu’on dit ici, en référence aux sorties organisées par les écoles à la fin de l’année scolaire).
    Cette année, c’était chez moi, dans le canton de Fribourg sur les alpages sublimes de Charmey en Gruyère.
    A droite sur la photo, Alain Berset, actuel président (socialiste! de la Confédération) accompagnés des 6 autres membres du Conseil Fédéral, dont deux UDSC qu’en France on qualifierait de populiste, lépreux, extrémistes.
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    • Je mets un lien, je n’arrive pas à coller la photo:
      https://www.laliberte.ch/info-regionale/gruyere/le-conseil-federal-decouvre-le-canton-de-fribourg-446171

      Pauvre France qui croit encore qu’elle rayonne de la gloire de Versailles. Les Suisses eux rayonnent toujours de la gloire de leurs montagnes!

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    • Mildred dit :

      C’est vrai qu’ils choupinous ces Suisses du Congrès fédéral au pays de Heidi ! Mais ne vous faites pas trop d’illusions ils savent être très, très méchants aussi :

      «La barque est pleine»
      À la fin de l’été 1942, la politique d’asile de la Suisse prend un tournant radical. Par décision présidentielle, le Conseil fédéral décide de faire en sorte «qu’à l’avenir […] un plus grand nombre de réfugiés civils en provenance de l’étranger soient refoulés, même lorsque des dommages sérieux (dangers pour le corps et la vie) pourraient en résulter pour les étrangers en question» (dodis.ch/47408, original en allemand). Le Conseiller fédéral Eduard von Steiger, Chef du DFJP, justifie ce durcissement devant le Conseil national (dodis.ch/47431). Dans un discours, il compare le pays avec une «petite barque de sauvetage très pleine et dont la contenance est limitée» (dodis.ch/14256, original en allemand): une métaphore qui deviendra célèbre sous sa forme simplifiée «la barque est pleine».

      Pour ce que j’en sais personnellement « le tournant » était pris dès 1940 mais sans doute était-ce encore peu ébruité.

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    • Mildred dit :

      Je voulais dire qu’ils sont choupinous ces Suisses du Conseil Fédéral.

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  14. Janus dit :

    A nouveau, analyse excellente. Mais la rédemption, si elle est possible, n’aura lieu qu’après le drame. Vous avez fait la recension de quelques livres (Duroselle,Bloch) qui en sont la preuve : Il n’y aura de sursaut que lorsque l’adversaire aura déclenché les hostilités et forcé les français à sortir de leur torpeur adipeuse si je puis employer cet adjectif …Et si l’adversaire est subtil, il ne déclenchera pas les hostilités générales et le pouvoir changera de mains sans coup férir. Et là, il sera trop tard.
    Il est urgent de se préparer un point de chute hors du territoire national.

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  15. Mildred dit :

    Monsieur Tandonnet,
    Pourquoi ne pas admettre en toute simplicité que ce sont les institutions de la Ve République, qui ont fait leur temps, puisqu’elles ont permis au premier venu, soutenu par une oligarchie mondialiste, à prendre le pouvoir ?

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  16. Colibri dit :

    J’ai reçu ce matin la vidéo suivante:

    Je me suis demandé si l’Afrique n’est pas l’avenir de l’Humanité?
    Je me suis demandé si cette vidéo est transposable à la situation de la France? En adaptant un peu le discours mais en gardant le fond…

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  17. Sganarelle dit :

    Mais enfin vous ne voyez pas ou vous n’osez pas dire que la république est malade, qu’elle tourne à l’autocratie ne serait-ce que parce.que la place prise par le président depuis de Gaulle n’a rien de républicain
    La démocratie n’est pas malade elle est en phase terminale on ´n’entend pas le peuple gronder et on continue en lui donnant des fêtes et des os à ronger. Losqu’elle était jeune la République enthousiasmait tous ceux qui voyaient se terminer une longue époque fatiguée avec un roi sans enthousiasme pour la fonction . On voyait une autre constitution avec la possibilité pour le citoyen d’accéder au sommet. Où sont les promesses de l’aube? Etouffés dans la paperasserie avec la même hierarchie clivante les citoyens sans appuis végètent en fin de cordée. Les libertés disparaissent les unes après les autres et le politiquement correct bloque tous essais de révolte.
    Avec des éléctions plus ou moins orientées la place prise par la communication et le bourrage de crâne nous subissons une suite de règnes éphémères qui nous enfoncent dans un déprimant quotidien et nous avons perdu « la douceur de vivre  » dont parlent les contemporains du XVIII ème siècle .
    Ne croyez vous pas qu’une autre constitution serait nécessaire ? Ne pensez-vous pas que nous nous êloignons de plus en plus des idées rêvolutionnaires ? c’est le système qui est fatigué, les hommes ne font que se l’adapter.

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  18. loonloonychantemerle dit :

    Vous avez toujours raison dans vos analyses, mais il est un point, et non des moindres, sur lequel je vous trouve bien indulgent : l’actuel chef de l’Etat ne serait pas personnellement en cause? Pourtant, il est l’incarnation de ce que vous dénoncez à si juste titre et sa volonté y est quand même pour quelque chose… Il n’a rien de la victime expiatoire mais pourrait bien finir par payer très cher son arrogance – ce que vous avez vu clairement dès le début de son mandat. L’ennui, c’est que la France paiera elle aussi le prix fort et que l’assainissement de la situation prendra plus de temps qu’il n’en a fallu pour en arriver là. Mais que diable allions-nous faire dans cette galère ? Enfin, consolons-nous en méditant sur le fait indubitable (?) que la démocratie est le moins mauvais de tous les régimes connus !

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    • loonloonly, vous posez la question essentielle… Mais vous y répondez en disant qu’il (n’) est (que) l’incarnation de ce que je dénonce… Et aussi l’intuition tragique que tout autre à sa place, dans un même système mental et institutionnel, Mélenchon, Hamon, Wauquiez, Pécresse, le Pen, etc. avec des nuances de forme, aujourd’hui, sombrerait dans la même logique de l’exubérance vaniteuse et solitaire pour fuir une situation hors de contrôle.
      MT

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