Les primaires cause de la débâcle?

Le site Atlantico m’a demandé hier de revenir sur les primaires et leur avenir. Bien sûr, ces primaires, contraires à l’esprit de la Ve République et à la notion d’un corps électoral, d’un peuple français unique, ont eu un impact désastreux mais elles n’étaient que la partie visible de l’iceberg. L’échec hallucinant du camp républicain et l’explosion en plein vol d’une alternance, à l’époque considérée comme inévitable, a d’autres causes profondes bien plus graves. Il me semble que dans la France actuelle, ultra-médiatisée, dont l’esprit critique est affaibli par le déclin de l’enseignement des humanités – français, philosophie, histoire – une France soumise à mille formes d’idolâtrie et d’influences, il devient quasi impossible aux républicains modérés de reprendre le pouvoir à travers la désignation et la sublimation d’un leader en charge de la conquête élyséenne. Tout candidat républicain modéré (y compris M. Wauquiez), se verra dans les années qui viennent, plongé dans une sorte de géhenne médiatique dont il sortira anéanti au profit du parti socialiste, d’un ersatz du parti socialiste, ou d’une formation extrémiste, tremplin systématique de la victoire de celui-ci. Désormais, ce n’est pas, ce ne sera plus jamais à travers l’image d’un homme ou d’une femme qu’il faut espérer revenir au pouvoir, mais par la voie du seul débat d’idées et d’un projet, c’est-à-dire par la démocratie. Le choix des hommes et des femmes chargés de le mettre en œuvre, l’équipe de l’avenir, ne peut que découler de ce choix. La politique française continue à faire naufrage. L’électeur se prononce sur l’émotion forgée autour de l’image d’un homme plutôt que sur le fond des idées. Compte tenu de la pensée unique qui règne sur le monde médiatique, ce phénomène jouera toujours contre le candidat républicain modéré.  Il faut donc tenter d’en sortir, préparer sa transformation et pour cela, convaincre l’opinion. Mais dans le contexte d’abrutissement où nous vivons, qu’il est difficile de faire passer ce message tout simple de bon sens!

Maxime TANDONNET

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1-Dans un entretien donné au Fig​aro, le député LR Daniel Fasquelle a déclaré: « L’immense majorité des militants que je rencontre me disent qu’ils ne veulent plus d’une primaire ouverte dans laquelle des gens de gauche peuvent venir voter. S’il y a une primaire, elle devra être réservée aux militants voire aux sympathisants mais pas au delà ». Quelles pourraient être les conséquences, pour LR, de renoncer à des primaires ouvertes, aussi bien en termes de ligne politique que de structures du parti ?Quels sont les courants, ou les personnalités, qui pourraient profiter d’un tel changement ?

Les primaires de la droite et du centre en novembre 2016 et du parti socialiste en janvier 2017 ont abouti à un fiasco invraisemblable. Aucun des deux candidats sélectionnés, ni M. Fillon, ni M. Amont n’ont figuré au second tour des élections présidentielles. Alors que la généralisation des primaires devait être la marque des présidentielles de 2017, les deux candidats du second tour, M. Macron, ni Mme le Pen, justement, n’avaient pas été désignés par des primaires. Alors peu importe qu’elles soient ouvertes ou fermées, le scrutin des présidentielles a été un plébiscite des Français dans leur ensemble contre les primaires. Pourquoi ? Parce que les primaires, mauvaise imitation du système américain, sont une aberration au regard de l’esprit de la république française. En s’adressant à une fraction de la nation par exemple partageant les valeurs de droite ou les valeurs de gauche, elles divisent le corps social, poussent à la radicalisation des positions en s’adressant à la frange la plus idéologique des sympathisant d’une cause politique. Les Français ont rejeté ce système. Comment serait-il concevable de le remettre sur la table quelle qu’en soit la forme? Le mot même de primaires est désormais maudit comme une déviance au regard de l’esprit de la Ve République.

2- En poursuivant cette logique, quelles seraient les conséquences d’un renoncement pur et simple à tout système de primaire ? Quelles pourraient en être les conséquences internes au Parti ? Le risque de division peut-il être vraiment mieux « contrôlé » dans une telle configuration ?

Le problème est plus général de mon point de vue. Il procède d’une dérive pernicieuse du fonctionnement de la République française. Avoir fait de l’élection présidentielle le centre vital et unique de la vie politique est une monstruosité antirépublicaine et antidémocratique. Cela revient à faire de la politique l’instrument de sublimation d’un homme ou d’une femme, au détriment du débat d’idées et du projet de société. L’électorat se prononce sur l’émotion que suscite chez lui tel ou tel personnage, largement façonnée par l’image qu’en ont donné les médias, et non plus sur une ligne politique ou sur un programme. Le rôle d’un parti politique, dans une démocratie européenne, n’est en aucun cas de servir de tremplin aux ambitions d’un personnage. Il est avant tout de construire un projet sur la base d’un débat d’idées. L’abandon de toute idée de primaires devrait s’accompagner d’une sortie de l’obsession présidentialiste et d’un retour aux fondements républicains : un parti sert avant tout à bâtir un projet en exprimant les attentes de la Nation. Ce retour aux fondements de la démocratie aurait pour effet d’atténuer les clivages : on se déchire sur les passions autour du choix d’une idole mais on se réunit pour construire une ambition commune.

3- L’élection du nouveau Président des LR aura lieu les 10 et 17 décembre prochains, un scrutin pour lequel Laurent Wauquiez est annoncé favori. Dans le cas d’un renoncement aux primaires pour les échéances de 2022, en quoi la présidence du parti d’opposition peut elle être perçue comme un avantage ou un inconvénient dans la course présidentielle ? 

Etre président de l’un des deux grands partis traditionnels, surtout 5 ans à l’avance, me semble être aujourd’hui, en soi, un lourd inconvénient pour la présidentielle, voire une position quasi rédhibitoire. Toutes ces années à recevoir des coups, à devoir assumer des scandales, la calomnie, les dénonciations, les intrigues, les déchirements peuvent avoir pour effet de ternir son image en termes de choix présidentiel. En outre, les Français ont manifesté en 2017 leur rejet viscéral des partis traditionnels en élisant un président qui n’en provenait pas. Le scrutin de 2017 a déjoué tous les pronostics et rien de ce qui était prévu huit mois à l’avance ne s’est réalisé. Prendre un poste aujourd’hui à la tête d’un parti en pensant qu’il va permettre d’être élu président de la République me semble totalement inconcevable. En revanche, l’atout formidable de Laurent Wauquiez, s’il est désigné président de LR serait de prouver sa capacité à redonner un sens au mot politique : non pas la glorification narcissique d’un homme ou d’une femme, mais l’expression des attentes populaires, l’animation du débat d’idées, la conception d’une ligne politique, d’un projet collectif sur tous les grands sujets vitaux du moment : les institutions, l’autorité de l’Etat, la dette, l’emploi, la crise migratoire, la transformation nécessaire de l’Union européenne, la sécurité des biens et des personnes, l’indivisibilité de la France contre les communautarisme. S’il réussissait dans ce défi de réconcilier les Français avec la politique son image en sortirait évidemment grandie et il pourrait s’imposer comme l’homme de l’avenir.

 

A propos maximetandonnet

Ancien conseiller à la Présidence de la République, auteur de plusieurs essais, passionné d'histoire...
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11 commentaires pour Les primaires cause de la débâcle?

  1. Colibri dit :

    @Philippe Dubois, « Heureusement que Churchill n’a pas été un modéré en mai-juin 1940 et après et n’a pas été un apôtre de la non-violence. » Votre remarque est juste bien entendu. Remarquons au passage qu’une fois la guerre terminée les Anglais ne votent plus pour lui et ne le remercient guère de ce qu’il a fait pour leur pays et le nôtre. Hier j’ai visité le château de Nérac, visite guidée d’une heure. Il a été beaucoup question d’Henri IV et des guerres de religion. Ce n’était pas un modéré mais passé le temps des horreurs il a cherché à modérer et réconcilier notre pays. Celui lui a coûté la vie. Je vois bien que la non-violence intéresse peu de monde. L’époque ne s’y prête pas. Mais deux guerres mondiales nous ont fait très très très mal. Nous en payons encore le prix aujourd’hui. Si nous en faisons une troisième la quatrième nous la ferons au lance-pierre aurait dit Einstein. Pour ce qui est de la droite mon opinion est la suivante: elle n’existe pas. Il existe des droites. Le ciment des droites françaises de 1945 à 1989 a été l’anticommunisme. Avec l’effondrement du communisme dans l’ex-URSS et le communisme chinois qui devient de plus en plus un capitalisme d’Etat, la droite française n’a plus de ciment. La lutte contre l’islamo-fascisme sera-t-il le prochain ciment des droites françaises? Personnellement je n’en sais rien. Je suis assez d’accord avec vous sur les quatre dernières lignes de votre commentaire.

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  2. Janus dit :

    Les problèmes de fond ne sont jamais abordés et le système sélectionne avec une efficacité parfaite les têtes de partis parmi les médiocres qui surtout n’énonceront pas clairement les problèmes à traiter et ne diront surtout pas comment et jusqu’où ils veulent aller.
    Cette génération politique est constituée quasi intégralement d’amateurs, de lâches vis à vis des médias et d’inconséquents. Leur seul mobile sérieux et qui résiste à toutes les difficultés de la vie politique : La soupe.
    L’empire romain s’est effondré en un peu plus de 100 ans. La France mettra beaucoup moins de temps a disparaitre en tant que telle : 15 à 20 % des habitants de ce pays ne sont pas français et ne souhaitent pas le devenir, 30% sont des crétins décérébrés de gauche ou de droite, le reste ne se sent pas encore suffisamment menacé pour réagir et regarde les soubresauts de l’agonie de notre pays comme on regarde les actualités sanglantes à la télé : Avec intérêt et distance comme si cela ne la concernait pas.
    Zbigniew Brzeziński a réussit son projet , au moins pour la France : Elle ne sera plus pour longtemps un compétiteur conscient et maître de son destin, mais un pays de consommateurs, impuissant et sans autonomie, rongé par les déchirements internes.
    A quand une mission de la Forpronu pour mettre un peu d’ordre dans nos banlieues ?

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  3. Colibri dit :

    Je n’ai pas lu ce livre et je ne sais pas du tout ce qu’il vaut réellement mais dans sa présentation il y a quelques idées et points de vue à prendre en compte peut-être?

    http://livre-religion.blogs.la-croix.com/revue-la-revue-du-mauss-ausculte-le-retour-de-la-religion/2017/08/20/?from_univers=lacroix

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  4. Gérard Bayon dit :

    Bonjour à toutes et à tous,
    Je partage votre analyse sur les chances plus que réduites qu’aura le futur leader LR de devenir Président de la République en 2022, surtout s’il s’agit de L. Wauquiez, personnage sans doute très intelligent mais déjà trop clivant au sein de son propre camp alors qu’il n’est que candidat.
    Les idées de la droite modérée, que je crois toujours majoritaires parmi les Français sont devenues inaudibles parce que combattues en permanence par les médias, les intellectuels et les associations majoritairement de gauche et surtout mal expliquées et défendues par cette droite qui ne sait pas trouver les mots ni les femmes/hommes suffisamment crédibles et reconnues pour les porter.
    Je pense que la droite modérée pêche par orgueil et suffisance. Elle oublie ses décennies de pouvoir absolu sans résultat. En se croyant comme un de ses ex-leaders « handicapée par son intelligence », elle ne sait plus parler à « Madame ou Monsieur Michu ». Elle ne sait plus convaincre, elle ne sait plus démonter et contrecarrer simplement mais efficacement les idées de cette gauche hors sol qui dispose aujourd’hui de tous les relais à sa botte au sein de l’administration et des médias.
    Sa dernière expérience de débat d’idées (en 2009 sur le thème de l’identité nationale) s’est soldée par un échec retentissant parce que confiée à un homme qui n’en avait ni les compétences ni la légitimité et surtout qui n’a pas su le diriger.
    Alors oui, il est temps de relancer le débat d’idées mais commençons par les choisir les bons thèmes prioritaires, les bonnes personnes pour le porter et les bons relais pour le faire vivre au-delà de la polémique stérile.

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    • Colibri dit :

      Bonjour ou bonsoir à toutes et à tous, pour tenir compte de la remarque de Cyril45. Oui sans doute que nous ne nous disons plus assez bonjour, bonsoir, svp, merci, pardon. Sans doute que nous ne nous parlons plus assez pour de vrai. Nous utilisons si souvent le téléphone, les textos, les réseaux sociaux, les transports en commun, nous passons tant de temps devant les écrans, nous sommes si souvent avec des écouteurs dans les oreilles que nous en perdons l’usage de la parole pour de vrai en direct live avec les autres.

      Oui en temps de crise les modérés ont du mal à se faire entendre qu’ils soient modérés de gauche ou modérés de droite. Quand le ton monte écouter l’autre devient difficile. La tentation d’un durcissement des idées et des solutions s’impose sur la modération de la discussion et la recherche d’une synthèse modérée de la confrontation d’idées pour faire place à la confrontation tout court débouchant souvent alors sur de la violence en idées, en paroles, en actes.

      Je crois que Hugues nous avait fait des remarques sur les inventions humaines qui bousculent l’ordre établi, inventions auxquelles les politiques doivent s’adapter, inventions provoquant des changements de société que les politiques ont du mal à gérer.

      J’en vois plusieurs et il y en a qui doivent m’échapper. L’invention des moyens contraceptifs féminins ont changé les rapports hommes femmes. L’invention du moteur à réaction a multiplié les mouvements de populations internationaux ( et les déplacements de microbes et virus à grande échelle). L’invention du moteur de fusée a permis la mise en orbite de satellites d’observation de la Terre et de satellites de télécommunications qui ont favorisé la circulation des informations tout autour de la Terre jour et nuit. Il n’y a plus de jour et de nuit et de dimanches. L’invention de la télé, des téléphones portables tous équipés aujourd’hui d’appareil photo et de caméra performants, l’invention de l’ordi portable lui aussi équipé d’une caméra, les réseaux sociaux, modifient nos rapports avec les autres. Et je suppose que l’ordinateur branché sur un robot va se généraliser et modifier nos vies. Reste alors une question qui n’est pas nouvelle: en quoi le progrès est-il une bonne chose en soi? (J’ai oublié l’invention de l’électricité pour tous…)

      Dernière remarque pour aujourd’hui: nous n’avons pas d’organisation mondiale qui empêche les conflits mondiaux, nous ne parvenons pas à mettre en place une répartition équitable des richesses, nous nous intéressons trop peu à la non-violence.

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    • Philippe Dubois dit :

      Bonjour à toutes et tous

      @ Colibri : 23 août 2017 à 16:35

      Heureusement que Churchill n’a pas été un modéré en mai-juin 1940 et après et n’a pas été un apôtre de la non-violence.

      Quand les périls montent, quand la France et l’Europe font face à un ennemi qui veut le détruire, il n’y a pas de place pour des solutions modérées, ménageant chèvre et chou dans un compromis bancal ; il y a nécessité d’une solution efficace
      Cela est pareil pour tous les maux dont souffre notre pays.

      La droite est inaudible justement parce qu’elle veut être modérée, i.e. ne pas déplaire aux censeurs de gauche qui s’arrogent le droit de définir ce qui est le Bien et ce qui est le Mal.
      La droite sera crédible quand :
      – elle présentera un vrai programme de droite dans toutes ses composantes et non pas simplement une purge économique
      – elle aura le courage de virer les tièdes,les peureux, ceux qui tremblent à l’idée de déplaire à Patrick Cohen ou JM Aphatie ou qui craignent de se faire réprimander par un glandeur-apparatchik de l’UNEF, un cultureux degôche ou un leader d’une assoce « anti-raciste » ou lgbt
      – elle trouvera des personnes crédibles pour porter ce programme : je considère que tous ceux et celles qui ont participé à un quelconque gouvernement de ces 30 dernières années sont cramés, ainsi que celles et ceux qui ont essayé de se placer pour l’après Juppé en 2022

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    • P. Dubois, Churchill, comme Clemenceau ou de Gaulle, était un modéré au sens où je l’entends, un démocrate ouvert au débat d’idées et au pluralisme dont la grande heure fut la guerre sans merci livrée à un régime totalitaire et raciste. Modéré va souvent de pair avec fermeté et détermination, tandis que l’extrémisme et l’intolérance sont signes de faiblesse.
      MT

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    • Philippe Dubois dit :

      Bonjour
      @ Maxime : 25 août 2017 à 07:51
      Votre définition de modéré n’est pas celle que j’ai retenue et que je pense communément admise.
      Cela dit, je suis un fervent partisan du débat d’idées et de la liberté d’expression, tout en souhaitant des solutions efficaces aux maux dont souffre la France.
      J’estime toutefois que ces solutions ne pourront être que drastiques et qu’elles n’apparaîtront pas comme modérées aux yeux d’un grand nombre de personnes et notamment de la caste médiatique.

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    • P Dubois, l’inverse de « modéré », c’est « extrême » et l’extrémisme n’a jamais conduit qu’à d’épouvantables désastres (Hitler, Mussolini, l’URSS, Mao, Pol Pot, etc.)
      MT

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    • Philippe Dubois dit :

      @ Maxime : 25 août 2017 à 08:39

      Parmi les antonymes de modéré, on trouve aussi : élevé, fort et grand.

      Nous en revenons toujours à l’acception du terme modéré et du contraire que vous citez : extrémiste.
      Soyez certain qu’une solution qui aurait l’heur de déplaire un tant soit peu aux gauchistes et à la caste médiatique se verrait immédiatement taxée d’extrêmiste, de fasciste, etc..

      Une solution est efficace ou n’est pas : si elle est exagérée, un des contraires de modéré, elle devient inefficace.

      Pour résumer, une solution doit être efficace, ferme et juste (ou le moins injuste possible)

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    • P Dubois, les synonymes de modéré sont mesuré, équilibré, bon sens, raison, et la modération qui est le contraire de l’extrémisme ou de l’excès, ou de l’exagération comme vous le dites vous même, est la clé d’une bon gouvernement.
      MT

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