« La France veut être gouvernée »

images« La France veut être gouvernée » déclarait Jules Moch dans son discours d’investiture en octobre 1949, dans un climat de chaos et de peur. Peut-être, se dit-on, suffirait-il finalement de peu de chose pour sortir la France de la morosité, de la résignation et de l’angoisse. Sans doute n’est-il pas nécessaire de changer ni les traités internationaux ni la Constitution. La politique ne cesse de fuir dans la posture et la parole, désertant le monde réel. La grandiloquence et les psychodrames sont une expression exemplaire  de la fuite devant la réalité. Un signe de volonté politique réelle et sincère, désintéressée,  suffirait à changer la donne, l’état d’esprit collectif et à réinsuffler la confiance. « La France veut être gouvernée » et non manipulée. La Jungle dans le Calaisis n’est rien d’autre que l’un des résultats d’une désertion de près de vingt années. Le problème des migrants qui s’accumulent au Nord de la France pour passer en Grande Bretagne existe depuis 1999. Aucun gouvernement – aucun – n’a su le traiter durablement et en profondeur. Un gigantesque bidonville de 10 000 habitants, vivant dans des conditions insoutenables, avec femmes, enfants, les maladies, le froid, la violence, les passeurs criminels: quel désastreux symbole, depuis dix-sept ans, d’un Etat sans volonté. Car enfin, depuis dix-sept ans, personne n’a voulu choisir:  laisser partir les migrants où ils veulent aller, en Grande-Bretagne, quitte à encourir les foudres de cette dernière à propos d’une situation dont elle est responsable (par sa tolérance envers le travail clandestin), ou bien les empêcher d’entrer sur le territoire français en intervenant en amont, sur le point de départ ou aux frontières européennes et nationales… Le résultat de l’indécision, indécision globale de dix-sept ans, nous l’avons devant les yeux: un désastre humanitaire en France. Aujourd’hui, les habitants du Nord s’apprêtent à se venger de la honte qu’ils subissent – un désastre humanitaire chez eux – par un vote de colère aux régionales même si ce vote de colère est sans issue et ne peut qu’envenimer le drame. Nous qui aimons la France, ce vote nous blesse profondément, comme une humiliation, comme les images insupportables de la Jungle. Attention: le Nord préfigure la France des années 2020! Plutôt que de parler, donner des coups de menton ou gesticuler, le rôle d’un gouvernement est de décider, d’agir, de choisir et de gouverner dans le seul intérêt général, au prix du risque, de l’audace et quitte à déplaire puis à disparaître s’il échoue: et alors, est-il plus digne de s’incruster dans le renoncement ou de se retirer après avoir tout essayé? entre les deux que retiendra la postérité? Tenter et assumer: voilà ce que nous ne savons plus faire.  Voilà ce qu’il nous faut réapprendre en priorité absolue, réapprendre à gouverner, réapprendre la politique au sens noble du terme.

Maxime TANDONNET

A propos maximetandonnet

Ancien conseiller à la Présidence de la République, auteur de plusieurs essais, passionné d'histoire...
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58 commentaires pour « La France veut être gouvernée »

  1. François dit :

    @ en passant

    Souffrez que le « gros malin » réponde à votre interrogation métaphysique par un proverbe bien connu : comparaison n’est pas raison ! C’est en cela que la citation de Winston Churchill s’appliquait parfaitement : pour des ministères à périmètre de compétences identiques (et déjà là, les premières difficultés commencent), le volume de fonctionnaires varie d’un État à l’autre en fonction de divers facteurs : historiques, constitutionnels (État fédéral ou non), statutaires, etc.

    C’est donc au regard de la situation propre de la France que j’affirme que nous avons trop de fonctionnaires :

    Peu ou prou, l’emploi public représente 1/5 des emplois, notre dette publique atteignait 95,6% du PIB fin 2014, les dépenses publiques représentent 57 % de notre PIB, etc., etc. Alors, bien sûr, les fonctionnaires ne sont pas responsables à eux seuls de ces hausses vertigineuses, mais ils y contribuent. Lorsque l’État ou une région recrute un fonctionnaire, il en prend pour au moins un demi siècle (retraite). La décentralisation fut (est toujours) l’occasion de gabegies sensationnelles. Certes, l’État se désengage un peu partout et transfère de ce fait une partie (mais une partie seulement) de ses compétences. Mais si l’on regarde ce qu’a entraîné la création de communes, nous avons dans la plupart des cas embauché en double ce que le communes avaient déjà. La France est devenue le pays des doublons !

    Toujours pas convaincu ? Prenons alors le cas du ministère de l’agriculture. En 20 ans, la population active agricole est passée de 1,9 million en 1980 à 0,9 million en 2005. Or, l’effectif du ministère de l’agriculture s’est accru de 6,5 % si on prend en compte les emplois budgétaires du seul ministère et il a doublé si on intègre dans le calcul les agents des opérateurs du secteur agricole (18.480 en 1980 et 35.646 en 2006 selon les éléments sur les effectifs gérés communiqués par le ministère). C’est cela une saine gestion ?
    http://www.terre-net.fr/actualite-agricole/economie-social/article/fonctionnaires-cour-des-comptes-agriculture-202-60364.html

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  2. michel43 dit :

    Bizarrement , pas un MOT..sur les dizaines de Milliers de FONCTIONNAIRES. détaché de leurs ADMINISTRATIONS , pour gérer les syndicats , OUI. dans certaines administrations, il sont trop nombreux , seulement, il y a le STATUT a quoi sert désormais la banque de FRANCE ; les SOUS PREFECTURES ,PEU de gendarme en province , Mais tout les jours des Milliers de gendarmes et leurs véhicules , transporte la racaille , au Tribunal , et la VIDEO , on est en 2015 ? la FRANCE veut être diriger ,PAS PARS DES VOYOUS que la justice a OSER condamner ,ou DES MENTEURS : Sarkozy et Hollande

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  3. en passant dit :

    « Je ne crois aux statistiques que lorsque je les ai moi-même falsifiées. »
    Winston Churchill

    Ah bon, gros malin ? Et comment jugez-vous qu’il y a « trop de fonctionnaires », sans statistiques ?

    Cela remet en cause vos petits préjugés, donc vous nous sortez Churchill. Laissez-le donc où il est, le pauvre.

    La FP vous répond en choeur : « we are awaiting the long-promised invasion. So are the fishes… »

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  4. François dit :

    @ en passant
    « Je ne crois aux statistiques que lorsque je les ai moi-même falsifiées. »
    Winston Churchill
    La sous-traitance : je ne suis pas contre le principe, mais à deux conditions : qu’on ne réinvente pas les fermiers généraux de l’ancien régime et que le service rendu soit de qualité (et c’est là que souvent le bât blesse).

    @ Freddie
    Hélas, si, je vous crois bien volontiers ! La lâcheté est la chose la mieux partagée au monde. Pour compléter ma réponse faite à Maxime, il faut y ajouter le rôle néfaste des syndicats qui s’arrogent des droits dans l’avancement des fonctionnaires qu’ils ne devraient pas avoir, mais là encore, c’est dans la peur des chefs qu’il faut en chercher la raison principale : pas de c…s, pas d’embrouilles… Dans la fonction publique, la gestion des ressources humaines est, d’une façon générale, une parodie de gestion.
    Ce que vous décrivez dans le fonctionnement de votre copro n’est pas l’égalité, mais l’égalitarisme !

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  5. Freddie dit :

    @François, je ne sais pas si vous allez me croire, mais j’ai bossé dans une grosse boite privée où le fonctionnement était très similaire : impossible de récompenser les plus bosseurs, impossible de sanctionner les flemmards, et progression lente et égalitaire pour tous à l’ancienneté. En cause : non pas le statut, mais la simple recherche de paix sociale et de désamorcer l’envie. Et encore, la boite pouvait se le permettre, mais j’ai vu la même chose dans des PME. Et si je voulais faire une blague à Maxime, je dirais que dans ma copro, entièrement régie par le droit privé, ce n’est certainement pas au mérite et à la performance que se font les élections au conseil syndical, ni le choix du syndic, ni tout un tas d’autres choses… au delà du « symptôme fonctionnariat », je me demande s’il ne faudrait pas s’interroger sur une culture où, très souvent, l’excellence est réprimée et la conformité appréciée, une culture qui a fait de l’égalité une part de sa devise nationale, recherche d’égalité qui en est la face noble, tandis que la bonne vieille envie en est la face cachée.

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