Echange amical avec Hugues (suite billet A. Juppé)

Maxime,

je pense que votre diagnostic sur « la société française qui vit dans un climat de souffrance et d’inquiétude face au chômage, l’exclusion des jeunes, la violence endémique, les menaces extérieures (terrorisme, daesh) » est tout simplement très exagéré. Je ne nie pas qu’on puisse avoir peur d’un ou de plusieurs de ces maux, mais je ne pense pas que la société française dans son ensemble vit dans l’angoisse continuelle de ces maux. Et encore moins que les français soient si naïfs pour attendre des politiques des solutions miracles à tous ces maux.

Jouer sur les peurs pour être élu, c’est une tactique vieille de mathusalem, mais je ne pense pas que la majorité silencieuse de droite à laquelle j’appartiens (comme celle de gauche d’ailleurs) y soit très réceptive. J’en suis plutôt lassé.

J’aime Juppé, quand justement il exprime ces valeurs humanistes et chrétiennes. Je voudrais l’entendre un peu plus sur une approche libérale de l’économie, où le travail et le mérite l’emportent sur le copinage et le clientélisme. Je l’aime aussi quand il exprime ses idées libérales plus sociétales (mariage homo par exemple).

Par contre, cette tactique est-elle la bonne pour être choisi comme représentant de la droite pour 2017? comme je le disais précédemment, j’en viens à douter. Donc je ne pense pas, hélas, que, de ce point de vue, vous soyez dans l’erreur…

Hugues

REPONSE:

Hugues, merci pour ce commentaire très intéressant et éclairant. Vous avez l’impression que ma vision est « très exagérée » parce qu’il y a deux France. La nôtre, qui ne vit pas dans l’angoisse quotidienne en effet. Et puis la France de l’exclusion, celle des « quartiers », d’origine populaire où vivent majoritairement des personnes en situation de grande précarité ou issues de l’immigration. Celle des postes de police et collèges en banlieue, celle des policiers victimes de violences, des immeubles tagués, de l’échec scolaire, de taux de chômage des jeunes de 40%,  des squats sordides, des habitants qui ne peuvent pas sortir de chez eux sans être insultés, des ascenseurs en panne, puant la pisse, de la dictature des dealers, des enfants racketés à la sortie de l’école, des enseignants insultés et frappés, des gens qui ne peuvent pas déménager car ils n’en ont pas les moyens, de tous les jeunes qui galèrent de cdd en cdd. Je mentirais en vous disant que je partage au quotidien la souffrance de cette France. Mais je la sens, je la vois, je l’entends, je l’écoute. Parlez dix minutes avec un professeur de LEP en région parisienne ou avec un fonctionnaire de police dans un quartier sensible, surtout une femme, par exemple, ou un médecin, un travailleur social (cela je le fais le plus souvent possible) et vous comprendrez tout de suite. J’ajoute que les Français sont beaucoup plus intelligents que ce que pense en général la classe dirigeante. Ils voient qu’une partie de la planète est en train de s’embraser, notamment au Moyen-Orient et en Afrique. Ils comprennent qu’une barbarie génocidaire de la pire espèce, marquée par les massacres, les viols, la torture, notamment contre les minorités chrétiennes et Yazidies, progresse chaque jour. Ils savent  que l’Europe et la France vivent sous la menace du terrorisme islamiste et comment pourraient-ils ne pas ressentir une profonde inquiétude face à cette réalité? Non, le temps n’est pas à l’angélisme ni à l’optimisme. Je vous assure que je n’ai rien contre la personne de M. Alain Juppé. Je trouve par exemple qu’il serait absolument minable que de l’attaquer sur son âge. Le papier sur son blog m’a profondément déçu car il m’a semblé relever  du déni de la réalité et de la fuite dans les bons sentiments douteux. C’est ainsi que je l’ai ressenti. Dès lors, pourquoi ne pas le dire? J’ai écrit cet article pour le Figaro Vox en espérant être utile, et non dénigrer. Parole d’honneur! mais sans véritable espoir car je connais les politique et je sais qu’ils n’en font qu’à leur tête.  Mon article a été vu et a déplu à ses partisans. Tant pis. La France veut être gouvernée, pas sermonnée. Moi je pense que M. Juppé et son équipe ont des chances (par défaut) de l’emporter en 2017. Mais s’ils s’en tiennent à un état d’esprit conforme au billet du blog que j’ai critiqué, ils laisseront la France en 2022 dans un état mille fois pire que celui où ils l’auront trouvée.  Et alors, la voie sera réellement ouverte pour l’aventure extrémiste (de droite ou plutôt de gauche d’ailleurs). qu’auront-ils gagné? C’est ce que j’ai essayé de montrer! Mais visiblement, sans être compris du tout! N’est-ce pas mon devoir de le dire dès lors que je le ressens ainsi et que j’ai la chance de disposer d’une tribune qui m’est offerte?
Bien cordialement
Maxime